Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur les crédits relatifs à l'aide publique au développement et au compte de concours financiers «Prêts à des États étrangers», à l'Assemblée nationale le 28 octobre 2015.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Loi de finances pour 2016-Examen, à l'Assemblée nationale, des crédits relatifs à l'aide publique au développement et au compte de concours financiers «Prêts à des États étrangers», le 28 octobre 2015

Texte intégral


Madame la Présidente, Madame la Présidente de la commission des affaires étrangères, Mesdames et Messieurs les Députés, nous sommes dans une année exceptionnelle pour le développement, marquée par de grands rendez-vous internationaux, tels que le sommet pour le financement du développement, à Addis Abeba, le sommet des Nations unies sur le développement durable à New York, où l'Agenda 2030 et les 17 objectifs de développement durable ont été adoptés, et la COP21, qui s'ouvrira dans quelques jours à Paris.
La France se met en position de répondre à ces enjeux avec les annonces fortes du président de la République, François Hollande : 4 milliards d'euros supplémentaires seront octroyés au développement en 2020, avec une montée en puissance progressive. Ces financements comprennent naturellement un volet Climat appuyé. Ainsi, parmi ces 4 milliards d'euros, 2 milliards sont destinés à la lutte contre le dérèglement climatique, portant le financement français de 3 milliards d'euros à 5 milliards d'euros en 2020. En complément, un volet «Dons» a été décidé, à hauteur de 370 millions d'euros.
Nous nous adaptons à un monde qui change car il doit prendre en compte les crises mondiales et leur évolution, au premier rang desquelles figure la crise des réfugiés. C'est d'ailleurs le sens de l'amendement de 50 millions d'euros sur le programme 209, que je défendrai tout à l'heure. Mais nous prenons aussi en compte la fin de la crise Ebola, dans laquelle nous nous sommes beaucoup impliqués, ou la fin des engagements en Afghanistan.
La France s'adapte en outre aux évolutions géopolitiques : notre pays participera ainsi à la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures. Nous construisons également le monde de demain, que nous voulons sans carbone ni pauvreté, et qui nous verra en ordre de bataille pour aider nos partenaires à atteindre les objectifs de développement durable.
Tel est le sens de la contribution française d'1 milliard d'euros au Fonds vert pour le climat et de l'amendement de 1 milliard d'euros issus de la taxe sur les transactions financières et destinés à la lutte contre le changement climatique, en particulier à l'adaptation, élément clé des négociations de la COP21.
La France tient ses engagements visant à maintenir l'aide projet et à renforcer l'aide bilatérale. Mesdames et Messieurs les Députés, vous nous avez adressé l'an dernier un message fort, qui a été entendu. Vous l'avez renouvelé cette année. L'aide aux réfugiés financera des actions concrètes, dont une grande partie s'effectuera certainement sous forme multilatérale, via les agences des Nations unies, comme le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés - HCR - et l'aide alimentaire. L'effet levier d'une réponse multilatérale est beaucoup plus important : elle constitue une des conditions de réussite pour répondre au défi auquel nous sommes confrontés.
Les fonds climatiques devront par ailleurs cibler les pays les plus vulnérables et permettre des actions d'adaptation. Là encore, les actions relatives au climat seront pour partie bilatérales.
Soutenir des fonds d'urgence permet aussi de tenir nos engagements, non seulement en aidant les réfugiés, mais aussi en renforçant les organisations non gouvernementales - ONG - humanitaires, en stabilisant l'aide alimentaire et en garantissant une sortie de crise.
Enfin, il faut soutenir les acteurs du développement dans l'esprit d'Addis Abeba, en poursuivant le doublement du financement aux ONG - les 8 millions d'euros qui s'ajoutent cette année portent ce financement à 79 millions d'euros d'engagements - en stabilisant les montants accordés à la coopération décentralisée, qui atteignent aujourd'hui 9,2 millions d'euros - vous avez largement soutenu cette vision, Mesdames et Messieurs les Députés, dans la loi de 2014 - et en soutenant le volontariat et l'engagement des jeunes, avec un budget stable de 19,2 millions d'euros. Ce sujet me tient à coeur : le volontariat devrait ainsi connaître prochainement une réforme, afin de s'ouvrir à un public plus large.
Ce budget porte un message fort : il stoppe la baisse des crédits de 500 millions d'euros en cinq ans et permet de reprendre une trajectoire croissante vers l'objectif de 0,7%, objectif que nous avons réaffirmé à Addis Abeba, lors de la conférence sur le financement du développement, tout en mettant l'accent sur les plus vulnérables - autre message d'Addis Abeba : 0,2% du revenu national brut sera consacré aux pays les moins avancés.
Vous avez adopté un amendement visant à renforcer encore cette dynamique. Tout cela va dans le même sens : c'est une bonne nouvelle pour le développement !
Je tiens à souligner que le présent budget participe d'une démarche générale : il y a la loi que vous avez votée et dont le cadre devient opérationnel ; il y a l'appel à l'efficacité que nous avons adressé à l'ensemble de nos opérateurs, pour que l'on puisse dire aux Français comment chaque euro est utilisé ; il y a ce budget ; enfin, il y a les réformes institutionnelles - je pense en particulier à trois volets : le rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations, la création et la mise en oeuvre d'Expertise France, puisque ça y est, notre outil est en place depuis le début de l'année, et la réforme de la gouvernance, elle aussi en route.
Nous avons adopté cette année des objectifs de développement durable ; nous nous mettons en ordre de bataille pour qu'ils soient atteints !
(Interventions des parlementaires)
L'aide publique au développement restera bien entendu le principal levier du financement du développement ; mais, on l'a rappelé à Addis Abeba, elle ne saurait assumer seule ce financement.
La France s'est engagée sur l'objectif de consacrer 0,7% de sa richesse nationale à l'aide publique au développement - et 0,2% pour les pays les moins avancés. Le présent budget en est une première traduction. J'ai donc beaucoup de mal à comprendre que certains groupes ne votent pas un budget non seulement stabilisé mais augmenté, alors que, depuis trois ans, ils avaient voté un budget en baisse.
Quant au fonds vert, des réunions se tiendront la semaine prochaine pour valider un certain nombre de projets - sans doute une dizaine. Le dispositif ne va sans doute pas assez vite, non plus que son abondement, mais il commence à fonctionner : nous avons beaucoup oeuvré en ce sens.
La jeunesse est aussi ma priorité pour l'Afrique : elle représente, au-delà du climat, le vrai défi pour les années à venir, à travers des mesures fortes en matière d'éducation, de mobilité ou de soutien aux programmes de santé. La France, avez-vous dit, ne tient pas tous ses engagements ; mais elle pourra justement tenir la plupart d'entre eux grâce à l'augmentation budgétaire dont nous parlons.
Ce budget, nous nous sommes tous battus pour l'obtenir. Je m'en réjouis donc pour le développement, et je me réjouis qu'il nous permette d'affronter les défis qui sont devant nous.
(Interventions des parlementaires)
Votre attachement au sujet dont vous avez parlé est connu ; vous l'aviez d'ailleurs évoqué l'an dernier aussi. Je partage cet objectif d'un équilibre entre les prêts et les dons, ceux-ci devant être destinés en priorité aux pays les plus fragiles ou les plus pauvres. C'est ce que nous avons rappelé à Addis Abeba, où fut réaffirmé l'objectif de consacrer 0,2% de la richesse nationale aux pays les moins avancés.
La France, par la voix du président de la République, a annoncé en septembre dernier une hausse de sa contribution à l'aide au développement de plus de 4 milliards d'euros d'ici à 2020 - une partie de cette somme devant aller à la lutte contre le réchauffement climatique -, dont 370 millions supplémentaires au titre des dons. Nous avons donc la volonté de ne pas dégrader le ratio entre prêts et dons.
Les résultats de l'Agence française de développement sont satisfaisants, même si l'on doit faire plus et mieux : il faut saluer, sur ce point, la loi de juillet 2014, largement soutenue sur tous les bancs de votre assemblée.
N'opposons pas prêts et dons : les deux sont nécessaires, en fonction des situations géographiques et des caractéristiques des pays concernés. La France est le seul pays à bénéficier d'une palette d'outils aussi diversifiés : ceux-ci apportent des réponses aux pays les plus pauvres comme aux pays émergents, aux demandes des organisations non gouvernementales - ONG - comme aux collectivités ou aux entreprises. L'adossement de l'Agence française de développement à la Caisse des dépôts et consignations permettra à cet égard de faire mieux, notamment en termes d'efficacité.
(Interventions des parlementaires)
Le président de la République a fait des annonces fortes, notamment sur l'octroi de 4 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'aide au développement à l'horizon 2020, dont 2 milliards en faveur de projets relatifs à la lutte contre le réchauffement climatique. Au total, la contribution française passera donc de 3 à 5 milliards d'euros d'ici à 2020. C'est là une réponse, par le développement, à la crise des réfugiés mais aussi à la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces annonces se sont traduites par deux amendements du gouvernement au PLF pour 2016, lesquels tendent à abonder de 150 millions d'euros les ressources budgétaires prévues pour l'aide au développement. Sur cette somme, 100 millions d'euros seront dédiés au climat, principalement au titre de l'adaptation - dont je m'efforce qu'elle ait tout sa place -, et aux pays les plus pauvres, qui sont aussi les plus vulnérables au phénomène du réchauffement climatique. Cette augmentation budgétaire a été rendue possible par le relèvement du plafond du produit de la TTF affecté au Fonds de solidarité pour le développement.
L'autre amendement, que je vous présente ici, vise à majorer de 50 millions d'euros les crédits de paiement de la mission «Aide publique au développement», traduction budgétaire des annonces du président de la République.
(Interventions des parlementaires)
Puisque vous m'avez questionnée sur l'amendement parlementaire qui augmente les crédits de cette mission, je voudrais dire que vous avez souhaité augmenter le budget de cette mission et que vous avez été entendus. Pour ma part, je m'en réjouis au nom du développement, compte tenu des défis auxquels nous faisons face.
Toutefois, et la présidente de la commission des affaires étrangères l'a également rappelé, ces montants devront être gagés afin de respecter la norme de dépense. S'agissant d'un enjeu essentiel pour notre crédibilité internationale, nous allons le confirmer assez rapidement.
Concernant le présent amendement, je souhaite dire plusieurs choses. Nous partageons la même volonté : faire davantage de dons dans les années à venir, soutenir davantage les pays les moins développés et faire en sorte d'être le plus efficace possible.
Si je comprends bien le sens de cet amendement, je suis toutefois obligée de vous répondre, parce que je fonctionne ainsi, que, pour la première fois, je ne suis pas totalement d'accord avec vous. Vous voulez en effet renforcer les dons : or ce n'est pas ce qui se passera réellement ; du moins, cela s'annulera complètement.
Votre amendement a pour objectif de renforcer les dons en prenant sur les crédits consacrés aux bonifications de prêts. Or ces crédits sont déjà engagés. Cela reviendrait donc dans la pratique à réduire les aides budgétaires globales, c'est-à-dire à transférer du don d'un chapitre à un autre, et non à accroître la part des dons.
C'est la petite divergence qu'il y a entre nous. Je comprends et partage votre objectif, mais je pense que ce que vous proposez ne permettra pas de l'atteindre, l'enveloppe consacrée aux bonifications de prêts étant déjà engagée à hauteur de 98%.
L'avis est donc défavorable.
(Interventions des parlementaires)
Vraiment, si je pouvais vous dire oui, je le ferais, parce que nous avons la même volonté. J'ai dit à Addis-Abeba que la France serait davantage aux côtés des plus vulnérables, que ce soit dans la lutte contre le réchauffement climatique ou dans la lutte contre la pauvreté ; je l'ai répété à New York.
En l'espèce, c'est simplement un problème de petits tiroirs qui ne vont pas fonctionner. Le programme 110 comporte trois actions. Il y a d'abord l'aide multilatérale. On ne la changera pas : c'est notre participation à la Banque mondiale et autres institutions multilatérales. L'action n°2 est l'aide bilatérale. Elle comprend notamment les bonifications des prêts et, comme je vous l'ai dit, 98% de ces crédits sont engagés puisque ces prêts ont d'ores et déjà été accordés.
Et puis il y a, dans cette action n°2, une petite enveloppe destinée à d'autres opérations, notamment des dons. Les crédits dont vous aviez voté le redéploiement l'an dernier ont pu être pris sur cette enveloppe, dont le montant est de 35 millions, mais ce ne sera pas possible si vous demandez un redéploiement de crédit de 50 millions.
Quant à l'action n°3, c'est la réduction de la dette.
C'est donc en raison de la composition même de ce programme 110 qu'il est impossible d'y prendre ces 50 millions.
Il va de soi que faire plus de dons que de prêts aux PMA, notamment aux seize pays prioritaires ciblés par notre loi, est ma priorité, mais je ne peux pas le faire de cette façon. Trouver une source de financement complémentaire dans une fraction du produit de la TTF, comme le propose un autre amendement, on peut y arriver, mais la présente proposition est techniquement impossible à mettre en oeuvre.
(Interventions des parlementaires)
Je l'ai dit, les financements complémentaires iront en priorité - si vous en êtes tous d'accord, puisque vous êtes à l'origine de ces crédits - aux engagements que l'État a pris en matière de santé. Je pense à l'Alliance Globale pour les Vaccins et l'Immunisation ou GAVI : j'avais indiqué que j'espérais trouver une solution avant le 31 décembre. Ce sera le cas également des actions de santé au Sahel. Je vous le confirme.
(Interventions des parlementaires)
La France, à travers l'AFD, a pris l'engagement en 2013 de doubler ses efforts financiers en matière de sécurité alimentaire en Afrique. D'ici 2016, l'aide sera d'un montant annuel de 400 millions d'euros.
Je comprends votre souhait et nous nous sommes engagés, dans l'objectif de développement durable, à éradiquer la faim dans le monde et la malnutrition d'ici 2030. Nous allons donc devoir renforcer nos actions.
Vous proposez deux petites taxes, pour ainsi dire, au moment où nous nous sommes engagés à ne pas créer de taxe additionnelle sur l'huile de palme, tout simplement parce qu'il faudrait l'appliquer aux différentes huiles alimentaires. De même, s'agissant des boissons sucrées, il faudrait aussi parler du Spartan ou d'autres produits. À ce stade, honnêtement, je ne peux que donner un avis défavorable du gouvernement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 novembre 2015