Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur la gestion de la crise d'Ebola, à Paris le 29 octobre 2015.

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Circonstance : Conférence internationale sur le retour d'expérience de la gestion de la crise Ebola, à Paris le 29 octobre 2015

Texte intégral


Monsieur le Secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche,
Monsieur le Commissaire européen à l'aide humanitaire et à la gestion des crises, coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre Ebola, Cher Christos,
Monsieur l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la lutte contre Ebola, Cher David,
Monsieur le Coordinateur national de la lutte contre la maladie à virus Ebola, Docteur Keita,
Madame la porte-parole de l'Association des personnes guéries et affectées d'Ebola en Guinée, Chère Madame Camara,
Professeur Delfraissy,
Mesdames et Messieurs,
Il y a un an et demi, le virus Ebola se propageait dans trois pays - la Guinée, le Libéria et la Sierra Léone - et menaçait de frapper non seulement toute l'Afrique de l'Ouest mais aussi le reste du monde. Ayons une pensée aujourd'hui pour toutes les victimes. [Je souhaiterais que nous observions une minute de silence. [......]
Permettez-moi tout d'abord de rendre un hommage appuyé à tous les personnels soignants et humanitaires, locaux et internationaux, engagés sur le terrain depuis le début de l'épidémie, notamment ceux de Médecins Sans Frontières et des Croix-Rouge française et guinéenne. Nous leur devons beaucoup, j'ai pu le constater à l'occasion de mes déplacements en Guinée. Leur action a été remarquable.
Je tiens également à saluer la réaction des autorités guinéennes qui, face à une situation sanitaire inédite, ont su mettre en place un dispositif national pour coordonner et appuyer les actions.
J'ai souhaité aujourd'hui inviter Madame Camara, rescapée du virus, que j'avais eu la chance de rencontrer lors de mon premier déplacement en Guinée et dont le courage et l'engagement auprès des victimes m'avait beaucoup émue. Son témoignage nous rappelle la détresse humaine individuelle et familiale qui résulte de l'apparition d'une telle crise. Il nous encourage aussi à plus de solidarité et à accompagner encore davantage les personnes touchées par la maladie.
Je veux enfin vous remercier tous chaleureusement, pour votre présence ici aujourd'hui.
Je tiens à saluer nos amis et collègues issus de tous les horizons professionnels et de nombreux continents, d'Afrique, des institutions européennes - Cher Christos, je saisis l'occasion pour te remercier de l'implication importante de l'Union européenne dans cette terrible crise.
Elle a mis à l'épreuve nos institutions, au Sud comme au Nord, et dévoilé les forces et faiblesses de nos systèmes pour lutter efficacement contre une crise sanitaire majeure.
Elle questionne sur la priorité donnée à la construction de systèmes de santé robustes dans les pays en développement et de ce fait sur les modalités d'intervention de l'aide au développement dans le secteur de la santé.
Malheureusement, il y aura d'autres crises sanitaires dans un futur proche et nous devons donc tirer les enseignements de cette épidémie.
Cette conférence en a l'ambition.
Je voudrais tout d'abord partager avec vous ma réelle satisfaction, ma fierté, pour la forte mobilisation des différents acteurs français, tous représentés ici aujourd'hui.
La France aura mobilisé près de 600 personnels français et près de 160 millions d'euros.
La France a joué un rôle moteur au niveau européen pour mettre en place dès septembre 2014 un système mutualisé d'évacuation sanitaire et pour faire avancer la réflexion sur un dispositif de réserve européenne de personnels sanitaires.
L'ensemble des acteurs français a répondu présent et s'est déployé avec détermination sur le terrain, dans un contexte particulièrement difficile : souvenez-vous, il y a un an, la peur, l'incertitude, les images terrifiantes de malades, de centres de traitement, les rumeurs, ces photos de personnel dotés d'équipements de protection individuelle encore méconnus...
Je me suis rendue très tôt à Conakry et ai pu prendre la mesure du travail remarquable des personnels guinéens, des humanitaires et personnels français - je pense en particulier à MSF, à la Croix-Rouge française, à Alima, à WAHA et à ASF, mais également aux personnels hospitaliers français insérés dans leurs équipes, les «EPRUS».
Les personnels de la recherche française, de l'Institut Pasteur, de l'INSERM et de la Fondation Mérieux, ont également apporté une contribution inestimable à la lutte contre Ebola.
Notre ambassade à Conakry a contribué significativement à une gestion remarquable de cette crise, Merci Cher Bertrand.
La forte mobilisation des équipes de la sécurité civile et du service de santé des Armées aura eu un impact déterminant. Les enjeux liés à la formation des personnels des centres de traitement Ebola et à la garantie pour ces personnels de recevoir les meilleurs traitements en cas d'infection ont été cruciaux dans le dispositif mis en place.
Je n'oublie pas nos opérateurs, l'Agence française de développement et Expertise France. L'AFD a maintenu ses équipes et ses activités et a accompagné les Autorités guinéennes mais aussi nombre d'acteurs français dans cette lutte.
Je veux insister sur le fait qu'une telle crise n'est pas qu'une question d'urgence. Elle a un impact de long terme et nécessite une action de long terme, structurelle. C'est pour cela que notre soutien perdure. Les conséquences économiques et sociales seront longues à dépasser.
La France a également démontré qu'il ne fallait pas isoler les pays :
- Air France a maintenu ses vols sur Conakry, et ses équipages, sur une base volontaire, ont choisi de les assurer. Je profite de ce point pour souligner le courage et l'implication des entreprises qui ont su aussi faire face à la crise ;
- Le personnel du Lycée Albert Camus de Conakry a permis que la rentrée scolaire 2014-2015 se fasse comme prévu, dans un contexte de début septembre 2014 particulièrement anxiogène et incertain ;
- le président de la République a tenu à se rendre en Guinée, au pic de l'épidémie.
Enfin, un important travail interministériel a été mené, sous l'égide de la Task Force Ebola, mobilisant quotidiennement la santé, la défense, l'intérieur, la recherche et les affaires étrangères et le développement. Ce travail, piloté par le professeur Delfraissy et l'ambassadrice Christine Fages, a assuré la pertinence de la réponse française.
La France, je le disais, est intervenue en appui étroit de notre partenaire guinéen et en coordination constante avec les organisations internationales. Nombre d'entre elles sont ici représentées pour ce retour d'expérience et je m'en réjouis - merci à vous Cher David Nabarro d'avoir fait le déplacement pour faire part de votre précieuse expérience.
«Tous ensemble», pour reprendre le slogan de la coordination guinéenne Ebola, nous avons pu obtenir des résultats rapides.
Aujourd'hui, le virus Ebola n'a pas été totalement éradiqué. La problématique des réservoirs d'Ebola chez les patients guéris et donc de possibles re-contaminations se pose de façon aiguë - comme l'illustre l'actualité récente, et exige de maintenir notre vigilance et notre effort de recherche, comme pourra vous le dire mon collègue Thierry Mandon.
Après cette crise d'une ampleur inédite, nous devons tirer tous les enseignements possibles pour l'avenir : nous avons collectivement la responsabilité de nous préparer le plus efficacement possible à la prochaine épidémie de grande ampleur.
L'aide bilatérale, celle des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, aura joué un rôle crucial dans les trois pays les plus touchés. Ebola a de fait révélé les faiblesses des institutions multilatérales dans la réponse d'urgence aux crises sanitaires. Nous travaillons, au sein de l'OMS et à l'ONU, pour trouver des solutions et identifier des mécanismes de coordination comme de financement qui permettront à l'avenir de déployer une réponse rapide sur le terrain.
Ebola a également mis en évidence la fragilité des systèmes de santé. Il est urgent de remettre ces systèmes au coeur des priorités des politiques de développement.
Sur l'ensemble de ces questions la France travaille avec ses partenaires africains, européens et internationaux pour trouver des solutions opérationnelles.
Il y aura un avant et un après Ebola.
Ebola a été un signal d'alerte sur la situation sanitaire mondiale et notre manière d'appréhender les crises sanitaires.
Il est de notre responsabilité collective de définir un «après Ebola» plus protecteur pour la population mondiale. Je souhaite que vos débats d'aujourd'hui soient le plus libres et opérationnels possibles et y contribuent.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 novembre 2015