Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement. Nicolas SARKOZY était hier à Moscou, il a répondu aux questions de Ruth ELKRIEF et il avait deux messages, a-t-il dit, sur le plan de la diplomatie et c'est ce qu'il a dit à Vladimir POUTINE. 1°) Bachar el-ASSAD doit partir et 2°) il n'y a qu'un ennemi, c'est Daesh. En gros, c'est le même message que vous, vous portez au gouvernement. Finalement, il vous a rendu plutôt service.
JEAN-MARIE LE GUEN
Il s'est surtout prêté à une opération de relations publiques de monsieur POUTINE qui veut montrer à sa propre opinion publique que, loin d'être isolée, la Russie a les moyens de diviser les gens qui ne sont pas toujours d'accord avec sa politique. On y reviendra.
APOLLINE DE MALHERBE
De mettre un pied, en quelque sorte, au sein de la politique française.
JEAN-MARIE LE GUEN
Au sein de la politique française, au sein du camp occidental, au sein du camp de l'Union européenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Il est manipulé ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il se prête à une opération de relations publiques. Je ne discute pas l'idée qu'un responsable de l'opposition puisse retrouver et discuter avec d'autres chefs d'Etat internationaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Le fait qu'il y aille et qu'il parle avec Vladimir POUTINE en soi ne vous choque pas.
JEAN-MARIE LE GUEN
Simplement, il le fait à un moment, et il le sait très bien puisque nous ne sommes pas naïfs, qu'il le fait à un moment et dans des conditions, à la veille de la conférence de Vienne, où on est plutôt sur une opération de division de l'opinion occidentale pour dire les choses comme elles sont et de l'Union européenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais de ce point de vue-là, il ne s'est pas laissé faire puisque justement le message qu'il a porté est plutôt le même que vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui sur l'aspect Syrie des choses, mais il a dit des choses absolument incroyable s'agissant des sanctions.
APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ? Lesquelles vous ont le plus choqué ? Le fait qu'il veuille lever les sanctions contre la Russie ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je considère que la Russie est un partenaire historique de la France et un partenaire nécessaire de l'Union européenne. Simplement ces dernières années, notamment en Ukraine, il s'est passé des choses extrêmement graves qui laissent à penser que si nous n'y mettons pas bon ordre, si on ne rappelle pas à l'ordre en quelque sorte nos amis Russes, ils peuvent se permettre n'importe quoi, ce qui crée des peurs peut-être irrationnelles mais en tout cas des peurs certaines. Regardez ce qui se passe en Pologne aujourd'hui avec l'élection d'un gouvernement nationaliste qui est terrorisé à l'idée de voir les Russes revenir, pour faire simple. Donc à partir de ce moment-là si vous voulez, on peut discuter sur l'affaire des sanctions, mais on en discute dans la famille européenne. On ne va pas chez monsieur POUTINE dire : « Non, les sanctions ne sont pas une bonne chose. »
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'était une faute de la part de Nicolas SARKOZY de s'exprimer là-dessus ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que oui. C'était un cadeau à POUTINE qui est absolument inutile. Qu'en France, que dans les discussions que l'on peut avoir entre la majorité, l'opposition, à l'intérieur de la majorité, à l'intérieur de l'opposition, on se dise que finalement il faut plutôt aller vers une mise de côté des sanctions, tout ça est assez logique mais on ne va pas le dire devant monsieur POUTINE qui prend en quelque sorte le gage comme vous le savez, c'était quand même un jeu ; un jeu grave bien évidemment, pas un jeu pour s'amuser mais comme dans un jeu, on prend le gage et puis voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous ne lui faites pas de reproches sur le fond à Nicolas SARKOZY, vous lui faites plutôt des reproches sur la forme.
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur le fond syrien. Pour le reste, je trouve que son attitude vis-à-vis de l'Allemagne, son attitude vis-à-vis de l'Europe, on peut avoir des discussions, tout ça n'est pas simple, mais la manière dont il parle de tout cela
APOLLINE DE MALHERBE
Mais à quoi vous pensez concrètement, précisément ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je vous ai dit : l'affaire des sanctions, la manière dont il le calendrier de sa visite, la mise en scène de sa visite, tout ça, voilà. Alors il y a quand même des choses paradoxales. Vous vous souvenez qu'à l'été 2012, la première réaction de monsieur SARKOZY qui, la main sur le coeur, avait dit à monsieur François HOLLANDE, en déclarant avec le président du Conseil national syrien, c'est-à-dire l'opposition syrienne : « Comment ? Vous ne faites rien pour ces gens-là, monsieur HOLLANDE ? » Voilà ce qu'il nous avait dit à l'été 2012.
APOLLINE DE MALHERBE
Ç'avait été effectivement une de ses premières prises de parole publique après son échec.
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà. C'est les gens qui sont bombardés par POUTINE aujourd'hui, c'est-à-dire les gens pour qui il était prêt à mettre la main sur le coeur et à interpeller l'opinion internationale. Ce sont ceux qui sont bombardés par POUTINE. Est-ce qu'il a dit quelque chose à POUTINE sur ce sujet ? On n'en saura rien. Donc si vous voulez, on voit bien que c'est une opération où on aide POUTINE à avoir une attitude vis-à-vis de son opinion publique, vis-à-vis d'ailleurs
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce ça vous pénalise, vous ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. Je trouve que c'est une attitude l'opération de monsieur SARKOZY était une opération interne à la primaire de l'UMP. C'était évidemment une façon de se faire valoir par rapport à monsieur JUPPE et par rapport à monsieur FILLON. Monsieur FILLON qui a des positions pro-russes beaucoup plus que monsieur SARKOZY et monsieur JUPPE qui a une position, j'allais dire, d'un savoir-faire diplomatique plus caractérisées que monsieur SARKOZY, et donc entre les deux, il a essayé de se faufiler. Donc c'est une opération de politique intérieure et j'allais dire intérieure à son propre parti, mais il le fait fondamentalement en affaiblissant sur un point précis. Je ne le mets pas en cause sur la Syrie, je le mets en cause sur la question des sanctions qui mérite peut-être d'être débattue, mais d'abord entre Européens avant d'aller en débattre et de rendre les armes devant monsieur POUTINE.
APOLLINE DE MALHERBE
On reparlera de cette interview de Nicolas SARKOZY notamment à propos de ce qu'il a dit sur les régionales, mais encore un mot sur ces questions diplomatiques. Aujourd'hui à Vienne commencent les pourparlers pour tenter de trouver des solutions justement au conflit en Syrie. Depuis hier il y a les Américains, il y a l'Arabie Saoudite, il y a les Turcs, il y a les Iraniens et les Russes. La France elle rejoint, mais un peu par la petite porte, un peu sur le strapontin, elle n'était même pas invitée le 23 octobre dernier à Vienne lorsqu'il y avait les premiers pourparlers. On n'est plus dans le jeu ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas du tout. Vous savez qu'avant-hier, il y avait une réunion à Paris j'allais dire du camp de ceux qui pensent que l'opération russe est une opération dangereuse et en tout cas, qui s'interroge.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais ça, ce n'est pas réaliste. C'est-à-dire qu'on peut toujours se dire il y a un moment où quand même, elle existe cette opération. On est quand même obligé d'en parler.
JEAN-MARIE LE GUEN
Monsieur SARKOZY parlait de deux coalitions. Nous étions à Paris avec la coalition de ceux qui pensent qu'il faut à la fois lutter contre Daesh en priorité mais qu'il ne faut pas passer sous les fourches caudines de monsieur Bachar el-ASSAD. Et pour dire au-delà de monsieur Bachar el-ASSAD, puisque nous parlons de politique internationale, la question c'est aussi la question iranienne. Est-ce que nous pouvons accepter sans rien dire qu'un certain nombre de pays la Syrie, peut-être le Liban, évidemment l'Irak soient demain sous la coupe des Iraniens. Je pense que là
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais est-ce que vous avez les moyens de ne pas l'accepter ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais oui. Nous avons les moyens évidemment de faire pression sur le moyen terme. Pour l'instant, il y a une opération militaire extrêmement visible en Russie. Une opération comme celle-là, ça coûte un milliard d'euros en six mois. Est-ce que monsieur POUTINE a bien réfléchi ? Est-ce que nous ne pensons pas qu'au bout de ces six mois, il va bien falloir qu'il dise : « Maintenant, je passe à la table des négociations ». J'allais dire je l'espère d'ailleurs d'un certain point de vue ce qui se passe à Vienne avec la France, avec l'Allemagne, avec les pays arabes, et cætera, avec tous ceux que vous avez notés, je pense et j'espère que ça va être le moment où on va commencer à discuter sérieusement de la situation en Syrie qui est l'après-Bachar.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes d'accord là-dessus avec Nicolas SARKOZY quand il dit : « Il faut que Bachar el-ASSAD parte mais il son parti lui-même devra faire partie du dialogue ».
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, on peut discuter mais ce sont des évidences. Ce sont des évidences. C'est ce qu'a dit Laurent FABIUS et la diplomatie.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc encore une fois, vous êtes d'accord sur la même ligne.
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur le point syrien, oui ; sur la question des sanctions vis-à-vis de la Russie, non pas sur le fond mais sur la manière dont on va dire
APOLLINE DE MALHERBE
Dont on lui a donné des gages d'après vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Un gage, voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on revienne en France sur des questions qui préoccupent beaucoup les Français, la question de leur retraite puisque c'est aujourd'hui qu'il y aura ce rendez-vous au MEDEF des partenaires sociaux. L'idée pour ces retraites complémentaires, c'est qu'à partir de 2019, les salariés devront travailler un an de plus pour pouvoir toucher l'intégralité de leurs pensions sinon il y aura des pénalités. François HOLLANDE hier, il a dit : « Ce n'est pas un report de l'âge de la retraite, c'est une liberté qui leur est accordée ». Franchement, c'est un peu hypocrite quand même, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. On va vers une retraite à la carte. Nous avons un problème de financement des retraites.
APOLLINE DE MALHERBE
A la carte, ça veut dire qu'il y a aussi l'option la moins sympathique pour chacun.
JEAN-MARIE LE GUEN
Attendez, attendez. Nous avons un problème de financement des retraites parce qu'il y a un choc démographique qui a été en partie anticipé sur les retraites de base et vous savez que notre régime de retraite cette année, depuis la première fois depuis quinze ans ou vingt ans, est équilibré. Mais s'agissant des retraites complémentaires, le même effort n'avait pas été fait. Donc un choix est fait qui va vers une ouverture à la carte. Nous aurons le choix à partir toujours assez tôt ou en tout cas toujours à la même date et au même âge, et sans doute qu'il y aura
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais enfin, ce n'est pas vraiment un choix parce que dans ces cas-là, on perdra une partie de nos retraites complémentaires.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non ! Bien sûr, mais à ce moment-là, il y a des gens qui préfèrent avoir un petit peu moins de retraite pendant un certain temps, c'est ça l'accord. Ce n'est pas moins de retraite tout le temps.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est travailler plus pour gagner plus, ou arrêter de travailler et gagner moins.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. C'est un choix à la carte où effectivement vous pouvez partir plus avec une retraite un peu moins importante, et vous pouvez partir un peu plus tard avec une retraite qui est un peu plus importante. Donc si vous voulez, il y a un choix de vie en fonction aussi du patrimoine, de la manière dont les gens veulent vivre. On est de moins en moins. Si vous voulez, toute notre protection sociale qui doit être maintenue et c'est un des enjeux majeurs, elle va aller vers une individualisation, un choix qui va être donné de plus en plus à l'individu. La même position pour tout le monde, ce n'est finalement pas ce que souhaitent les Français et ce n'est pas le plus juste.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais du coup, vous perdez de vue quand même une forme d'égalité. Vous vous dites : « Ça, c'est un peu le modèle ancien. Il faut imaginer désormais »
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. L'égalité, ce n'est pas l'uniformité. L'égalité, c'est quand on met la pénibilité pour les gens qui ont alors, et qu'on met des clauses pour la retraite pour des gens qui sont partis, qui ont commencé à travailler très jeunes.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour vous, il y aura un nouveau modèle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, il y a un nouveau modèle de protection sociale, de nouvelles protections et qui sont des protections plus individuelles. Nous avons à la fin de la guerre et au cours du XXème siècle
APOLLINE DE MALHERBE
On passe du collectif à l'individuel quand même.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, absolument. Mais la solidarité elle est collective, mais les prestations, le choix est beaucoup plus donné. C'est exactement comme le compte personnel d'activité : on va donner aux gens les éléments parce qu'ils vont cotiser, parce que leur entreprise va cotiser pour eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas peur que ceux qui sont les plus faibles soient les plus pénalisés ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, parce que nous mettons en place des mécanismes de correction. C'est-à-dire, je vous parlais de la retraite, de la pénibilité où ceux qui sont partis, qui ont commencé à travailler très jeunes. Nous donnons un bonus à ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et nous donnons un bonus à ceux qui ont un travail particulièrement pénible. Voilà des éléments qui permettent de remettre de l'égalité réelle, ce qui n'est pas l'uniformité et les Français aujourd'hui nous demandent une individualisation. Moi, j'ai des enfants, je n'ai pas d'enfant, je suis en province, je suis à Paris, ce n'est pas la même chose. La vie est différente.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'est une mesure franchement de gauche ? Quand vous entendez Jean-Claude MAILLY qui à propos de cette réforme, lui, dit : « Tout le monde va morfler » ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais ça c'est des propos qui sont inexacts d'abord et ensuite caricaturaux. Ceux qui auraient morflé excusez-moi de ce terme mais je le reprends c'est si on ne fait rien, si on ne bouge pas. Vous avez un syndicalisme malheureusement, et une certaine forme de gauche dans ce pays, ça existe, qui est conservatrice. Simplement, le conservatisme ne mène à rien.
APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, ce n'est pas les Français. C'est une forme de gauche conservatrice.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais il y a une forme de gauche conservatrice qui effectivement ne comprend pas que le choix n'est pas entre rester comme on est aujourd'hui ou bien évoluer. Le choix, si nous ne nous réformons pas, il n'y aura plus de protection sociale. Je pense que le syndicalisme et pourtant, Force Ouvrière a cette tradition historiquement, je ne comprends pas aujourd'hui qu'elle se mette de côté c'est la négociation, c'est la discussion, et il nous faut plus d'individualisation des droits. Il nous faut plus de flexibilité au plan économique, mais il faut de nouvelles protections des salariés, plus de formation par exemple.
APOLLINE DE MALHERBE
Jean-Marie LE GUEN, vous parlez de cette gauche. Votre job à vous, c'est justement les relations avec le Parlement. Jusqu'à présent, vous étiez très occupé par les frondeurs, on ne les entend plus. Ils ont l'air d'avoir baissé les armes. Est-ce que c'est fini, les frondeurs ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je ne veux pas insulter les personnes, ne pas respecter les personnes. Ce que je vois, c'est que notre ligne, celle d'une gauche réformatrice, elle est en train de gagner. Voilà. Je sais que j'ai bien en tête les sondages, j'ai bien en tête les critiques et cætera.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais au sein de la gauche, dans cette bataille idéologique, vous dites les réformateurs, c'est-à-dire grosso modo vous, la ligne Manuel VALLS, en tout cas les autres que les frondeurs, sont en train de gagner.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce qui été défini par François HOLLANDE
APOLLINE DE MALHERBE
La ligne Macron, quoi.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, c'est François HOLLANDE, c'est Manuel VALLS, ça peut être Emmanuel MACRON, ça peut être d'autres. C'est une orientation qui est donnée et qui fait que la gauche est celle qui réforme notre pays en ayant en tête le bien-être des Français. Nous connaissons les pesanteurs, nous connaissons les difficultés, nous entendons ce que nous disent les Français. Les Français sont très inquiets de l'avenir. Il y a des menaces on en parlera peut-être -, il y a effectivement des questions d'avenir : la mondialisation, l'ubérisation dont on parle pour ça, il faut qu'ils aient confiance dans cette gauche qui leur propose de travailler de façon concrète à ce qu'on ait une économie compétitive. Sans économie compétitive, il n'y a pas de social.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça c'est votre combat.
JEAN-MARIE LE GUEN
avec une vraie réforme du social, le compte personnel d'activité, la personnalisation des retraites qui avait déjà été faite sur la pénibilité, qui avait déjà été faite sur l'allongement de la durée de la cotisation et non pas l'interdiction de partir en retraite comme le veut la droite, à 65 ans, ce n'est pas notre attitude, nous laissons aux gens plus de possibilités, c'est ça les nouveaux droits à la modernisation. Mais croire qu'on peut revenir à il y a 10 ans ou il y a 20 ans en arrière
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, c'est une erreur.
JEAN-MARIE LE GUEN
ça n'existe pas, ne serait que pour au moins une bonne raison, c'est que, en 10 ou 20 ans on a gagné trois ans d'espérance de vie, ce n'est quand même pas triste ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Parlons des régionales, Jean-Marie LE GUEN. Manuel VALLS a dit en début de semaine : « Il est hors de question de laisser gagner une région au FN, tout devra être fait pour l'empêcher ». Concrètement, ça veut dire quoi ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Concrètement, ça veut dire d'abord qu'on se mobilise, qu'on joue à fond le premier tour autour des candidats de gauche, et que nous demandons encore aujourd'hui, au moment où je vous parle, je souhaite que la gauche prenne conscience, par exemple dans des régions comme le Nord-Pas-de-Calais, tout serait changé si la gauche était unie, elle serait largement devant monsieur BERTRAND, qui fait une mauvaise campagne et qui a de mauvais scores, et mettrait monsieur SARKOZY devant ses responsabilités. Est-ce qu'il appelle ou non à voter pour la gauche ? Parce que c'est ça la question. Est-ce que monsieur SARKOZY appellerait à voter pour la gauche, ou bien maintiendrait sa liste au risque de faire
APOLLINE DE MALHERBE
Il vous a répondu hier, dans l'interview au micro de Ruth ELKRIEF
JEAN-MARIE LE GUEN
J'aimerais que la gauche ait l'intelligence
APOLLINE DE MALHERBE
il a dit : il n'y aura ni rapprochement, ni Front républicain.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je pense que c'est la position qu'il tient aujourd'hui, c'est une position sectaire, c'est une position cynique, c'est une position irresponsable, parce qu'il faudra bien, on le sait, que les Républicains, d'une façon ou d'une autre, se rassemblent, et dans le Nord-Pas-de-Calais, et dans la région PACA et peut-être dans d'autres régions, pour faire front contre le Front national.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, c'est ce que vous ferez à l'inverse. C'est ce que vous ferez à l'inverse, c'est-à-dire que quand vous, vous serez en position de vous retirer et d'appeler à voter pour la droite, vous le ferez.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais nous l'avons déjà fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le ferez
JEAN-MARIE LE GUEN
Au moment des élections départementales, mais nous ferons d'abord, nous voulons aussi savoir ce que nous dit la droite. Quand j'entends monsieur SARKOZY tenir ces propos, il ouvre un boulevard au Front national. Pourquoi ? Parce que
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on vous écoute, Jean-Marie LE GUEN, on a l'impression que d'un côté comme de l'autre, vous vous relancez tous cet argument, en disant : vous lancez un boulevard au Front national.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non non non, moi je ne pense pas que c'est monsieur SARKOZY qui crée le Front national, et je ne crois évidemment pas que c'est la gauche. Je pense que malheureusement le Front national est une réponse, j'allais dire, extrêmement simpliste, qu'on voit dans tous les pays d'Europe, hein, le Front n'a rien de national, il est xénophobe, comme en Suisse, comme en Pologne, comme en Suède, comme au Danemark. Partout ou presque partout, les forces xénophobes, face à la situation, la mondialisation
APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est le mal du moment.
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est un mal du moment, ou plus exactement, c'est un mal qui a toujours existé vous connaissez l'histoire, Apolline de MALHERBE, c'est pas parce que 70 ans les Français savaient que quand ils entendaient des idées xénophobes, ça conduisait, ce que rappelait François MITTERRAND en 95, c'est-à-dire que le nationalisme c'est la guerre, parce que finalement cette phrase, rappelons-là, il l'a dit en 1995, le nationalisme c'est la guerre, et j'allais dire, le nationalisme
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous le pensez toujours aujourd'hui.
JEAN-MARIE LE GUEN
aujourd'hui, du Front national, c'est y compris la guerre en interne, et donc ce sont des choses qui sont d'une autre nature que
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, quand vous dites : on fera
JEAN-MARIE LE GUEN
les divergences que je peux avoir avec monsieur SARKOZY sur la politique internationale ou sur
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous faites une distinction entre les deux, et vous seriez prêt, vous, si vous étiez électeur dans le Nord ou dans le Sud, à mettre le bulletin Xavier BERTRAND ou Christian ESTROSI, s'il le faut.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que la gauche.
APOLLINE DE MALHERBE
S'il le faut, vous le ferez.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que la gauche sera en devant, et j'attends des Républicains, une attitude républicaine, c'est-à-dire qu'ils prennent en considération, ce que nous avons déjà fait. Quand il a fallu être là, nous étions là, mais
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc vous serez au rendez-vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais nous ne pouvons pas, et nos électeurs, c'est pas simplement nous, c'est que la gauche se dit très sincèrement, mais quand elle entend monsieur SARKOZY, quand elle voit surtout monsieur BERTRAND ou monsieur ESTROSI, elle se dit « mais quelle est la différence avec le Front national ? », à la fois dans les thèmes, mais dans le sectarisme, dans le refus de la gauche. Si c'est ça les Républicains, mais évidemment les gens de gauche
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous leur demandez de se distinguer.
JEAN-MARIE LE GUEN
resteront chez eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur demandez de se distinguer.
JEAN-MARIE LE GUEN
Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Juste une dernière question. Hier, François HOLLANDE a été reçu par Lucette, 69 ans, dans son appartement à Montigny-lès-Metz, c'est comme ça qu'elle a été présentée, et il lui a dit : « Ici on est presque mieux qu'à l'Elysée, je peux vous le dire ». Il en a marre de l'Elysée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je ne dirais pas ça. Je ne connais pas bien le contexte, excusez-moi, mais il a voulu dire sans doute que le souci que nous avons et que nous voulons prendre d'ailleurs, des plus âgés, 67 ans c'est quasiment jeune dans la société d'aujourd'hui, mais la loi sur le vieillissement, on va vraiment faire en sorte qu'il y ait une attitude qui soit faite. Je ne connais pas les éléments en particulier
APOLLINE DE MALHERBE
Il était sur le terrain, il était quasiment en campagne hier et effectivement on voit bien que
JEAN-MARIE LE GUEN
mais c'est sans doute qu'il a vu une femme qui devait rayonner
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est dur la vie à l'Elysée.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah, c'est dur la vie à l'Elysée, ça je crois que ceux qui en doutent, ne devraient pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Jean-Marie LE GUEN d'avoir été notre invité ce matin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2015
Bonjour Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement. Nicolas SARKOZY était hier à Moscou, il a répondu aux questions de Ruth ELKRIEF et il avait deux messages, a-t-il dit, sur le plan de la diplomatie et c'est ce qu'il a dit à Vladimir POUTINE. 1°) Bachar el-ASSAD doit partir et 2°) il n'y a qu'un ennemi, c'est Daesh. En gros, c'est le même message que vous, vous portez au gouvernement. Finalement, il vous a rendu plutôt service.
JEAN-MARIE LE GUEN
Il s'est surtout prêté à une opération de relations publiques de monsieur POUTINE qui veut montrer à sa propre opinion publique que, loin d'être isolée, la Russie a les moyens de diviser les gens qui ne sont pas toujours d'accord avec sa politique. On y reviendra.
APOLLINE DE MALHERBE
De mettre un pied, en quelque sorte, au sein de la politique française.
JEAN-MARIE LE GUEN
Au sein de la politique française, au sein du camp occidental, au sein du camp de l'Union européenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Il est manipulé ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il se prête à une opération de relations publiques. Je ne discute pas l'idée qu'un responsable de l'opposition puisse retrouver et discuter avec d'autres chefs d'Etat internationaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Le fait qu'il y aille et qu'il parle avec Vladimir POUTINE en soi ne vous choque pas.
JEAN-MARIE LE GUEN
Simplement, il le fait à un moment, et il le sait très bien puisque nous ne sommes pas naïfs, qu'il le fait à un moment et dans des conditions, à la veille de la conférence de Vienne, où on est plutôt sur une opération de division de l'opinion occidentale pour dire les choses comme elles sont et de l'Union européenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais de ce point de vue-là, il ne s'est pas laissé faire puisque justement le message qu'il a porté est plutôt le même que vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui sur l'aspect Syrie des choses, mais il a dit des choses absolument incroyable s'agissant des sanctions.
APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ? Lesquelles vous ont le plus choqué ? Le fait qu'il veuille lever les sanctions contre la Russie ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je considère que la Russie est un partenaire historique de la France et un partenaire nécessaire de l'Union européenne. Simplement ces dernières années, notamment en Ukraine, il s'est passé des choses extrêmement graves qui laissent à penser que si nous n'y mettons pas bon ordre, si on ne rappelle pas à l'ordre en quelque sorte nos amis Russes, ils peuvent se permettre n'importe quoi, ce qui crée des peurs peut-être irrationnelles mais en tout cas des peurs certaines. Regardez ce qui se passe en Pologne aujourd'hui avec l'élection d'un gouvernement nationaliste qui est terrorisé à l'idée de voir les Russes revenir, pour faire simple. Donc à partir de ce moment-là si vous voulez, on peut discuter sur l'affaire des sanctions, mais on en discute dans la famille européenne. On ne va pas chez monsieur POUTINE dire : « Non, les sanctions ne sont pas une bonne chose. »
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'était une faute de la part de Nicolas SARKOZY de s'exprimer là-dessus ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que oui. C'était un cadeau à POUTINE qui est absolument inutile. Qu'en France, que dans les discussions que l'on peut avoir entre la majorité, l'opposition, à l'intérieur de la majorité, à l'intérieur de l'opposition, on se dise que finalement il faut plutôt aller vers une mise de côté des sanctions, tout ça est assez logique mais on ne va pas le dire devant monsieur POUTINE qui prend en quelque sorte le gage comme vous le savez, c'était quand même un jeu ; un jeu grave bien évidemment, pas un jeu pour s'amuser mais comme dans un jeu, on prend le gage et puis voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous ne lui faites pas de reproches sur le fond à Nicolas SARKOZY, vous lui faites plutôt des reproches sur la forme.
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur le fond syrien. Pour le reste, je trouve que son attitude vis-à-vis de l'Allemagne, son attitude vis-à-vis de l'Europe, on peut avoir des discussions, tout ça n'est pas simple, mais la manière dont il parle de tout cela
APOLLINE DE MALHERBE
Mais à quoi vous pensez concrètement, précisément ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je vous ai dit : l'affaire des sanctions, la manière dont il le calendrier de sa visite, la mise en scène de sa visite, tout ça, voilà. Alors il y a quand même des choses paradoxales. Vous vous souvenez qu'à l'été 2012, la première réaction de monsieur SARKOZY qui, la main sur le coeur, avait dit à monsieur François HOLLANDE, en déclarant avec le président du Conseil national syrien, c'est-à-dire l'opposition syrienne : « Comment ? Vous ne faites rien pour ces gens-là, monsieur HOLLANDE ? » Voilà ce qu'il nous avait dit à l'été 2012.
APOLLINE DE MALHERBE
Ç'avait été effectivement une de ses premières prises de parole publique après son échec.
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà. C'est les gens qui sont bombardés par POUTINE aujourd'hui, c'est-à-dire les gens pour qui il était prêt à mettre la main sur le coeur et à interpeller l'opinion internationale. Ce sont ceux qui sont bombardés par POUTINE. Est-ce qu'il a dit quelque chose à POUTINE sur ce sujet ? On n'en saura rien. Donc si vous voulez, on voit bien que c'est une opération où on aide POUTINE à avoir une attitude vis-à-vis de son opinion publique, vis-à-vis d'ailleurs
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce ça vous pénalise, vous ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. Je trouve que c'est une attitude l'opération de monsieur SARKOZY était une opération interne à la primaire de l'UMP. C'était évidemment une façon de se faire valoir par rapport à monsieur JUPPE et par rapport à monsieur FILLON. Monsieur FILLON qui a des positions pro-russes beaucoup plus que monsieur SARKOZY et monsieur JUPPE qui a une position, j'allais dire, d'un savoir-faire diplomatique plus caractérisées que monsieur SARKOZY, et donc entre les deux, il a essayé de se faufiler. Donc c'est une opération de politique intérieure et j'allais dire intérieure à son propre parti, mais il le fait fondamentalement en affaiblissant sur un point précis. Je ne le mets pas en cause sur la Syrie, je le mets en cause sur la question des sanctions qui mérite peut-être d'être débattue, mais d'abord entre Européens avant d'aller en débattre et de rendre les armes devant monsieur POUTINE.
APOLLINE DE MALHERBE
On reparlera de cette interview de Nicolas SARKOZY notamment à propos de ce qu'il a dit sur les régionales, mais encore un mot sur ces questions diplomatiques. Aujourd'hui à Vienne commencent les pourparlers pour tenter de trouver des solutions justement au conflit en Syrie. Depuis hier il y a les Américains, il y a l'Arabie Saoudite, il y a les Turcs, il y a les Iraniens et les Russes. La France elle rejoint, mais un peu par la petite porte, un peu sur le strapontin, elle n'était même pas invitée le 23 octobre dernier à Vienne lorsqu'il y avait les premiers pourparlers. On n'est plus dans le jeu ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas du tout. Vous savez qu'avant-hier, il y avait une réunion à Paris j'allais dire du camp de ceux qui pensent que l'opération russe est une opération dangereuse et en tout cas, qui s'interroge.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais ça, ce n'est pas réaliste. C'est-à-dire qu'on peut toujours se dire il y a un moment où quand même, elle existe cette opération. On est quand même obligé d'en parler.
JEAN-MARIE LE GUEN
Monsieur SARKOZY parlait de deux coalitions. Nous étions à Paris avec la coalition de ceux qui pensent qu'il faut à la fois lutter contre Daesh en priorité mais qu'il ne faut pas passer sous les fourches caudines de monsieur Bachar el-ASSAD. Et pour dire au-delà de monsieur Bachar el-ASSAD, puisque nous parlons de politique internationale, la question c'est aussi la question iranienne. Est-ce que nous pouvons accepter sans rien dire qu'un certain nombre de pays la Syrie, peut-être le Liban, évidemment l'Irak soient demain sous la coupe des Iraniens. Je pense que là
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais est-ce que vous avez les moyens de ne pas l'accepter ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais oui. Nous avons les moyens évidemment de faire pression sur le moyen terme. Pour l'instant, il y a une opération militaire extrêmement visible en Russie. Une opération comme celle-là, ça coûte un milliard d'euros en six mois. Est-ce que monsieur POUTINE a bien réfléchi ? Est-ce que nous ne pensons pas qu'au bout de ces six mois, il va bien falloir qu'il dise : « Maintenant, je passe à la table des négociations ». J'allais dire je l'espère d'ailleurs d'un certain point de vue ce qui se passe à Vienne avec la France, avec l'Allemagne, avec les pays arabes, et cætera, avec tous ceux que vous avez notés, je pense et j'espère que ça va être le moment où on va commencer à discuter sérieusement de la situation en Syrie qui est l'après-Bachar.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes d'accord là-dessus avec Nicolas SARKOZY quand il dit : « Il faut que Bachar el-ASSAD parte mais il son parti lui-même devra faire partie du dialogue ».
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, on peut discuter mais ce sont des évidences. Ce sont des évidences. C'est ce qu'a dit Laurent FABIUS et la diplomatie.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc encore une fois, vous êtes d'accord sur la même ligne.
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur le point syrien, oui ; sur la question des sanctions vis-à-vis de la Russie, non pas sur le fond mais sur la manière dont on va dire
APOLLINE DE MALHERBE
Dont on lui a donné des gages d'après vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Un gage, voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on revienne en France sur des questions qui préoccupent beaucoup les Français, la question de leur retraite puisque c'est aujourd'hui qu'il y aura ce rendez-vous au MEDEF des partenaires sociaux. L'idée pour ces retraites complémentaires, c'est qu'à partir de 2019, les salariés devront travailler un an de plus pour pouvoir toucher l'intégralité de leurs pensions sinon il y aura des pénalités. François HOLLANDE hier, il a dit : « Ce n'est pas un report de l'âge de la retraite, c'est une liberté qui leur est accordée ». Franchement, c'est un peu hypocrite quand même, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. On va vers une retraite à la carte. Nous avons un problème de financement des retraites.
APOLLINE DE MALHERBE
A la carte, ça veut dire qu'il y a aussi l'option la moins sympathique pour chacun.
JEAN-MARIE LE GUEN
Attendez, attendez. Nous avons un problème de financement des retraites parce qu'il y a un choc démographique qui a été en partie anticipé sur les retraites de base et vous savez que notre régime de retraite cette année, depuis la première fois depuis quinze ans ou vingt ans, est équilibré. Mais s'agissant des retraites complémentaires, le même effort n'avait pas été fait. Donc un choix est fait qui va vers une ouverture à la carte. Nous aurons le choix à partir toujours assez tôt ou en tout cas toujours à la même date et au même âge, et sans doute qu'il y aura
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais enfin, ce n'est pas vraiment un choix parce que dans ces cas-là, on perdra une partie de nos retraites complémentaires.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais non ! Bien sûr, mais à ce moment-là, il y a des gens qui préfèrent avoir un petit peu moins de retraite pendant un certain temps, c'est ça l'accord. Ce n'est pas moins de retraite tout le temps.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est travailler plus pour gagner plus, ou arrêter de travailler et gagner moins.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. C'est un choix à la carte où effectivement vous pouvez partir plus avec une retraite un peu moins importante, et vous pouvez partir un peu plus tard avec une retraite qui est un peu plus importante. Donc si vous voulez, il y a un choix de vie en fonction aussi du patrimoine, de la manière dont les gens veulent vivre. On est de moins en moins. Si vous voulez, toute notre protection sociale qui doit être maintenue et c'est un des enjeux majeurs, elle va aller vers une individualisation, un choix qui va être donné de plus en plus à l'individu. La même position pour tout le monde, ce n'est finalement pas ce que souhaitent les Français et ce n'est pas le plus juste.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais du coup, vous perdez de vue quand même une forme d'égalité. Vous vous dites : « Ça, c'est un peu le modèle ancien. Il faut imaginer désormais »
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. L'égalité, ce n'est pas l'uniformité. L'égalité, c'est quand on met la pénibilité pour les gens qui ont alors, et qu'on met des clauses pour la retraite pour des gens qui sont partis, qui ont commencé à travailler très jeunes.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour vous, il y aura un nouveau modèle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, il y a un nouveau modèle de protection sociale, de nouvelles protections et qui sont des protections plus individuelles. Nous avons à la fin de la guerre et au cours du XXème siècle
APOLLINE DE MALHERBE
On passe du collectif à l'individuel quand même.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, absolument. Mais la solidarité elle est collective, mais les prestations, le choix est beaucoup plus donné. C'est exactement comme le compte personnel d'activité : on va donner aux gens les éléments parce qu'ils vont cotiser, parce que leur entreprise va cotiser pour eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas peur que ceux qui sont les plus faibles soient les plus pénalisés ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, parce que nous mettons en place des mécanismes de correction. C'est-à-dire, je vous parlais de la retraite, de la pénibilité où ceux qui sont partis, qui ont commencé à travailler très jeunes. Nous donnons un bonus à ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et nous donnons un bonus à ceux qui ont un travail particulièrement pénible. Voilà des éléments qui permettent de remettre de l'égalité réelle, ce qui n'est pas l'uniformité et les Français aujourd'hui nous demandent une individualisation. Moi, j'ai des enfants, je n'ai pas d'enfant, je suis en province, je suis à Paris, ce n'est pas la même chose. La vie est différente.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'est une mesure franchement de gauche ? Quand vous entendez Jean-Claude MAILLY qui à propos de cette réforme, lui, dit : « Tout le monde va morfler » ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais ça c'est des propos qui sont inexacts d'abord et ensuite caricaturaux. Ceux qui auraient morflé excusez-moi de ce terme mais je le reprends c'est si on ne fait rien, si on ne bouge pas. Vous avez un syndicalisme malheureusement, et une certaine forme de gauche dans ce pays, ça existe, qui est conservatrice. Simplement, le conservatisme ne mène à rien.
APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, ce n'est pas les Français. C'est une forme de gauche conservatrice.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais il y a une forme de gauche conservatrice qui effectivement ne comprend pas que le choix n'est pas entre rester comme on est aujourd'hui ou bien évoluer. Le choix, si nous ne nous réformons pas, il n'y aura plus de protection sociale. Je pense que le syndicalisme et pourtant, Force Ouvrière a cette tradition historiquement, je ne comprends pas aujourd'hui qu'elle se mette de côté c'est la négociation, c'est la discussion, et il nous faut plus d'individualisation des droits. Il nous faut plus de flexibilité au plan économique, mais il faut de nouvelles protections des salariés, plus de formation par exemple.
APOLLINE DE MALHERBE
Jean-Marie LE GUEN, vous parlez de cette gauche. Votre job à vous, c'est justement les relations avec le Parlement. Jusqu'à présent, vous étiez très occupé par les frondeurs, on ne les entend plus. Ils ont l'air d'avoir baissé les armes. Est-ce que c'est fini, les frondeurs ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je ne veux pas insulter les personnes, ne pas respecter les personnes. Ce que je vois, c'est que notre ligne, celle d'une gauche réformatrice, elle est en train de gagner. Voilà. Je sais que j'ai bien en tête les sondages, j'ai bien en tête les critiques et cætera.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais au sein de la gauche, dans cette bataille idéologique, vous dites les réformateurs, c'est-à-dire grosso modo vous, la ligne Manuel VALLS, en tout cas les autres que les frondeurs, sont en train de gagner.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce qui été défini par François HOLLANDE
APOLLINE DE MALHERBE
La ligne Macron, quoi.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, c'est François HOLLANDE, c'est Manuel VALLS, ça peut être Emmanuel MACRON, ça peut être d'autres. C'est une orientation qui est donnée et qui fait que la gauche est celle qui réforme notre pays en ayant en tête le bien-être des Français. Nous connaissons les pesanteurs, nous connaissons les difficultés, nous entendons ce que nous disent les Français. Les Français sont très inquiets de l'avenir. Il y a des menaces on en parlera peut-être -, il y a effectivement des questions d'avenir : la mondialisation, l'ubérisation dont on parle pour ça, il faut qu'ils aient confiance dans cette gauche qui leur propose de travailler de façon concrète à ce qu'on ait une économie compétitive. Sans économie compétitive, il n'y a pas de social.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça c'est votre combat.
JEAN-MARIE LE GUEN
avec une vraie réforme du social, le compte personnel d'activité, la personnalisation des retraites qui avait déjà été faite sur la pénibilité, qui avait déjà été faite sur l'allongement de la durée de la cotisation et non pas l'interdiction de partir en retraite comme le veut la droite, à 65 ans, ce n'est pas notre attitude, nous laissons aux gens plus de possibilités, c'est ça les nouveaux droits à la modernisation. Mais croire qu'on peut revenir à il y a 10 ans ou il y a 20 ans en arrière
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, c'est une erreur.
JEAN-MARIE LE GUEN
ça n'existe pas, ne serait que pour au moins une bonne raison, c'est que, en 10 ou 20 ans on a gagné trois ans d'espérance de vie, ce n'est quand même pas triste ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Parlons des régionales, Jean-Marie LE GUEN. Manuel VALLS a dit en début de semaine : « Il est hors de question de laisser gagner une région au FN, tout devra être fait pour l'empêcher ». Concrètement, ça veut dire quoi ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Concrètement, ça veut dire d'abord qu'on se mobilise, qu'on joue à fond le premier tour autour des candidats de gauche, et que nous demandons encore aujourd'hui, au moment où je vous parle, je souhaite que la gauche prenne conscience, par exemple dans des régions comme le Nord-Pas-de-Calais, tout serait changé si la gauche était unie, elle serait largement devant monsieur BERTRAND, qui fait une mauvaise campagne et qui a de mauvais scores, et mettrait monsieur SARKOZY devant ses responsabilités. Est-ce qu'il appelle ou non à voter pour la gauche ? Parce que c'est ça la question. Est-ce que monsieur SARKOZY appellerait à voter pour la gauche, ou bien maintiendrait sa liste au risque de faire
APOLLINE DE MALHERBE
Il vous a répondu hier, dans l'interview au micro de Ruth ELKRIEF
JEAN-MARIE LE GUEN
J'aimerais que la gauche ait l'intelligence
APOLLINE DE MALHERBE
il a dit : il n'y aura ni rapprochement, ni Front républicain.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je pense que c'est la position qu'il tient aujourd'hui, c'est une position sectaire, c'est une position cynique, c'est une position irresponsable, parce qu'il faudra bien, on le sait, que les Républicains, d'une façon ou d'une autre, se rassemblent, et dans le Nord-Pas-de-Calais, et dans la région PACA et peut-être dans d'autres régions, pour faire front contre le Front national.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, c'est ce que vous ferez à l'inverse. C'est ce que vous ferez à l'inverse, c'est-à-dire que quand vous, vous serez en position de vous retirer et d'appeler à voter pour la droite, vous le ferez.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais nous l'avons déjà fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le ferez
JEAN-MARIE LE GUEN
Au moment des élections départementales, mais nous ferons d'abord, nous voulons aussi savoir ce que nous dit la droite. Quand j'entends monsieur SARKOZY tenir ces propos, il ouvre un boulevard au Front national. Pourquoi ? Parce que
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on vous écoute, Jean-Marie LE GUEN, on a l'impression que d'un côté comme de l'autre, vous vous relancez tous cet argument, en disant : vous lancez un boulevard au Front national.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non non non, moi je ne pense pas que c'est monsieur SARKOZY qui crée le Front national, et je ne crois évidemment pas que c'est la gauche. Je pense que malheureusement le Front national est une réponse, j'allais dire, extrêmement simpliste, qu'on voit dans tous les pays d'Europe, hein, le Front n'a rien de national, il est xénophobe, comme en Suisse, comme en Pologne, comme en Suède, comme au Danemark. Partout ou presque partout, les forces xénophobes, face à la situation, la mondialisation
APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est le mal du moment.
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est un mal du moment, ou plus exactement, c'est un mal qui a toujours existé vous connaissez l'histoire, Apolline de MALHERBE, c'est pas parce que 70 ans les Français savaient que quand ils entendaient des idées xénophobes, ça conduisait, ce que rappelait François MITTERRAND en 95, c'est-à-dire que le nationalisme c'est la guerre, parce que finalement cette phrase, rappelons-là, il l'a dit en 1995, le nationalisme c'est la guerre, et j'allais dire, le nationalisme
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous le pensez toujours aujourd'hui.
JEAN-MARIE LE GUEN
aujourd'hui, du Front national, c'est y compris la guerre en interne, et donc ce sont des choses qui sont d'une autre nature que
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, quand vous dites : on fera
JEAN-MARIE LE GUEN
les divergences que je peux avoir avec monsieur SARKOZY sur la politique internationale ou sur
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous faites une distinction entre les deux, et vous seriez prêt, vous, si vous étiez électeur dans le Nord ou dans le Sud, à mettre le bulletin Xavier BERTRAND ou Christian ESTROSI, s'il le faut.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que la gauche.
APOLLINE DE MALHERBE
S'il le faut, vous le ferez.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que la gauche sera en devant, et j'attends des Républicains, une attitude républicaine, c'est-à-dire qu'ils prennent en considération, ce que nous avons déjà fait. Quand il a fallu être là, nous étions là, mais
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc vous serez au rendez-vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais nous ne pouvons pas, et nos électeurs, c'est pas simplement nous, c'est que la gauche se dit très sincèrement, mais quand elle entend monsieur SARKOZY, quand elle voit surtout monsieur BERTRAND ou monsieur ESTROSI, elle se dit « mais quelle est la différence avec le Front national ? », à la fois dans les thèmes, mais dans le sectarisme, dans le refus de la gauche. Si c'est ça les Républicains, mais évidemment les gens de gauche
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous leur demandez de se distinguer.
JEAN-MARIE LE GUEN
resteront chez eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur demandez de se distinguer.
JEAN-MARIE LE GUEN
Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Juste une dernière question. Hier, François HOLLANDE a été reçu par Lucette, 69 ans, dans son appartement à Montigny-lès-Metz, c'est comme ça qu'elle a été présentée, et il lui a dit : « Ici on est presque mieux qu'à l'Elysée, je peux vous le dire ». Il en a marre de l'Elysée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je ne dirais pas ça. Je ne connais pas bien le contexte, excusez-moi, mais il a voulu dire sans doute que le souci que nous avons et que nous voulons prendre d'ailleurs, des plus âgés, 67 ans c'est quasiment jeune dans la société d'aujourd'hui, mais la loi sur le vieillissement, on va vraiment faire en sorte qu'il y ait une attitude qui soit faite. Je ne connais pas les éléments en particulier
APOLLINE DE MALHERBE
Il était sur le terrain, il était quasiment en campagne hier et effectivement on voit bien que
JEAN-MARIE LE GUEN
mais c'est sans doute qu'il a vu une femme qui devait rayonner
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est dur la vie à l'Elysée.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah, c'est dur la vie à l'Elysée, ça je crois que ceux qui en doutent, ne devraient pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Jean-Marie LE GUEN d'avoir été notre invité ce matin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2015