Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur l'accord de partenariat entre l'Union européenne et 79 pays d'Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique, à Paris le 13 novembre 2015.

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Circonstance : Ouverture de la consultation publique sur l’avenir de l’accord de Cotonou, à Paris le 13 novembre 2015

Texte intégral


Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs,
L'accord de partenariat de Cotonou, entre l'Union européenne et 79 pays d'Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique, les «ACP», arrive à son terme dans 4 ans.
L'avenir de cette relation est un sujet d'envergure, à la fois politique et stratégique, pour la France et pour l'Union européenne, au regard des évolutions du contexte international et de la nouvelle vision du développement durable.
La nouvelle relation UE-ACP doit se construire dans l'esprit de cette année 2015, historique, qui aura vu des accords fondateurs et structurants sur le financement du développement, les ODD et la lutte contre le dérèglement climatique.
C'est un sujet qui s'inscrit dans un terme long, l'accord de Cotonou datant lui-même de 2000 et faisant suite aux accords de Yaoundé et Lomé depuis 1963.
Cela nous questionne sur les défis communs et les intérêts propres qui caractérisent notre relation avec chacune des régions ACP.
L'actualité illustre à quel point les défis communs sont nombreux et interdépendants : je pense à la lutte contre le terrorisme, à la promotion de la paix et de la stabilité dans ces régions, à la lutte contre la pauvreté, à la prise en compte dans les politiques des 3 millions de réfugiés en Afrique Subsaharienne, et aussi bien sûr aux migrations économiques du fait de conditions de vie difficiles et d'absence de perspectives crédibles.
Je reviens du Sommet de La Valette, au cours duquel nous nous sommes mis d'accord avec nos partenaires africains sur un plan d'action nous permettant d'agir conjointement et rapidement pour lutter contre l'immigration irrégulière et la traite des êtres humains, à l'origine de tant de victimes ces derniers mois.
Je pense également au développement durable de ces régions que l'Union européenne accompagne.
Il s'agit en particulier d'offrir des opportunités et des perspectives de vie décente aux populations africaines. Personne ne devrait être obligé d'entreprendre un voyage long et dangereux dans l'espoir d'une vie meilleure. 400 millions de jeunes Africains entreront d'ici 15 ans sur le marché du travail. Il faut leur donner un futur, des opportunités dans leur pays, leur région. Le nouveau partenariat que nous allons construire devra apporter une réponse aux défis de cette jeunesse des ACP.
Un autre défi dont nous allons abondamment parler ces prochaines semaines à Paris et, je l'espère, partout dans le monde, est bien sûr la lutte contre le dérèglement climatique. La grande majorité des États ACP est concernée au premier plan par cette menace.
À côté de tous ces défis, le partenariat UE-ACP est source d'opportunités. Opportunités politiques pour la diffusion de valeurs et de principes qui nous sont chers, opportunités économiques et commerciales également car, ne l'oublions pas, nous parlons de marchés en plein croissance. Les projections démographiques en Afrique parlent d'elles-mêmes et les investisseurs européens ne devront pas être absents. De même les Caraïbes et le Pacifique offrent de nombreuses opportunités pour nos Outre-mer.
Comme vous le voyez les enjeux sont de taille.
La Commission européenne et la Haute représentante ont lancé une consultation publique jusqu'à la fin de l'année sur ce sujet. J'ai souhaité saisir cette opportunité, dans l'esprit de la loi sur le développement et la solidarité internationale, pour consulter les parties prenantes françaises sur cet important sujet. Il me sera très utile, lorsque nous aborderons les négociations de manière plus détaillée en intra-européen et avec nos partenaires ACP, d'avoir en tête les intérêts et attentes de chacun.
Deux questions clés doivent guider notre réflexion : d'où partons-nous ? Où allons-nous ?
D'où partons-nous ? L'accord de Cotonou offre aujourd'hui un cadre de référence ambitieux avec 79 pays, autour de valeurs et de priorités communes et essentielles pour l'Union européenne : respect des droits de l'Homme et de la démocratie, soutien à la paix et à la sécurité et en particulier à la lutte contre le terrorisme ; mais aussi migrations ou lutte contre le dérèglement climatique.
Cet accord nous permet d'encadrer notre coopération au développement avec tous ces pays, parmi lesquels se trouvent les pays les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète.
C'est dans cet accord qu'est mis en oeuvre le plus important instrument de développement de l'Union européenne en volume, le Fonds européen de développement, qui s'élève pour mémoire à plus de 30 Mdeuro pour la période actuelle, 2014-2020. Cet accord encadre également nos relations politiques et promeut nos relations commerciales et économiques au travers notamment des accords de partenariat économique.
Ce cadre est bien sûr un accord entre l'Union européenne et 79 pays ACP mais il se décline également - et peut-être avant tout au niveau «bilatéral», l'accord de Cotonou contient des dispositions fortes qui permettent un dialogue sur des sujets sensibles et importants pour l'UE et, dans des circonstances de défaillances graves, concrètement, de suspendre la coopération. Dernier exemple en date avec le Burundi, qui témoigne du caractère effectif de ces dispositifs.
Il nous permet ainsi de développer des coopérations de façon différenciée au niveau régional, par exemple dans le cadre des accords commerciaux, comme individuellement avec les pays partenaires notamment en matière d'aide au développement.
Ce cadre génère cependant des lourdeurs institutionnelles, des lenteurs dans la mise en oeuvre des actions de développement et l'existence politique du groupe ACP dans les négociations internationales questionne.
Le débat sur ce que l'on appelle le post-Cotonou doit de mon point de vue construire sur les acquis de ce partenariat, et ils sont nombreux et aussi tirer les leçons de son fonctionnement et apporter des réponses concrètes.
Où allons-nous ? Il importe de garder le terme long en mémoire lors de notre réflexion.
Comment voyons-nous évoluer notre relation avec ces régions du monde ? Dans quelle mesure l'instrument «Cotonou» devrait-il être repensé afin de nous permettre de servir au mieux cette relation ? Comment en améliorer l'efficacité ? Comment le moderniser pour mieux prendre en compte les nouveaux enjeux ?
Autant de questions qui doivent, à mon sens, être au coeur de la discussion d'aujourd'hui.
C'est un sujet que nous devrons aussi discuter avec nos partenaires pour connaître leurs souhaits, leurs critiques, leurs options.
C'est pour cela que nous avons souhaité rassembler aujourd'hui des acteurs et des intervenants présentant des points de vue différents : parlementaires, organisations de la société civile, think-tanks, fondations, représentants du secteur privé, universitaires, représentants de l'administration nationale et européenne ainsi que des opérateurs français. Je tiens d'ailleurs à saluer tous les participants et intervenants et vous remercier de votre disponibilité pour contribuer à ce débat.
L'ambition française pour ces négociations doit être à la mesure des enjeux. Nous avons besoin d'un cadre efficace, réactif et mieux adapté au monde de demain, que cette année 2015, avec Addis Abeba, New York et demain Paris a contribué à façonner.
La France, qui est à l'origine du partenariat UE-ACP et qui maintient des relations denses avec les populations des trois espaces constitutifs des ACP, a une responsabilité particulière pour alimenter le débat à l'échelle européenne.
Je souhaite que vos échanges de ce jour soient le plus libres et opérationnels possibles : ils alimenteront la position française dans ces négociations importantes.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2015