Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le budget de l'Union européenne, au Sénat le 19 novembre 2015.

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Circonstance : Débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, au Sénat le 19 novembre 2015

Texte intégral


Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission des finances,
Monsieur le Président de la Commission des affaires européennes,
Monsieur le Rapporteur général,
Monsieur le Rapporteur spécial,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le Sénat est appelé à examiner le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne dans un contexte exceptionnel.
Le 13 novembre, la France a été frappée mais c'est toute l'Europe qui a été touchée dans sa chair, dans ses valeurs. Les victimes des attaques terroristes du 13 novembre venaient de toute l'Europe et du monde entier. Beaucoup étaient jeunes. Ils respiraient l'air libre d'une ville libre, l'air de liberté que l'on respire en Europe et dans les démocraties. Ils ont été fauchés par la haine fanatique des terroristes. Le même terrorisme qui a tué à Copenhague, à Bruxelles, qui avait tué déjà à Madrid et à Londres, comme il a tué ces dernières semaines à Beyrouth, à Ankara, en Égypte et en Tunisie.
C'est toute l'Europe qui doit répondre.
Partout en Europe, se sont affichés sur les monuments des grandes villes le bleu, le blanc, le rouge. Partout a retenti la Marseillaise.
Maintenant, l'Europe doit faire bloc face à la barbarie terroriste qui tue ses enfants et veut détruire ses valeurs et la démocratie.
C'est pourquoi la solidarité est essentielle, la coordination est décisive, l'unité est vitale pour l'Europe, dans la lutte contre le terrorisme.
C'est pourquoi le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, a demandé la réunion d'un Conseil justice et affaires intérieures exceptionnel demain à Bruxelles à laquelle il se rendra avec la ministre de la justice, Christiane Taubira. Pour renforcer la coopération policière et judiciaire, le contrôle de nos frontières extérieures communes, la lutte contre le trafic d'armes, contre le financement du terrorisme, et pour exiger l'adoption sans délai du PNR européen.
C'est pourquoi aussi le ministre de la défense, à la demande du président de la République, a invoqué lors de la réunion du Conseil des affaires étrangères mardi à Bruxelles, l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne pour déclencher, pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne, la clause d'assistance mutuelle prévue dans le cas où un État membre est l'objet d'une agression armée sur son territoire.
Les États membres ont apporté un soutien unanime à cette démarche. Leur soutien pourrait notamment prendre la forme d'une intensification de l'action des pays européens contre Daesh en Irak ou en Syrie, ou encore d'un engagement accru sur d'autres théâtres, comme le Sahel ou la Centrafrique, pour soulager nos propres engagements.
C'est donc dans ce contexte où l'unité européenne et l'efficacité des politiques communes sont plus nécessaires que jamais que votre Haute Assemblée examine aujourd'hui le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.
Les priorités budgétaires de l'Union doivent permettre de répondre aux grands défis auxquels l'Europe fait face, ceux de la sécurité, ceux de la crise des réfugiés, mais aussi toujours, beaucoup d'entre vous l'ont souligné, ceux de la cohésion sociale, du soutien à la croissance et à l'emploi.
Cette année, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'établit dans le projet de loi de finances pour 2016 à 21 milliards 509 millions d'euros.
Ce montant devrait être prochainement réactualisé, afin de tenir compte notamment de l'accord intervenu entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget de l'Union pour 2016, dont l'adoption définitive est prévue au Parlement européen le 26 novembre prochain, ainsi que sur l'adoption du 8ème budget rectificatif pour 2015.
Le budget pour 2016 sur lequel se sont accordés le Parlement européen et le Conseil devrait s'élever à 155 milliards d'euros en crédits d'engagement et 143,9 milliards d'euros en crédits de paiement.
Il s'agit de montants importants mais il faut rappeler que le budget de l'Union européenne ne représente qu'un pour cent du revenu national brut de l'Union.
1. Le budget 2016 porte la marque des grandes priorités de la programmation budgétaire 2014-2020, et, d'abord, la réorientation des politiques européennes en faveur de l'investissement, de la croissance et de l'emploi.
Pour les gestionnaires comme pour les bénéficiaires des fonds européens, le cadre financier pluriannuel est un gage de stabilité. Il assure la lisibilité des politiques européennes, la continuité de l'action dans les territoires, la prévisibilité des moyens mis à la disposition des acteurs locaux, des collectivités territoriales, des agriculteurs, mais aussi des chercheurs ou des entreprises sur toute la durée de la programmation.
Pour 2016, le budget de l'Union européenne se caractérise donc par la montée en charge des programmes établis pour la période 2014-2020, qui correspondent aux priorités de long terme que l'Union européenne s'est fixée, en particulier :
- le programme Horizon 2020 pour la recherche, les universités et l'innovation ;
- le programme Erasmus + pour la mobilité des jeunes, l'éducation et la formation tout au long de la vie ; ou encore l'initiative européenne pour la jeunesse qui finance la garantie jeune ;
- le Mécanisme pour l'interconnexion pour l'Europe consacré aux infrastructures énergétiques, de transport et numériques.
Sur toutes ces politiques, l'enjeu pour la France est de permettre à nos projets de bénéficier de financements européens.
Il faut à cet égard se réjouir du bon financement des projets français et donc de l'augmentation de nos retours en 2014 et en 2015.
La France a ainsi perçu 570 millions d'euros pour Horizon 2020 et 182 millions pour Erasmus + en 2014. Elle est désormais, en volume, le premier bénéficiaire de ces deux programmes.
Plusieurs projets français ont également été retenus par le comité de coordination du Mécanisme d'interconnexion pour l'Europe, en particulier le canal Seine-Escaut et la ligne ferroviaire Lyon-Turin, projets sur lesquels le gouvernement s'est beaucoup mobilisé.
Dans le même temps, les grandes politiques de l'Union européenne, en particulier la politique de cohésion, avec le FEDER et le FSE, doivent continuer à favoriser la croissance et l'emploi, dans nos régions et nos départements. Avec en France, un rôle accru des acteurs territoriaux, puisque la gestion de ces crédits européens a été confiée aux Conseils régionaux.
Dans le secteur agricole également, l'Europe doit être capable de réagir aux crises. Il en va ainsi de la crise de l'élevage, que les Européens ont commencé de traiter suite aux demandes de la France cet été. La France a en effet obtenu en septembre la réunion d'un Conseil des ministres de l'agriculture exceptionnel. À cette occasion, la Commission a annoncé un paquet de 500 millions d'euros, notamment pour le lait en poudre et la viande porcine, qui sera pris en compte dans le budget 2016. La France va ainsi recevoir une enveloppe de 62,9 millions d'euros d'aide supplémentaires. Les paiements aux agriculteurs seront effectués avant le 31 décembre. Le plan européen prévoit également des actions de stabilisation des marchés avec de nouvelles mesures de stockage privé pour les produits laitiers, le fromage et le porc.
La programmation pluriannuelle des dépenses a su s'adapter également à la mise en place du Plan Juncker, pour l'investissement. Ainsi, le projet de budget de l'Union européenne pour 2016 prévoit des crédits pour la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques afin de lever, grâce à l'effet de levier de la Banque européenne d'investissement, un total de 315 milliards d'euros d'investissement publics et privés au cours des trois prochaines années.
En France, plus de 140 projets éligibles ont d'ores et déjà été identifiés. Plusieurs d'entre eux ont déjà été financés.
2. Mais ce budget répond également aux urgences auxquelles l'Europe est confrontée, en particulier la crise des réfugiés.
La crise migratoire a en effet aussi une dimension budgétaire. L'accueil des réfugiés bien sûr, leur enregistrement dans les hot spots, la gestion de nos frontières extérieures communes, le renforcement de la lutte contre les passeurs, l'opération maritime Sophia au large des côtes libyennes, le raccompagnement dans leur pays d'origine de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale, l'appui à des projets de développement dans ces pays, tout cela a un coût.
Il nous faut également aider les pays tiers de transit en particulier les pays voisins de la Syrie confrontés à un afflux de réfugiés syriens (Liban, Jordanie, Turquie) afin que ceux-ci puissent y être accueillis au mieux, plutôt que de tenter de rejoindre l'Europe.
Ces sujets ont été au coeur des débats des dernières réunions du Conseil européen. Et toutes les flexibilités existantes ont été utilisées pour dégager des moyens sur les années 2015 et 2016.
La Commission évalue l'effort budgétaire global pour répondre à la crise des réfugiés en 2015 et en 2016 à 9,2 milliards d'euros. Ceci inclut certains montants déjà budgétés mais également les nouvelles mesures annoncées lors du Conseil européen extraordinaire du 23 septembre, à hauteur de 1,7 milliard d'euros qui ont été prises en compte dans l'accord intervenu vendredi entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget de l'Union européenne pour 2016.
Ces moyens budgétaires permettront également d'apporter des financements supplémentaires aux agences de l'ONU, comme le HCR et le programme alimentaire mondial. Ils permettront aussi de renforcer le Fonds asile, migration, intégration (FAMI) et le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI), ainsi que de financer les augmentations d'effectif dans les agences Frontex, EASO et Europol, et la relocalisation de 160.000 personnes qui résulte des décisions prises en juillet et en septembre derniers.
Ainsi, le budget européen s'adapte pour répondre aux défis que l'Europe doit relever.
2016 sera aussi une année de réflexion sur l'avenir du budget de l'Union européenne, dans le cadre de la clause de révision du cadre financier pluriannuel.
La Commission fera des propositions sur les grandes politiques européennes mais aussi, nous l'avons évoqué ensemble lors de la présentation de la nouvelle Décision du Conseil relative au système des ressources propres, sur les modalités de financement du budget de l'Union européenne. Elles ont besoin, nous en sommes tous convaincus, d'être réformées en profondeur pour les rendre plus lisibles, plus transparentes et plus équitables.
Cela implique en particulier de revenir sur tous les mécanismes de correction qui se sont multipliés et sédimentés au fil du temps. C'est le sens des travaux du Groupe à haut niveau que préside l'ancien président du Conseil italien, Mario Monti.
Nous soutenons sa démarche et souhaitons qu'il fasse des préconisations ambitieuses.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Parler du budget de l'Union européenne, c'est donc parler des politiques européennes qui irriguent nos territoires, de notre participation à l'espace européen de la recherche, de la politique agricole commune, du financement des grandes infrastructures transfrontalières ou régionales, du soutien des fonds européens à notre tissu économique. C'est donc parler d'emploi pour aujourd'hui, de croissance, d'innovation, de préparation de l'avenir.
C'est aussi parler de la capacité de l'Europe à relever les urgences et les crises.
Tel est l'enjeu du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, qui peut se résumer en une idée : se donner les moyens de notre ambition européenne.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2015