Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Je tenais, comme je m'y étais engagé, à être avec vous aujourd'hui, quelle que soit la lourdeur du moment que nous vivons. Parce qu'en ce moment même, nos forces de police et nos forces armées sont en train d'intervenir, parce que depuis la nuit de vendredi, notre pays est en deuil, et c'est le pays tout entier qui est en deuil parce que c'est chacune et chacun d'entre nous qui était visé. Et ces moments sont, en effet, marqués par cette tristesse, mais aussi par la gravité du défi qui est le nôtre.
Le président de la République s'est exprimé à plusieurs reprises et, à ses côtés, le gouvernement a pris des mesures d'urgence et de sécurité sur le plan intérieur comme sur le plan international, et cela durera. Mais ce défi, ça n'est pas qu'un défi de sécurité. C'est un défi qui est au croisement de batailles économiques, sociales, culturelles, spirituelles aussi, parce qu'au fond qu'ont cherché à atteindre ces assassins ? Ils ont cherché à atteindre ce que nous sommes. Au-delà des morts qu'ont-ils voulu ? Ils ont voulu semer la terreur, le doute, le poison des divisions. Ils sont allés attaquer des lieux d'émotion, de partage, des lieux ouverts qui nous représentent. Le défi qui est le nôtre ne fait que commencer et notre rôle je dis bien « notre rôle » pour ce qui nous concerne ici dans cette salle c'est de continuer à nous tenir debout dans ce que nous sommes, de continuer à faire, à agir, à croire dans notre pays qui en sortira plus fort encore. Non pas de changer parce que ces événements ont eu lieu, non pas de nous refermer, de nous mettre à douter parce que c'est ce qu'ils cherchaient, mais de continuer à nous tenir à la hauteur des événements parce que les Français regardent aujourd'hui les décideurs encore plus qu'hier. Et ce qu'ils attendent de nous, c'est que nous continuions à avancer et à ne rien laisser à la peur, aux divisions, mais en même temps à ne céder plus rien en termes de lucidité. Car notre société, notre propre système, nous-mêmes avons notre part de responsabilité. Nous avons eu nos propres insuffisances et tout cela n'est pas qu'une chose extérieure. Il faudra aussi le penser, le corriger, y travailler, mais aujourd'hui avec sang-froid, ce qui nous est demandé, c'est de poursuivre le travail, c'est d'avancer.
C'est pour ça que je voulais être parmi vous pour ce 10ème anniversaire des Etats de la France : parce que ce que vous représentez, c'est cette mobilisation économique dont notre pays a besoin. Et c'est une mobilisation économique qui a un visage particulier parce que c'est celle des acteurs internationaux, de celles et ceux qui croient à la France, qui la défendent souvent dans leur groupe, qui expliquent pourquoi il faut investir dans le pays, pourquoi il faut y revenir, pourquoi il faut encore faire davantage. Et cette mobilisation économique, c'est celle dont nous avons besoin aujourd'hui parce que notre pays sera plus fort s'il est plus ouvert, s'il réussit dans cette mondialisation.
Alors, je veux reprendre votre formule parce que ce triptyque est bon, et essayer de m'engager dans ce chemin à la fois en expliquant où nous en sommes et puis en donnant quelques projections que je souhaitais partager avec vous.
Vous proposez de maintenir le cap, d'accélérer le rythme et d'amplifier l'effort.
Conserver le cap, c'est la première des priorités, vous avez raison de le rappeler.
Lorsqu'on change en permanence les décisions économiques, lorsqu'il y a trop d'incertitudes, la confiance des investisseurs peut se rompre. C'est pourquoi depuis plus de deux ans, depuis la décision relative au Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi, plus encore depuis que le président de la République a annoncé le pacte de responsabilité. Le pays est engagé sur une voie de modernisation économique qui repose sur plusieurs axes que nous maintenons et que nous maintiendrons jusqu'au terme de ce quinquennat.
Le premier axe, c'est évidemment celui du sérieux budgétaire et avec lui du sérieux fiscal ; c'est la visibilité donnée aux acteurs économiques d'une réduction de nos dépenses publiques 50 milliards d'euros par rapport au tendanciel entre 2015 et 2017. Et là-dessus, le président de la République a fait des annonces claires il y a deux jours, qui viennent, uniquement sur la partie des dépenses militaires amodier notre trajectoire budgétaire des deux années à venir, mais ne remettent nullement en cause le sérieux budgétaire du pays. Mon collègue Michel SAPIN a eu l'occasion de le redire hier à l'ensemble de ses collègues. Cela veut dire donc 2,5 point de PIB de réduction de dépenses publiques par rapport à la trajectoire et sur ces trois ans 2 points de PIB d'allègements de charges et de fiscalité pour les entreprises. Alors je sais que tout cela vient après des mesures qui parfois avaient été difficiles, des choix fiscaux qui avait été contestés, quelles qu'en soient d'ailleurs les majorités, mais cette trajectoire, elle sera tenue parce que c'est la trajectoire de la crédibilité de notre politique économique et elle est absolument fondamentale.
Le deuxième axe, c'est celui de la compétitivité. Et la compétitivité, c'était d'abord la compétitivité-coût, en baissant le coût du travail c'est ce qu'a permis le CICE dans un premier temps, puis la mise en oeuvre du pacte de responsabilité qui continue et qui est en train de produire ses premiers effets. Ce qui vaut en la matière, c'est de se comparer, et nous avons mis fin à une tendance décennale d'écartement des positions françaises et allemandes : le coût industriel français est repassé sous le coût allemand depuis la fin de l'année dernière, les marges sont en train de se rétablir et donc nous avons mis fin à cette tendance. Néanmoins la compétitivité-coût n'est qu'une partie de l'équation, on le sait bien, et la compétitivité hors coût, la capacité de notre tissu industriel à se différencier est plus encore fondamentale. En la matière, la préservation du Crédit Impôt Recherche, le Crédit Impôt Innovation, le développement d'investissements publics centrés sur la montée en gamme et la différenciation de notre tissu industriel au travers des appels à projets et de la Nouvelle France Industrielle sont autant de leviers qui ont conduit, là aussi, à consolider des résultats et à améliorer l'investissement productif en France, mais cela reste un défi fondamental et nous devons améliorer beaucoup plus fortement notre compétitivité hors coût. Pour moi, la mère des batailles en la matière, c'est de continuer ce travail avec la même visibilité et les 3,5 milliards d'euros qui sont prévus dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle seront menés à leur terme. Un troisième programme d'investissement d'avenir sera également clarifié d'ici le printemps prochain, qui permettra d'aller plus loin encore. Et la mesure de suramortissement fiscal que nous avons prise en avril dernier, qui accompagne les entreprises dans ce travail puisqu'elle permet de sur-amortir 140% de l'investissement fait en capital productif, participe aussi de cet effort.
Le maintien du cap passe aujourd'hui par la bataille pour l'investissement productif, qui commence à faire sentir ses premiers résultats mais qui est encore trop timide. Parce que c'est le problème aujourd'hui de l'économie française, et c'est ce que nous avons raté durant les quinze, vingt dernières années : l'investissement dans le capital productif a été trop atone depuis la crise et trop insuffisamment mis sur la modernisation de nos entreprises avant celle-ci.
Enfin, le dernier axe, c'est la modernisation de notre économie. Nous avons pris une série de mesures pour moderniser les marchés des biens et services et le marché du travail, c'est-à-dire leur donner plus de flexibilité et dans de nombreux cas aussi donner plus de visibilité aux acteurs, comme vous nous l'aviez demandé. Et qu'il s'agisse de la modification du régime des impatriés, des réformes en matière de pénalisation du droit du travail, des réformes en matière d'actions de performances ou de bons de souscription pour créateurs d'entreprise : ce sont autant de mesures que vous aviez suscitées, que nous avons reprises et qui font aujourd'hui partie de la modernisation de notre appareil productif et des différents marchés.
Maintenant, nous devons aller plus loin et c'est ce que vous m'invitez à faire en modernisant encore davantage, c'est le deuxième point du triptyque : amplifier l'effort.
Cette amplification, pour moi, elle passe par un constat lucide sur l'économie dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Parce que beaucoup de ce qui a été fait a été pour réparer, pour corriger, ce sont des mesures d'urgence, mais le monde dans lequel nous évoluons n'est plus celui des Trente Glorieuses, ni de l'économie du rattrapage que nous avons connue. C'est un monde où les choses vont plus vite, sont plus ouvertes, où l'innovation est beaucoup plus brutale et vient fracasser des secteurs d'activités entiers en même temps qu'elle crée des opportunités formidables pour de nouveaux acteurs ou pour les acteurs en place. Et donc ce que nous devons faire aujourd'hui, c'est prendre en compte cette grande transformation qui est à l'oeuvre, qui est une grande transformation technologique, une grande transformation en matière d'innovation, mais aussi en matière d'usage, qui vient bousculer beaucoup de nos représentations classiques ou de nos modes d'intervention. Et en la matière, je pense que nous raterions l'effort français si nous ne prenions en compte le fait qu'il y a trois batailles à livrer.
D'abord une bataille culturelle. Dans le cadre de cette grande transformation, il faut que la France arrive ce que nous sommes en train de commencer à faire, mais il faut aller plus ou moins à changer de culture, à avoir moins peur du risque, à davantage valoriser l'effort et le travail, à célébrer le succès et à ne pas stigmatiser l'échec. Cette petite révolution culturelle, nous la commençons tous ensemble, mais elle est fondamentale parce que dans cette économie qui n'est plus du rattrapage mais de la disruption, on doit tenter plus fort, plus vite, on échoue plus souvent mais les quelques exemples qui réussissent tirent beaucoup d'autres. Et donc cette révolution culturelle, elle implique, dans beaucoup de secteurs, des mesures très concrètes, mais elle doit être expliquée, partagée.
La deuxième bataille, c'est celle des talents. Parce que dans cette nouvelle économie, on ne peut réussir si on n'attire pas les meilleurs qu'ils soient chercheurs, entrepreneurs, managers, créateurs. C'est une économie des talents dans tous les secteurs qui nous sont donnés et donc nous devons garder les talents qui sont formés en France nous avons de formidables atouts sur le plan académique, sur le plan de la recherche , attirer autour d'eux leurs pairs, c'est-à-dire attirer et savoir garder chez nous des talents internationaux. Et c'est pour ça que j'ai tenu à passer une réforme en matière d'actions de performance, d'actions gratuites, parce que c'est une des conditions de notre attractivité. Mais nous devons encore aller au-delà et il faut là-dessus prendre les mesures courageuses en matière réglementaire et fiscale, pour que les meilleurs puissent venir travailler en France. Et quand on regarde les choses avec, là aussi, un constat le plus lucide et le plus froid possible, on s'aperçoit que nous sommes compétitifs en matière académique, nous sommes compétitifs en matière de recherche et développement et même lorsque des grands groupes décident des recompositions internationales ou sont rachetés, bien souvent, la recherche et le développement sont maintenus en France parce qu'il y a une qualité des ingénieurs, des docteurs, parce qu'il y a des mesures fiscales attractives qui ont été prises et un écosystème , mais nous ne sommes pas encore suffisamment compétitifs en matière de centres de décision. Et il faut corriger ce point parce que le fait d'avoir des centres de décision dans notre pays permet aussi de garantir des arbitrages qui sont favorables au tissu productif français, qui sont favorables au développement de notre pays et c'est un élément du combat que nous menons tous et toutes dans cette salle.
Enfin, il y a l'enjeu du capital après la culture et les talents, c'est la troisième bataille. Parce que dans cette économie qui se transforme plus vite encore, il faut réussir à mener la bataille du capital. Et là, notre économie a une faiblesse relative, c'est que nous avons une structure de financement qui est beaucoup plus adaptée à une économie de rattrapage qu'à une économie de disruption, c'est-à-dire que nous avons une structure qui se finance bien par la dette mais qui pourvoit trop peu de fonds propres. Et là aussi, il faut rouvrir ce qui a trop longtemps été un tabou dans notre pays : nous avons une épargne financière abondante mais qui est trop massivement investie dans l'immobilier d'une part, et dans l'assurance-vie d'autre part. Et les normes et les régulations ont conduit à la détourner du financement de l'économie réelle. Et donc le travail que nous conduisons avec Michel SAPIN, c'est de nous battre dans les enceintes européennes et dans les enceintes de régulation, pour réussir à réallouer une part de cette épargne financière vers le financement de l'économie réelle. Mais au-delà de ce point, nous prendrons dans les prochains mois une série de mesures très précises pour allouer plus de capital au financement des acteurs économiques dans notre pays, y compris des acteurs internationaux qui décident d'investir dans notre pays, parce que sans fonds propres, il n'y a pas de réussite possible dans ce nouveau cadre économique. Parce que c'est celui qui sait mobiliser, utiliser, dépenser des fonds propres qui lui sont alloués pour rechercher, pour entrer dans un marché et parfois pour y évincer ses adversaires, qui gagne. Il faut pouvoir mobiliser vite et fortement beaucoup de fonds propres.
Alors nous devons réussir ce changement et cette transformation. Pour ce faire, une série de réformes sera mise en oeuvre : des réformes du droit du travail, pour donner plus d'agilité et participer de ce changement culturel que j'évoquais, et ma collègue Myriam EL KHOMRI aura à porter dans les prochains mois une réforme qui donne plus de part à la négociation au niveau de la branche et de l'entreprise. Et je porterai pour ma part une série de réformes qui permettront d'innover plus vite dans tout un tas de secteurs économiques, avec des simplifications normatives, et d'innover plus facilement avec des autorisations plus simples, des ouvertures d'accès aux données, y compris les données d'intérêt général, et des simplifications d'accès au capital, avec les réformes que j'évoquais il y a un instant.
Et puis pour donner plus d'agilité à notre économie et réussir cette transformation, il faut aussi une série de simplifications qui valent pour les plus grands comme pour les plus petits. Nous transcrirons par la loi une série d'engagements qui ont été pris en matière de simplification normative et en matière de simplification pour la création et l'initiative économique. Nous devons rendre la vie beaucoup plus simple à celles et ceux qui, dans notre pays, veulent entreprendre, en leur donnant un cadre fiscal et social facilité, en leur donnant un parcours de croissance beaucoup plus simple. Mais la simplicité, nous la devons aussi à celles et ceux, plus grands, qui veulent se développer. Et donc une série de mesures en la matière sera aussi précisée entre le mois de décembre et le mois de janvier, pour aller plus loin.
Mesdames et messieurs, vous l'avez bien compris, je vous rejoins dans votre souci d'accélérer l'effort. Vous l'avez dit, c'est plutôt mon tempérament, mais je crois que les circonstances nous obligent et nous ne pouvons aujourd'hui remettre à demain ce qui peut être fait aujourd'hui. Et donc je ferai une série de propositions, qui reprendront d'ailleurs plusieurs des mesures que vous allez valider dans la journée et nous transmettre pour aller en ce sens. Le gouvernement prendra ses responsabilités pour que l'attractivité du pays continue à s'améliorer, parce qu'on ne fait pas de la bonne économie sur des bons sentiments. J'ai compris le message, j'ai vu vos sondages, on y croit, mais ce n'est pas suffisant : il faut qu'on puisse le constater. Et en la matière, en termes de simplification, en termes d'accès au capital, en termes d'ouverture, nous prendrons des décisions très concrètes dans les prochains mois. Mais ce que j'attends de vous, c'est que vous continuiez comme vous le faites à prendre vos responsabilités, et là aussi en accélérant, parce que si notre pays a besoin aujourd'hui de quelque chose, c'est d'avoir des choix clairs, francs et massifs : les choix de confiance dans la vitalité de notre économie, les choix clairs et assumés que nous faisons et que je viens ici de vous rappeler.
Ce pays, nous le modernisons, nous continuerons à le moderniser et vous pouvez compter sur moi plus encore demain qu'hier. Et les choix d'investissement et les choix d'embauches qui seront faits par tous les décideurs français et étrangers sur notre territoire sont une contribution fondamentale aux défis que j'évoquais au début de mon propos, parce qu'ils sont la marque de la confiance, et parce qu'ils sont un peu de cette cordée dont nous avons besoin qui nous tirera vers le haut. Parce que nous n'avons pas le droit de laisser une quelconque place au doute : nous devons poursuivre toutes et tous ensemble ce travail de modernisation, ce travail d'ouverture de l'économie française. Parce que notre responsabilité, et aujourd'hui ce n'est que cela dont il s'agit, c'est de faire réussir notre pays dans la mondialisation ; non pas de laisser la place à celles et ceux qui voudraient qu'on lui tournât le dos, non pas de considérer que la bataille serait déjà perdue. Notre responsabilité c'est de continuer à nous tenir debout avec beaucoup de calme, avec la même résolution, mais en allant encore plus vite, plus fort et plus loin ensemble, parce que ce ne sera pas le choix de quelques-uns, ce ne seront pas des mesures essaimées par le gouvernement, mais ce sera une responsabilité collective et partagée ensemble pas toutes et tous. Merci pour cela. Merci beaucoup.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 8 décembre 2015
Je tenais, comme je m'y étais engagé, à être avec vous aujourd'hui, quelle que soit la lourdeur du moment que nous vivons. Parce qu'en ce moment même, nos forces de police et nos forces armées sont en train d'intervenir, parce que depuis la nuit de vendredi, notre pays est en deuil, et c'est le pays tout entier qui est en deuil parce que c'est chacune et chacun d'entre nous qui était visé. Et ces moments sont, en effet, marqués par cette tristesse, mais aussi par la gravité du défi qui est le nôtre.
Le président de la République s'est exprimé à plusieurs reprises et, à ses côtés, le gouvernement a pris des mesures d'urgence et de sécurité sur le plan intérieur comme sur le plan international, et cela durera. Mais ce défi, ça n'est pas qu'un défi de sécurité. C'est un défi qui est au croisement de batailles économiques, sociales, culturelles, spirituelles aussi, parce qu'au fond qu'ont cherché à atteindre ces assassins ? Ils ont cherché à atteindre ce que nous sommes. Au-delà des morts qu'ont-ils voulu ? Ils ont voulu semer la terreur, le doute, le poison des divisions. Ils sont allés attaquer des lieux d'émotion, de partage, des lieux ouverts qui nous représentent. Le défi qui est le nôtre ne fait que commencer et notre rôle je dis bien « notre rôle » pour ce qui nous concerne ici dans cette salle c'est de continuer à nous tenir debout dans ce que nous sommes, de continuer à faire, à agir, à croire dans notre pays qui en sortira plus fort encore. Non pas de changer parce que ces événements ont eu lieu, non pas de nous refermer, de nous mettre à douter parce que c'est ce qu'ils cherchaient, mais de continuer à nous tenir à la hauteur des événements parce que les Français regardent aujourd'hui les décideurs encore plus qu'hier. Et ce qu'ils attendent de nous, c'est que nous continuions à avancer et à ne rien laisser à la peur, aux divisions, mais en même temps à ne céder plus rien en termes de lucidité. Car notre société, notre propre système, nous-mêmes avons notre part de responsabilité. Nous avons eu nos propres insuffisances et tout cela n'est pas qu'une chose extérieure. Il faudra aussi le penser, le corriger, y travailler, mais aujourd'hui avec sang-froid, ce qui nous est demandé, c'est de poursuivre le travail, c'est d'avancer.
C'est pour ça que je voulais être parmi vous pour ce 10ème anniversaire des Etats de la France : parce que ce que vous représentez, c'est cette mobilisation économique dont notre pays a besoin. Et c'est une mobilisation économique qui a un visage particulier parce que c'est celle des acteurs internationaux, de celles et ceux qui croient à la France, qui la défendent souvent dans leur groupe, qui expliquent pourquoi il faut investir dans le pays, pourquoi il faut y revenir, pourquoi il faut encore faire davantage. Et cette mobilisation économique, c'est celle dont nous avons besoin aujourd'hui parce que notre pays sera plus fort s'il est plus ouvert, s'il réussit dans cette mondialisation.
Alors, je veux reprendre votre formule parce que ce triptyque est bon, et essayer de m'engager dans ce chemin à la fois en expliquant où nous en sommes et puis en donnant quelques projections que je souhaitais partager avec vous.
Vous proposez de maintenir le cap, d'accélérer le rythme et d'amplifier l'effort.
Conserver le cap, c'est la première des priorités, vous avez raison de le rappeler.
Lorsqu'on change en permanence les décisions économiques, lorsqu'il y a trop d'incertitudes, la confiance des investisseurs peut se rompre. C'est pourquoi depuis plus de deux ans, depuis la décision relative au Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi, plus encore depuis que le président de la République a annoncé le pacte de responsabilité. Le pays est engagé sur une voie de modernisation économique qui repose sur plusieurs axes que nous maintenons et que nous maintiendrons jusqu'au terme de ce quinquennat.
Le premier axe, c'est évidemment celui du sérieux budgétaire et avec lui du sérieux fiscal ; c'est la visibilité donnée aux acteurs économiques d'une réduction de nos dépenses publiques 50 milliards d'euros par rapport au tendanciel entre 2015 et 2017. Et là-dessus, le président de la République a fait des annonces claires il y a deux jours, qui viennent, uniquement sur la partie des dépenses militaires amodier notre trajectoire budgétaire des deux années à venir, mais ne remettent nullement en cause le sérieux budgétaire du pays. Mon collègue Michel SAPIN a eu l'occasion de le redire hier à l'ensemble de ses collègues. Cela veut dire donc 2,5 point de PIB de réduction de dépenses publiques par rapport à la trajectoire et sur ces trois ans 2 points de PIB d'allègements de charges et de fiscalité pour les entreprises. Alors je sais que tout cela vient après des mesures qui parfois avaient été difficiles, des choix fiscaux qui avait été contestés, quelles qu'en soient d'ailleurs les majorités, mais cette trajectoire, elle sera tenue parce que c'est la trajectoire de la crédibilité de notre politique économique et elle est absolument fondamentale.
Le deuxième axe, c'est celui de la compétitivité. Et la compétitivité, c'était d'abord la compétitivité-coût, en baissant le coût du travail c'est ce qu'a permis le CICE dans un premier temps, puis la mise en oeuvre du pacte de responsabilité qui continue et qui est en train de produire ses premiers effets. Ce qui vaut en la matière, c'est de se comparer, et nous avons mis fin à une tendance décennale d'écartement des positions françaises et allemandes : le coût industriel français est repassé sous le coût allemand depuis la fin de l'année dernière, les marges sont en train de se rétablir et donc nous avons mis fin à cette tendance. Néanmoins la compétitivité-coût n'est qu'une partie de l'équation, on le sait bien, et la compétitivité hors coût, la capacité de notre tissu industriel à se différencier est plus encore fondamentale. En la matière, la préservation du Crédit Impôt Recherche, le Crédit Impôt Innovation, le développement d'investissements publics centrés sur la montée en gamme et la différenciation de notre tissu industriel au travers des appels à projets et de la Nouvelle France Industrielle sont autant de leviers qui ont conduit, là aussi, à consolider des résultats et à améliorer l'investissement productif en France, mais cela reste un défi fondamental et nous devons améliorer beaucoup plus fortement notre compétitivité hors coût. Pour moi, la mère des batailles en la matière, c'est de continuer ce travail avec la même visibilité et les 3,5 milliards d'euros qui sont prévus dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle seront menés à leur terme. Un troisième programme d'investissement d'avenir sera également clarifié d'ici le printemps prochain, qui permettra d'aller plus loin encore. Et la mesure de suramortissement fiscal que nous avons prise en avril dernier, qui accompagne les entreprises dans ce travail puisqu'elle permet de sur-amortir 140% de l'investissement fait en capital productif, participe aussi de cet effort.
Le maintien du cap passe aujourd'hui par la bataille pour l'investissement productif, qui commence à faire sentir ses premiers résultats mais qui est encore trop timide. Parce que c'est le problème aujourd'hui de l'économie française, et c'est ce que nous avons raté durant les quinze, vingt dernières années : l'investissement dans le capital productif a été trop atone depuis la crise et trop insuffisamment mis sur la modernisation de nos entreprises avant celle-ci.
Enfin, le dernier axe, c'est la modernisation de notre économie. Nous avons pris une série de mesures pour moderniser les marchés des biens et services et le marché du travail, c'est-à-dire leur donner plus de flexibilité et dans de nombreux cas aussi donner plus de visibilité aux acteurs, comme vous nous l'aviez demandé. Et qu'il s'agisse de la modification du régime des impatriés, des réformes en matière de pénalisation du droit du travail, des réformes en matière d'actions de performances ou de bons de souscription pour créateurs d'entreprise : ce sont autant de mesures que vous aviez suscitées, que nous avons reprises et qui font aujourd'hui partie de la modernisation de notre appareil productif et des différents marchés.
Maintenant, nous devons aller plus loin et c'est ce que vous m'invitez à faire en modernisant encore davantage, c'est le deuxième point du triptyque : amplifier l'effort.
Cette amplification, pour moi, elle passe par un constat lucide sur l'économie dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Parce que beaucoup de ce qui a été fait a été pour réparer, pour corriger, ce sont des mesures d'urgence, mais le monde dans lequel nous évoluons n'est plus celui des Trente Glorieuses, ni de l'économie du rattrapage que nous avons connue. C'est un monde où les choses vont plus vite, sont plus ouvertes, où l'innovation est beaucoup plus brutale et vient fracasser des secteurs d'activités entiers en même temps qu'elle crée des opportunités formidables pour de nouveaux acteurs ou pour les acteurs en place. Et donc ce que nous devons faire aujourd'hui, c'est prendre en compte cette grande transformation qui est à l'oeuvre, qui est une grande transformation technologique, une grande transformation en matière d'innovation, mais aussi en matière d'usage, qui vient bousculer beaucoup de nos représentations classiques ou de nos modes d'intervention. Et en la matière, je pense que nous raterions l'effort français si nous ne prenions en compte le fait qu'il y a trois batailles à livrer.
D'abord une bataille culturelle. Dans le cadre de cette grande transformation, il faut que la France arrive ce que nous sommes en train de commencer à faire, mais il faut aller plus ou moins à changer de culture, à avoir moins peur du risque, à davantage valoriser l'effort et le travail, à célébrer le succès et à ne pas stigmatiser l'échec. Cette petite révolution culturelle, nous la commençons tous ensemble, mais elle est fondamentale parce que dans cette économie qui n'est plus du rattrapage mais de la disruption, on doit tenter plus fort, plus vite, on échoue plus souvent mais les quelques exemples qui réussissent tirent beaucoup d'autres. Et donc cette révolution culturelle, elle implique, dans beaucoup de secteurs, des mesures très concrètes, mais elle doit être expliquée, partagée.
La deuxième bataille, c'est celle des talents. Parce que dans cette nouvelle économie, on ne peut réussir si on n'attire pas les meilleurs qu'ils soient chercheurs, entrepreneurs, managers, créateurs. C'est une économie des talents dans tous les secteurs qui nous sont donnés et donc nous devons garder les talents qui sont formés en France nous avons de formidables atouts sur le plan académique, sur le plan de la recherche , attirer autour d'eux leurs pairs, c'est-à-dire attirer et savoir garder chez nous des talents internationaux. Et c'est pour ça que j'ai tenu à passer une réforme en matière d'actions de performance, d'actions gratuites, parce que c'est une des conditions de notre attractivité. Mais nous devons encore aller au-delà et il faut là-dessus prendre les mesures courageuses en matière réglementaire et fiscale, pour que les meilleurs puissent venir travailler en France. Et quand on regarde les choses avec, là aussi, un constat le plus lucide et le plus froid possible, on s'aperçoit que nous sommes compétitifs en matière académique, nous sommes compétitifs en matière de recherche et développement et même lorsque des grands groupes décident des recompositions internationales ou sont rachetés, bien souvent, la recherche et le développement sont maintenus en France parce qu'il y a une qualité des ingénieurs, des docteurs, parce qu'il y a des mesures fiscales attractives qui ont été prises et un écosystème , mais nous ne sommes pas encore suffisamment compétitifs en matière de centres de décision. Et il faut corriger ce point parce que le fait d'avoir des centres de décision dans notre pays permet aussi de garantir des arbitrages qui sont favorables au tissu productif français, qui sont favorables au développement de notre pays et c'est un élément du combat que nous menons tous et toutes dans cette salle.
Enfin, il y a l'enjeu du capital après la culture et les talents, c'est la troisième bataille. Parce que dans cette économie qui se transforme plus vite encore, il faut réussir à mener la bataille du capital. Et là, notre économie a une faiblesse relative, c'est que nous avons une structure de financement qui est beaucoup plus adaptée à une économie de rattrapage qu'à une économie de disruption, c'est-à-dire que nous avons une structure qui se finance bien par la dette mais qui pourvoit trop peu de fonds propres. Et là aussi, il faut rouvrir ce qui a trop longtemps été un tabou dans notre pays : nous avons une épargne financière abondante mais qui est trop massivement investie dans l'immobilier d'une part, et dans l'assurance-vie d'autre part. Et les normes et les régulations ont conduit à la détourner du financement de l'économie réelle. Et donc le travail que nous conduisons avec Michel SAPIN, c'est de nous battre dans les enceintes européennes et dans les enceintes de régulation, pour réussir à réallouer une part de cette épargne financière vers le financement de l'économie réelle. Mais au-delà de ce point, nous prendrons dans les prochains mois une série de mesures très précises pour allouer plus de capital au financement des acteurs économiques dans notre pays, y compris des acteurs internationaux qui décident d'investir dans notre pays, parce que sans fonds propres, il n'y a pas de réussite possible dans ce nouveau cadre économique. Parce que c'est celui qui sait mobiliser, utiliser, dépenser des fonds propres qui lui sont alloués pour rechercher, pour entrer dans un marché et parfois pour y évincer ses adversaires, qui gagne. Il faut pouvoir mobiliser vite et fortement beaucoup de fonds propres.
Alors nous devons réussir ce changement et cette transformation. Pour ce faire, une série de réformes sera mise en oeuvre : des réformes du droit du travail, pour donner plus d'agilité et participer de ce changement culturel que j'évoquais, et ma collègue Myriam EL KHOMRI aura à porter dans les prochains mois une réforme qui donne plus de part à la négociation au niveau de la branche et de l'entreprise. Et je porterai pour ma part une série de réformes qui permettront d'innover plus vite dans tout un tas de secteurs économiques, avec des simplifications normatives, et d'innover plus facilement avec des autorisations plus simples, des ouvertures d'accès aux données, y compris les données d'intérêt général, et des simplifications d'accès au capital, avec les réformes que j'évoquais il y a un instant.
Et puis pour donner plus d'agilité à notre économie et réussir cette transformation, il faut aussi une série de simplifications qui valent pour les plus grands comme pour les plus petits. Nous transcrirons par la loi une série d'engagements qui ont été pris en matière de simplification normative et en matière de simplification pour la création et l'initiative économique. Nous devons rendre la vie beaucoup plus simple à celles et ceux qui, dans notre pays, veulent entreprendre, en leur donnant un cadre fiscal et social facilité, en leur donnant un parcours de croissance beaucoup plus simple. Mais la simplicité, nous la devons aussi à celles et ceux, plus grands, qui veulent se développer. Et donc une série de mesures en la matière sera aussi précisée entre le mois de décembre et le mois de janvier, pour aller plus loin.
Mesdames et messieurs, vous l'avez bien compris, je vous rejoins dans votre souci d'accélérer l'effort. Vous l'avez dit, c'est plutôt mon tempérament, mais je crois que les circonstances nous obligent et nous ne pouvons aujourd'hui remettre à demain ce qui peut être fait aujourd'hui. Et donc je ferai une série de propositions, qui reprendront d'ailleurs plusieurs des mesures que vous allez valider dans la journée et nous transmettre pour aller en ce sens. Le gouvernement prendra ses responsabilités pour que l'attractivité du pays continue à s'améliorer, parce qu'on ne fait pas de la bonne économie sur des bons sentiments. J'ai compris le message, j'ai vu vos sondages, on y croit, mais ce n'est pas suffisant : il faut qu'on puisse le constater. Et en la matière, en termes de simplification, en termes d'accès au capital, en termes d'ouverture, nous prendrons des décisions très concrètes dans les prochains mois. Mais ce que j'attends de vous, c'est que vous continuiez comme vous le faites à prendre vos responsabilités, et là aussi en accélérant, parce que si notre pays a besoin aujourd'hui de quelque chose, c'est d'avoir des choix clairs, francs et massifs : les choix de confiance dans la vitalité de notre économie, les choix clairs et assumés que nous faisons et que je viens ici de vous rappeler.
Ce pays, nous le modernisons, nous continuerons à le moderniser et vous pouvez compter sur moi plus encore demain qu'hier. Et les choix d'investissement et les choix d'embauches qui seront faits par tous les décideurs français et étrangers sur notre territoire sont une contribution fondamentale aux défis que j'évoquais au début de mon propos, parce qu'ils sont la marque de la confiance, et parce qu'ils sont un peu de cette cordée dont nous avons besoin qui nous tirera vers le haut. Parce que nous n'avons pas le droit de laisser une quelconque place au doute : nous devons poursuivre toutes et tous ensemble ce travail de modernisation, ce travail d'ouverture de l'économie française. Parce que notre responsabilité, et aujourd'hui ce n'est que cela dont il s'agit, c'est de faire réussir notre pays dans la mondialisation ; non pas de laisser la place à celles et ceux qui voudraient qu'on lui tournât le dos, non pas de considérer que la bataille serait déjà perdue. Notre responsabilité c'est de continuer à nous tenir debout avec beaucoup de calme, avec la même résolution, mais en allant encore plus vite, plus fort et plus loin ensemble, parce que ce ne sera pas le choix de quelques-uns, ce ne seront pas des mesures essaimées par le gouvernement, mais ce sera une responsabilité collective et partagée ensemble pas toutes et tous. Merci pour cela. Merci beaucoup.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 8 décembre 2015