Entretien de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, dans "Les Echos" du 9 décembre 2015, sur le commerce extérieur.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

Texte intégral


Q - Pourquoi avoir voulu que votre rapport sur la stratégie de la France sur le commerce extérieur soit présenté à l'Assemblée nationale ?
R - Nous avons besoin d'un débat démocratique sur le commerce extérieur. À travers ce rapport, j'ai souhaité que les parlementaires soient associés pour leur permettre de débattre, mais aussi d'exercer leur contrôle. Pour la première fois, une stratégie a été élaborée avec l'ensemble des acteurs. Par ailleurs, c'est un exercice de pédagogie. Le commerce extérieur n'est pas une réalité lointaine. Pour preuve, un quart des emplois en France, soit 6 millions d'emplois, sont directement ou indirectement liés aux exportations. Ce rapport vise donc à donner une vision juste et précise de la réalité, à la fois face à ceux qui font du libéralisme un dogme, mais aussi face à tous ceux qui veulent que la France dépérisse en se repliant sur elle-même. Ce rapport le montre : les secteurs les plus dynamiques de l'économie nationale sont souvent ceux qui se projettent le plus à l'extérieur, comme l'aéronautique, l'agroalimentaire, la pharmacie ou le luxe. L'avenir de la France passe aussi par la réussite à l'international. Ce n'est pas seulement valable pour les grands groupes mais également pour les PME.
Q - Le déficit commercial, hors énergie, a du mal à se réduire. Comment l'expliquez-vous ?
R - Cette année, le déficit commercial sur les biens devrait s'élever à environ 40 milliards d'euros, contre 58 milliards en 2014, principalement grâce à la baisse du prix du pétrole. Depuis 2011, le déficit s'est réduit de 45%. Cette baisse s'explique pour les deux tiers par la chute du prix du baril de pétrole et l'évolution du cours de l'euro, et pour un tiers par un regain de compétitivité des entreprises françaises. Les facteurs ne sont donc pas que conjoncturels. Et pour faire regagner à la France sa position, le gouvernement a engagé des réformes qui portent leurs fruits. Avec le crédit d'impôt pour l'emploi et la compétitivité (Cice), le coût du travail horaire dans l'industrie en France est passé sous celui de l'Allemagne. C'est important même si le coût du travail n'est pas l'alpha et l'oméga de la compétitivité. L'enjeu pour les entreprises françaises, c'est aussi la montée en gamme et l'innovation.
Q - Le secteur aéronautique et aérospatial a dégagé un excédent de 23 milliards en 2014. L'économie française n'est-elle pas trop dépendante de ce secteur ?
R - L'aéronautique est une magnifique réussite européenne et un secteur dont l'activité bénéficie d'une forte visibilité car les besoins de mobilité augmentent, notamment avec l'essor des classes moyennes dans les pays émergents. Cela promet une forte hausse de la mobilité, et donc des besoins de transport. Cela dit, la France a la chance d'avoir d'autres secteurs qui dégagent des excédents commerciaux, comme la pharmacie, l'agroalimentaire, la chimie ou encore le luxe.
Q - Comment remédier aux faiblesses de l'appareil exportateur français ?
R - Nous devons aider encore plus les PME à exporter. Car la France ne compte que 121.000 entreprises exportatrices. C'est trois fois moins qu'en Allemagne et deux fois moins qu'en Italie. De plus, le réflexe de l'international n'est pas encore systématique : les entreprises françaises n'exportent pas assez dans la durée puisque sur dix primo-exportateurs, trois ans après, il n'y en a plus qu'un. Les grands groupes, à l'instar de ce que font les Allemands, devraient aussi jouer le jeu, faire davantage «la courte échelle» aux PME en les emmenant conquérir des marchés étrangers. Nous devons aussi être plus offensifs à l'international en nous focalisant sur des familles de produits, et en nous concentrant sur les pays émergents appartenant au G20.
Q - L'Europe a-t-elle un rôle à jouer en matière de commerce extérieur, un domaine d'action encore très national ?
R - Je ne crois pas en une mondialisation naturellement heureuse. L'Europe est aujourd'hui la seule zone géographique qui applique benoîtement des principes libéraux. Il faut au contraire exiger la réciprocité dans les échanges. Nous avons besoin de lucidité, et de porter des valeurs et une vision de la mondialisation pour rompre avec une certaine routine bureaucratique dans les négociations. Par ailleurs, il faut exiger que les normes sociales et environnementales fassent partie intégrante des accords commerciaux et soient contraignantes. Songez par exemple que les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) datent du début des années 1990, elles ont donc vraiment besoin d'être mises à jour ! Et il est somme toute logique de considérer que le premier acteur du commerce mondial, l'Union européenne, doit avoir un rôle déterminant à jouer dans la définition des règles du jeu. La France est fidèle à sa vocation en portant ces sujets au niveau européen.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2015