Texte intégral
PATRICK COHEN
On va à présent accueillir la ministre de l'Éducation en studio ici à France Inter. Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
PATRICK COHEN
Il y aura une minute de silence observée à midi dans tous les établissements scolaires, le président de la République l'a voulu, pour quel message, pour dire quoi aux enfants et aux adolescents ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord il y aura aujourd'hui une minute de silence respectée dans tous les services publics et il faut le préciser, pas seulement en France, puisque plusieurs pays étrangers ont manifesté le souhait de la respecter en même temps que nous. C'est évidemment important que l'école soit associée à ce moment de recueillement, pour dire quoi exactement ? Pour rendre hommage aux victimes tout simplement, pour se recueillir comme le nom le dit. Quelle forme doit prendre cette minute de silence ? J'ai écrit aux enseignants pour préciser samedi soir que bien entendu ce moment de recueillement doit d'abord être adapté à l'âge des enfants, des enfants de quatre ans, ce n'est pas forcément en se taisant, complètement raide pendant une minute qu'on leur fait le mieux comprendre la gravité de ce qui s'est passé. Peut-être que c'est en dessinant en silence, ou d'autres formes que je laisse aux équipes et aux directeurs et chefs d'établissement de choisir.
PATRICK COHEN
On va revenir sur les plus jeunes, mais pour les plus grands aussi ça peut poser problème, les enseignants n'ont pas que de bons souvenirs de la minute de silence ordonnée après la tuerie de Charlie Hebdo, il y a eu des incidents, des dérapages, au moins 200 recensés par vos services, c'est pour ça que vous avez mis en ligne un document de sept pages qui donnent précisément des consignes et des consignes de prudence aux enseignants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dans le courrier que j'ai adressé aux enseignants, il est indiqué que la minute de silence doit être précédée d'un temps d'échanges, parce qu'il ne faut pas l'aborder de façon sèche cette minute de silence, il faut que les élèves, d'abord vous allez voir comment ça va se passer, j'ai une pensée vraiment pour tous les enseignants qui reprennent la classe ce matin, comment ça va se passer ce matin, les élèves vont avoir besoin de parler vraiment. Et la différence je crois, avec les événements de janvier, c'est que malheureusement ceux qui se sont déroulés le 13 novembre sont d'une ampleur encore plus massive, encore plus aveugles que ceux de janvier, c'était déjà terrible en janvier, ça l'est encore plus cette fois-ci et je pense que c'est surtout l'effroi et la peur qui vont s'exprimer chez les élèves. Et donc il faut absolument pouvoir échanger, recueillir leur parole, les aider à verbaliser leurs émotions avant de procéder à la minute de silence.
PATRICK COHEN
Vous écrivez dans cette note, il convient de faire en sorte de répondre favorablement aux besoins, interrogations, demandes d'expressions qui pourraient avoir lieu dans les classes, très bien, c'est à ces conditions qu'une minute de silence sera faite avec les élèves en signe de recueillement. C'est-à-dire que vous pensez que dans les endroits, dans les classes où ces conditions ne sont pas réunies, inutile d'insister, d'imposer à toute force une minute de silence si le recueillement comme vous dites, ou les conditions d'expressions sereines des élèves ne sont pas réunis ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non soyons clairs, moi, je dis que la minute de silence doit être respectée partout, que le moment de recueillement doit être respecté partout. Qu'en revanche pour qu'il soit utile, pour qu'il soit pertinent, il faut qu'il soit préparé. Et donc cette préparation, ce temps d'échanges qui le précède, c'est un temps que les enseignants peuvent choisir de faire dans leur classe, ou alors s'ils ne se sentent pas suffisamment prêts, car on le comprendrait très bien, en lien avec le chef d'établissement de faire collectivement par exemple, en interclasse ou alors dans un cadre type CDI, pour ce qui est du collège, ou conseil de vie lycéenne, enfin il y a d'autres instances dans lesquelles ce temps peut se faire ce matin. Les chefs d'établissements ont eu tout le week-end pour préparer cela aussi, les enseignants ne sont pas seuls. Je rappelle par ailleurs, si vous le permettez, Patrick COHEN, compte tenu de la gravité de ce qui s'est passé, que des cellules médico-psychologiques sont déployées en particulier dans tous les établissements proches des attentats, mais même partout ailleurs en France sur la demande des chefs d'établissement, donc les enseignants ne sont pas seuls, il y aura des psychologues, des médecins, des assistantes sociales qui seront à leurs côtés si besoin pour prendre en charge les cas de post traumatisme les plus importants et je crains qu'il y en ait y compris ailleurs qu'en Ile-de-France.
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il faut dire aux enfants, aux adolescents que c'est la guerre, que nous sommes en guerre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez
PATRICK COHEN
C'est ce qu'a fait le président de la république.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le président de la République a eu raison de parler de guerre. Le président de la République est dans son rôle, c'est bien une guerre qui nous a été déclarée par Daesh, maintenant la façon dont on en parle aux enfants, vous voyez bien que les mots doivent être adaptés là encore à l'âge et surtout derrière les mots qu'on emploie des explications doivent être données, car l'idée c'est aussi de les rassurer. Par exemple il faut bien préciser que les attentats qui se sont déroulés, tous massifs et aveugles qu'ils aient été en l'occurrence ont été circonscrits à un lieu, à un moment, qu'on est à l'abri à l'école. Ce sont des choses simples, mais je crois vraiment par rapport
PATRICK COHEN
Dire l'horreur sans faire peur, ce n'est simple pour les enseignants.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà c'est un défi terrible et j'ai une pensée vraiment profonde pour les enseignants ce matin car d'abord ils sont comme tout à chacun, comme nous tous, ils ont été terrassés par la douleur vendredi dernier, ensuite malheureusement la communauté éducative et universitaire, on va le constater, a payé un lourd tribu
PATRICK COHEN
Certains enseignants ont été tués vendredi soir à Paris.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr certains enseignants, certains universitaires, des étudiants beaucoup puisqu'au Bataclan, vous avez vu à quoi ressemblait
PATRICK COHEN
La moyenne d'âge est très basse oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà donc c'est un moment terrible et à cela s'ajoute s'agissant des enseignants cette pointe de responsabilité qui fait que ce lundi matin ils doivent être forts devant leurs élèves. Donc j'ai une pensée pour eux, nous les accompagnons, je veux leur dire qu'on ne se sent jamais tout à fait prêt devant ce genre de situation. Réfléchissez, vous, même en tant que parents, j'ai essayé moi ce week-end de parler à mes enfants, la difficulté à trouver les mots, donc merci à eux d'être là, d'être au rendez-vous et bien sûr ce ne sera jamais parfait, mais en tout cas l'Éducation nationale se mobilise une fois de plus.
PATRICK COHEN
Justement vous diriez quoi aux enfants, aux jeunes, aux plus jeunes enfants ? Maitresse, c'est qui les méchants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est qui les méchants ? C'est une organisation terroriste qui a décidé d'exterminer tous ceux qui ne lui font pas allégeance, tous ceux qui ne pensent pas comme elle. Et donc cette organisation terroriste, il faut la détruire parce que sinon elle nous détruira.
PATRICK COHEN
Toutes les sorties scolaires sont annulées. Pour combien de temps, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, vous avez raison de préciser que si nous avons voulu que les écoles rouvrent, parce qu'il faut que la vie reprenne ses droits, bien sûr nous avons adopté des mesures de précaution. Le plan Vigipirate Alerte Attentat est déclenché bien sûr, aux alentours des écoles en particulier. Les sorties scolaires sont annulées toute cette semaine, jusqu'à la fin de la semaine, les voyages scolaires, les sorties scolaires occasionnelles. Pour ce qui est des sorties scolaires régulières qui font partie de la scolarité aller à la piscine, aller à la cantine -, elles sont maintenues dès lors qu'elles ne supposent pas de prendre un transport en commun public. S'il y a transport en commun public, annulées aussi. Puis bien sûr, nous annulons les manifestations d'ampleur ; je pense au Salon de l'éducation pour ceux qui nous écoutent, qui devaient peut-être y participer, qui devait avoir lieu en milieu de semaine et accueillir quatre vingt mille visiteurs par jour. Il est bien sûr repoussé, il ne se tiendra pas. Voilà les quelques mesures que nous avons adoptées et qui tiennent jusqu'à la fin de la semaine.
PATRICK COHEN
Les sorties scolaires, combien de temps ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Jusqu'au 22 novembre précisément.
PATRICK COHEN
Jusqu'au 22 novembre.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Jusqu'au 22 novembre. En revanche, pour les parents qui s'interrogent, sachez que les enfants qui font partie de voyages scolaires par exemple à l'étranger et qui devaient revenir, reviendront à la date initialement prévue. Il n'y a pas de changement de ce point de vue.
PATRICK COHEN
Je reviens au message auprès des enfants de la communauté éducative et puis aussi peut-être des parents. Est-ce qu'à vos yeux, Najat VALLAUD-BELKACEM, il faut apprendre aux enfants à vivre avec le danger, avec le risque terroriste ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Nous devons - d'ailleurs pas seulement les enfants, nous tous nous devons vivre avec le danger terroriste indéniablement, mais ça ne veut pas dire qu'il faille vivre avec la peur. Il faut vivre avec la conviction que la liberté est une chose qui se défend, que ça n'est pas acquis pour l'éternité, que malheureusement il y a en effet des organisations terroristes, des forces qui nous en veulent de notre mode de vie, nous en veulent j'allais dire même de notre devise républicaine. Vous savez, j'y réfléchissais ce week-end. Je me disais : c'est terrible, parce qu'entre les attentats de janvier et ces attentats du 13 Novembre, ce sont les trois mots de notre devise républicaine qui ont été tour à tour frappés ; liberté comme liberté d'expression, égalité comme quand à l'Hyper Cacher on s'en prend à des concitoyens de confession juive parce qu'on refuse qu'ils soient égaux des autres ; et fraternité quand on va dans le Xème et le XIème arrondissements à la terrasse des cafés, ces moments de détente, ces moments de musique, ces moments de sport, c'est la fraternité dans la diversité de la population française. Liberté, égalité, fraternité ont été frappées et nous, nous devons apprendre à défendre cette devise républicaine, à défendre ce mode de vie et donc à reprendre la vie. Voilà, c'est ce que nous faisons en rouvrant les écoles.
PATRICK COHEN
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Éducation, d'être venue ce matin au micro de France Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2015