Texte intégral
GUILLAUME ERNER
Bonjour Patrick KANNER.
PATRICK KANNER
Bonjour.
GUILLAUME ERNER
Vous êtes ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et on va beaucoup parler de sport ce matin, on va beaucoup parler des problèmes que rencontre le sport et notamment des problèmes de dopage. Mais avant cela, quelques questions de politique générale, qui vont vous être posées par Stéphane ROBERT et par moi-même. Ce sont les élections régionales, vous êtes originaire du Nord, de Lille, plus précisément. On évoque beaucoup la perspective d'un front républicain, d'un front républicain entre Les Républicains et le Parti socialiste, pour contrer le Front national. C'est une véritable perspective, selon vous ?
PATRICK KANNER
D'abord, qu'est-ce que l'on met derrière le mot Front républicain ? Front républicain c'est pas une fusion de listes, c'est le fait qu'une liste ou un candidat se désiste, au profit de celui qui est le mieux placé pour barrer la route du Front national. Donc, ces questions qui se posent qui sont relayées ici ou là, à tire personnel, pour moi, ne se posent pas, puisque je suis ici, à quatre semaines du premier tour, il n'y a qu'une seule chose qui m'intéresse, c'est le premier tour et faire monter le candidat socialiste, Pierre de SAINTIGNON, et tous ceux qui l'entourent, les 171 candidats qui l'entourent, le plus haut possible, de manière à ce que cette question ne se pose pas, en tout cas qu'elle se pose pour la droite et pas pour la gauche.
GUILLAUME ERNER
Entre nous, Pierre de SAINTIGNON a peu de chances de l'emporter, il est quasiment certain que Les Républicains et le Front national vont tirer les marrons du feu, peut-être que c'est le moment justement d'envisager un Front républicain, une fusion de listes, par exemple, entre le Parti socialiste et Les Républicains ?
PATRICK KANNER
C'est votre analyse. C'est votre analyse, ce n'est pas la mienne, moi je me bats pour que mon candidat, nos candidats, soient le plus haut possible, soient au-dessus de 20 % en particulier, puissent être le môle sur lequel viendra s'agréger, d'un côté Les Verts et le Parti de gauche, de l'autre côté le Parti communiste, et à partir de là, tout est possible pour le second tour.
GUILLAUME ERNER
Stéphane ROBERT.
STÉPHANE ROBERT
Vous dites qu'il ne s'agit pas d'envisager de fusions de listes, c'est pourtant ce qu'envisage Manuel VALLS, il le dit à des journalistes, évidemment pour que ce soit rapporté, et vous dites qu'il n'est pas question de ça. Alors, pourquoi est-ce qu'il l'envisage, est-ce qu'il a raison de le faire, est-ce qu'il a raison de poser cette question-là, maintenant ? On voit bien qu'il y a une distension, avec le Parti socialiste et avec Jean-Christophe CAMBADELIS, Premier secrétaire, qui dit : « Attendons le premier tour, on verra au lendemain ce qu'on fera, on avisera à ce moment-là », mails lui pose la question dès maintenant, et il le fait savoir.
PATRICK KANNER
Mais tout homme politique, le Premier ministre mais bien d'autres, peuvent s'interroger sur les conséquences du premier tour, mais je suis intimement convaincu que pour Manuel VALLS, et son souhait il est dans sa campagne personnelle, puisqu'il va se déplacer partout dans les régions françaises, c'est que ce que nous représentons, c'est-à-dire ce socialisme moderne, ce socialisme démocratique, puisse aller le plus haut possible, dans le premier tour, mais il n'est pas scandaleux que l'on s'interroge que les conséquences d'un très mauvais premier tour. Mais on va tout faire pour que ce premier tour soit le meilleur possible. Et je pense qu'aujourd'hui il y a une prise de conscience. D'ailleurs, vous remarquerez que la droite elle-même dit : « Ah, on pensait faire le grand chelem, ce n'est plus vraiment le cas », donc ça commence à bouger, et les Français, je l'espère, dans les quatre semaines qui nous attendent, prendront conscience qu'on ne gère pas des régions avec le Front national.
GUILLAUME ERNER
Alors, vous dites aujourd'hui « attendons de voir le résultat de Pierre de SAINTIGNON, comment ça se présente pour lui », c'est quand même curieux que dans les deux grosses régions où le Front national est le plus fort, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et la régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie, vous ayez, vous, socialistes, mis des candidats quasi-inconnus, Pierre de SAINTIGNON, adjoint à la Maire de Lille, qui n'est pas connu du tout, encore moins en Picardie que dans le Nord, mais pas très connu dans le Nord. En PACA, c'est Christophe CASTANER, personne ne connait Christophe CASTANER, au-delà des Alpes-de-Haute-Provence. En face, on a des poids lourds, on peut le dire, Marion MARECHAL LE PEN, Christian ESTROSI qui a été ministre, Marine LE PEN pour le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Xavier BERTRAND qui a lui aussi été ministre de SARKOZY. Comment ça se fait que vous avez fait ces choix-là ? Est-ce que ça n'est pas d'ores et déjà que vous aviez acté la défaite dans ces deux régions ?
PATRICK KANNER
Sûrement pas. Vous savez, moi je ne fais pas de la politique pour être battu, hein, dans toutes les hypothèses. Pierre de SAINTIGNON était adjoint, vous l'avez souligné, de Martine AUBRY, premier adjoint, depuis très longtemps, mais il est aussi Premier vice-président du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais aujourd'hui, un homme extrêmement compétent, notamment sur les domaines économiques, et depuis deux années, on savait qu'il était sur les starting-blocks pour pouvoir partir au combat. Aujourd'hui, sa notoriété, eh bien elle est sûrement très importante, peut-être plus importante que beaucoup d'hommes politiques nationaux, parce que les médias ont fait cette notoriété, c'est très bien, mais le problème n'est pas de savoir s'il est notoire, la question c'est de savoir s'il porte un projet intéressant, populaire, et plein d'avenir pour notre région. Et moi, ma réponse, c'est oui, naturellement.
GUILLAUME ERNER
Patrick KANNER, 16 policiers ont été légèrement blessés à Calais, dans la nuit de dimanche à lundi, on s'adresse à vous en tant qu'élu du Nord. Le soutien de Bernard CAZENEUVE à Calais est-il suffisant, selon vous ?
PATRICK KANNER
Le soutien de Bernard CAZENEUVE à Calais, ce n'est pas un soutien, c'est une action. C'est une action.
GUILLAUME ERNER
Une action alors insuffisante, aujourd'hui ?
PATRICK KANNER
Il agit. Il agit. Qu'est-ce que l'on a à Calais ? On a une situation, que j'ai qualifiée d'insupportable, tellement elle montre la misère de 6 000, à l'époque, personnes, qui sont concentrées dans ce lieu que la Presse a appelé « la jungle », maintenant tout le monde l'appelle la jungle, dont acte, mais qui vit finalement, il y a une organisation interne. Aujourd'hui, ces 6 000 personnes sont passées, grâce à Bernard CAZENEUVE, à 4 500, puisqu'il y a une baisse du nombre d'arrivées, parce qu'on a rendu la frontière étanche, je reprends l'expression du ministre de l'Intérieur, et surtout on commence à sortir vers des statuts différents, toute une série de personnes, et aujourd'hui il y a moins de pression sur Calais. Il faut qu'on ait 1 500 à 2 000 personnes qui soient accueillies dignement, notamment dans le centre Jules Ferry, pour passer l'hiver qui nous attend et qui sera rude, semble-t-il, premièrement. Et deuxièmement, il faut donner un statut à ceux qui veulent conserver un statut dans notre pays, en tant que demandeur d'asile, et puis après il faudra raccompagner à la frontière ceux qui n'ont rien à faire sur le territoire national. C'est toutes ces mesures qui feront que Calais, eh bien finira par diminuer en termes de pression, y compris médiatique.
GUILLAUME ERNER
Mais il y a aussi la question des habitants
PATRICK KANNER
Bien sûr.
GUILLAUME ERNER
On entend des témoignages.
PATRICK KANNER
Bien sûr.
GUILLAUME ERNER
Qu'est-ce que vous faites ?
PATRICK KANNER
Je pense à eux. Ce qui a été fait, c'est la sécurisation par des forces de l'ordre, notamment des maisons proches du site en tant que tel.
GUILLAUME ERNER
Stéphane ROBERT.
STÉPHANE ROBERT
On voit bien que le problème de Calais c'est, enfin, vous dites « on va réduire petit à petit », on a réduit petit à petit, on est passé de 10 000 à 4 500, c'est notamment par le transfert dans un certain nombre de centres de rétention
PATRICK KANNER
Oui.
GUILLAUME ERNER
Mais au-delà de ça, le problème, plus global, des migrants, qui ne se pose pas seulement à la France, à l'Europe entière, on voit bien qu'elle a beaucoup de mal, l'Europe, comme la France, à gérer cette question-là. Il y a l'Angleterre qui a mis sa frontière, finalement à Calais, qui se trouve, c'est peut-être un peu ça
PATRICK KANNER
Et l'Angleterre qui n'est pas dans Schengen.
GUILLAUME ERNER
Voilà qui n'est pas dans Schengen, mais au-delà de ça, comment on fait pour appréhender ce problème, avec ces vagues de migrants, avec des pays comme l'Allemagne, qui, d'un point de vue économique, peuvent accueillir beaucoup plus, la France est beaucoup plus frileuse face à cette question, mais comment on fait plus globalement pour appréhender ce problème-là ? Peut-être pas le régler tout de suite, on sait bien que l'on ne peut pas apporter une réponse immédiate, mais comment on fait pour l'appréhender ?
PATRICK KANNER
Plusieurs solutions. Devant un phénomène qui est sûrement le plus grave que l'Europe ait connue depuis sa construction, très concrètement. D'abord il y a la solution politique, c'est-à-dire qu'il faut que les conflits s'arrêtent sur les sites qui provoquent ce type de départs, mais ça, c'est ça ne dépend pas, vous l'imaginez bien, du ministre que je suis, ça dépend d'un règlement international, et de phénomènes militaires qui m'échappent très largement. Simplement il est clair aujourd'hui que nous sommes peut-être devant des années, peut-être même des dizaines d'années de conflits larvés au niveau international. Premièrement. Deuxièmement, qu'est-ce qu'il nous faut ? Il faut multiplier les hotspots, c'est-à-dire les lieux où on recense les personnes, qui sont aujourd'hui malheureusement débordés. Je vous rappelle aussi que la France n'est pas envahie, vous le remarquerez, par des réfugiés, qui se concentrent aujourd'hui sur les Balkans et qui veulent aller en Autriche ou en Allemagne, principalement, les pays riches en particulier, de notre Union européenne, même si la France est très riche. Et puis, ensuite, la solution c'est l'intégration, dans l'attente d'un éventuel et hypothétique retour vers les pays d'origine. Si nous avions une solution idéale, vous pensez bien qu'on n'aurait pas toutes les images que nous voyons aujourd'hui dans notre sur les médias français et internationaux.
GUILLAUME ERNER
Patrick KANNER, vous êtes ministre des Sports, aujourd'hui être ministre des Sports, est-ce être ministre des scandales ?
PATRICK KANNER
Il y en a trop. Après l'UCI, après la FIFA, après l'international d'athlétisme, on voit bien que l'argent est en train de pourrir le sport au niveau international. Pour moi, c'est vraiment terrible, c'est une meurtrissure, parce que j'aime le sport propre, j'aime le sport sans dopage, j'aime le sport qui respecte des éthiques. Une fois que l'on a dit cela, je dois m'adapter et je dois réagir à chaque scandale, et c'est vrai que
GUILLAUME ERNER
Eh bien on va vous faire réagir à chaque scandale. Premier scandale qui concerne la France, le scandale dit de la sexe-tape, où deux joueurs de l'équipe de France sont impliqués, l'un a priori en tant que victime, l'autre soupçonné d'être, on va dire, complice de ce chantage, Karim BENZEMA. BENZEMA doit-il continuer à jouer en équipe de France ?
PATRICK KANNER
Moi j'ai posé une question à la Fédération française, qui est la seule compétente en la matière, c'est est-ce qu'on ne devrait pas s'interroger sur une hypothèse, l'hypothèse qui s'applique aux ministres, que quand on est mis en examen, eh bien on ne puisse pas porter le maillot de l'équipe de France, en football ou ailleurs. C'est une hypothèse de travail, elle n'existe pas dans la loi, elle n'existe pas dans les statuts de la Fédération française de football. Noël LE GRAËT m'a répondu avant même que je n'intervienne sur le sujet, en disant : « Nous, ce qui nous intéresse, c'est les qualités sportives des joueurs ». Mais je voudrais quand même vous dire quelque chose, si vous me permettez, ça va être très court, je vous rassure. « Vos comportements, vos attitudes et vos propos, façonnent votre image, relayée auprès du grand public par les médias, compagnon de route incontournable et indispensable. Par eux, passe cette image que vous renvoyez au pays tout entier, avec eux, aussi, soyez pros ». Qu'est-ce que c'est ? C'est la conclusion de la charte de l'équipe de France, établie en 2013, signée par chaque joueur de l'équipe de France.
GUILLAUME ERNER
Donc celle-ci a été piétinée ?
PATRICK KANNER
Celle-ci a été signée, en tout cas, par BENZEMA.
GUILLAUME ERNER
Mais est-ce qu'elle a été piétinée par BENZEMA ?
PATRICK KANNER
Vous pouvez le juger par vous-même.
GUILLAUME ERNER
Clairement, vous demandez que BENZEMA soit mis, non pas sur le banc de touche, mais hors du terrain.
PATRICK KANNER
En tout cas, je pense qu'une mise en examen n'est pas très compatible avec cette charte qui aujourd'hui est celle de l'équipe de France.
STÉPHANE ROBERT
A travers ce que vous dites là, vous conférez un rôle politique finalement à des sportifs, un rôle d'ambassadeur de la France en quelque sorte, entre guillemets, si on comprend bien. Est-ce qu'il ne faudrait pas pour le coup lui en donner quelques notions ? Les éduquer, je ne sais pas ?
PATRICK KANNER
Vous croyez que quand on porte le maillot de l'équipe de rugby par exemple et quand on a douze millions de téléspectateurs pour le match de rugby France-Nouvelle Zélande, on n'est pas un ambassadeur de la France, du pays ? Naturellement, naturellement.
STÉPHANE ROBERT
Mais on n'est peut-être pas conscient de l'implication politique que ça peut avoir.
PATRICK KANNER
Mais que des joueurs ne chantent pas « La Marseillaise », que certains n'imaginent pas qu'en portant le maillot de l'équipe de France ils ne sont pas que des sportifs, ce sont je reprends votre expression des ambassadeurs de l'image de la France, du rayonnement de la France. Naturellement, on devrait peut-être un peu plus marquer leurs responsabilités, et d'ailleurs cette charte contribuait à cela.
GUILLAUME ERNER
On a parfois l'impression, Patrick KANNER, que pour être un bon joueur, il faut être un mauvais garçon.
PATRICK KANNER
Là vous me scotchez, parce que je connais des bons garçons qui sont des bons joueurs. En tout cas, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Très concrètement, les joueurs de l'équipe de France, que ce soit en foot ou ailleurs, sont des représentants de la Nation de la Nation réunis autour d'eux, rassemblés autour d'eux, et quand on est à quelques mois de l'Euro 2016, c'est vrai qu'on a envie que tout le monde soit exemplaire.
GUILLAUME ERNER
Et pour se faire, est-ce que vous avez des préconisations concrètes à faire ? Parce que ça fait très longtemps que chacun appelle de ses voeux à un sport propre et le sport semble être de moins en moins propre.
PATRICK KANNER
C'est le rôle des fédérations, des patrons de fédération.
GUILLAUME ERNER
C'est le rôle du ministre aussi, vous êtes ministre des Sports.
PATRICK KANNER
Bien sûr, mais bien sûr. Vous savez, quand moi je passe une ordonnance, par exemple le 30 septembre dernier pour adapter le sport français aux conditions prévues par les lois antidopage au niveau mondial, je fais mon boulot au niveau national et international. Mais que chacun prenne sa part de responsabilité.
GUILLAUME ERNER
On va continuer à en parler avec vous, Patrick KANNER. On en reparle également à 08h15 pour savoir comment faire pour que le sport soit autre chose qu'un synonyme de dopage.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2015