Texte intégral
MAJORITE. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, réaffirme qu'il n'est pas question d'une amnistie pour les prisonniers politiques en Corse. Il en profite pour répondre à ceux qui critiquent les résultats de son action Place Beauvau.
" Il ne peut y avoir d'amnistie "
SUCCESSEUR de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'Intérieur et proche de Lionel Jospin, Daniel Vaillant ne veut pas entendre parler d'une quelconque amnistie pour les prisonniers politiques corses. " Le gouvernement ne déviera pas de sa route ", dit-il. Il évoque aussi sa politique pour lutter contre l'insécurité alors que les derniers chiffres sont mauvais.
L'amnistie des prisonniers " politiques " corses, comme le réclament les nationalistes et certains Verts, est-elle acceptable ?
Daniel Vaillant. L'amnistie n'est pas à l'ordre du jour. Elle n'a pas été traitée dans les discussions de Matignon et ne figure donc pas dans le relevé de conclusions du 20 juillet 2000. Concernant le rapprochement des détenus, les choses sont claires. Ceux dont le dossier est encore à l'instruction doivent rester à proximité des juges. Ceux déjà jugés et condamnés peuvent, pour des raisons familiales et humanitaires, faire des demandes de rapprochement. Un grand nombre de décisions positives sont d'ores et déjà intervenues. Ce qui est important, c'est de garder le cap et je constate surtout aujourd'hui que tous ceux qui se sont engagés dans le processus de Matignon ne veulent pas le remettre en cause.
Etes-vous prêt à faire des concessions ?
Le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 est le texte de référence, le seul, à partir duquel doit être appréciée la fidélité du gouvernement à ses engagements. Pour ma part, c'est cette même exigence de fidélité aux engagements qui m'a animé tout au long de la préparation du projet de loi. Le gouvernement ne déviera pas de sa route. Je poursuivrai le dialogue avec tous les élus du suffrage universel, notamment pour améliorer encore le texte voté à une large majorité en première lecture à l'Assemblée nationale et qui doit être examiné à l'automne par le Sénat. Le gouvernement a engagé un processus qui consacre la primauté du débat politique pour fonder durablement la paix civile en reconnaissant la spécificité de la Corse et en l'engageant sur la voie d'un développement économique et social renforcé. Cet objectif rejoint, je crois, les préoccupations et les espoirs de l'immense majorité des Corses.
Pas question donc d'amnistier les responsables de l'attentat du préfet Erignac ?
Comme l'a affirmé le Premier ministre devant la représentation nationale, il ne peut pas y avoir d'amnistie pour les assassins du préfet Claude Erignac.
Les chiffres de la délinquance sont mauvais, comment expliquez-vous ce phénomène ?
La tendance pour les six premiers mois de l'année est en effet préoccupante, même si la délinquance a marqué le pas en mai et juin avec une hausse qui s'est inscrite respectivement à hauteur de 1,6 et de 3,8 %. Cette augmentation résulte aussi bien de tendances lourdes, comme par exemple l'accroissement constant depuis plus de trente ans des violences contre les personnes, que de causes plus conjoncturelles qu'il ne faut pas sous-estimer. Je pense en particulier à toutes les infractions liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, qu'il s'agisse des vols de portables (à Paris, cela représente la moitié des vols avec violence) ou encore des escroqueries commises via l'Internet. A cela s'ajoute le fait qu'en généralisant la police de proximité nous favorisons nécessairement le dépôt de plaintes pour des faits que personne ne comptabilisait auparavant. Il n'en reste pas moins que la situation exige une mobilisation de chaque instant à laquelle la priorité est et sera donnée.
Faut-il, comme le réclame Jean-Louis Debré, un de vos prédécesseurs, une loi de programmation contre l'insécurité ?
Que M. Debré réclame aujourd'hui une loi de programmation en matière de sécurité en dit long sur la démagogie et sur l'absence d'honnêteté politique qui règnent à droite. M. Debré, qui pourtant appartenait à la même majorité, a été le premier dès qu'il est arrivé Place Beauvau à ranger dans les tiroirs la loi de programmation qu'avait fait voter M. Pasqua. C'est lui qui a arrêté la mise en oeuvre du programme de renforcement des moyens de la police nationale prévu par son prédécesseur. C'est encore lui qui n'a pris aucune mesure pour préparer le remplacement des fonctionnaires de police partant en retraite avec les conséquences désastreuses que l'on a connues en matière d'effectifs de police jusqu'au début de cette année. Oui, il faut préparer l'avenir de la police, mais par des actes, et non par des déclarations sans lendemain et démenties par les faits.
Ce qui concrètement veut dire
Que pour ma part, j'agis ! La police de proximité s'est traduite par l'ouverture de 619 bureaux de police supplémentaires. Après un recrutement de 3 200 policiers depuis 1999, il y aura l'année prochaine la création de 3 000 postes supplémentaires. Du jamais vu depuis vingt ans J'ajouterai qu'à travers le projet de loi sur la sécurité quotidienne les policiers disposeront de moyens juridiques accrus pour les soutenir dans leurs missions et faciliter leur tâche, par exemple pour intervenir dans les halls d'immeubles. Par ailleurs, j'ai pris des dispositions concrètes pour renforcer le partenariat avec les maires sur les questions de sécurité, notamment par l'organisation de réunions régulières entre les élus et les commissaires de police. Sur ma proposition, ce partenariat a été consacré dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne. Je prépare aussi l'avenir. J'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, d'engager la police dans une démarche pluriannuelle de modernisation. Ce travail est bien avancé. Il sera achevé à l'automne et permettra d'avoir une vue précise des moyens humains et matériels dont la police a besoin dans les cinq ans à venir pour répondre aux attentes des Français en matière de sécurité.
En attendant, à Paris, la délinquance progresse de 7,2 %. Une police municipale ne s'impose-t-elle pas ?
Non. Une telle police ne réglerait rien. La hausse constatée dans la capitale tient, à beaucoup d'égards, aux mêmes phénomènes qui se manifestent ailleurs. Ils y sont combattus avec la même détermination et des effectifs qui témoignent de l'importance de notre engagement aux côtés des Parisiens. La police de proximité est mise en oeuvre depuis plus de deux ans à Paris et ses acquis auprès de la population sont réels. Les efforts en ce sens seront poursuivis et c'est à cela que s'emploie le préfet de police, avec comme objectifs de redéployer plus encore les effectifs sur la voie publique et de mettre en oeuvre une véritable police de quartier. Dans les mois qui viennent, ces actions s'appuieront dans chaque arrondissement sur les liens forts que le contrat parisien de sécurité permet d'établir entre la Préfecture de police, le parquet et la mairie de Paris.
La Corse et la sécurité, ces deux dossiers seront au centre de la campagne présidentielle. Le 14 juillet, Jacques Chirac a déjà ouvert les hostilités. Vous attendez-vous à une rentrée difficile ?
Je ne pense pas que cette rentrée soit différente des autres. Gouverner n'est pas toujours facile mais ce gouvernement continuera d'agir sur tous les fronts, l'emploi, la sécurité, l'éducation, la santé Tel est le mandat que nous ont confié les Français. Nous le respecterons comme nous avons su respecter les engagements pris devant eux. Ce gouvernement ne se laissera pas détourner de son action. Pour ma part, j'entends poursuivre et intensifier le travail engagé que ce soit sur la sécurité, sur la Corse, ou sur la décentralisation. D'ailleurs, je défendrai dès la rentrée parlementaire en nouvelle lecture au Sénat le projet de loi " sécurité quotidienne " puis le projet de loi sur la Corse avant d'aborder le budget 2002. Comme vous pouvez le constater le travail ne manquera pas à l'occasion de cette rentrée où les services du ministère de l'Intérieur, notamment les services de police, seront très mobilisés pour accompagner l'arrivée de l'euro.
Lionel Jospin peut-il encore longtemps se cantonner dans le rôle du Premier ministre qui travaille. Au risque de ne pas répondre aux attaques dont il est la cible ?
Lionel Jospin est dans sa fonction et dans son action de Premier ministre et le restera jusqu'à la fin de son mandat. C'est ce que les Français attendent : un Premier ministre qui gouverne, qui dirige une équipe, qui fait passer l'intérêt général du pays avant toute autre considération. Les Français n'attendent pas de leurs responsables qu'ils se comportent en candidat permanent. Il y va de l'autorité de l'Etat. Quant aux attaques dont Lionel Jospin a été ou pourrait être la cible, je crois que celui-ci a déjà démontré que face à la démagogie, face aux manoeuvres politiciennes sur fond d'électoralisme ou face à des contre-vérités facilement assenées, il sait rétablir les faits et la réalité des choses.
Propos recueillis par Bernard Mazières.
(source http://www.leparisien.com, le 9 août 2001)
" Il ne peut y avoir d'amnistie "
SUCCESSEUR de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'Intérieur et proche de Lionel Jospin, Daniel Vaillant ne veut pas entendre parler d'une quelconque amnistie pour les prisonniers politiques corses. " Le gouvernement ne déviera pas de sa route ", dit-il. Il évoque aussi sa politique pour lutter contre l'insécurité alors que les derniers chiffres sont mauvais.
L'amnistie des prisonniers " politiques " corses, comme le réclament les nationalistes et certains Verts, est-elle acceptable ?
Daniel Vaillant. L'amnistie n'est pas à l'ordre du jour. Elle n'a pas été traitée dans les discussions de Matignon et ne figure donc pas dans le relevé de conclusions du 20 juillet 2000. Concernant le rapprochement des détenus, les choses sont claires. Ceux dont le dossier est encore à l'instruction doivent rester à proximité des juges. Ceux déjà jugés et condamnés peuvent, pour des raisons familiales et humanitaires, faire des demandes de rapprochement. Un grand nombre de décisions positives sont d'ores et déjà intervenues. Ce qui est important, c'est de garder le cap et je constate surtout aujourd'hui que tous ceux qui se sont engagés dans le processus de Matignon ne veulent pas le remettre en cause.
Etes-vous prêt à faire des concessions ?
Le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 est le texte de référence, le seul, à partir duquel doit être appréciée la fidélité du gouvernement à ses engagements. Pour ma part, c'est cette même exigence de fidélité aux engagements qui m'a animé tout au long de la préparation du projet de loi. Le gouvernement ne déviera pas de sa route. Je poursuivrai le dialogue avec tous les élus du suffrage universel, notamment pour améliorer encore le texte voté à une large majorité en première lecture à l'Assemblée nationale et qui doit être examiné à l'automne par le Sénat. Le gouvernement a engagé un processus qui consacre la primauté du débat politique pour fonder durablement la paix civile en reconnaissant la spécificité de la Corse et en l'engageant sur la voie d'un développement économique et social renforcé. Cet objectif rejoint, je crois, les préoccupations et les espoirs de l'immense majorité des Corses.
Pas question donc d'amnistier les responsables de l'attentat du préfet Erignac ?
Comme l'a affirmé le Premier ministre devant la représentation nationale, il ne peut pas y avoir d'amnistie pour les assassins du préfet Claude Erignac.
Les chiffres de la délinquance sont mauvais, comment expliquez-vous ce phénomène ?
La tendance pour les six premiers mois de l'année est en effet préoccupante, même si la délinquance a marqué le pas en mai et juin avec une hausse qui s'est inscrite respectivement à hauteur de 1,6 et de 3,8 %. Cette augmentation résulte aussi bien de tendances lourdes, comme par exemple l'accroissement constant depuis plus de trente ans des violences contre les personnes, que de causes plus conjoncturelles qu'il ne faut pas sous-estimer. Je pense en particulier à toutes les infractions liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, qu'il s'agisse des vols de portables (à Paris, cela représente la moitié des vols avec violence) ou encore des escroqueries commises via l'Internet. A cela s'ajoute le fait qu'en généralisant la police de proximité nous favorisons nécessairement le dépôt de plaintes pour des faits que personne ne comptabilisait auparavant. Il n'en reste pas moins que la situation exige une mobilisation de chaque instant à laquelle la priorité est et sera donnée.
Faut-il, comme le réclame Jean-Louis Debré, un de vos prédécesseurs, une loi de programmation contre l'insécurité ?
Que M. Debré réclame aujourd'hui une loi de programmation en matière de sécurité en dit long sur la démagogie et sur l'absence d'honnêteté politique qui règnent à droite. M. Debré, qui pourtant appartenait à la même majorité, a été le premier dès qu'il est arrivé Place Beauvau à ranger dans les tiroirs la loi de programmation qu'avait fait voter M. Pasqua. C'est lui qui a arrêté la mise en oeuvre du programme de renforcement des moyens de la police nationale prévu par son prédécesseur. C'est encore lui qui n'a pris aucune mesure pour préparer le remplacement des fonctionnaires de police partant en retraite avec les conséquences désastreuses que l'on a connues en matière d'effectifs de police jusqu'au début de cette année. Oui, il faut préparer l'avenir de la police, mais par des actes, et non par des déclarations sans lendemain et démenties par les faits.
Ce qui concrètement veut dire
Que pour ma part, j'agis ! La police de proximité s'est traduite par l'ouverture de 619 bureaux de police supplémentaires. Après un recrutement de 3 200 policiers depuis 1999, il y aura l'année prochaine la création de 3 000 postes supplémentaires. Du jamais vu depuis vingt ans J'ajouterai qu'à travers le projet de loi sur la sécurité quotidienne les policiers disposeront de moyens juridiques accrus pour les soutenir dans leurs missions et faciliter leur tâche, par exemple pour intervenir dans les halls d'immeubles. Par ailleurs, j'ai pris des dispositions concrètes pour renforcer le partenariat avec les maires sur les questions de sécurité, notamment par l'organisation de réunions régulières entre les élus et les commissaires de police. Sur ma proposition, ce partenariat a été consacré dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne. Je prépare aussi l'avenir. J'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, d'engager la police dans une démarche pluriannuelle de modernisation. Ce travail est bien avancé. Il sera achevé à l'automne et permettra d'avoir une vue précise des moyens humains et matériels dont la police a besoin dans les cinq ans à venir pour répondre aux attentes des Français en matière de sécurité.
En attendant, à Paris, la délinquance progresse de 7,2 %. Une police municipale ne s'impose-t-elle pas ?
Non. Une telle police ne réglerait rien. La hausse constatée dans la capitale tient, à beaucoup d'égards, aux mêmes phénomènes qui se manifestent ailleurs. Ils y sont combattus avec la même détermination et des effectifs qui témoignent de l'importance de notre engagement aux côtés des Parisiens. La police de proximité est mise en oeuvre depuis plus de deux ans à Paris et ses acquis auprès de la population sont réels. Les efforts en ce sens seront poursuivis et c'est à cela que s'emploie le préfet de police, avec comme objectifs de redéployer plus encore les effectifs sur la voie publique et de mettre en oeuvre une véritable police de quartier. Dans les mois qui viennent, ces actions s'appuieront dans chaque arrondissement sur les liens forts que le contrat parisien de sécurité permet d'établir entre la Préfecture de police, le parquet et la mairie de Paris.
La Corse et la sécurité, ces deux dossiers seront au centre de la campagne présidentielle. Le 14 juillet, Jacques Chirac a déjà ouvert les hostilités. Vous attendez-vous à une rentrée difficile ?
Je ne pense pas que cette rentrée soit différente des autres. Gouverner n'est pas toujours facile mais ce gouvernement continuera d'agir sur tous les fronts, l'emploi, la sécurité, l'éducation, la santé Tel est le mandat que nous ont confié les Français. Nous le respecterons comme nous avons su respecter les engagements pris devant eux. Ce gouvernement ne se laissera pas détourner de son action. Pour ma part, j'entends poursuivre et intensifier le travail engagé que ce soit sur la sécurité, sur la Corse, ou sur la décentralisation. D'ailleurs, je défendrai dès la rentrée parlementaire en nouvelle lecture au Sénat le projet de loi " sécurité quotidienne " puis le projet de loi sur la Corse avant d'aborder le budget 2002. Comme vous pouvez le constater le travail ne manquera pas à l'occasion de cette rentrée où les services du ministère de l'Intérieur, notamment les services de police, seront très mobilisés pour accompagner l'arrivée de l'euro.
Lionel Jospin peut-il encore longtemps se cantonner dans le rôle du Premier ministre qui travaille. Au risque de ne pas répondre aux attaques dont il est la cible ?
Lionel Jospin est dans sa fonction et dans son action de Premier ministre et le restera jusqu'à la fin de son mandat. C'est ce que les Français attendent : un Premier ministre qui gouverne, qui dirige une équipe, qui fait passer l'intérêt général du pays avant toute autre considération. Les Français n'attendent pas de leurs responsables qu'ils se comportent en candidat permanent. Il y va de l'autorité de l'Etat. Quant aux attaques dont Lionel Jospin a été ou pourrait être la cible, je crois que celui-ci a déjà démontré que face à la démagogie, face aux manoeuvres politiciennes sur fond d'électoralisme ou face à des contre-vérités facilement assenées, il sait rétablir les faits et la réalité des choses.
Propos recueillis par Bernard Mazières.
(source http://www.leparisien.com, le 9 août 2001)