Texte intégral
Au terme de deux ans de réflexion et de concertation dans le cadre des États généraux du travail social, alors que le Premier ministre vient d'annoncer un plan ambitieux pour le travail social et le développement social, je suis particulièrement heureuse de venir vous rencontrer aujourd'hui pour vous dire la reconnaissance du Gouvernement pour le travail accompli par votre conseil.
Pour le travail accompli non seulement au cours de cette mandature, où la réflexion sur le travail social n'a jamais été aussi foisonnante, mais également pour le travail accompli au cours de ses 30 ans d'existence où le Conseil supérieur du travail social (CSTS) a été la vigie des évolutions du travail social et le conseil des femmes et des hommes politiques chargés de concevoir et de mettre en uvre les politiques de solidarité.
Je tenais à ce que la dernière réunion de cette mandature se tienne avec une certaine solennité. Il faut être fiers du travail accompli et regarder devant nous sans nostalgie : il ne s'agit pas d'une fin mais d'un nouveau départ, avec des ambitions et des missions renouvelées.
Alors que nous lançons la mise en uvre du plan d'action pour le travail social et le développement social, je voudrais saluer l'implication du Conseil supérieur tout au long de la démarche des États généraux du travail social. Ces deux ans n'ont pas été « un long fleuve tranquille ». Loin s'en faut. Mais les débats au sein de votre conseil ont permis de garder le cap tout au long de la démarche. Plus encore, vos interpellations ont permis d'infléchir à plusieurs reprises la méthode de travail.
Je tiens tout particulièrement à saluer l'engagement des quatre membres de votre Conseil que vous aviez désignés pour faire partie de l'équipe d'organisation des Assises territoriales : Marcel Jaeger, Brigitte Bouquet, Alain Dru et Diane Bossière. Je sais que leur position n'a pas toujours été simple à tenir. Je veux les remercier pour leur grande liberté de parole, leurs conseils, leurs critiques aussi qui ont permis de faire évoluer en permanence la démarche.
Le CSTS a également joué un rôle important dans l'analyse des nombreuses contributions extrêmement riches collectées dans le cadre des assises. Je veux particulièrement souligner le travail de votre sous-commission « Veille », animée par Vincent Meyer, et, au travers de lui, de toutes les personnes qui ont donné de leur temps pour analyser les résultats du questionnaire en ligne : ils se sont tout de même confrontés à la gageure d'analyser 8 000 formulaires de réponse ! Ce travail d'analyse a permis d'enrichir le rapport piloté par Marcel Jaeger sur la place des personnes accompagnées, qui a constitué un apport décisif sur la question de la participation des personnes et largement inspiré l'axe 1 du plan d'action.
Ainsi, tout au long de la démarche des États généraux, le CSTS aura pleinement joué son rôle de conseil, d'apport d'expertise, et de prise de distance mais aussi d'alerte et de veille.
Bien entendu, cette implication dans le cadre des États généraux s'inscrit dans la continuité du travail important du CSTS au cours de la dernière mandature.
Un travail pour alimenter la réflexion des travailleurs sociaux et leur faire prendre du recul sur leurs pratiques : à cet égard, je veux saluer la très grande qualité du rapport sur le partage d'information, qui pose des éléments de doctrine particulièrement utiles pour la mise en uvre du plan d'action. Car vous le savez, c'est un sujet crucial pour le travail en réseau des professionnels. Mais je ne suis pas surprise de la qualité de ces travaux puisqu'ils ont été pilotés par Brigitte Bouquet, grande figure de votre Conseil et première titulaire de la chaire de travail social du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), occupée aujourd'hui par Marcel Jaeger ! Ce passage de relais est précieux, gage d'une continuité de l'expertise dont nous avons besoin.
Je veux également évoquer le sujet sur lequel vous allez débattre tout à l'heure : la laïcité. C'est un sujet qui me tient tout particulièrement à cur. Vous le savez sans doute, je me suis rendue ces dernières semaines auprès d'étudiants et jeunes professionnels en travail social pour discuter avec eux de ce principe fondamental de notre République. Eh bien je vais vous dire : ils ont besoin d'une meilleure formation sur ce sujet. De l'aveu même des formateurs, c'est un sujet qui est encore mal appréhendé en formation, et les étudiants m'ont fait part de leur désarroi lorsqu'ils sont confrontés à des situations difficiles à gérer lors de leur stage.
Je prendrai donc connaissance de cet avis avec la plus grande attention. Il est particulièrement attendu par les professionnels du secteur et par les formateurs. Nous devrons en tirer toutes les conséquences en relation avec la mission que j'ai confiée à Michel Thierry. Je le rappelle : celle-ci vise à proposer de nouveaux programmes destinés à mieux préparer les étudiants et les travailleurs sociaux à la transmission des valeurs républicaines, ainsi qu'au repérage des processus d'endoctrinement et des dérives radicales. Je souhaite que dans cet avis, vous accordiez une attention particulière à la question des droits des femmes.
Je salue particulièrement le travail du CSTS sur la déontologie. Au cours de la dernière mandature, François Roche s'est déplacé dans les régions, dans les départements pour identifier les instances de terrain qui travaillent sur l'éthique et la déontologie. C'est son travail de repérage puis de sensibilisation qui a fondé la proposition du plan d'action en faveur du travail social consistant à créer des comités d'éthiques départementaux.
Le CSTS a enfin su identifier les sujets émergents ou moins explorés dans les pratiques de travail social : ainsi, le Conseil s'est penché depuis 2011 sur le travail social auprès des jeunes de 18 à 25 ans, mais aussi sur le travail social dit communautaire : le mot est à manier avec prudence pour ne pas susciter d'interprétation erronée. Il s'agit de renforcer les dynamiques collectives des groupes constitués, comme les habitants d'un même quartier, en s'appuyant sur ce qu'ils partagent ou ce qu'ils vivent au quotidien, pour qu'ils créent les conditions d'amélioration du « vivre ensemble ».
Ce travail d'explorateur des évolutions est particulièrement utile et doit être poursuivi. Il permet l'anticipation des changements en cours, ainsi qu'une meilleure prise en compte des problématiques émergentes. Très connecté au terrain, le CITS devra, comme vous, garder de la hauteur pour mettre en perspective les évolutions de la société qui impactent le travail social.
Ce triple travail de réflexion, d'alerte et de précurseur est, pour moi, l'ADN du Conseil supérieur du travail social. Et il en a fait la preuve au cours de ses 30 ans d'existence ! Laissez-moi simplement évoquer quelques exemples :
On semble redécouvrir aujourd'hui l'importance du travail social collectif et le plan d'action engage les employeurs à redonner de l'espace à cet aspect essentiel du travail social. Et bien, le premier rapport de votre conseil sur le sujet date de 1988 ! Je sais que c'est un sujet qui vous tient à cur, et je veux citer ici l'excellent rapport réalisé en 2010 par Didier Dubasque sur ce sujet et souligner son implication de longue date dans votre conseil et son souci de diffuser constamment ses travaux ; Deuxième exemple : en 1992, dix ans avant la loi du 4 mars 2002, votre Conseil pointait les questions déontologiques autour des droits et libertés des usagers. Cette préoccupation du droit des usagers est une constante du Conseil supérieur qui y a consacré de nombreux rapports : en 2007, sous la direction de Jacques Ladsous qui a été votre vice-président et une grande figure de ce conseil pendant de nombreuses années ;
Autre preuve : dès 1987, dans ses deux premiers rapports, votre conseil pointe la nécessité du décloisonnement dans l'action sociale et d'une plus grande transversalité dans la formation des travailleurs sociaux, deux sujets qui sont toujours d'actualité et qui sont au cur des orientations du plan d'action. La préoccupation du décloisonnement et les points de vigilance autour de ce qui en découle en matière de partage d'information sont un vrai fil rouge de vos travaux : au-delà du rapport de Brigitte Bouquet en 2013, vous avez voulu vous attacher à décliner vos recommandations sous des aspects plus pratiques, au travers d'avis sur les remontés d'information nominative (2008), sur le fonctionnement des commissions chargées d'évaluer les situations individuelles (2013) ou encore sur les conditions de participation des travailleurs sociaux aux dispositifs de prévention de la délinquance (2014) ;
Comme c'est un sujet auquel je suis particulièrement sensible, je veux aussi mentionner l'implication de longue date du CSTS dans le sujet de la lutte contre les violences faites aux femmes, avec deux rapports et une contribution appréciée aux outils pédagogiques diffusés en lien avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF).
Pour tous ces travaux de grande qualité, pour votre implication à les diffuser chacun dans vos réseaux, pour votre volonté sans cesse renouvelée de les valoriser, de les mettre en perspective et en débat, pour votre constant travail de vigilance par rapport aux effets des évolutions des politiques publiques sur les professionnels qui les mettent en uvre, je voudrais vous dire encore une fois toute la reconnaissance du Gouvernement, et tout particulièrement la mienne.
Comme à la veille de toute grande transformation, des questions légitimes se posent. Je veux vous répondre sur l'ambition et les premières orientations du Gouvernement quant au futur Conseil interministériel du travail social qui sera amené à prendre le relais de votre conseil d'ici quelques mois. Ces premières orientations devront être approfondies par la mission de préfiguration que je confierai très prochainement à Brigitte Bourguignon, dans le prolongement de son rapport au Premier ministre, remis en juillet dernier. Cette mission de préfiguration devra rendre ses propositions d'ici le mois de février 2016. Brigitte Bourguignon vous associera bien sûr à la réflexion. Ensuite, à la fin du premier trimestre une nouvelle instance sera créée.
Votre conseil, vous le savez, a été créé à la suite de la circulaire Questiaux, dont il a été rappelé à de nombreuses reprises dans le cadre des travaux des États généraux, qu'elle était le dernier grand texte fondateur pour le travail social. Alors qu'au travers du plan d'action annoncé par le Premier ministre le 21 octobre dernier, nous nous donnons pour la première fois en 30 ans un véritable projet politique pour le travail social, il était important que votre Conseil évolue pour être parfaitement en phase avec les évolutions souhaitées.
C'est pour cela, et sur votre proposition, qu'il nous est apparu nécessaire de réexaminer la composition, les rôles et les modalités d'action du conseil supérieur du travail social.
Sa composition, d'abord. Vous l'aviez vous-même soulignés dans la note que vous avez débattue voici un an : alors même que la participation des personnes a toujours été un fil rouge de vos travaux, il est paradoxal que la composition actuelle du CSTS ne prévoit pas la présence des usagers. C'est un aspect auquel il faut remédier.
Son fonctionnement, ensuite. Le travail social intéresse de nombreuses politiques publiques, portées par différents départements ministériels. Votre conseil doit donc pouvoir apporter son expertise au-delà du ministère des affaires sociales. C'est le sens de la notion de développement social, et c'est la raison pour laquelle il était important d'en faire un Conseil interministériel. Voilà pourquoi je tenais aussi à présenter le plan d'action en conseil des ministres. Je veillerai à cette participation effective des différents ministères : il faut qu'ils puissent saisir eux aussi le conseil de demandes d'avis, de rapports Bien entendu, pour organiser un tel travail, il faudra un fonctionnement différent, avec un programme de travail annuel partagé.
Les États généraux l'ont montré : le travail social s'est singulièrement complexifié en même temps que nos politiques publiques, pour faire face aux défis sociaux contemporains. Il n'est pas possible pour le conseil d'avoir en permanence en son sein l'ensemble des expertises, à moins d'en faire une assemblée pléthorique et difficile à mobiliser dans la durée. C'est la raison pour laquelle nous avons privilégié l'idée d'une composition resserrée qui reste à définir avec la possibilité de recourir en tant que de besoin, dans le cadre des groupes de travail, à des expertises extérieures.
Ses modalités d'action, ensuite. Au-delà des rapports qui permettent de poser une doctrine et d'inviter les professionnels à la réflexion, les travailleurs sociaux attendent d'un Conseil du travail social des outils plus diversifiés et plus concrets : avis déontologiques ou sur des sujets d'actualité, guides méthodologiques, outils pratiques, supports de réflexion et prises de position pour l'avenir Votre dernière mandature a commencé à prendre ce tournant avec le développement de la production d'avis.
Il faut aujourd'hui aller plus loin.
Pour identifier les besoins des professionnels de terrain et mieux diffuser ses productions, le Conseil aura besoin d'être davantage en lien avec des instances locales. Le plan d'action prévoit de systématiser la création de comités d'éthique locaux et de promouvoir les initiatives locales de concertation sur le travail social, en s'appuyant sur les dynamiques nées des assises territoriales. Il va nous falloir imaginer les voies et moyens d'une mise en réseau de ces instances sous l'égide du futur CITS.
Ses missions, enfin.
Nous avons dû attendre 30 ans, entre la circulaire Questiaux et le plan d'action, pour qu'une « mise à jour » des orientations et du projet politique pour le travail social soit entreprise. Cette situation ne doit plus se reproduire. Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre de vue pendant aussi longtemps les évolutions du travail social. Il en va de l'efficacité de nos politiques de solidarité. Il en va aussi de notre connaissance du tissu social et de la force de notre cohésion nationale.
Pour cela, il est nécessaire de renforcer le rôle de veille du Conseil du travail social. C'est pourquoi le plan d'action prévoit de confier au futur CITS le soin de réaliser tous les trois ans un rapport complet sur l'état du travail social, assorti de recommandations.
Cette mission « au long cours » du futur Conseil, sera naturellement articulée pendant les cinq prochaines années avec la mission de suivi du plan d'action que j'ai confiée à François Soulage, président du Collectif Alerte. Dans le cadre de sa mission, François Soulage fera le point régulièrement devant le Conseil de l'état d'avancement du plan.
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames et Messieurs,
Au moment de conclure cette intervention, je voudrais simplement vous remercier, chacun en particulier et au travers vous les institutions que vous représentez, pour votre implication dans les travaux de ce conseil. Je remercie aussi les différentes administrations, la Direction générale de cohésion sociale, et avant elle les précédentes directions d'administration centrale qui ont accompagné le CSTS tout au long de ces années.
Je vous fais confiance pour qu'au travers de la création du futur Conseil interministériel du travail social, avec la boussole du plan d'action, vous ayez des motifs supplémentaires de rester mobilisés pour faire vivre le projet politique que nous avons voulu bâtir pour le travail social de demain.
Je vous remercie.
Source www.social-sante.gouv.fr, le 14 décembre 2015