Texte intégral
WENDY BOUCHARD
Et voici « L'interview politique » d'Europe 1, en pleine tempête à la FIFA, Alexandre KARA, vous recevez Patrick KANNER, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports. Messieurs, c'est à vous !
ALEXANDRE KARA
Patrick KANNER, bonjour.
PATRICK KANNER
Bonjour à vous.
ALEXANDRE KARA
Merci d'être avec nous ce matin. Michel PLATINI a donc été suspendu huit ans de toute fonction liée au football. Patrick KANNER, vous avez le sentiment que Michel PLATINI a mérité cette suspension ?
PATRICK KANNER
Permettez-moi d'avoir d'abord une pensée pour l'homme, Michel PLATINI, il n'était pas là au tirage au sort le 12 décembre dernier pour l'Euro 2016, c'est une meurtrissure pour lui, j'imagine, en même temps, voilà, la procédure est en cours, elle est presque terminée aujourd'hui, c'est une course contre la montre, qu'a engagée Michel PLATINI, mais j'ai l'impression que les aiguilles viennent d'être enlevées. Et que ça va être très, très compliqué pour lui, donc, voilà, je constate, je constate l'évolution de la procédure, il va sûrement faire appel, est-ce que le tribunal administratif du sport va lui donner raison dans les temps pour lui permettre de continuer sa course poursuite contre la montre, et notamment pour être candidat ? Je n'en suis pas certain aujourd'hui.
ALEXANDRE KARA
Vous avez parlé avec Michel PLATINI depuis cette décision ?
PATRICK KANNER
Pas du tout, pas du tout, j'ai toujours apporté mon soutien à Michel PLATINI
ALEXANDRE KARA
Oui, d'ailleurs, vous avez dit de lui récemment : c'est un homme respectable et respecté. Mais est-ce qu'après cette décision, vous avez toujours envie de le soutenir ?
PATRICK KANNER
Moi, je soutiens le président de l'UEFA, même s'il est suspendu, parce que je l'ai vu fonctionner dans le cadre de l'Euro 2016, je trouvais et voyez que je parle déjà un peu au passé qu'il était en capacité de pouvoir vraiment remettre de l'ordre au sein de la FIFA. Je ne suis pas certain, encore une fois, aujourd'hui, qu'il puisse le faire dans de bonnes conditions. Je le regrette, parce que, on sent quand même une forme d'acharnement aujourd'hui contre Michel PLATINI. A-t-il pu se défendre dans de bonnes conditions ? Je ne suis pas certain aujourd'hui.
ALEXANDRE KARA
Mais vous ne m'avez pas répondu, sur le fond, est-ce qu'il mérite cette suspension ? Dans beaucoup de domaines, s'il y avait eu des versements tels d'argent liquide, avec des délais pareils, évidemment, immédiatement, les sanctions seraient tombées ; est-ce qu'il n'est pas normal que là aussi, les sanctions tombent sur Michel PLATINI ?
PATRICK KANNER
Je ne suis ni juge ni membre de la FIFA, la FIFA a pris sa décision, elle considère que Michel PLATINI a fauté, puisqu'il est suspendu. Il a encore un peu de temps pour faire appel en l'espèce. Pour le reste, moi, j'acterai la décision finale qui interviendra sur Michel PLATINI, mais ne me demandez pas aujourd'hui de juger un homme qui est en procédure interne au sein de la FIFA, et auprès des instances sportives internationales.
ALEXANDRE KARA
Michel PLATINI a réagi, il a dit : je suis convaincu que mon sort était déjà scellé avant l'audience. Vous pensez comme lui, qu'il y a une volonté de l'éliminer du monde du football ?
PATRICK KANNER
Oh, il n'a pas que des amis, manifestement, et on sait très bien que la Commission d'éthique de la FIFA a pu être très proche des anciens dirigeants, et notamment de Sepp BLATTER, qui, lui aussi, est sanctionné, mais qui entraîne peut-être dans sa chute celui qu'il pensait pouvoir être son successeur, mais qui, pour lui, à un moment donné, n'a pas été , voilà, n'a pas été celui qu'il aurait aimé faire venir à sa place. Donc tout ceci touche aussi au problème de personnes, je le regrette, parce que je ne suis pas certain que le fond ait été traité dans de bonnes conditions, mais ça n'est pas à moi d'en décider. Il y a des instances pour cela.
ALEXANDRE KARA
Vous l'avez dit, Michel PLATINI va faire appel devant le tribunal arbitral du sport. Vous n'avez pas envie de lui dire aujourd'hui : il faut lâcher maintenant ?
PATRICK KANNER
Ah, ce n'est pas le genre, ce n'est pas le genre, enfin, encore une fois, je ne l'ai pas eu au téléphone, mais c'est un homme déterminé, qui a envie de défendre son honneur, d'abord, premièrement, et de défendre une certaine idée de l'organisation internationale du sport mondial, et en particulier du football. Je crois qu'il ira jusqu'au bout. Le problème, c'est que le « jusqu'au bout », ce sera sûrement après le 26 février, c'est-à-dire après la décision de nommer un nouveau président pour la FIFA.
ALEXANDRE KARA
Donc la sanction est très lourde. Il est suspendu pendant huit ans. Est-ce que désormais, Michel PLATINI peut être encore un interlocuteur valable pour l'Euro 2016 ?
PATRICK KANNER
Ah, il ne l'est plus, il ne l'est plus dans les faits, puisque, encore une fois, le 12 décembre, il n'était pas présent au tirage au sort. Aujourd'hui, c'est son numéro 2 qui est là, et moi, je travaille avec monsieur LAMBERT, le président de la SAS 2016. Aujourd'hui, et tant que la sanction n'est pas levée potentiellement, eh bien, Michel PLATINI ne peut plus être l'interlocuteur normal des instances officielles, et en particulier des autorités françaises que je représente au niveau du gouvernement.
ALEXANDRE KARA
Donc il ne sera pas le bienvenu dans la vitrine de l'Euro 2016 ?
PATRICK KANNER
Eh tout cas, il ne peut pas l'être, il est le bienvenu, oui, à mon niveau, mais il ne peut pas l'être pour des raisons de sanctions aujourd'hui de la FIFA, si elles ne sont pas levées.
ALEXANDRE KARA
Patrick KANNER, vous étiez présent au séminaire de l'Elysée ce week-end, évidemment, la jeunesse a été un des thèmes abordés, et c'est une des fonctions que vous avez dans votre ministère. C'était un des axes de campagne de 2012 pour François HOLLANDE, une jeunesse qui se sent aujourd'hui abandonnée, qui s'abstient largement, qui ne va pas aux urnes lors des régionales, une partie de cette jeunesse aussi qui vote Front national, est-ce que ce n'est pas finalement la jeunesse qui était la priorité de François HOLLANDE, l'échec majeur de ce quinquennat ?
PATRICK KANNER
Sûrement pas, sûrement pas, puisque jamais autant de mesures n'ont été prises en direction des jeunes, des jeunes qui souffrent notamment du chômage, dans notre pays. Permettez-moi de rappeler par exemple la création des emplois d'avenir, et d'ailleurs, j'ai entendu à votre antenne ce matin : il n'y a pas eu 150.000 emplois d'avenir, puisqu'on a parlé du vrai faux de l'info, nous sommes déjà à plus de 200.000 emplois d'avenir créés
ALEXANDRE KARA
Oui, mais c'est parce que des emplois d'avenir, ce sont des emplois aidés, ce n'est pas une solution au bout du compte, ce sont des solutions temporaires ?
PATRICK KANNER
C'est de la redistribution de richesse nationale, et ça permet à des jeunes, pendant trois ans, d'avoir un vrai boulot, et de pouvoir préparer des concours ou intégrer
ALEXANDRE KARA
Mais on a un peu l'impression que c'est devenu finalement la panacée contre le chômage, quand il n'y en a pas assez, on en rajoute 150.000 par-dessus
PATRICK KANNER
Monsieur KARA
ALEXANDRE KARA
Et la droite et la gauche font ça de toute façon depuis trente ans maintenant
PATRICK KANNER
Monsieur KARA, vous préférez qu'ils soient au chômage ? Il y a une arithmétique
ALEXANDRE KARA
Non, je préfère qu'ils aient des vrais jobs.
PATRICK KANNER
Et, je vais vous donner justement l'arithmétique, elle est simple, aujourd'hui, il y a 840.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail tous les ans, il n'y a que 700.000 départs en retraite. Donc il y a un gap de 140.000 emplois potentiels. On va créer 51.000 emplois en 2015. Ce n'est pas suffisant, et donc qu'il y ait des emplois aidés, qu'il y ait de la Garantie jeunes, que nous souhaitons universaliser, ça a été évoqué au séminaire justement pour répondre à votre question pour les jeunes les plus en difficulté. Moi, en tant qu'homme de gauche, je ne suis pas choqué que de la richesse nationale soit redistribuée pour éviter que les jeunes soient au bord du chemin.
ALEXANDRE KARA
Il va y avoir des annonces pour les jeunes sur la formation, l'apprentissage ?
PATRICK KANNER
Oui alors, l'apprentissage, priorité des priorités, et notamment avec la relance du bâtiment, dont je suis très heureux, parce que, on sait bien que l'apprentissage, c'est aussi une des pistes très importantes pour le bâtiment, le bâtiment est un fournisseur d'apprentis aujourd'hui, aussi, formation à la base pour au moins 450.000 adultes dans notre pays, une formation accélérée, la qualification, l'apprentissage, le développement de la Garantie jeunes pour les jeunes les plus en difficulté, ça, ce sont des solutions qui peut-être ne sont pas des solutions miracles, comme certains pourraient l'imaginer, vous voyez à qui je peux faire allusion, mais des solutions effectives pour les jeunes, pour faire baisser le chômage des jeunes, qui d'ailleurs a baissé de plus de 27.000 jeunes en 2015.
ALEXANDRE KARA
Vous avez annoncé la semaine dernière 25.000 missions de service civique supplémentaires d'ici 2017, et pourtant, il y a encore en moyenne trois demandes pour une place dans le service civique. Est-ce qu'il ne faut pas aller plus vite ? Est-ce qu'il ne faut pas encore accélérer ?
PATRICK KANNER
Oui, il faut développer le service civique, c'est aussi une forme d'engagement, il n'y a pas que la politique dans l'engagement, il y a aussi l'engagement civique, et mon objectif est d'atteindre 150.000 services civiques, et c'est la promesse du président de la République d'ici la fin de l'année 2017, mais sans brader la qualité de cet engagement des jeunes. Et c'est pour ça que les choses vont un peu plus lentement que nous l'espérions, parce qu'il faut trouver des missions de qualité, il ne faut pas se substituer à l'emploi, et aujourd'hui, j'ai les moyens, puisque mon budget 2016 sera doublé par rapport à celui de 2015, c'est quand même une bonne nouvelle que je voulais annoncer à vos auditeurs.
ALEXANDRE KARA
Patrick KANNER, une question très politique, on voit que Manuel VALLS revient sur la question de la déchéance de nationalité pour les binationaux, aujourd'hui, est-ce que vous, à titre personnel, vous y êtes favorable ou vous y êtes opposé ?
PATRICK KANNER
Mon parcours personnel m'attache énormément au droit du sol, énormément, moi, je suis fils d'un immigré, qui a eu du mal à avoir sa nationalité française parce qu'il n'était pas né en France, par définition, et pour moi, le droit du sol, ça fait partie de l'ADN de la République. Et donc je ne vous cache pas que je regardais cette proposition avec une forme quand même d'incertitude, d'incertitude sur sa potentialité et sur son utilité, et donc je vois que le débat a avancé, et je ne suis pas certain que mercredi prochain, cela soit encore dans la proposition constitutionnelle, voilà.
ALEXANDRE KARA
Patrick KANNER, merci. Bonne journée à vous.
PATRICK KANNER
Merci à vous.
WENDY BOUCHARD
Merci Messieurs. On retiendra cette pensée : PLATINI, ce n'est pas le genre à lâcher, Patrick KANNER. On en reparlera dans le débriefe d'Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 23 décembre 2015