Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur la bataille des Vosges pendant la Première Guerre mondiale et sur la réconciliation franco-allemande, à Hartmannswillerkopf le 21 décembre 2015.

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Circonstance : Centenaire de la bataille des Vosges, à Hartmannswillerkopf (Haut-Rhin) le 21 décembre 2015

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire d'État parlementaire auprès de la Ministre fédérale de la Défense,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le Consul,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président du Volksbund Deutscher Kriegsgräberfürsorge,
Monsieur le président du comité du monument national du Hartmannswillerkopf,
Officiers, sous-officiers, militaires du rang français et allemands,
Mesdames et Messieurs,
Il y a un siècle aujourd'hui, le 21 décembre 1915, l'artillerie française rompt le calme trompeur qui s'était installé entre les armées françaises et allemandes depuis la fin du mois de septembre sur ces pentes du Hartmannswillerkopf. En 48 heures, la ligne de front n'a pas bougé, mais la montagne est jonchée de cadavres.
Épisode tragique et paroxysme d'une des batailles les plus difficiles de la Grande Guerre, l'une des plus oubliées aussi. Ici, les hommes ont connu l'enfer, la neige et le froid au cours d'hivers qui semblent sans fin, rendus plus rudes encore par l'altitude. L'enfer des gaz aussi, alors que sont expérimentés les obus au gaz. L'enfer du feu enfin, lorsque l'armée allemande utilise pour la première fois le lance-flammes. Cet enfer que décrit dans ses Carnets de guerre le chasseur alpin Fernand Lugand. Au soir du 25 décembre 1915, il écrit : « L'immense paysage porte le grand deuil de ces dures journées de combat. »
Ici, près de 30 000 soldats, français et allemands, sont tombés. Leur uniforme les séparait mais la mort les a réunis. Les ossements de 12 000 d'entre eux, dont l'identité a été perdue dans l'horreur des combats, gisent ici, ainsi que 1 264 soldats enterrés dans le cimetière du Silberloch.
Méconnue, cette bataille des Vosges préfigure pourtant les grandes offensives de l'année 1916, avec leurs âpres combats et leurs terribles pertes en vies humaines. Nous commémorerons l'an prochain le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme. Deux grandes saisons culturelles seront organisées pour en faire vivre le souvenir et en transmettre la mémoire. Les anciens belligérants y seront étroitement associés, en particulier lors de la cérémonie organisée à Verdun le 29 mai en présence du Président de la République et de la Chancelière allemande, puis de celle organisée à Thiepval, dans la Somme, le 1er juillet avec nos amis britanniques.
Comme aujourd'hui dans les Vosges, l'enjeu de ces commémorations est double. C'est d'abord rendre hommage à ceux qui ont tout donné pour leur pays. À ceux qui sont restés marqués dans leur chair et blessés dans leur âme. À ceux qui sont demeurés hantés par le souvenir de ces heures sombres. Derrière les funèbres statistiques des morts, des blessés et des disparus, ce sont des hommes arrachés à leurs proches. Ce sont des vies fauchées et des destins broyés.
L'enjeu, c'est aussi de rappeler le terrible prix du sang, ce tribut prélevé à de trop nombreuses reprises par la mort sur notre continent. C'est de rappeler ce à quoi mène le nationalisme exacerbé, étriqué et haineux. Celui qui a poussé la France et l'Allemagne, avec tous les peuples du continent, à l'affrontement. Celui qui a provoqué les embrasements de 1914 et de 1939 sur les ruines desquels naquit, enfin, la construction européenne. Il nous appartient de ne pas oublier cette Histoire et de la regarder ensemble, avec lucidité.
C'était tout le sens de la présence du Président de la République et de son homologue allemand, monsieur Joachim Gauck, sur cette montagne du Hartmannswillerkopf le 3 août 2014. Ensemble, ils ont porté un regard lucide sur le passé. Ensemble, ils ont posé, d'un même geste et d'un même élan, la première pierre du futur Mémorial franco-allemand de la Grande Guerre, un projet ambitieux et inédit qui resserre encore les liens entre nos deux pays.
J'ai pu mesurer la force de ces liens d'amitié le 21 septembre dernier, alors que je participais ici même au lancement d'un chantier franco-allemand de la jeunesse. Pendant une semaine, 26 apprentis ont travaillé, ensemble, pour mener des travaux de rénovation du parcours de mémoire. C'est un geste puissant, un engagement profondément citoyen et européen, qui dit, à lui seul, le chemin parcouru par nos deux pays.
Aujourd'hui, en commémorant ensemble le centenaire de la bataille des Vosges, en associant les jeunes générations au travail de mémoire, nous lançons un même message d'espoir et de confiance dans notre avenir commun et dans notre destin européen.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 décembre 2015