Texte intégral
JÉRÔME CHAPUIS
Olivier MAZEROLLE, vous recevez donc ce matin, la ministre du Travail, Myriam El KHOMRI.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez constaté ce matin le scepticisme des Français, sondage OpinionWay dans Le Figaro, 15 % de Français seulement croient que le chômage va diminuer.
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, on va tout faire pour leur montrer le contraire. Moi je crois qu'il faut regarder déjà ce qui a été fait. En effet, il faut aller encore plus vite et plus loin, c'est une réalité, cette désespérance sociale de nombre de nos concitoyens qui n'arrivent pas à trouver un emploi.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, aller plus vite et plus loin, j'ai lu une chronique de François FILLON, dans Le Monde, qui demande à François HOLLANDE de faire sauter les verrous. Jean-Pierre RAFFARIN et Manuel VALLS ont parlé d'union nationale. On va faire comme pour la sécurité, le gouvernement va adopter des mesures de la droite ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, on va rencontrer l'ensemble des groupes parlementaires, bien évidemment, le Premier ministre, le président de la République. Il y a un enjeu essentiel aujourd'hui, c'est que, regardons ce que nous avons fait. Nous avons mis en place le pacte de responsabilité et le CICE, 33 milliards d'euros d'allègements de la fiscalité pour les entreprises en 2016, 41 milliards en 2017. Ce pacte de responsabilité il a permis à la fois de limiter le coût du travail, clairement, par exemple, concrètement, dans l'industrie, le coût du travail en France est aujourd'hui moindre que le coût du travail en Allemagne, il a permis d'investir et puis il a permis également, donc de donner des marges aux entreprises. Est-ce qu'il a permis
OLIVIER MAZEROLLE
Et ceux qui nous écoutent disent : c'est formidable, mais voilà, et le résultat n'est pas là.
MYRIAM EL KHOMRI
Concrètement, après plusieurs années de destructions d'emplois, cette année nous avons 40 000 créations nettes d'emplois. Ce n'est pas suffisant. Pourquoi ce n'est pas suffisant ? C'est que nous avons un défi pour notre économie dans notre pays, c'est sa croissance démographique. Nous avons à peu près 700 000 départs en retraite tous les ans, et nous avons environ 850 000 entrées sur le marché du travail. Donc il faut que nous arrivions à créer au minimum 120 000 emplois, si nous voulons faire reculer le chômage. Par ailleurs, sur le chômage des jeunes, nous avons le chômage des jeunes a diminué de 20 000 depuis le début de l'année. Ce qui montre quoi ? Ce qui montre qu'aujourd'hui nous avons à la fois une situation économique qui va mieux, il faut bien sûr de la croissance, mais il faut également qu'il y ait plus de confiance en direction des entreprises. Le pacte de responsabilité, c'est un engagement avec les entreprises, il faut aussi que les branches professionnelles qui ont signé ce pacte de responsabilité
OLIVIER MAZEROLLE
Vous allez leur demander des comptes, comme vous le demande Laurent BERGER, de la CFDT ?
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait. Bien sûr, mais c'est légitime. Nous avons signé ce pacte de responsabilité, il est nécessaire aujourd'hui que l'ensemble des entreprises tiennent leurs engagements dans ce cadre-là.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ce n'est pas le cas.
MYRIAM EL KHOMRI
Certaines le font. Je pense par exemple à la branche professionnelle de la chimie, où nous voyons bien en termes d'apprentis, en termes d'emploi, il y a une vraie mobilisation. Aujourd'hui, je porte une loi, qui va être portée début mars en Conseil des ministres, qui vise justement à réformer le code du travail, en laissant plus de place à la négociation collective, l'entreprise et la branche, avec bien sûr les représentants des salariés, les syndicats, justement pour donner plus d'adaptation.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, j'ai une question précise à vous poser là-dessus, quand Direction et syndicats ne parviennent pas à se mettre d'accord, est-ce que ce qui vient de se produire chez SMART, le recours au référendum pourrait devenir la règle ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, pour moi, on peut toujours consulter les salariés, mais je pars du principe qu'il y a des représentants légitimes des salariés qui sont les syndicats, et qu'il faut justement essayer de négocier, de trouver des accords collectifs.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc, pas le référendum comme règle.
MYRIAM EL KHOMRI
Je ne l'exclus pas, le référendum, je pense que les consultations sont parfois nécessaires, mais je crois qu'il est important de trouver, par la négociation, la capacité à nouer des compromis, comme le font dans de nombreux comme c'est fait dans de nombreux pays, et d'ailleurs c'est fait dans notre pays, puisque vous savez, il y a 35 000 accords d'entreprises tous les ans, donc on voit bien que le dialogue social, dans les entreprises, n'est pas toujours à l'image du dialogue social sur le plan national.
OLIVIER MAZEROLLE
Le chômage des jeunes, il y a une voie qui fonctionne à l'étranger mais qui ne fonctionne pas en France, c'est celle de l'apprentissage. Alors, parce que pour beaucoup de parents, envoyer leur fils ou leur fille dans un lycée professionnel, c'est synonyme d'échec, et puis l'Education nationale a n'a pas vraiment de coordination avec les centres de formation d'apprentis qui dépendent des régions. Vous allez révolutionner tout ça ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, je crois, depuis trois mois où j'ai été sur cette mission, j'ai fait beaucoup de déplacements. J'ai travaillé avec des élus de droite et de gauche, bassin d'emploi par bassin d'emploi. Nous avons en France un chômage de peu ou pas qualifiés, et en effet, l'apprentissage est une voie d'excellence. Nous avons une petite augmentation des entrées en apprentissage dans cette campagne, environ 3 %, ce n'est pas suffisant. 70 % des jeunes qui sont passés par l'apprentissage, trouvent un emploi derrière et nous avons, en effet, dans notre pays, et ce n'est pas le fait que des décideurs publics, nous avons en effet dans notre pays, une sorte de mépris social, en direction des métiers manuels, en direction des métiers industriels. Et donc, la situation aujourd'hui, c'est que nous n'arrivons pas, nous avons certes un centre de formation, par exemple aux métiers industriels, où on a 100 % d'emplois derrière qui sont vides. Et de l'autre côté, nous avons aussi des jeunes, des jeunes apprentis, qui n'arrivent pas à trouver des employeurs. Donc
OLIVIER MAZEROLLE
Ils manquent d'informations ou révolution culturelle dans la tête
MYRIAM EL KHOMRI
Je pense qu'il faut passer par une révolution culturelle, parce que ces métiers-là sont des beaux métiers, sont des métiers qui permettent aussi un vrai déroulement de carrière, ce sont des métiers dont nous avons besoin. Vous savez, on parle souvent des emplois non pourvus dans notre pays, beaucoup d'emplois non pourvus sont par exemple dans les métiers d'industriels, et donc il me semble nécessaire, avec l'Education nationale et j'y travaille avec Najat VALLAUD-BELKACEM, mais également avec les entreprises, parce qu'il y a encore des jeunes apprentis qui n'arrivent pas à trouver des entreprises, mais également avec les familles, si nous n'arrivons pas, en direction des familles, de porter, justement, je lutter contre ce mépris social, cette dévalorisation des métiers manuels, nous n'arriverons pas non plus à pourvoir ces emplois aujourd'hui inoccupés.
OLIVIER MAZEROLLE
Hier, dans le Journal du Dimanche, Bernard TAPIE a fait une entrée qui a été remarquée, il suggère notamment de faire le bilan du travail des entreprises qui vivent, qui gagnent beaucoup d'argent, sur des formations qui ne servent pas à grand-chose, et de dire, eh bien rayons-les de la liste, si véritablement elles n'arrivent pas à classer ceux qu'elles prétendent former. C'est une bonne idée ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, on a porté la loi qui a réformé la formation professionnelle en 2014, qui vise justement à créer le compte personnel de formation, et qui vise en effet à faire un petit peu, à retravailler, non pas dans un objectif quantitatif mais qualitatif les différentes formations. Par ailleurs, Pôle emploi est en train de développer des applications, avec ce que l'on appelle des start-ups d'Etat, dont une qui s'appelle « La bonne formation », qui permet d'informer les demandeurs d'emploi, sur les formations qui leur permettent de trouver derrière un emploi. Ces outils sont nécessaires.
OLIVIER MAZEROLLE
Il se propose de vous formuler des idées, vous êtes prêts à l'écouter ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, moi je suis prête à écouter tout le monde, bien évidemment.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, une dernière question. Il va y avoir l'extension au 1er janvier du prêt à taux zéro pour l'achat d'appartements, ça va bénéficier au BTP. Avec les travailleurs détachés venus d'Europe de l'Est ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, moi je travaille beaucoup avec la Fédération française du bâtiment et la CAPEB, sur cette question-là. Il faut savoir que le gouvernement français aujourd'hui, agit comme jamais aucun gouvernement ne l'a fait, ni en France, ni en Europe, sur la lutte contre les fraudes au détachement.
OLIVIER MAZEROLLE
Ben, ça continue à exister, la règle européenne est toujours là.
MYRIAM EL KHOMRI
C'est pas la libre circulation des travailleurs européens qui est remise en cause, on serait mal placés, nous, la France, puisque la France est le troisième pays d'envoi des travailleurs détachés. Ce qui est remis en cause, c'est la fraude au détachement. Nous sommes passés de 500 contrôles par mois, à 1 800 contrôles par mois, avec des sanctions à la clef, et notamment la possibilité de faire une liste noire, la responsabilité des donneurs d'ordres et la capacité à arrêter un chantier. Les sanctions sont en train de tomber, et je peux vous dire que le message est très clair, et par ailleurs, je travaille avec mes homologues européens, je fais une sorte de lobbying, justement pour revoir les règles du détachement et revoir la directive de 96. C'est essentiel, parce que quelque part c'est l'érosion d'un modèle social qui est mise en cause, quand il y a des fraudes au détachement. Donc nous sommes particulièrement actifs, la loi Croissance et activité nous a permis d'augmenter les sanctions, et il est évident que quand le bâtiment, quand nous faisons des mesures en faveur du bâtiment, visant justement à créer de l'emploi, il est évident que nous allons tout mettre en oeuvre pour lutter contre les abus du détachement.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
JÉRÔME CHAPUIS
Merci à tous les deux. Myriam El KHOMRI invitée d'Olivier MAZEROLLE, qui nous dit qu'il faut une révolution culturelle pour changer le regard des Français sur l'apprentissage, contre la dévalorisation des métiers manuels. Et puis, on peut consulter les salariés par référendum, on parle du dossier SMART, mais les représentants légitimes restent les syndicats.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 décembre 2015