Texte intégral
L'innovation en santé est une chance formidable. Peut-être la grande chance du XXIe siècle. C'est la possibilité de guérir ce qui ne pouvait l'être hier, avec de nouveaux traitements. C'est la capacité de mieux soigner, par ultrasons, par bio-imprimantes 3D. C'est l'opportunité de mieux accompagner, à travers les objets connectés.
L'innovation doit être stimulée, accompagnée, encouragée je m'y emploie depuis plus de trois ans, à travers un soutien financier conséquent et une simplification radicale des procédures administratives. J'ai entamé un tour de France de l'innovation, qui me permet d'aller soutenir, sur le terrain, les start ups et les porteurs de projets.
Mais l'innovation doit aussi être encadrée. L'évaluation des technologies de santé n'est pas une simple formalité. Elle relève d'un choix. Choisir d'emprunter une voie plutôt qu'une autre. Choisir d'accélérer pour répondre à un besoin concret, vital, pour les patients. Choisir de poser des limites, aussi. L'ensemble de ces choix conditionne tant la sécurité des patients que leur confiance dans notre système de santé.
C'est un enjeu majeur, évidemment amené à prendre de l'ampleur. Il appelle une mobilisation forte, collective. C'est notamment le rôle du « réseau européen d'évaluation des technologies de santé », qui permet de faire dialoguer les Etats membres de l'Union européenne.
La France y est représentée par la Haute autorité de santé (HAS) qui vient de fêter ses dix ans et dont je tiens à nouveau à saluer le travail. Elle est aujourd'hui un acteur incontournable, incontesté, de notre système de santé. Un modèle, qui nous est envié à l'international - j'ai encore pu le voir lors d'un récent déplacement au Brésil. Grâce à vous, l'évaluation des produits de santé et des pratiques professionnelles est assurée. Je veux donc vous remercier, Jean-Luc Harousseau, pour votre engagement et votre travail remarquable à la tête de cette institution. La Haute autorité de santé (HAS) est encore jeune. Mais en dix ans, elle a rapidement acquis notoriété et respect, en France et dans le monde. C'est notamment le fruit de votre travail, monsieur le président.
I. La France a su construire un modèle d'évaluation des produits de santé qui garantit l'efficience de nos pratiques
Eclairer les décideurs politiques, accompagner les professionnels de santé, promouvoir les bonnes pratiques, informer le grand public Les missions de la Haute autorité de santé (HAS) sont nombreuses, variées, elles ont un seul objectif : préserver le financement solidaire et équitable de notre système de santé.
La mission d'évaluation est déterminante, stratégique. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le choix de la renforcer.
Le travail confié à Dominique Polton va nous permettre d'adapter et de moderniser les critères d'évaluation des médicaments par la Haute autorité de santé (HAS). Le rapport définitif ne m'a pas encore été remis, mais différentes pistes d'amélioration se dessinent d'ores et déjà, notamment la nécessité de renforcer l'évaluation médicale et économique dans la décision de fixation des prix des produits de santé.
Renforcer la mission d'évaluation de la Haute autorité de santé (HAS), c'est aussi ce que fait le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Avec ce texte, nous franchissons une nouvelle étape en permettant à la Haute autorité de santé (HAS) de procéder à des consultations précoces. Concrètement, une entreprise pourra désormais contacter les services de la Haute autorité de santé (HAS) avant même de déposer un dossier. C'est du « gagnant-gagnant » : pour l'entreprise, qui connaît mieux les attentes et pour l'évaluateur, qui entame plus tôt son travail.
II. Renforcer l'évaluation des technologies de santé, c'est aussi dépasser nos frontières. Le dialogue entre les différentes autorités nationales d'évaluation au niveau européen est indispensable
Depuis plus de 10 ans, l'Union européenne encourage fortement la collaboration pour l'évaluation des technologies. 30 millions d'euros ont été investis en ce sens.
Les dialogues précoces ont rencontré un grand succès - la Haute autorité de santé (HAS) y a joué un rôle moteur et je soutiens son investissement dans ce projet. 24 dialogues précoces ont ainsi été réalisés depuis 2012 entre 14 agences nationales volontaires et des entreprises. L'entreprise française Carmat, nouveau fleuron de l'innovation en santé avec son coeur artificiel, a d'ailleurs bénéficié de cette procédure.
Ces dialogues permettent aussi aux associations de patients de s'exprimer. Prendre en compte leurs avis est indispensable, car l'objectif premier des technologies de santé est - et doit rester - l'amélioration du quotidien des patients. Les associations doivent pouvoir porter la voix des patients dès les premières phases d'évaluation des innovations en santé.
Ces dialogues doivent se poursuivre et se renforcer. Mais chaque Etat doit néanmoins rester souverain dans le choix des critères d'évaluation à privilégier. Pourquoi ? Parce que l'évaluation, je l'ai dit, procède aussi de choix politiques qui conditionnent notamment le remboursement et la tarification des produits de santé. Et dans ce domaine, chaque Etat a sa culture propre, les attentes des patients sont parfois très différentes d'un pays à un autre.
III. L'enjeu aujourd'hui, c'est de donner un nouvel élan à cette collaboration européenne
Il y a un an, j'alertais mes homologues européens sur le coût exorbitant d'un médicament innovant contre l'hépatite C. J'ai mis en place un mécanisme permettant d'encadrer ces dépenses et permettre ainsi à l'ensemble des patients de bénéficier de cette innovation majeure. Mais ce défi parmi d'autres est structurel. L'innovation est un atout. Elle oblige de repenser nos pratiques.
D'abord, la tarification des produits de santé.
Sur ce sujet, ma position est claire : la forte croissance des prix des médicaments doit être endiguée et la coopération européenne doit permettre de lutter contre les comportements déloyaux de certains grands laboratoires. C'est pourquoi, au sein du réseau européen des institutions d'évaluation des technologies de santé, je souhaite que nous renforcions nos échanges dès la phase précoce de développement des produits à fort impact. La question du juste prix de l'innovation doit être posée. Elle n'est pas simple et nécessite une mobilisation de tous les Etats membres, avec l'appui de la Commission européenne. Par ailleurs, les structures nationales en charge des prix et du remboursement devront être mieux associées au réseau européen d'évaluation des technologies de santé.
Le second défi, c'est celui de la veille stratégique.
La coopération européenne doit progresser pour mieux anticiper l'émergence de nouveaux produits de santé. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) étant presque toutes centralisées, la coopération européenne est possible et je souhaite que le réseau européen se saisisse pleinement de ce sujet.
La France va développer des structures de veille stratégique, c'est le sens du comité de prospective sur les innovations médicamenteuses, dans le cadre du comité économique des produits de santé.
Enfin, troisième défi : le bon usage des médicaments.
Le bon médicament, pour la bonne personne, au bon moment, cette équation est indispensable, vitale tant pour les patients que pour notre système de santé. Un mauvais usage peut mener à de graves menaces sur la santé publique : je ne citerai que l'exemple de l'antibiorésistance, dont nous commençons à mesurer le coût humain.
L'arrivée de nouveaux médicaments doit nous amener à redoubler de vigilance. Seule une action concertée entre Etats nous permettra d'avancer. Je souhaite par ailleurs que le réseau européen se préoccupe davantage de l'usage concret qui doit être fait des évaluations par les médecins et les professionnels de santé.
Mesdames, messieurs,
La coopération européenne est gage d'efficience pour nos systèmes de santé. L'échange de bonnes pratiques, la mutualisation de certaines étapes du processus d'évaluation, permettent de gagner en temps et en efficacité.
Je suis heureuse de saluer devant vous l'autorité qui, en France, incarne l'évaluation technologique en santé, la Haute autorité de santé (HAS) : son travail, son rayonnement sont un atout ; sa capacité à travailler en réseau, une force pour notre pays et pour l'ensemble de l'Union européenne qui peut compter sur son expertise comme nous pouvons compter sur celle des agences de nos amis européens.
Je souhaite que cette journée nous permette de faire progresser cette coopération à laquelle vous êtes nous sommes collectivement attachés, et à laquelle nous avons toutes et tous à gagner - je pense évidemment en premier lieu aux patients.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 4 novembre 2015