Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes à BFMTV le 13 novembre 2015, sur le projet de loi santé notamment la situation des médecins libéraux dans l'hôpital public et le maintien du tiers payant généralisé.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des droits des femmes, bonjour...
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous Marisol TOURAINE. Votre projet de loi Santé revient à l'Assemblée nationale la semaine prochaine...
MARISOL TOURAINE
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les médecins, beaucoup de médecins – nous verrons les chiffres – des médecins aujourd'hui ferment leur cabinet : généralistes, spécialistes, parce qu'ils sont opposés à certains volets de ce projet de loi Santé, vous ne retirerez rien dans la discussion à l'Assemblée de votre projet de loi ?
MARISOL TOURAINE
Jean-Jacques BOURDIN, cette loi elle suit son parcours parlementaire depuis quelque temps et il y a une mesure qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cristallise !
MARISOL TOURAINE
Cristallise les inquiétudes, c'est le tiers-payant généralisé. C'est quoi le tiers-payant ? Je veux le rappeler ! Parce qu'on en parle depuis un certain temps et au fond on peut se dire, les Français peuvent se dire : « mais c'est quoi exactement ? ». Le tiers-payant c'est ce que l'on vit chez le pharmacien, c'est ce que l'on vit à l'hôpital lorsqu'on donne sa carte Vitale, on n'avance pas le prix, le coût de la consultation et le médecin est payé directement par la Sécurité sociale, éventuellement par les organismes complémentaire, c'est donc une mesure de justice, c'est une mesure de simplification aussi - c'est moins de paperasses - et c'est une mesure qui progressivement apparaîtra comme une évidence. Franchement, ni vous, ni moi, lorsque nous allons dans une pharmacie, nous ne nous posons plus la question, on donne sa carte Vitale et c'est simple, c'est réglé. Donc ça pose des inquiétudes auxquelles je veux pouvoir répondre, dans la loi nous avons mis des garanties et mon souhait c'est que la mise en place du dispositif, qui doit être simple, vienne à bout progressivement des inquiétudes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des inquiétudes. Bon ! Donc…
MARISOL TOURAINE
Et je veux dire donc aujourd'hui il y a des médecins qui sont en grève, pas de médecin en grève à l'hôpital public, contrairement à ce que j'ai entendu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Non.
MARISOL TOURAINE
Tout à l'heure sur votre antenne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des médecins libéraux et dans des cliniques privées.
MARISOL TOURAINE
Oui ! Mais vous savez le tiers-payant sert aussi à cristalliser des inquiétudes sur l'avenir de la profession et, ça, j'y suis extrêmement sensible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va entrer dans le détail !
MARISOL TOURAINE
Non ! Parce que les médecins sont aujourd'hui dans un métier qui est en train de se transformer profondément…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va entrer dans les inquiétudes des médecins, Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je voudrais, juste deux points précis : vous ne changerez rien, vous maintenez le tiers-payant généralisé, on est bien d'accord ?
MARISOL TOURAINE
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord…
MARISOL TOURAINE
Le tiers-payant arrive à l'Assemblée nationale, les parlementaires vont en débattre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne changerez pas votre texte, on est bien d'accord ?
MARISOL TOURAINE
Oui ! Je ne change pas le tiers-payant. Nous avons introduit, je le rappelle, nous avons introduit par rapport à ce qui était ma proposition de départ toute une série de garanties pour tenir compte des préoccupations des médecins, par exemple les médecins me disaient : « mais on va être payés à la Saint Glinglin – pour parler un peu trivialement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et notamment par les mutuelles ou les assureurs privés !
MARISOL TOURAINE
J'ai inscrit dans la loi, pour répondre à cette demande, que le paiement se ferait en moins de sept jours. Donc, quand j'entends certains qui disent : « mais rien ne bouge, rien ne change, il n'y a pas de dialogue, il n'y a pas de débat » ce n'est pas vrai, ça n'est pas juste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, mise en place quand ce tiers-payant généralisé ?
MARISOL TOURAINE
Puisque la loi a introduit des modifications et pas seulement sur le tiers-payant, sur toute une série de mesures…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir !
MARISOL TOURAINE
Il y a eu des modifications pour tenir compte des attentes et des préoccupations des médecins. Parce que moi je veux dire aux médecins, Jean-Jacques BOURDIN, mon intérêt, ma volonté ce n'est pas de les embêter, mon objectif ce n'est pas de dire aux médecins : « Regardez ! Je mets en place quelque chose de compliquée pour vous » mon objectif c'est de permettre aux Français, aux patients d'être soignés dans les meilleures conditions qui soient et les médecins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Mais Marisol TOURAINE…
MARISOL TOURAINE
C'est aussi ça leur envie. Donc, pourquoi est-ce que j'aurais envie particulièrement de mettre en place quelque chose qui vienne leur compliquer la vie ? Je suis prête à entendre qu'il peut y avoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Alors, Marisol TOURAINE, donc mise en place quand ?
MARISOL TOURAINE
Eh bien écoutez mise en place donc progressive, notamment 1er juillet 2016 pour les personnes qui ont des maladies graves et pour les femmes enceintes qui sont amenées à voir leur médecin de façon plus régulière et plus systématique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En ce qui concerne le remboursement des médecins, le remboursement par les mutuelles ou les assureurs privés, les mutuelles et les assureurs privés devaient donner leur solution informatique avant le 31 octobre, mais pour l'instant nous n'avons rien…
MARISOL TOURAINE
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les médecins n'ont rien, ni vous d'ailleurs…
MARISOL TOURAINE
Non !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors ?
MARISOL TOURAINE
Effectivement il y a un peu de retard entre l'assurance maladie, entre le travail qui est mené par l'assurance maladie et les organismes complémentaires, mais – je le répète – la commande elle est très claire : ça doit être simple, ça doit être simple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils le sauront quand, les médecins le sauront quand…
MARISOL TOURAINE
Mais quand il y aura le dispositif pour changer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les solutions ?
MARISOL TOURAINE
Dans quelques semaines ! Mais que les choses soient bien…Non ! Mais, attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous comprenez leur inquiétude, il y a 700 mutuelles ou assureurs privés ?
MARISOL TOURAINE
Non ! Mais ça je l'ai dit et les organismes complémentaires se sont engagés là-dessus de façon très claire, il n'y aura qu'un interlocuteur, ça c'est l'affaire des mutuelles, elles vont avoir une forme de guichet unique et c'est elles qui ensuite répartiront les demandes de remboursement entre les différentes mutuelles, donc il n'y aura pas du tout 400 ou 500 interlocuteurs - autant d'interlocuteurs que de mutuelles - et d'ailleurs les médecins auront un interlocuteur unique, ils seront payés de manière unique, ils n'auront pas besoin de se demander pour qui ils sont remboursés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais qui va gérer la médecine alors, les mutuelles, les assureurs privés, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Pas du tout ! Mais pourquoi ? Pas du tout !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que ce sont les mutuelles et les assureurs privés qui vont payer le médecin, on est bien d'accord ?
MARISOL TOURAINE
Mais c'est aujourd'hui le cas, Jean-Jacques BOURDIN, on rembourse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais là ça va être généralisé.
MARISOL TOURAINE
On rembourse les…
JEAN-JACQUES BOUR
DIN
Ca va être généralisé.
MARISOL TOURAINE
Mais moi c'est une critique que j'entends et que je prends très au sérieux, moi je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très au sérieux, parce que pourquoi, parce qu'»on va appliquer le système américain si j'ai bien compris ?
MARISOL TOURAINE
Non ! Pas du tout. Jean-Jacques BOURDIN, depuis que je suis aux responsabilités, la part prise en charge par les complémentaires a baissé, donc on ne peut pas me faire à moi le procès de vouloir donner plus d'importance, plus de rôle, plus de maîtrise aux organismes complémentaires, lorsque je suis arrivée les complémentaires santé n'avaient cessé de grignoter des parts de remboursement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce sont les complémentaires santé qui vont imposer les parcours de soins, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Mais pas du tout ! Pourquoi ? Quels parcours de soins ? Non ! Mais parce que ça… Non ! Mais moi, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien parce que ce sont les complémentaires santé qui vont choisir les médecins avec lesquelles elles auront passé des accords par exemple !
MARISOL TOURAINE
Mais en vertu de quoi ? Ce n'est pas possible ! Ca n'est pas possible. Ca, ça fait partie... je trouve ça extrêmement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des inquiétudes ! Des inquiétudes profondes des médecins.
MARISOL TOURAINE
Des inquiétudes, mais elles ne font pas fondées. Il y a eu une loi en 2012 qui a été votée sur la possibilité de créer des réseaux de soins, notamment dans l'optique et dans le dentaire, les médecins se sont inquiétés, il a été inscrit dans la loi – qui était une loi d'origine parlementaire – il a été inscrit que cela ne pouvait pas s'appliquer aux médecins, donc vous voyez bien que toutes ces inquiétudes que j'entends elles ne reposent sur rien. Donc, moi je dis aux médecins : « J'entends vos préoccupations et je suis même sensible à certaines des choses que vous dites, lorsque vous dites qu'il y a trop de paperasses, lorsque vous dites que les contrôles de l'assurance maladie sont parfois trop tatillons, lorsque vous dites vous travaillez des heures et des heures à n'en plus finir et que vous avez le sentiment que la reconnaissance qui vous est due n'est pas au rendez-vous » tout cela je l'entends. Il y a des changements, les patients sont mieux informés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voyez, je reçois un tweet qui nous dit, Gérald : « Oui à la désobéissance civile », vous avez vu ce que disent les médecins : « nous irons jusqu'à la désobéissance civile », qu'est-ce que vous leur répondez quand ils vous disent ça ?
MARISOL TOURAINE
Mais, écoutez, la désobéi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Nous n'appliquerons pas le tiers-payant ».
MARISOL TOURAINE
Moi je ne suis pas dans une logique de confrontation, je ne suis pas dans une logique d'affrontement avec les médecins et je veux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous n'êtes pas en train de…
MARISOL TOURAINE
Non ! Je dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous n'êtes pas en train d'opposer les patients aux médecins, en disant aux patients : « Regardez ! C'est une chance pour vous »…
MARISOL TOURAINE
Moi je suis certaine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En oubliant que pour les médecins ce n'est peut-être pas une chance ?
MARISOL TOURAINE
Je n'oppose personne ! Je n'oppose personne. Vous savez les médecins exprimaient les mêmes inquiétudes au moment de la carte Vitale, les mêmes inquiétudes : pourquoi faut-il que l'on transmette à l'assurance maladie la consultation avec la carte Vitale au lieu de remplir la feuille de soins ? C'est un changement ! C‘est un changement d'habitudes, c'est sans doute des évolutions qui sont plus que dans l'air du temps, je veux dire dans d'autres pays c'est déjà fait, dans les pharmacies c'est fait, dans les hôpitaux c'est fait, dans les laboratoires de biologie c'est fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, il n'y aura pas de moratoire, ce que demandent certains médecins aussi ?
MARISOL TOURAINE
Mais ça se met en place très progressivement, avec des périodes d'adaptation qui vont permettre aux médecins qui souhaitent le faire tout de suite de le faire tout de suite, ceux qui veulent attendre d'attendre, donc moi je suis vraiment dans une démarche extrêmement conciliante, de dialogue – contrairement à ce que j'entends – je n'ai absolument pas envie d'embêter le monde, absolument pas envie, et, dans le même temps, j'ai tout à fait la volonté de pouvoir répondre à des attentes des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne céderez pas sur cette loi ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez les Français me disent : « On voudrait que le tiers-payant soit déjà en place et ce qu'ils regrettent c'est plutôt la lenteur du processus ». Mais Jean-Jacques BOURDIN moi c'est au reste que je voudrais que l‘on puisse travailler, parce que dans la loi il y a des réponses à des préoccupations qui sont exprimées par les médecins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Je vais vous parler d'autre chose, tiens, les tarifs des consultations…
MARISOL TOURAINE
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les consultations seront revalorisées, les tarifs revalorisés ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Il y a une rencontre ?
MARISOL TOURAINE
Non ! C'est l'assurance maladie qui engage une négociation et cette négociation elle va s'engager…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Février !
MARISOL TOURAINE
A partir du mois de février, la discussion elle porte sur toute une série de choses dont le prix des consultations et je n'imagine pas qu'il n'y ait pas d'évolution sur ce point-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable, vous êtes favorable à une augmentation des tarifs des consultations ?
MARISOL TOURAINE
Je n'imagine pas qu'il n‘y ait pas d'évolution ! Mais je voudrais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Ca veut dire que vous êtes favorable à l‘augmentation quoi ?
MARISOL TOURAINE
Jean-Jacques BOURDIN ! Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la même chose ?
MARISOL TOURAINE
Jean-Jacques BOURDIN !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Quoi ?
MARISOL TOURAINE
Est-ce que vous savez que chaque fois qu'un patient âgé, plus de 80 ans, va voir son médecin quel que soit son médecin, le médecin reçoit cinq euros de plus de l'assurance maladie sans que le patient le sache – ce qui est bien dommage d'ailleurs - vous le saviez cela ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je savais, oui.
MARISOL TOURAINE
Est-ce que vous saviez, Jean-Jacques BOURDIN, qu'à chaque fois qu'un médecin, généraliste, reçoit un patient, l'Assurance maladie lui verse 8,50 euros de plus parce qu'il y a, des forfaits, parce qu'il y a la prise en compte de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mettons 30 euros alors.
MARISOL TOURAINE
31,50 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est à 23.
MARISOL TOURAINE
31,50 en moyenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est à 23 euros de base, la consultation de base, plus…
MARISOL TOURAINE
En moyenne, plus toute une série de choses, 31,50 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Chez le coiffeur ça coûte le même prix à peu près ! C'est ce que disent les médecins généralistes. Vous entendez ça ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, je trouve que, comparaison n'est pas raison. Je ne suis pas certaine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas moi qui l'a fait, je vous le dis tout de suite, mais je l'ai entendu.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, moi je ne suis pas certaine que les coiffeurs de France ont le sentiment d'avoir le même revenu moyen que les médecins. Moi je ne critique pas cela. Les médecins ont fait de longues études, ils méritent d'être bien rémunérés, ils sont engagés, ils s'impliquent, simplement, les rémunérations, aujourd'hui, elles portent, d'un côté, sur le tarif de la consultation, elles doivent aussi porter sur d'autres choses. Par exemple, des médecins qui s'engagent fortement pour travailler en équipe, ils doivent être rémunérés en plus. Des médecins qui s'engagent pour vacciner leurs patients, ils doivent être rémunérés en plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'installation des médecins. Chez vu des associations de patients qui nous disent « mais nous, nous payons la Sécurité sociale, comme tout le monde, en France, et il y a des endroits, en France, où on ne peut pas aller consulter un médecin, parce qu'il n'y en n'a pas, ou parce que le médecin est à 50 ou 100 kilomètres. » Pourquoi cette inégalité ?
MARISOL TOURAINE
Des endroits, en France, où il y a des médecins à 50 ou 100 kilomètres, des médecins généralistes, il n'y en a pas beaucoup.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou des spécialistes.
MARISOL TOURAINE
Mais j'ai mis en place, et c'est dans la loi, j'ai mis en place ce que j'appelle « le pacte territoire santé », des mesures pour répondre aux attentes des médecins, parce que si un médecin ne va pas s'installer dans une zone rurale, c'est parce qu'il n'y trouve pas des conditions d'exercice satisfaisantes. Que disent les jeunes médecins ? Que je salue, d'ailleurs, parce que je travaille très bien avec eux, et eux sont constructifs, engagés dans une démarche qui consiste à dire « nous, nous voulons travailler à l'amélioration des conditions de notre travail et nous voulons préparer la médecine de demain. » Eh bien, qu'est-ce qu'ils me disent ? Ils me disent « si vous voulez que j'aille dans une zone rurale, j'ai besoin de maison de santé, j'ai besoin de pouvoir faire de la médecine, mais aussi de la recherche et de l'enseignement dans la maison de santé. J'ai besoin de pouvoir travailler avec un hôpital qui ne soit pas si loin », et donc quand certains veulent opposer la médecine libérale et l'hôpital, je pense que ce n'est pas la bonne façon de faire. Donc il y a toute une série de mesures qui ont été prises et qui donnent des premiers résultats, j'aurai l'occasion, dans quelques jours, d'annoncer un « pacte territoire 2 », avec des mesures complémentaires pour renforcer les actions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des aides, des aides financières ?
MARISOL TOURAINE
Des aides, des incitations, des aides financières, il y en a déjà, mais des incitations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'installation.
MARISOL TOURAINE
Je vous disais par exemple… mais pas simplement à l'installation, c'est créer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas à l'installation, à la communauté médicale.
MARISOL TOURAINE
Créer un écosystème, en quelque sorte, un écosystème favorable et attractif. Pour qu'un médecin s'installe il faut qu'il ait envie de s'installer, et c'est ça mon travail, c'est de donner envie aux jeunes médecins d'aller s'installer ailleurs que dans les centres villes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la loi Evin sera assouplie ?
MARISOL TOURAINE
Que vous dire, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elle sera assouplie, parce que Emmanuel MACRON le veut…
MARISOL TOURAINE
Je le crains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que François HOLLANDE le veut, et parce que Manuel VALLS le veut.
MARISOL TOURAINE
Je crains qu'il y ait cet assouplissement et je le regrette, je l'ai dit, et je le regrette d'autant plus que je trouve qu'introduire un assouplissement de la loi Evin, dans une loi sur la santé publique, c'est quand même excessif, et c'est, au fond, totalement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes désavouée.
MARISOL TOURAINE
Non, je ne me sens pas désavouée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas soutenue en tous les cas.
MARISOL TOURAINE
Je ne me sens absolument pas désavouée puisque j'ai dit, et d'ailleurs je suis soutenue là-dessus, que ce n'est quand même pas dans une loi de santé qu'on doit apporter le détricotage de la loi Evin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, vous n'êtes pas tellement soutenue par Emmanuel MACRON, pardonnez-moi.
MARISOL TOURAINE
Je n'attends pas de soutien particulier du ministre de l'Economie en matière de santé publique, mais, la santé publique c'est un enjeu, qui n'est pas un enjeu technique, c'est un enjeu d'intérêt général. Et vous savez, moi je croise des gens qui me disent c'est quand même incroyable, dans la rue on voit des panneaux, 4X3 mètres, avec ce la pub pour, du vin, de l'alcool, donc dire qu'en France il ne peut pas y avoir de publicité sur l'alcool, ce n'est évidemment pas juste, il y avait un équilibre de trouvé avec la loi Evin, cet équilibre pour moi doit être préservé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sera rompu ?
MARISOL TOURAINE
Je le crains, mais j'aurai l'occasion de redire, une nouvelle fois à l'Assemblée nationale, que je ne souhaite pas que ce soit le cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le tabac, le paquet neutre, là aussi vous ne céderez pas ?
MARISOL TOURAINE
Le paquet neutre, il y aura le débat à l'Assemblée nationale, je pense que c'est une avancée importante, parce qu'on ne peut pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là aussi vous ne céderez pas ?
MARISOL TOURAINE
Mais il ne s'agit pas de dire là aussi vous ne céderez pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'agit de dire quoi alors ?
MARISOL TOURAINE
Il s'agit de dire qu'il y a près de 80.000 personnes par an qui meurent du tabac, que cela coûte 50 milliards d'euros par an à la Sécurité sociale, plus de 100 milliards d'euros à la communauté nationale, pas simplement la Sécurité sociale, aux entreprises, avec les arrêts de travail, par exemple, et qu'on ne peut pas se satisfaire de cela. On ne peut pas se satisfaire de ce que la France soit un des pays dans lequel on fume le plus, et dans lequel les jeunes fument le plus. Donc moi, ma priorité, c'est d'avoir des mesures pour éviter, autant que faire se peut, que les jeunes ne commencent à fumer, et c'est l'objet du paquet neutre, mais il y a aussi des mesures pour que les moins jeunes, ceux qui ont l'habitude de fumer depuis longtemps, soient accompagnés. Par exemple, j'ai annoncé le triplement de la prise en charge, par la Sécurité sociale, de l'aide au sevrage tabagique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le vapotage au bureau, interdit ? J'ai vu. Il faut que les entreprises, il va falloir que les entreprises créent une salle de vapotage.
MARISOL TOURAINE
Aujourd'hui, quand vous voulez fumer, vous allez dehors, vous pourrez aller vapoter dehors.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Augmentation du prix des cigarettes, non, ça ce n'est pas… ?
MARISOL TOURAINE
Non, vous savez, comme ministre de la Santé, moi, voilà…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là vous vous heurtez encore à Bercy.
MARISOL TOURAINE
Non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
MARISOL TOURAINE
Moi je dis les choses de façon très transparente, moi j'aurais pu souhaiter qu'il y ait à la fois le paquet neutre et l'augmentation du prix du tabac, un choix a été fait, sous la responsabilité du président de la République, pour dire on va mettre en place…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les cigarettes n'augmenteront pas dans les mois qui viennent ?
MARISOL TOURAINE
On va mettre en place un plan cohérent, dont la pièce maitresse c'est le paquet neutre et pas l'augmentation du prix du tabac. Moi j'ai défendu cette cohérence-là, cet arbitrage-là, et c'est ce plan que je porte devant l'Assemblée nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'augmentation, donc, du prix du tabac dans les mois qui viennent ?
MARISOL TOURAINE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucune augmentation. La taxe dite tampon sur les protections périodiques, vous avez vu la pétition, vous avez vu les manifestations, aujourd'hui c'est vrai que 20 % de TVA sur ces produits, certains, beaucoup, demandent 5,5 %. Vous aussi ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, moi j'y serai favorable, je pense que c'est un produit de première nécessité, enfin c'est évidemment un produit de première nécessité, il y a d'autres produits de première nécessité, donc je comprends que Bercy dise il faut qu'on puisse regarder et remettre à plat tout ça, mais je suis, pour la part, évidemment favorable à une évolution de la TVA sur ces produits.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable, d'ailleurs j'ai remarqué, au passage, la remarque du secrétaire d'Etat au Budget, qui a comparé ça…
MARISOL TOURAINE
Non, c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pardon, aux mousses à raser, pardonnez-moi, ce n'était pas très adroit, vous défendez les droits des femmes.
MARISOL TOURAINE
Je défends les droits des femmes, mais, franchement, je connais bien Christian ECKERT, et je ne veux pas lui faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, c'est malheureux alors !
MARISOL TOURAINE
C'était plutôt une maladresse qu'autre chose, c'est un homme très attentif à tout cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je finis avec les Régionales. Cette fameuse fusion, voulue par le Premier ministre, qui insiste, entre les listes des Républicains et les listes socialistes en cas de Front national en tête au premier tour, et largement en tête. Vous y êtes favorable ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Aujourd'hui la priorité c'est de se battre sur le terrain, et les équipes, partout en France, les équipes qui sont en campagne, mais aussi les militants socialistes, les sympathisants, nous nous battons pour être le plus haut possible, et donc aujourd'hui il faut se battre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous désapprouvez ces propos ?
MARISOL TOURAINE
Non, la responsabilité de Manuel VALLS, qui se bat sur le terrain aussi, et on ne peut vraiment pas lui faire le reproche de ne pas être engagé à fond dans la campagne, sa responsabilité c'est de penser à l'après premier tour, mais moi je comprends très bien que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes opposée ou pas à cette idée de fusion ?
MARISOL TOURAINE
Il faudra tout regarder.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Engagez-vous, Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
M'engager avant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous le désapprouvez ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Non, je ne m'engagerais pas avant le soir du premier tour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais lui s'engage, puisqu'il parle de fusion.
MARISOL TOURAINE
Mais lui dit « nous verrons les situations au cas par cas, le soir du premier tour… »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et s'il le faut, fusion.
MARISOL TOURAINE
Et chacun devra prendre ses responsabilités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il dit aussi fusion, éventuellement. Vous aussi vous dites la même chose ?
MARISOL TOURAINE
Ça veut dire, à la droite, n'imaginez pas que vous ne pourrez pas échapper à vos…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne me répondez pas Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Si je vous réponds Jean-Jacques BOURDIN. Ce que demande le Premier ministre c'est que chacun…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pourriez envisager une fusion ?
MARISOL TOURAINE
Nous verrons le soir du premier tour. Aujourd'hui nous sommes en campagne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est plus engagé que vous !
MARISOL TOURAINE
Aujourd'hui nous sommes en campagne et rien ne doit être exclu, mais cela c'est le débat qui s'ouvre le soir du premier tour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci Marisol TOURAINE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 novembre 2015