Texte intégral
Cette réunion intervient à la suite du travail riche, intense et surtout collectif, que vous avez entamé au printemps dernier. Je tiens à vous remercier toutes et tous une nouvelle fois pour votre mobilisation et votre présence aujourd'hui. La méthode de travail poursuivie a été transparente, elle a permis à chacun de faire valoir ses attentes et ses interrogations.
I. Vos travaux ont poursuivi un objectif clairement affirmé et assumé par le Gouvernement : mettre fin à l'exclusion définitive du don du sang des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), dans le respect absolu de la sécurité des receveurs.
Chaque année, la mobilisation de plus d'un million et demi de donneurs et la solidité de notre filière du sang permettent de sauver des vies. Après les crises sanitaires qui ont profondément marqué les années 1980 et 1990, notre pays a su se doter d'un système particulièrement performant. Ce système repose sur les principes intangibles que vous connaissez : l'autosuffisance, l'éthique du don et la sécurité sanitaire.
La sécurité ne se marchande pas, ne se nuance pas. Au contraire : elle doit être protégée, entretenue, sans cesse réaffirmée. Parce qu'elle est au coeur de la confiance des Français dans notre système de santé et les traitements qu'ils reçoivent. Cela implique que des tests de détection soient réalisés sur chaque don. Chaque don fait ainsi l'objet d'un prélèvement visant à détecter la présence de virus, et notamment celui du VIH.
Une circulaire de 1983, renforcée par des textes successifs en 1993 et en 1997 et formalisée par un arrêté de 2009, a exclu du don du sang pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Cette voie fut empruntée à l'époque par la majorité des Etats, et justifiée par un risque d'exposition au VIH plus important lors d'une relation sexuelle entre hommes que lors d'une relation hétérosexuelle ou d'une relation sexuelle entre femmes.
Il ne s'agit pas aujourd'hui de porter un jugement sur ce choix, qui fut réalisé à une époque marquée par le développement dramatique du Sida et de l'affaire du sang contaminé, et pour lequel seule la sécurité transfusionnelle a été prise en compte. Néanmoins aujourd'hui, nul ne peut contester que cette exclusion définitive est vécue comme une présomption de séropositivité des homosexuels. Donner son sang est un acte de générosité, de citoyenneté, qui ne peut être conditionné à une orientation sexuelle. Cette discrimination encore une fois exclusivement fondée sur l'orientation sexuelle - choque, bien au-delà des homosexuels, bien au-delà des clivages politiques. Nous l'avons vu à l'Assemblée nationale, où un amendement au projet de loi de modernisation de notre système de santé, indiquant que « nul ne peut être exclu du don du sang en raison de son orientation sexuelle », a été adopté à l'unanimité. Cette disposition a été votée conforme par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle j'avais annoncé dès 2012 mon souhait d'y mettre fin. J'avais alors fixé une condition claire : la sécurité. Parce que, je l'ai dit, elle conditionne la confiance de nos concitoyens, et que tout accident viendrait considérablement fragiliser l'ensemble de la filière. Ce travail, j'ai confié au Directeur général de la Santé la mission de le mener. Experts, opérateurs et associations représentatives de patients, de donneurs, associations LGBT : vous avez activement participé à ce groupe de travail, chacun a pu contribuer, faire valoir son point de vue.
II. A l'issue de ce travail et sur la base des propositions qui m'ont été faites par le DGS, j'ai décidé de suivre sa proposition de mettre fin à l'exclusion définitive du don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH).
Les travaux scientifiques qui ont été menés nous permettent de connaître les risques associés aux pratiques sexuelles. Que disent ces études ? Qu'un homme qui a des relations sexuelles avec un homme a statistiquement plus de risque d'être exposé au VIH qu'un homme qui a des relations avec des femmes. Ces études justifient donc que nous procédions par étape.
1. Première étape : la fin de l'exclusion définitive du don.
Le don de sang total sera ouvert, à partir du printemps prochain, aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes à l'issue d'une période de contre-indication de douze mois. Les études scientifiques qui ont été menées montrent en effet qu'un ajournement à 12 mois du don du sang garantit le même niveau de sécurité transfusionnelle que pour l'ensemble des donneurs actuels.
Les hommes qui, au cours des 4 derniers mois, n'auront pas eu de relation sexuelle avec un homme ou auront eu un seul partenaire, pourront donner leur plasma. Une filière sécurisée par quarantaine sera créée dans cet objectif.
S'agissant du don de sang total, nous nous alignons donc sur la plupart des grands pays développés l'Australie, les Etats-Unis, les Pays-Bas ou encore le Japon qui ont adopté cet ajournement de 12 mois. A l'inverse, d'autres pays comme l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique ou le Danemark, restent en contre-indication permanente. Seules l'Espagne et l'Italie ont adopté une contre-indication inférieure à 12 mois.
Ces mesures vont permettre aux autorités sanitaires d'étudier les conséquences de la fin de l'exclusion définitive. La filière sécurisée pour le plasma permettra très concrètement la congélation des dons, afin que les donneurs puissent être à nouveau testés une fois la « fenêtre sérologique » du VIH écoulée. Une analyse des risques sera réalisée afin
d'accompagner ces nouvelles mesures. Celle-ci sera basée sur le suivi épidémiologique des donneurs de sang et validée par les agences compétentes.
Nous mettons donc fin à la discrimination sur l'orientation sexuelle et nous passons à un encadrement fondé sur des pratiques à risque.
2. Deuxième étape : le rapprochement des durées d'ajournement entre les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, et les autres donneurs.
L'analyse des risques que je viens d'évoquer nous permettra d'évaluer très concrètement les conséquences de la fin de l'exclusion du don. C'est à partir de là qu'un rapprochement pourra se mettre en place entre les différentes durées d'ajournement. L'objectif, c'est bien qu'à terme et si les études dont nous disposons le permettent - les critères de sélection pour pouvoir donner son sang soient les mêmes pour tous. Ces études devraient être disponibles et nous permettre d'avancer dans un délai d'environ 12 mois.
III. Les travaux de votre groupe ne sont donc pas terminés : vous devrez assurer la mise en oeuvre et le suivi de ces mesures
D'abord, il faudra modifier l'arrêté de 2009. Vos contributions seront essentielles et je le sais nombreuses pour mener ce travail à son terme.
Ensuite, il vous appartient de formuler des propositions concrètes pour faire évoluer le questionnaire d'entretien pré-don, l'information au candidat au don pour favoriser l'auto-exclusion et la responsabilisation, et enfin la formation des personnes effectuant la collecte.
Durant toutes ces étapes, votre présence sera indispensable sur le terrain, au sein des associations, pour échanger avec les donneurs. Pour que les mesures que j'ai annoncées soient comprises et acceptées par tous. Pour que chacun connaisse ses droits. Pour que le libre consentement des donneurs et l'intérêt des receveurs soient respectés.
Enfin, je souhaite que l'ensemble de ces travaux fasse l'objet d'un suivi. C'est pourquoi votre groupe de travail doit également devenir un groupe de suivi chargé de la mise en oeuvre et de l'évaluation de ces mesures.
Mesdames, messieurs,
Tout patient, quelle que soit sa situation, a le droit de recevoir des produits sanguins en quantité suffisante et garantis par les plus hauts standards de qualité et de sécurité. Aujourd'hui, nous permettons que chaque citoyen, quelle que soit son orientation sexuelle, ait le droit de donner son sang. Nous marquons ainsi une nouvelle étape dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, en particulier sexuelles, dont certains de nos concitoyens sont victimes.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 23 novembre 2015