Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la lutte contre l'épidémie du virus Ebola, Paris le 2 décembre 2015.

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Il suffit de se projeter quelques mois en arrière pour mesurer l'étendue du chemin parcouru. L'épidémie d'Ebola, qui a causé plus de 11000 décès, pourrait bientôt être vaincue. Une étape considérable a été franchie et nous pouvons évidemment nous en réjouir. Mais nous devons aussi veiller à ce que la vigilance reste totale. La mobilisation exemplaire qui s'est déployée doit se poursuivre durablement.
Les retours d'expérience comme celui qui nous réunit aujourd'hui sont des moments extrêmement précieux. Ils nous permettent d'adapter notre réponse sanitaire à une réalité du terrain qui ne cesse d'évoluer. Ils nous invitent à anticiper et à dessiner ensemble les actions de demain. Ils nous offrent aussi l'occasion de réunir l'ensemble des acteurs mobilisés.
Je veux ainsi en profiter pour vous remercier, toutes et tous. Les professionnels du secteur de la santé, d'abord. La mobilisation des établissements de santé de référence qui ont été habilités pour la prise en charge de cas de maladie à virus Ebola a été exemplaire. Je tiens évidemment aussi à saluer les professionnels du service de santé des armées, dont l'excellence a été une fois de plus vérifiée puisque 2 malades d'Ebola ont été soignés et guéris à l'hôpital Bégin.
Les agences sanitaires et les opérateurs de l'Etat, ensuite, ont mené un travail remarquable. L'Institut de veille sanitaire (l'InVS), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ont eu un rôle central dans la mobilisation mondiale contre l'épidémie. De la veille épidémiologique, à la mise à disposition de traitements, en passant par l'intervention sur le terrain au côté des ONG, la formation des professionnels de santé et l'information au public, chaque agence s'est engagée en mobilisant ses agents et son savoir-faire propre.
Les équipes de mon ministère, enfin. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) et la direction générale de la santé (DGS) ont été très impliquées. Le Département des urgences sanitaires et le centre de crise sanitaire (CORRUSS) ont notamment coordonné l'ensemble de la réponse sanitaire.
La gestion de la crise Ebola a été riche en enseignements. Plus que jamais, nous avons pu mesurer l'excellence de notre système de santé : partager les savoirs, répartir les tâches efficacement, répondre à l'urgence. La task force interministérielle Ebola, sous la coordination de Jean-François DELFRAISSY, a parfaitement mené la mobilisation nécessaire. Notre système de santé a montré toute son efficacité, de la surveillance à la prise en charge des patients.
Mais je l'ai dit, nous ne devons pas relâcher nos efforts. De nouveaux cas ont été rapportés au Libéria, alors que le pays avait été déclaré indemne de transmission depuis juillet dernier. Une réactivation virale a été observée chez une patiente anglaise survivante de la maladie. Ces phénomènes récents font craindre une chronicité de l'épidémie.
Face à cette situation, nous avons le devoir de dresser des perspectives pour l'avenir, de rechercher l'ensemble des voies d'amélioration de notre réponse sanitaire. L'objectif de ce retour d'expérience est de faire le point sur notre capacité, ici en France, à répondre à une situation sanitaire exceptionnelle.
Trois axes doivent être privilégiés.
D'abord, il nous faut soutenir et encourager le développement de systèmes de sécurité sanitaire à l'international.
L'enjeu, c'est de mieux surveiller l'émergence de nouveaux cas, de mieux maîtriser la maladie et de mieux traiter les malades, au plus près du terrain infectieux. L'expérience de cette crise Ebola a montré une fois encore la performance et la solidité de notre système de sécurité sanitaire. La formation des agents, le maintien des compétences par la répétition des gestes - même entre les crises -, et l'évolution du modèle de prise en charge d'infections émergentes hautement contagieuses, doivent rester les grandes priorités.
Une grande conférence sur le règlement sanitaire international (RSI) se tiendra au bureau de l'OMS de Lyon les 22 et 23 mars 2016. Elle doit permettre de réfléchir aux moyens de renforcer le niveau de préparation des Etats pour faire face à des crises sanitaires internationales. La voix de la France sera particulièrement écoutée. Nous réaffirmerons notamment la nécessité d'installer un dispositif international – au moins européen – d'évaluation d'urgence. Chacun s'accorde sur cette exigence. Il est temps de passer aux actes.
Deuxième priorité, ici en France : je veux que nous renforcions la coopération entre les équipes du ministère en charge de la Santé et celles du service de santé des Armées.
Cette coopération existe déjà et fonctionne. Nous l'avons encore vu récemment lors des tragiques attentats du 13 novembre. De nombreux blessés ont été transférés par nos équipes au sein d'hôpitaux militaires. Nous l'avons également vu lors de la gestion de la maladie à virus Ebola : deux évacuations sanitaires, je l'ai dit, ont été prises en charge à l'hôpital militaire Begin. Ces deux seuls cas confirmés pris en charge sur le territoire sont sortis guéris.
Je souhaite que nous donnions un nouvel élan à cette coopération en prévoyant un accord-cadre entre les deux ministères. Cet accord devra nous permettre de nous coordonner pour améliorer encore notre réponse aux situations sanitaires exceptionnelles. Il s'agit d'encadrer au préalable la mobilisation des capacités des armées en cas de besoin pour faire face aux crises sanitaires civiles (équipements de protection, hôpitaux de campagne, diagnostic biologique, professionnels de santé des armées et experts).
Enfin, troisième priorité, élaborer des réponses nouvelles. L'innovation doit être soutenue et encouragée.
L'innovation des pratiques, d'abord. Sur le terrain, elles ont montré leur efficacité. Je pourrais citer le centre de traitement des soignants mis en place à Conakry : en regroupant sur un même site les capacités de diagnostic virologique et de réanimation, l'infrastructure et la prise en charge ont été particulièrement efficaces. Je pourrais aussi citer les laboratoires mobiles de diagnostic auxquels nous avons eu recours en Guinée, les équipements de protection individuelle ou encore les transports sanitaires. Ces pratiques et dispositifs ont montré leur rôle déterminant, nous devons impérativement capitaliser à partir de ces expériences au sein d'une doctrine générale de réponse aux risques infectieux émergents.
L'innovation passe par la recherche sur les vaccins et les antiviraux. Le dernier Retex Ebola international qui s'est tenu le 29 octobre dernier au Ministère des Affaires étrangères et du Développement international a souligné la nécessité d'accroître nos efforts en ce sens.
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) travaille actuellement au développement d'antiviraux et de vaccins. Les premiers résultats obtenus sont très encourageants. Ces recherches doivent être poursuivies.
Innover aussi pour être en mesure de répondre rapidement à une maladie émergente qui n'est pas encore connue : c'est tout l'enjeu de la recherche. Il nous faut être en mesure de mettre au point dans l'urgence des tests de diagnostic rapides, des protocoles thérapeutiques adaptés à la situation, et de fabriquer des vaccins et des traitements.
Dans ce contexte, l'Institut de microbiologie et maladies infectieuses d'Aviesan a bénéficié du savoir-faire du réseau REACTing pour monter le programme de recherche de lutte contre Ebola. Je souhaite qu'une large réflexion soit menée sur ce sujet de la mobilisation rapide de la recherche.
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous remercier une nouvelle fois pour le travail, l'engagement, la mobilisation, que vous avez montrés ces derniers mois. Ils ont été déterminants.
Accroître encore la performance de notre système de sécurité sanitaire, l'exporter à l'international, soutenir l'innovation : voilà les enjeux qui nous attendent et qui nous mobiliseront collectivement. Vous pouvez compter sur ma détermination, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre, pour mener ces chantiers à leur terme.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 3 décembre 2015