Texte intégral
YVES CALVI
Olivier MAZEROLLE, vous recevez Marisol TOURAINE, ministre de la Santé, des Affaires sociales et des Droits des femmes.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Olivier MAZEROLLE.
OLIVIER MAZEROLLE
Plus d'un an et demi de débats parlementaires, votre loi a été acceptée, elle comporte beaucoup beaucoup de mesures
MARISOL TOURAINE
Oui.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, certaines ne prêtent pas à discussion, la pilule du lendemain qui pourra être délivrée par les infirmières scolaires, le délai de réflexion imposé aux femmes avant l'avortement est supprimé, amplification des aides aux médecins qui veulent ou qui vont s'installer dans des zones désertifiées, mais il y a aussi ce qui fâche, et vous me connaissez, on va parler de ce qui fâche, et ce qui est plus difficile à mettre en oeuvre, à commencer par le tiers-payant. Les médecins sont décidés, enfin beaucoup d'entre eux, en tout cas, à ne pas l'appliquer.
MARISOL TOURAINE
D'abord, je voudrais dire que c'est un grand moment, et je suis très heureuse de l'adoption de cette loi, au terme de beaucoup de débats et de beaucoup de discussions, et d'un parcours parlementaire intense, qui a d'ailleurs permis de tenir compte d'observations des médecins, y compris sur le tiers payant, même si je sais que beaucoup d'entre eux sont inquiets. Mais c'est une loi de modernisation et d'innovation. Olivier MAZEROLLE, nous vivons une période où notre système de santé est en plein bouleversements. Les changements n'ont jamais été aussi importants, et c'est une bonne nouvelle, parce que tout cela est possible grâce à de l'innovation, de l'innovation médicale, technologique, organisationnelle, et donc nous devons faire en sorte que les Français puissent être soignés au mieux, et c'est pour cela que 70 % des Français, d'ailleurs, attendent la mise en oeuvre du tiers-payant. Eh bien moi
OLIVIER MAZEROLLE
Mais alors les médecins vous disent : vous ne vous attaquez pas aux vrais problèmes qui sont les coûts des hôpitaux et vous vous rabattez sur nous, médecins généralistes libéraux.
MARISOL TOURAINE
L'hôpital est évidemment une pièce forte de notre système de santé, et il doit lui aussi se moderniser et il est modernisé dans cette loi, et moi, lorsque je demande à chacun d'être attentif aux dépenses, je le demande aussi bien à l'hôpital, qu'aux médecins de ville, donc il n'y a pas là-dessus de privilégiés ou de préférences. Mais le tiers-payant
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, le tiers-payant, vous allez les contraindre à l'appliquer ? Parce qu'ils disent : « Attendez, hein, nous on ne prendra plus la carte Vitale, on va quitter les contrats avec l'Assurance maladie ».
MARISOL TOURAINE
Mais, franchement, je ne crois pas que cela sera le cas. Moi je veux dire aux médecins que c'est ensemble que nous allons mettre en place cela, et je suis très attentive à leurs inquiétudes. Certaines d'entre elles, d'ailleurs, ont trouvé des réponses dans la loi, ils m'ont dit : « Est-ce qu'on va être payé rapidement ? ». Oui, la loi impose de payer les médecins en moins de sept jours. Est-ce qu'il y aura un système simple
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais les mutuelles et l'Assurance maladie n'ont pas encore expliqué comment ça allait se passer.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais ça va se Les mutuelles et l'Assurance maladie sont en train de travailler, vont indiquer ou propose un système à partir du mois de janvier ou du mois de février, et à partir de là, nous allons le mettre en place progressivement. La grande étape, ce sera celle du 1er juillet 2016, qui va concerner entre 10 et 12 millions de Français, ceux qui vont le plus souvent chez le médecin, parce qu'ils sont malades, ce que l'on appelle affection longue durée, donc ils vont souvent chez le malade (sic ?) ce sont des diabétiques, des malades cardiaques, des personnes qui ont le cancer, par exemple, mais ce sont aussi, et c'est heureux, ce ne sont pas des malades, des femmes enceintes qui vont régulièrement chez le médecin et qui pourront bénéficier du tiers-payant.
OLIVIER MAZEROLLE
Si les médecins persistent dans leur refus, vous avez le bâton du gendarme pour leur imposer la mesure ?
MARISOL TOURAINE
Moi je parie sur la confiance et la conviction. Lorsque les médecins auront en main, un système qui ne coutera rien, qui sera simple à mettre en place, eh bien je suis certaine que cela se généralisera progressivement, et les Français demanderont à leur médecin, comme lorsqu'ils vont chez leur pharmacien, de bénéficier du tiers-payant, mais la loi, ça n'est pas que tiers-payant, c'est une loi qui permet de répondre à toute les préoccupations quotidiennes des Français, et les Français qu'est-ce qu'ils disent ? Ils disent : « Je veux pouvoir accéder facilement à mon médecin, ne pas avoir de contraintes financières, c'est le tiers-payant, mais je veux trouver un médecin près de chez moi, et il y a des préoccupations sur ce qu'on appelle la désertification médicale
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, j'évoquais ça au début, oui.
MARISOL TOURAINE
avec des mesures extrêmement fortes, pour faire en sorte qu'il y ait des installations.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais tout de même, Marisol TOURAINE
MARISOL TOURAINE
Et c'est l'innovation médicale, faire en sorte que chacun, c'est une force de la France, et moi je veux le garantir.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez vu sans doute l'enquête du Conseil de l'ordre des médecins, qui montre que, aujourd'hui, les généralistes disent : « Mais c'est plus intéressant ce métier-là, c'est une servitude, on n'est plus considéré » et un médecin sur deux dit : « Moi je ne recommanderais pas à un jeune de se lancer dans cette profession ».
MARISOL TOURAINE
Olivier MAZEROLLE, est-ce que tous les journalistes recommandent à leurs enfants de devenir journaliste ? Je crois que, aujourd'hui, le métier de médecin généraliste est un métier qui est à la fois l'un des plus beaux qui soient, c'est un métier de confiance, un métier humain, un métier à la pointe de l'innovation, et en même temps c'est un métier en plein bouleversements. Et je suis très attentive à l'inquiétude qu'expriment les professionnels, parce que sans doute jamais ce métier n'a changé aussi vite et aussi fort, qu'en ce moment. Parce que les patients sont mieux informés, parce qu'il y a Internet, parce qu'il y a de nouvelles techniques, parce qu'on ne trouve pas forcément de successeurs pour s'installer là où on est, alors même qu'il y a beaucoup de médecins en France, mais ils ne s'installent pas forcément là où on voudrait. Et donc, je veux, avec eux, travailler sur cela, répondre à leurs préoccupations et c'est pour cela qu'il y a des négociations qui vont s'engager, d'ailleurs avec la Sécurité sociale, sur la rémunération des médecins et sur la formation des jeunes professionnels.
OLIVIER MAZEROLLE
Autre point de friction dans votre loi, le paquet neutre, le paquet de tabac neutre. Alors, les buralistes disent : « On parle beaucoup, hein, dans les bureaux de tabac, vous allez voir, pour l'élection présidentielle, on va s'en occuper ».
MARISOL TOURAINE
On parle beaucoup dans les bureaux de tabac, on parle beaucoup dans beaucoup d'endroits.
OLIVIER MAZEROLLE
Parce que cette loi, elle est vraiment dirigée contre nous.
MARISOL TOURAINE
La loi elle n'est pas contre les buralistes, elle est contre personne d'ailleurs, et je comprends très bien que les buralistes disent : qu'allons-nous devenir et que proposez-vous pour notre avenir économique ? Mais cette loi, elle est faite pour les Français, et notamment pour éviter que des jeunes se mettent à fumer. Parce que ma préoccupation, comme ministre en charge de la Santé, c'est que la France est la lanterne rouge en termes de tabac en Europe et dans les pays développés, alors que la plupart des pays européens ont moins de 20 % de fumeurs, nous augmentons année après année, nous sommes à plus de 30 %, et les jeunes commencent à 12, 13 ans, et quand on commence à 12, 13 ans, c'est un risque de cancer quelques années après, c'est un risque de dépendance, le paquet neutre c'est ça, il n'y a pas que le paquet neutre.
OLIVIER MAZEROLLE
La droite promet que si elle revient au pouvoir, elle va casser votre loi, elle va l'envoyer à la poubelle, alors qu'à un moment où on parle d'union nationale, votre loi, elle n'est pas vraiment dans l'union nationale.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais peut être que la question devrait être posée à la droite, justement, parce que vous le disiez vous-même, cette loi elle comporte des dizaines et des dizaines de mesures, faire en sorte que les traitements médicamenteux arrivent plus vite lorsqu'ils sont nouveaux, modernes, innovants, au lit du malade, est-ce que c'est ça que la droite veut supprimer ? Il s'agit de mettre en place des mesures pour qu'il y ait des médecins dans nos campagnes, c'est ça que la droite veut supprimer ? Il s'agit de mettre en place des dispositifs pour informer sur la qualité des produits que l'on mange, c'est ça que la droite veut supprimer ? Il s'agit de mettre...
OLIVIER MAZEROLLE
J'ai entendu quelques députés de gauche
MARISOL TOURAINE
le droit à l'oubli, Olivier MAZEROLLE, le droit à l'oubli, que des personnes qui ont été malades du cancer et qui ne le sont plus, puissent aller prendre un prêt, demander un prêt à la banque, sans avoir à payer des intérêts gigantesques. C'est ça que l'on veut supprimer ?
OLIVIER MAZEROLLE
Juste une dernière question
MARISOL TOURAINE
Donc moi je pense justement que dans la période que nous vivons, nous aurions intérêt à laisser tomber ces petites postures.
OLIVIER MAZEROLLE
J'ai entendu des députés de gauche dire : « Il faut savoir faire de la politique, Marisol TOURAINE elle nous a peut-être fait perdre quelques voix aux régionales ».
MARISOL TOURAINE
70 % des Français qui ont marqué leur soutien au tiers-payant, je crois que c'est une loi de progrès, c'est une loi de justice et c'est une loi à laquelle chacune et chacun nous pouvons travailler ensemble dans l'intérêt des Français.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Marisol TOURAINE.
YVES CALVI
Une loi de progrès et de justice, vient de nous dire la ministre de la Santé. Entretien à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr, merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 décembre 2015