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Je suis particulièrement heureuse de me trouver parmi vous aujourd'hui, et je tiens, avant toute chose, à remercier l'association Old Up de cette invitation. J'ai eu l'occasion, ces derniers mois, de rencontrer Marie-Françoise FUCHS pour des échanges qui se sont révélés constructifs et inspirants.
Cette association est porteuse d'un souffle novateur : celui d'inviter la société à changer de regard sur la vieillesse, à en montrer toute la diversité et la richesse. Elle mobilise pour cela le plus efficace des moyens : l'action ! Ateliers, formations, conseil Autant d'initiatives qui font que les personnes âgées demeurent au quotidien des personnes actives dans la vie de la cité, des citoyens à part entière. Je partage cette ambition qui correspond pleinement à l'esprit du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement que je porte.
Pourtant, il faut le dire, dans notre société, les représentations font souvent de la vieillesse un fardeau, un déclin, un âge de la vie où l'on serait nécessairement contraint à renoncer, à démissionner, à s'isoler.
Or, lorsque l'Observatoire de l'âge nous dit qu'une très large majorité de personnes âgées se déclarent heureuses, mais surtout qu'elles considèrent le bonheur comme un processus qui se cultive tout au long de la vie, c'est là l'évidence que la vieillesse est un âge de la vie qui n'occulte en rien la diversité des parcours, des envies, des histoires, mais aussi et surtout la possibilité de trouver des sources de satisfaction, de plaisir au quotidien.
De la même manière, il ne faudrait pas que le bien vieillir ne se transforme en une injonction angoissante, une course perdue d'avance, un stéréotype inatteignable comme celle que l'on impose aux femmes dans les magazines.
Parce que oui, vieillir c'est aussi souvent accepter d'être moins rapide, c'est aussi parfois rencontrer la difficulté de faire comme avant. Cette perspective peut être source d'inquiétudes fortes que nous devons entendre. Mais, nous apportons aujourd'hui des réponses qui doivent permettre à chacun d'envisager cet âge de la vie avec sérénité :
- La première, c'est que les pouvoirs publics sont présents pour donner les moyens à chacun d'accompagner la perte d'autonomie. Le Gouvernement s'engage fortement en ce sens puisque le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement prévoit notamment une revalorisation importante de l'allocation personnalisée d'autonomie, pour permettre aux personnes âgées de continuer à vivre chez elle, dans de bonnes conditions.
De façon plus large, c'est bien l'ensemble de la société qui est appelée à s'adapter : prendre en compte la perte d'autonomie dans la conception des logements, dans l'aménagement du territoire, des transports, c'est aussi faire en sorte que chacun, même en situation de fragilité, puisse rester acteur de son projet de vie.
- La seconde réponse est que la perte d'autonomie n'est pas une fatalité. L'anticiper, c'est permettre de la retarder le plus possible.
L'importance donnée par les personnes âgées à l'alimentation et à la pratique d'une activité sportive est révélatrice de leur volonté d'agir en ce sens. Le Plan national de prévention de la perte d'autonomie qui m'a été remis en septembre dernier par le Dr Aquino permettra de donner des conseils opérationnels en la matière.
- Enfin, vieillir, c'est aussi l'opportunité de découvrir un nouveau rythme de vie, de trouver de nouvelles façons de construire son quotidien. Il ne s'agit pas de renoncer, mais bien de faire autrement. C'est là le coeur du questionnement qui nous est adressé et que pose votre colloque d'aujourd'hui : Comment rythmer, comment remplir cette période de la vie et surtout dans quel but ?
Je crois que cette journée contribuera pleinement à nourrir cette réflexion. Je suis convaincue que notre société est en mesure et nous devons l'y encourager d'apporter des réponses novatrices à ces besoins nouveaux. La prochaine table ronde organisée cet après-midi montrera - j'en suis certaine - tout l'intérêt de l'innovation sociale en matière d'éducation, de santé ou de lutte contre l'isolement.
Si la vieillesse n'est pas synonyme de la fin de l'épanouissement personnel, les personnes âgées contribuent également au développement de l'ensemble de la société. De l'esprit, vous en avez et surtout, vous en transmettez !
Nous comptons sur vous pour nourrir le lien intergénérationnel, pour insuffler une dynamique nouvelle dans notre économie, pour contribuer aux politiques publiques et à la vie associative de notre société.
J'en ferai moi aussi la preuve par l'action.
1/ Les personnes âgées seront pleinement associées au nouveau Haut Conseil de la Famille, de l'Enfance et de l'Age, créé par le projet de loi.
En tant que Secrétaire d'Etat, ma volonté n'est pas de catégoriser les personnes, sans jamais que les uns et les autres ne s'entendent, n'échangent. Il y aurait là une véritable perte de sens et d'efficacité. Mon objectif est au contraire d'amener les générations à se parler, parce qu'elles rencontrent bien souvent des problématiques communes, parce que c'est en mobilisant l'ensemble de la société que nous parvenons à construire des réponses pertinentes.
J'étais jeudi à un colloque sur l'habitat et le vieillissement, colloque qu'animait Serge GUERIN. Celui-ci rappelait dans son introduction que les aménagements que l'on fait pour les personnes âgées servent très à souvent à tous. Il citait en exemple les bus dont on a abaissé le plancher pour supprimer les marches. Cette évolution est utile aux personnes âgées mais aussi aux familles avec poussette Je partage cette conviction et je souhaite que vous aussi vous partagiez votre expérience, vos réflexions avec les représentants de la Famille et de l'Enfance au sein d'un Haut conseil unique, intergénérationnel.
Nous devons casser les silos générationnels et promouvoir la transversalité pour mieux prendre en compte la réalité.
Je citerai un autre exemple qui me tient à coeur : celui des aidants. L'accompagnement à domicile des personnes âgées mobilise les familles dans leur ensemble, et je pense ici particulièrement aux proches aidants. Nous comptons aujourd'hui 4 millions d'aidants de personnes âgées qui sont bien souvent des femmes. Ils sont plus de 8 millions à aider un proche, enfant, conjoint, père ou mère.
Je voudrais profiter de cette tribune pour partager avec vous une inquiétude. Vous le savez dans quelques jours, je serai de nouveau devant le Parlement pour une seconde lecture au Sénat. Peut-être en avez-vous entendu parler, peut-être avez-vous été auditionnés sur ce point, mais les tentations sont grandes de revenir au Haut conseil de l'Âge prévu dans le projet de texte initial.
Ainsi, les mêmes qui revendiquent un Haut conseil spécifique aux personnes âgées ; un Haut conseil où vous seriez peut-être, amenés à intervenir ou participer ; ces mêmes jugent que cette formation réservée aux personnes âgées et à leurs représentants, ils jugent que cette formation pourrait contribuer, à l'adaptation de la société au vieillissement. Ils pensent qu'ils pourraient casser les silos et agir dans la transversalité, l'écoute et le partage entre les générations. Comment dans ces conditions peuvent-ils de façon responsable, croire qu'ils traiteront avec justesse les problématiques rencontrées par les aidants ?
Je considère qu'un Haut conseil intergénérationnel, ouvert sur la famille, l'enfance et les personnes âgées est le meilleur outil pour traiter de l'adaptation de notre société au vieillissement. Et c'est ce pourquoi, je serai mobilisée lors de cette seconde lecture et je compte sur vous pour aller dans le sens de cette proposition.
2/ Vous êtes également invités à participer à la révolution des usages, nécessaire notamment au développement de la silver économie.
Ce secteur ne porte pas sur un produit ou une technologie en particulier. Elle s'adresse à une classe d'âge, celle des seniors, prise dans toutes ses dimensions, de l'alimentation jusqu'aux loisirs en passant par l'habitat. Vous jouez ici un rôle majeur : les acteurs économiques ont besoin de connaître vos usages, pour concevoir de nouveaux outils adaptés à vos besoins. Vous constituez une expertise précieuse à cet égard.
Je rejoins ici pleinement la réflexion de Marie-Françoise Fuchs qui, dans un article, exprimait son souhait que l'on se serve davantage de l'expérience des plus âgés pour construire l'avenir.
Vous rappeliez à cette occasion que les membres de Old up étaient sollicités par la SNCF, ou encore par des hôpitaux, pour mesurer le confort, l'adaptation de leurs aménagements.
Le vieillissement de la population insuffle de l'innovation. Le Gouvernement est pleinement engagé pour soutenir et développer la silver économie. C'est pourquoi nous avons réuni avec Emmanuel Macron, Ministre de l'Economie, le comité de cette filière le mois dernier et j'ai souhaité que vous les représentants des aidants et des usagers soient associés aux travaux des groupes de travail et du comité de filière.
3/ Vous serez aussi pleinement encouragés à vous investir dans la vie de la cité.
Grâce au projet de loi, le Comité départemental des retraités et des personnes âgées verra ses missions élargies en devenant le Conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie.
Les personnes âgées qui en seront membres participeront à l'élaboration et à la mise en uvre des politiques publiques dans un vaste champ de compétences : logement, transport, culture, , allant bien au-delà du seul secteur médico-social.
De même, il convient de valoriser l'engagement de ces cinq à six millions d'âgés dans le secteur associatif. Le projet de loi prévoit pour cela qu'une attestation de tutorat soit remise à chaque tuteur accompagnant un jeune en service civique. Les personnes âgées transmettent leur expérience et contribuent à faire vivre un tissu associatif qui se révèle aujourd'hui plus que jamais indispensable.
Les « sages » ont très certainement un rôle à jouer dans la construction d'un bien-vivre ensemble, pour apporter non seulement du temps, de la disponibilité, mais également du recul, de la perspective, dans une société de l'immédiateté, en perpétuelle transformation.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner aux personnes âgées les moyens de vivre leur vieillesse comme elles le souhaitent, et de la vivre pleinement au sein de la cité. Je sais que vos travaux sont riches et innovants dans leur approche. Aussi, sachez que je serai très attentive à vos conclusions que vous ne manquerez de m'adresser et je vous en remercie par avance.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 13 janvier 2016