Texte intégral
Je suis heureuse d'inaugurer cette première journée du 41ème colloque du Syndicat National des Médecins de la Protection Maternelle et Infantile, en cette année si symbolique du 70ème anniversaire de la PMI.
Le 2 novembre 1945, le Gouvernement Provisoire de la République Française créait la PMI, en lui confiant un rôle central, aux côtés de la Sécurité sociale, pour répondre aux enjeux de santé et mettre en application les valeurs de justice sociale, de solidarité et de progrès.
La protection maternelle et infantile est donc un service public ancien. Mais il n'en est pas moins moderne. Vos discussions et travaux pendant ces deux jours s'attacheront d'ailleurs à illustrer la PMI de demain. La PMI est aussi un service public original. Il peut, notamment par son approche transversale et pluri professionnelle, servir d'exemple à bien d'autres acteurs des champs sanitaires et sociaux.
Cette approche transversale est au coeur de l'action de mon secrétariat d'Etat, dont les compétences ont été élargies à l'enfance. Concevoir une politique publique de l'enfance c'est nécessairement penser l'enfant, son développement, comme un tout, et le placer au centre de nos préoccupations. Placer l'enfant au centre, c'est partir de ses besoins pour penser son parcours et l'environnement qui l'entoure. La PMI occupe naturellement une position centrale dans cette approche, grâce à l'étendue de ses missions et à la « pluridisciplinarité » de ses équipes, dont je souhaite saluer le travail effectué au quotidien sur le terrain.
Je pense évidemment aux médecins, véritable figure de proue de la PMI. Mais je pense aussi aux puéricultrices, aux auxiliaires de puériculture, aux éducateurs de jeunes enfants, aux psychologues notamment. Leur collaboration, l'articulation de leurs interventions, permettent cette approche globale et inclusive des missions de prévention qui incombent à la PMI, qu'il s'agisse de la santé maternelle et infantile, du suivi des modes d'accueil, du soutien à la parentalité, de la prévention des maltraitances.
Néanmoins, aujourd'hui, les PMI font face à des difficultés. Je les connais, de nombreux travaux les ont mises en lumière : manque de médecins, hétérogénéité des pratiques, complexité des financements notamment. Et tout cela dans un contexte institutionnel et juridique en évolution, avec la réforme territoriale, la loi de santé et la proposition de loi sur la Protection de l'Enfant. C'est pourquoi Marisol TOURAINE, dans le champ sanitaire, et moi-même dans le champ Famille/Enfance, avons pris le temps de nous concerter avec vous pour apporter des réponses. Tout n'est pas encore réglé, j'en ai pleinement conscience, mais des principes importants ont été actés, comme la place de la PMI au sein des communautés professionnelles territoriales de santé.
Car la PMI a un rôle indéniable à jouer dans la politique de prévention, autour de l'enfant.
1 - Accompagner les futurs parents le plus tôt possible : le rôle de l'entretien prénatal précoce
Cela passe tout d'abord par l'accompagnement des parents, le plus tôt possible. La grossesse provoque des bouleversements inattendus, autant physiques que psychiques, chez la future mère comme chez le futur père. Il est important, dès ce moment si particulier, d'être à l'écoute, disponible, en soutien, comme le propose la PMI, en veillant à la qualité des premiers liens d'attachement.
[Entretien périnatal précoce]
C'est pourquoi, en lien avec votre syndicat, j'ai soutenu un amendement à la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, visant à consacrer, au niveau législatif, l'entretien prénatal précoce, et ainsi positionner la PMI comme un acteur de cet outil de prévention périnatale. Il était nécessaire d'améliorer l'accès des couples à cet entretien précoce, pour instaurer le plus tôt possible, au cours de la grossesse, un accompagnement et des soutiens adaptés aux vulnérabilités exprimées par les familles, quelles qu'elles soient.
Je suis très attachée à l'approche universelle de la prévention primaire. S'adresser à toutes les familles, considérer qu'elles ont toutes besoin d'aide dans ce moment si particulier, est sans doute le meilleur moyen d'approcher les familles les plus vulnérables, de construire avec elles des alliances solides, centrées sur la préparation de l'arrivée de l'enfant, et sur les inquiétudes qu'elle suscite. De ce point de vue, la période périnatale est une occasion de travail formidable, avec les familles, notamment les plus fragiles.
Nous devons encourager les parents à échanger, tenter de les déculpabiliser, et profiter des bouleversements qu'ils vivent, pour construire avec eux des liens durables.
L'attachement des familles à la PMI est réel. C'est ce qui fait de ce service un acteur essentiel du soutien à la parentalité. Mais ses liens avec les autres acteurs pourraient être développés, notamment dans le cadre des réseaux de soutien à la parentalité, comme l'a préconisé la concertation de la plateforme PMI mise en place par la Direction Générale de la Cohésion Sociale.
[Protection de l'enfance]
L'articulation du soutien à la parentalité et de la protection de l'enfance apparaît désormais comme une évidence. L'accompagnement des familles aux premiers âges de l'enfant doit s'appuyer sur les liens tissés dans la période périnatale. Ainsi, les professionnels de la PMI, invités jusque dans l'intimité des familles, sont en première ligne pour identifier les signes de souffrance, de mal être chez les bébés. Tous les acteurs de la protection de l'enfance que j'ai entendus ces derniers mois, ont souligné la nécessité de repérer plus tôt les signes de fragilité chez l'enfant, pour évaluer très précocement les réponses à y apporter. Qu'il s'agisse de difficultés propres aux enfants, je pense par exemple aux enfants en situation de handicap, ou des difficultés liées au fonctionnement familial et à la fragilité des parents. Dans tous les cas, l'évaluation est nécessaire pour envisager les réponses adaptées. Identifier, prévenir et évaluer les situations de danger sont des missions essentielles des équipes de PMI. J'ai entendu votre préoccupation. Que la PMI ne porte pas seule l'évaluation des informations préoccupantes, que ses professionnels ne soient pas placés dans des situations impossibles, à la fois chargés de l'accompagnement en prévention et de l'évaluation de l'information préoccupante.
[PPL PE]
J'ai soutenu dans la proposition de loi relative à la protection de l'enfant une disposition encadrant l'évaluation de l'information préoccupante, de façon à ce que cette mission soit accomplie par des équipes de professionnels identifiés et formés. Les grands principes de cette évaluation seront par ailleurs précisés par décret, de façon à ce que les professionnels bénéficient de davantage de repères et d'outils dans leur mission.
Ces différentes mesures ne mettent évidemment pas en question le rôle de la PMI dans l'évaluation des situations préoccupantes, mais elles sécurisent, pour les familles comme pour les professionnels, les conditions dans lesquelles s'exerce cette mission.
Comme je l'ai dit, la force de la PMI réside dans l'engagement de ses professionnels, dans la diversité de leurs formations, la multiplicité de leurs expériences, qui viennent enrichir l'évaluation et le suivi de chaque situation. Mais l'accompagnement des enfants, le soutien aux familles, nécessitent d'aller plus loin dans les articulations avec les autres services du département et les partenaires.
La PMI est au coeur du travail en réseau en périnatalité, de même qu'elle est un acteur essentiel de la pluridisciplinarité en protection de l'enfance. Les liens avec les médecins de ville, les médecins scolaires, les équipes hospitalières, mais aussi les services de protection de l'enfance, doivent être renforcés pour mieux répondre aux besoins des enfants les plus vulnérables. C'est un des objectifs de la réforme de la protection de l'enfance que je porte et qui se traduit dans la feuille de route pour la protection de l'enfance par des mesures fortes. Je pense, par exemple, à l'identification d'un médecin référent protection de l'enfance dans les départements. Je pense aussi au protocole signé avec l'éducation nationale, ou à l'obligation, pour les départements, de conclure avec tous les acteurs de la prévention, et notamment les CAF et les communes, des protocoles qui permettent l'optimisation des ressources, et la mobilisation des énergies, au service de priorités partagées.
[Feuille de route]
Tous ces dispositifs participent d'une ambition commune, inscrite dans la feuille de route pour la protection de l'enfance : partir des besoins de l'enfant, mais aussi de la singularité de sa situation et des ressources de son environnement, pour soutenir ses capacités et son développement harmonieux. C'est dans cette perspective qu'a été décidée la conférence de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant qui aura lieu en 2016, mais aussi toutes les dispositions visant à soutenir les liens d'attachement des enfants, à soutenir la prévention à tous les âges de la vie de l'enfant, à garantir davantage de cohérence et de continuité dans leurs parcours en protection de l'enfance. C'est un des enjeux du projet pour l'enfant dont vous êtes un des acteurs essentiels.
2 - Accompagner et soutenir les professionnels de l'accueil du jeune enfant
Assurer la continuité du parcours de l'enfant, c'est bien sûr s'intéresser à ce qu'il vit en dehors de sa famille, quand il est accueilli en crèche, ou chez une assistante maternelle. Je reprends volontiers l'expression de Pierre SUESSER, qui parle de l'implication de la PMI dans tous les milieux de vie du jeune enfant, sa famille, son mode d'accueil.
Les modes d'accueil du jeune enfant sont essentiels pour permettre aux parents de concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. C'est d'ailleurs leur diversité, leur nombre, qui permettent à la France de conjuguer une natalité élevée et un fort taux d'activité professionnelle des femmes. Mais l'accueil du jeune enfant est aussi capital pour l'éveil et la socialisation des enfants, la lutte contre les inégalités sociales, dès le plus jeune âge.
J'entends vos préoccupations : comment s'assurer que les modes d'accueil répondent aux besoins du jeune enfant, à un stade si important de son développement, en lien avec les parents ? Comment former les professionnels de la petite enfance pour y répondre ? Comment décloisonner leurs pratiques, favoriser les passerelles ?
Vous le savez, j'ai engagé plusieurs travaux, qui poursuivent cet objectif, avec les partenaires sociaux, les professionnels, les organismes de la branche famille et, évidemment, le SNMPMI.
[Formation Professionnelle]
Ces travaux s'appuient sur une mission confiée à Sylviane GIAMPINO pour établir des actions ciblées sur la formation des professionnels. Le gouvernement a ainsi ouvert le chantier de la formation initiale : refonte du CAP petite enfance, réingénierie du diplôme d'auxiliaire de puériculture, et le plan d'actions sur le travail social intégrant la formation des éducateurs de jeunes enfants.
Sur ce dernier point, le diplôme d'EJE, je suis vigilante à ce que la spécificité de ce métier et son inscription dans une filière petite enfance puissent être préservées.
Mon action ne s'est pas limitée à la formation initiale : j'ai également conclu, en février 2015, avec le ministre du travail et l'ensemble des partenaires sociaux un accord financier de 5M sur deux ans, pour développer la formation professionnelle continue dans le secteur privé de la petite enfance (assistant maternel salarié du particulier employeur, crèches associatives, crèches privées). Mes services oeuvrent pour que cet accord soit décliné dans le secteur public et puisse également vous bénéficier, à vous professionnels de la PMI, pour vous aider dans votre rôle de suivi et de contrôle des modes d'accueil.
Enfin, je m'attache à diffuser des bonnes pratiques, par exemple au sein des maisons d'assistants maternels. Le développement de ce mode d'accueil, légalisé en 2010 avec un cadre juridique très souple, fut à la fois rapide et très hétérogène.
Les pratiques des PMI à l'égard des assistants maternels qui souhaitent créer une MAM reflètent cette hétérogénéité. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'un groupe de travail élabore un guide ministériel, qui sera diffusé à compter de janvier 2016, pour vous accompagner dans l'agrément, le suivi des assistants maternels exerçant en MAM et pour recenser un ensemble de bonnes pratiques regroupées un « label qualité ». Ces critères de « qualité » visent notamment à offrir un cadre aux assistants maternels, pour réfléchir à leur pratique, au sein d'un collectif.
Cela m'amène à vous interpeler, car il y a aussi des sujets sur lesquels nous pourrons avoir des divergences, et il ne faut pas les taire. Je pense notamment à l'application par les services de PMI des normes définies au plan national. Trop souvent, je suis moi-même interpelée par des assistants maternels ou des gestionnaires de crèches sur telle ou telle norme qu'un professionnel de PMI interprète différemment, parfois plus strictement, qu'un autre professionnel de son département, ou d'un autre département.
La Direction Générale de la Cohésion Sociale va prochainement conclure une étude sur les normes relatives aux modes d'accueil et leur application par les services de la PMI. Je souhaite que nous puissions nous revoir pour définir ensemble la meilleure façon de vous aider à vous approprier ces normes, qui ne sont pas toujours simples, et à les appliquer.
[Conclusion]
Ces différents travaux trouvent leur cohérence d'ensemble dans la mission que j'ai confiée à Sylviane Giampino, pour conduire une « démarche prospective ambitieuse visant au décloisonnement des métiers et des interventions, autour d'une ligne claire, celle du développement complet de l'enfant ».
Après une large concertation laissant place à la pluralité des approches, des premières conclusions me seront rendues fin janvier 2016. Elles dégageront des grands principes pour un projet d'accueil cohérent des enfants de moins de 3 ans et pour penser l'évolution future des formations des professionnels de l'accueil.
Par cette démarche, nous souhaitons, à vos côtés, penser l'accueil du jeune enfant du futur, en partant de ses besoins, en soutenant ses parents et les professionnels qui l'accueillent. C'est cette dynamique qui nous permettra, collectivement, d'assurer une prévention à tous les âges de la vie de l'enfant.
Ainsi, je partage votre conviction : « c'est toujours le printemps pour la prévention et la PMI ». Forte de son expérience comme de la diversité de ses expertises, je ne doute pas que la PMI continuera à jouer, dans les évolutions à venir, un rôle majeur.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 15 janvier 2016