Texte intégral
C'est avec beaucoup de plaisir que je remets le prix de l'édition 2015 de la Maison des Gourmets. Tout d'abord, je tiens à saluer cette remarquable initiative de l'Association ADEF Résidence et de son Président, dont je connais le professionnalisme et l'exigence, consacrés au bien-être des personnes âgées en perte d'autonomie.
Je souhaite également féliciter nos trois finalistes, qui sont parvenus à convaincre le jury tout au long de la sélection nationale. Au terme de cette belle aventure, ils ont dû surprendre le meilleur ouvrier de France, Michel ROTH. Nos trois finalistes représentent trois régions, trois territoires, trois terroirs qui font la richesse de notre pays : la Lorraine, la Champagne-Ardenne et la Bourgogne. Chacune avec son histoire, sa culture et ses traditions, que nos finalistes ont dû faire valoir dans leur menu, en étroite collaboration avec les résidents.
Une épreuve difficile, et d'autant plus difficile qu'elle se déroule selon des modalités et dans un cadre particuliers.
Ce cadre, c'est l'Institut de l'Hôtellerie et des Arts culinaires, membre du prestigieux Groupe Ferrandi qui a bien voulu mettre à disposition ses locaux et ses équipements. Ces modalités, ce sont les exigences propres à la gastronomie en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Effectivement, cuisiner pour nos aînés suppose d'intégrer plusieurs dimensions : la texture des aliments, l'enrichissement des repas et les régimes propres aux résidents. Mais, et je parle ici sous la bienveillante autorité de Monsieur ROTH, il n'est pas de grande cuisine sans considération du public pour lequel on cuisine.
Nous savons désormais que la nutrition est une dimension essentielle de la prise en charge de la perte d'autonomie. Vecteur de lien social, d'ouverture aux autres et source inépuisable de plaisir, les repas sont des moments conviviaux pour les résidents des établissements ; des moments qui méritent toute notre attention.
Depuis mon arrivée au Ministère, j'ai pu constater que les EHPAD sont un formidable potentiel d'innovation sociale.
Le Groupe ADEF Residence en est la preuve, et je pense tout particulièrement à sa filière dédiée à la restauration, RESTONIS. Elle a pleinement pris la mesure des nouveaux enjeux de la restauration en EHPAD, des techniques, des savoirs et de l'organisation nouvelle qu'elle implique.
Cette organisation, c'est l'adaptation du service aux besoins et aux attentes de chaque résident. C'est la prolongation, au moment du repas, des valeurs de bientraitance, de respect et de prévoyance qui structurent la vie en EHPAD. C'est aussi un personnel dont les qualifications répondent à ces nouveaux impératifs. Je pense notamment à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de la dénutrition. C'est pourquoi je tiens à saluer votre démarche de formation et de sensibilisation du personnel pour répondre à ces nouveaux enjeux.
Mais ADEF Résidence a souhaité faire un pas supplémentaire sur le chemin de l'innovation sociale, du mieux manger et du moins jeter, en intégrant la dimension numérique à l'organisation de la restauration en EHPAD.
En développant le logiciel Miami-i, vous êtes parvenu à adapter en temps réel la qualité et la quantité des repas, selon les présences et les absences, les régimes des résidents, et les préconisations de l'équipe médicale. A ce propos, j'ai été ravie d'apprendre que Miami-i avait remporté le prix « Coups de coeur » aux Trophées 2015 de la Nuit du Grand Age.
Preuve supplémentaire que les EHPAD abritent de belles initiatives citoyennes et conviviales qui rejoignent la mobilisation collective en faveur d'un développement durable. A l'heure de la COP 21, nous sommes amenés à réinterroger nos façons de consommer, de nous alimenter, et cela nous concerne tous : des tous petits jusqu'aux plus âgés !
[Charte « Mieux manger, moins jeter]
C'est pourquoi j'ai annoncé, en octobre dernier, le lancement de la Charte « Mieux manger, moins jeter » en EHPAD. La lutte contre le gaspillage alimentaire et la promotion d'une alimentation de qualité constituent deux piliers complémentaires.
J'ai la conviction qu'une alimentation de qualité et adaptée aux besoins des personnes âgées permet de réduire la production de déchets alimentaires.
En favorisant les produits de saison, les circuits courts de distribution, en enracinant les établissements dans les territoires aux côtés des producteurs locaux, nous parviendrons à concilier le mieux manger et le moins jeter.
Cette démarche présente au moins trois intérêts majeurs :
- Un intérêt écologique : Alors que la production annuelle d'ordures ménagères a doublé en 40 ans, nous participons à inverser cette tendance.
- Un intérêt économique : Adapter les quantités cuisinées permet également d'ajuster le coût de la restauration au plus près des besoins de chacun.
- Enfin, un intérêt du point de vue de la santé et du bien-être de ses résidents. Nous savons le rôle que joue l'alimentation dans la prévention de la perte d'autonomie.
Nous connaissons également le plaisir de partager un repas et d'en apprécier toutes les saveurs.
Les initiatives autour de l'alimentation sont aussi de formidables vecteurs de lien intergénérationnel, comme en témoigne cette édition de la Maison des Gourmets. Lorsque je vois ces jeunes, et moins jeunes, qui se sont investis, je comprends pourquoi près de la moitié des résidents en EHPAD estiment que pour se sentir bien, il faut une alimentation saine et équilibrée !
Cette nouvelle Charte « Mieux manger, moins jeter » permettra d'engager les établissements dans une démarche, de valoriser leurs actions et d'orienter leur développement. Elle a été élaborée en concertation avec les fédérations du secteur, et donc au plus près des préoccupations et des attentes des acteurs. C'est pourquoi j'encourage tous les établissements, et particulièrement ceux d'ADEF Résidence qui ont déjà pris la mesure de ces enjeux, à signer cette Charte et à rejoindre la dynamique nationale que j'ai initiée.
[PJL ASV : Accueil temporaire et proches-aidants]
Comme je le disais, vos efforts en matière d'alimentation prolongent l'éthique de la bientraitance qui régit la vie en EHPAD.
C'est cette éthique que j'ai souhaité promouvoir dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement, qui arrive au terme de son parcours parlementaire et entrera en vigueur au 1er janvier 2016, comme je m'y étais engagée.
Ce texte riche, qui constitue une avancée sociale majeure, apporte notamment une réponse aux préoccupations des 4 millions de proches aidants de personnes âgées en perte d'autonomie. Grâce à cette loi, le statut de proche aidant sera reconnu en droit. Et pour eux, nous créons un droit nouveau : « le droit au répit ». Il s'agit d'une aide financière, pouvant s'élever jusqu'à 500 euros par an, qui donnera aux aidants les moyens de prendre du repos, en finançant une semaine d'hébergement temporaire, 15 jours en accueil de jour ou un renforcement de l'aide à domicile.
Je tiens à féliciter ADEF Résidence, qui s'est engagé dans le développement des places d'accueil temporaire depuis maintenant trois ans. Aujourd'hui, l'ensemble de vos établissements, répartis sur l'ensemble du territoire, accueillent les aidants.
Les aidants sont des acteurs essentiels de la prévention de la perte d'autonomie et du maintien à domicile, et méritent d'être reconnus comme tels. Chaque jour, ils déploient une énergie remarquable pour rendre la vie de leur proche meilleure, ou moins douloureuse. Seulement, naturellement, les aidants tendent à s'oublier eux-mêmes, à négliger leur santé, à sacrifier leur vie sociale et professionnelle pour apporter à leur proche une aide précieuse.
La société doit répondre aux attentes des familles et rendre aux aidants l'attention qu'ils accordent à leur proche. Le droit au répit leur permettra de souffler, de reprendre des forces, de solliciter plus spontanément les services de vos établissements.
[Conclusion]
Le défi du vieillissement de notre population est l'un des plus beaux que notre société ait à relever au cours des prochaines années. Pour y répondre, une loi était attendue depuis longtemps. C'est désormais chose faite avec le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement. Cette loi est un choix politique fort qui mobilise des moyens importants, dans un contexte budgétaire pourtant contraint. Ce choix, c'est élargir nos politiques publiques et créer des droits nouveaux. C'est permettre à nos aînés de continuer à vivre dans la dignité, selon leur volonté. C'est également mobiliser l'ensemble des acteurs pour promouvoir une éthique de la bientraitance.
Dans cette perspective, la nutrition détient une place essentielle. L'édition de la Maison des Gourmets a constitué une formidable aventure pour les 42 établissements d'ADEF Résidence, et a initiée une dynamique prometteuse.
Je vous encourage à prolonger cette démarche, en organisant une édition 2016 de la Maison des Gourmets, en signant la Charte « Mieux manger, moins jeter » et, surtout, en conservant ce potentiel d'innovation sociale qui vous réussit si bien.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 15 janvier 2016