Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, avec "Sky News Arabia" le 18 janvier 2016, sur l'accord de Paris sur le climat et sur la situation en Libye et en Syrie, à Abou Dabi le 18 janvier 2016.

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Circonstance : Déplacement aux Emirats arabes unis et en Arabie Saoudite, les 18 et 19 janvier 2016

Média : Sky News Arabia

Texte intégral


* Climat - COP21 - «World Future Energy Summit»
(...)
On a beaucoup travaillé, on a beaucoup préparé, pendant deux ans successifs, en collaboration avec tous les États et les Nations unies. Nous avons écouté les différentes parties et avons abouti à un accord qui fait l'unanimité.
Le monde entier réalise aujourd'hui qu'il s'agit d'une grande menace. Les Chinois et les Américains ont changé notoirement leurs positions. La diplomatie a joué, bien sûr, et c'est finalement le succès.
Nous croyons aux énergies renouvelables. Nous apprécions également que les Émirats Arabes Unis aient réalisé depuis longtemps la nécessité de l'énergie de substitution. Nous parlons, bien entendu, d'un État producteur et exportateur de pétrole mais qui a vite compris la transition inéluctable des énergies carboniques vers les énergies à faible émission de carbone.
La semaine de la durabilité à Abou Dabi joue un rôle très important. C'est le deuxième évènement, le plus important, après la conférence de Paris. Le monde entier est venu voir l'évolution de nos efforts en matière de changement climatique. La France s'y est fortement investie : nous utilisons l'énergie nucléaire depuis longtemps et nous avons réalisé de grands progrès dans l'économie d'énergie.
Il est normal que nous soyons ici. De plus, nous avons des relations d'amitié avec les pays du Golfe. (...).
* Libye
(...)
La situation en Libye est différente, mais nous en sommes très préoccupés et espérons l'aboutissement à un gouvernement d'unité nationale.
Nous remarquons, en effet, une extension de Daech à Syrte, mais tant que la Libye n'a pas de gouvernement central qui nous demande d'intervenir, nous ne pourrons pas avoir l'aval des Nations unies pour le faire.
Je réitère nos inquiétudes.
Nous espérons que Fayyez al-Sarraj puisse aboutir à un gouvernement d'unité nationale afin de pouvoir prendre des mesures nécessaires pour enrayer le développement de Daech.
Ceci étant, nous n'avons pas l'intention d'intervenir en Libye, comme annoncé par certains médias. La France s'est engagée dans plusieurs parties du monde, elle ne peut pas être partout (...) .
* Syrie - Négociations de Genève - Situation humanitaire - Russie
(...)
Étant membre permanent au conseil de sécurité, nous avons demandé aux Nations unies la prise de décision pour mettre fin à la famine qui terrasse aujourd'hui la population. Des dizaines de personnes meurent chaque jour, ce qui est inadmissible ! J'ai d'ailleurs discuté de cette question aujourd'hui avec le secrétaire général Ban Ki-moon.
Il est important que les négociations qui doivent s'ouvrir le 25 janvier à Genève se déroulent comme convenu, mais il est très difficile de tenir ces négociations entre l'opposition syrienne et le régime syrien alors que ce dernier continue à tuer et affamer sa population. Pour des raisons humanitaires, il faut que le régime syrien mette fin à ces agissements que Ban Ki-moon a qualifié de «crimes de guerre».
Francois Hollande et moi-même avons rencontré Riyad Hijab et nous gardons une vision objective quant à son rôle dans les négociations. Les négociations ne peuvent se dérouler qu'à la condition de l'arrêt immédiat par le régime syrien de ses actes de tuerie et de famine vis à vis des civils. Autrement, le scénario de Genève II se répétera. Ce serait dramatique.
La bonne foi est indispensable afin d'aboutir à une Syrie libre, détachée de tout sectarisme et où l'on pourrait vivre quelle que soit sa religion.
Pour ce qui est de Bachar al-Assad, je pense qu'il n'y aura pas de place pour lui, pour des raisons éthiques. Le nombre de Syriens tués a dépassé les 250.000. Des millions de Syriens ont été obligés de fuir leur pays ; al-Assad en est, en grande partie, responsable.
D'ordre pratique aussi, car nous, ainsi que toute partie cherchant à rétablir la paix, souhaitons une Syrie capable de préserver sa souveraineté territoriale et qui consacre la liberté d'expression et la démocratie. Des solutions diplomatiques s'imposent. Ce n'est pas facile mais pour ces raisons d'ordre pratique et éthique, la question de Bachar al-Assad devrait être résolue d'une manière définitive.
(...)
Que les Russes veuillent défendre leurs intérêts, c'est compréhensible, mais l'objectif est de permettre une transition politique en Syrie sans forces militaires étrangères.
Maintenant qu'ils sont là, ils devraient plus cibler Daech car nous constatons que la plupart des attaques vise l'opposition modérée. Cela ne va pas dans le sens d'une solution négociée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2016