Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur les militaires français au Liban et sur la lutte contre le groupe terroriste Daech, au Liban le 21 janvier 2016.

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Circonstance : Adresse aux forces armées de l'opération Daman, au Liban le 21 janvier 2016

Texte intégral


Monsieur l'Ambassadeur,
Mon Général,
Officiers, sous-officiers, soldats de l'opération Daman,
Je tiens avant tout à vous dire combien c'est un honneur pour moi de pouvoir partager ce moment avec vous. Il y a un an, alors que je faisais mes premiers pas en tant que Secrétaire d'État auprès du ministre de la Défense, j'étais aux côtés de vos camarades déployés dans une opération particulièrement difficile en Centrafrique.
Au terme d'une première année dans ces fonctions, ce 24 décembre 2014 fut sans doute l'un des moments qui a le plus marqué le ministre que je suis devenu, mais plus encore l'homme que je suis. Ce fut l'occasion de mesurer la force de l'engagement de ces femmes et de ces hommes, l'esprit de sacrifice dont ils font preuve quotidiennement mais aussi l'indispensable esprit de solidarité et de camaraderie sans lequel ils ne sauraient, sans lequel vous ne sauriez accomplir les missions qui vous ont été confiées.
Ce déplacement au Liban est pour moi l'occasion de vous porter un message. Un message de reconnaissance que vous adressent la République et la Nation toute entière. Un message de soutien et de solidarité aussi. Un message auquel s'associe le maire de Metz, Dominique Gros, aujourd'hui à mes côtés et dont je connais l'attachement particulier aux hussards de Metz qui prennent part à l'opération Daman.
La mission que vous accomplissez ici revêt une importance particulière : alors que la région est au bord du chaos, nous sommes là – vous êtes là – pour aider nos amis libanais.
Je dis "nos amis libanais" car les relations qui unissent nos deux pays sont anciennes - elles remontent au XIXe siècle - et font de nous plus que de simples partenaires. Les Libanais ont conservé de la présence française l'amour pour notre langue, encore très répandue, et une confiance étroite et réciproque avec notre pays.
Aujourd'hui le Liban, francophone et francophile, est l'un des très rares pôles de stabilité au Proche-Orient où les différentes religions coexistent, dans un esprit de tolérance et de démocratie.
Certes, les défis sont encore nombreux.
La menace que représente Daech, bien sûr.
Mais aussi le terrorisme, comme l'attaque commise le 12 novembre à Beyrouth l'a tragiquement rappelé. Enfin la guerre civile qui ravage le peuple et l'âme syriens depuis près de cinq ans, avec les conséquences que cela implique pour le Liban : 1,4 millions de femmes, d'hommes et d'enfants sont réfugiés ici.
Face à ces défis, l'armée libanaise est en première ligne. Cette armée, multiconfessionnelle, est l'armée de tous les Libanais et la fierté de ce pays. C'est une priorité pour nous de la soutenir. .
L'aide de la France se manifeste d'abord par les équipements que nous lui apportons. Mais aussi et surtout par votre engagement ; Par l'étroite coopération que vous entretenez avec les forces libanaises ; Par les patrouilles conjointes que vous menez ; Par les séances de formation et les détachements d'instruction opérationnelle que vous organisez ; Plus généralement par les liens humains que vous tissez chaque jour.
Tous les échos, que j'ai eus de votre travail ont été extrêmement positifs.
Les exemples sont nombreux et je tenais, mon colonel, à vous féliciter pour la très belle image de la France et de ses soldats qui se dégage de votre unité. J'en veux pour preuve la réussite exemplaire du dernier exercice d'entrainement des réserves d'intervention de la FINUL qui vient de s'achever.
Je pourrais citer ici aussi l'intelligence de situation et la maîtrise dont vous faites preuve lors de vos missions de reconnaissance, à l'exemple du détachement de l'Adj Hornoy, de l'escadron de reconnaissance, ou encore le savoir-faire des sapeurs et EOD du 31e génie ou la disponibilité et le professionnalisme des unités du soutien du Lcl Talhouët. Mais tous ici, que vous soyez de l'armée de terre, de l'air et même de la Marine, car j'aperçois quelques marins ici, vous faites honneur à nos armées. Je sais les sacrifices que cela requiert.
En témoigne ma présence aujourd'hui, alors que chacun d'entre vous est à plusieurs milliers de kilomètres de sa famille.
Officiers, sous-officiers, militaires du rang, si votre mission est essentielle pour le Liban, elle ne l'est pas moins pour la France. Les valeurs de liberté, de tolérance et de démocratie que défendent les Libanais, ce sont aussi nos valeurs. L'ennemi qu'ils combattent, c'est aussi notre ennemi.
Les hommes qui ont attaqué Paris, qui ont atteint le cœur de notre République le 13 novembre dernier sont les mêmes que ceux qui ont attaqué Beyrouth la veille et qui tentent de déstabiliser ce pays. Leurs ordres venaient de Raqqa, la capitale autoproclamée de Daech, à 400 kilomètres de l'endroit où nous nous trouvons.
Ce qui s'est passé à Paris le 13 novembre est inqualifiable.
Face à ces actes, nous avons tous ressenti les mêmes sentiments d'immense tristesse, de frustration et d'indignation. L'immense tristesse devant l'horreur du massacre. La frustration de n'avoir rien pu faire pour l'empêcher. L'indignation devant une telle lâcheté.
Aujourd'hui, nous menons une guerre contre Daech, comme le Président de la République l'a dit devant le congrès. C'est pour cette raison qu'il a décidé d'instaurer l'état d'urgence, d'augmenter les moyens et les effectifs de la police, de la justice et de la défense, et d'intensifier notre action militaire et diplomatique contre Daech.
L'ensemble des services de l'État sont mobilisés et l'intensité de cette mobilisation montre notre détermination à nous défendre, notre détermination à contenir notre ennemi, et notre détermination à le détruire.
Pour nous défendre et protéger nos concitoyens, les armées ont été fortement sollicitées dans le cadre du dispositif Sentinelle, avec 10 000 hommes déployés sur le territoire national.
Pour détruire Daech, nous aidons aussi ses adversaires. Nous armons et nous formons les Kurdes dans le Nord de l'Irak, les forces irakiennes à Bagdad, les Jordaniens et, bien sûr, l'armée libanaise.
Enfin, pour détruire Daech, nous avons intensifié nos frappes depuis le 13 novembre. Nous avons détruit des centres de commandement, des centres d'entraînement, des bases logistiques, des dépôts de munitions, des puits de pétrole et d'innombrables positions de combat à travers la Syrie et l'Irak.
J'étais le 19 décembre dernier sur le porte-avions Charles de Gaulle, avec le Secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter.
Nous avons pu mesurer le dévouement et le professionnalisme des 2 600 militaires qui sont engagés dans le groupe aéronaval. Grâce à eux et aux 900 autres soldats de l'opération Chammal ainsi qu'à nos alliés, les premiers résultats sont là : Daech ne progresse plus en Syrie et il recule en Irak.
Mais il n'y a pas qu'au Levant que nous mettons les terroristes en échec. Au Mali et dans toute la bande sahélo-saharienne, l'opération Serval, puis l'opération Barkhane, ont repoussé l'assaut des djihadistes et, à l'heure qu'il est, nous poursuivons la traque des différents groupes dispersés dans le désert.
Cette action déterminée a permis de rétablir la stabilité du Mali et l'engagement d'un processus politique de réconciliation nationale.
Au Nigeria, nous apportons un soutien militaire aux pays de la région pour lutter contre une autre organisation terroriste, elle aussi affiliée à Daech et qui rivalise avec elle dans la barbarie : Boko Haram.
En Libye enfin, où Daech tente de s'implanter, nous soutenons les efforts de l'ONU pour trouver une solution politique afin de stabiliser le pays et de pouvoir neutraliser les djihadistes.
Mais cet engagement a aussi un prix. Ce prix, c'est la sollicitation très forte dont vous faites l'objet. Ce prix, c'est l'esprit de sacrifice qui vous anime. Ce prix, ce fut pour 3 de vos camarades en 2015, le prix de la vie.
Les Français connaissent le prix de votre engagement. Ils savent l'exigence et la difficulté de votre métier. Mais ils voient aussi et surtout des hommes et des femmes dévoués à leur pays et déterminés à en préserver l'essence.
Comme vos aînés plongés dans la Grande Guerre, dans la Seconde Guerre mondiale, en Indochine, en Algérie et plus récemment dans les opérations extérieures, vous faites l'honneur de la France.
Comme vos aînés, vous défendez notre pays et protégez les Français. Comme vos aînés, vous servez la République et ses valeurs. Vous êtes les garants de la survie de la liberté et de la démocratie là où nos ennemis veulent instaurer la soumission et la barbarie.
C'est pourquoi, le ministre de la Défense et moi-même avons souhaité conduire une politique de reconnaissance forte et ambitieuse. Le 1er octobre dernier, nous avons remis les 50 premières cartes du combattant au titre des 120 jours de présence sur un théâtre d'opération.
Le souvenir de votre engagement s'inscrira partout en France mais aussi en Europe, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique.
Vous êtes les visages d'une mémoire en train de se construire, que nous aurons à faire vivre pour que chaque Française et chaque Français mesure ce qu'il faut de courage et de dévouement pour faire le choix de servir son pays.
L'enjeu est aussi de saluer la mémoire de tous ceux qui sont tombés en opérations extérieures en inscrivant l'hommage qui leur est dû dans la pierre. C'est pour cela que nous avons décidé d'édifier un monument dédié à tous les morts pour la France en OPEX. Mes services sont mobilisés, en lien avec la mairie de Paris, afin de mener à bien ce projet dans lequel je suis personnellement investi.
C'est la traduction du message que je suis venu vous porter aujourd'hui. Celui de la reconnaissance de la Nation et de l'admiration des Français pour les hommes et les femmes que vous êtes, pour les vies et les libertés que vous défendez.
Dans les rues de Paris, dans le désert du Sahel, dans le ciel de Syrie ou d'Irak, ici au Liban, l'armée française fait la fierté de notre pays.
Je veux terminer en vous disant que l'année 2015, aussi difficile fût-elle, ne peut que nous convaincre du combat juste que vous menez pour la défense des valeurs de notre belle République.
En ce début d'année 2016, je vous souhaite à toutes et à tous une belle réussite dans la mission que vous accomplissez, et vous adresse, à vous comme à vos proches, tous mes vœux pour cette nouvelle année.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 janvier 2016