Déclarations de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, l'intervention militaire américaine contre l'Afghanistan et la lutte contre les réseaux terroristes, à l'Assemblée nationale le 3 et à Paris les 7 et 8 octobre 2001.

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Circonstance : Début des bombardements anglo-américains sur l'Afghanistan le 7 octobre 2001

Texte intégral

Déclaration de M. Hue à l'Assemblée nationale le 3 octobre :
Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, cher(e) collègues,
Le 11 septembre dernier, deux heures après que nous aient été connues les effroyables attaques terroristes commises sur le sol des Etats-Unis, je m'adressais au Président de la République et à vous, Monsieur le Premier Ministre.
Dans un court message je vous disais l'intense émotion des communistes, leur entière solidarité avec le peuple américain, et je soulignais combien, à mes yeux, la situation créée par ces actes meurtriers allait exiger " fermeté, sang-froid et sens des responsabilités " de la part des dirigeants de tous les états.
La France a incontestablement témoigné de ces qualités. Elle a ainsi, en convergence avec d'autres pays d'Europe et d'autres continents, notamment de cet Orient qui nous est si proche, contribué à ce que les réactions à la crise restent maîtrisées. J'ai la conviction que nos concitoyens et, au-delà, l'opinion publique internationale en éprouvent soulagement et satisfaction. Tout le monde a craint qu'à l'horreur du terrorisme réponde un usage immédiat et sans discernement de la force, ajoutant ainsi la violence à la violence, jusqu'à conduire à une durable et dangereuse montée des tensions internationales. Et à vrai dire, ce risque demeure.
Or, c'est ce qu'il faut éviter absolument, sous peine de tomber dans le piège tendu par les commanditaires des actes barbares qui ont cruellement frappé les Etats-Unis.
Oui, le terrorisme et les idéologues totalitaires qui le soutiennent sous toutes ses formes, sont un poison mortel pour la démocratie, la paix, l'idée même de progrès humain.
D'abord parce qu'il s'en prend aveuglément, avec un cynisme absolu, à des innocentes et des innocents. Et aussi parce qu'il est manipulateur des frustrations et des malheurs des peuples pour servir non pas le règlement des problèmes qui les assaillent, mais des objectifs exactement contraires aux causes qu'il prétend défendre. Enfin parce qu'il est appuyé sur une idéologie obscurantiste et liberticide, sans rapport avec l'esprit de l'Islam et sa pratique par des centaines de millions de Musulmans à travers le monde.
Il faut donc éradiquer le terrorisme, c'est-à-dire le mettre hors d'état de nuire partout - je dis bien : partout - où ses réseaux actifs ou " dormants ", sont repérés. Partout, y compris dans les capitales et les grandes villes occidentales qui abritent bon nombre de ses " théoriciens " - et même de ses " activistes " plus ou moins clandestins - comme l'opinion publique le découvre chaque jour un peu plus avec stupéfaction, à la faveur des enquêtes conduites ces dernières semaines en Grande-Bretagne, en Espagne, en Belgique, en Allemagne, en Franceet jusqu'aux Etats-Unis. Une stupéfaction d'autant plus grande quand il apparaît que bon nombre de ceux qui sont interpellés aujourd'hui - et c'est tant mieux ! - avaient jusqu'alors " pignon sur rue ".
Ce travail d'investigation doit être poursuivi sans relâche afin de remettre à la justice tous ceux, instigateurs et leurs complices, qui prônent l'action terroriste, où qu'ils se trouvent.
Cet effort sera de longue haleine. Il va demander ténacité et intense coopération internationale, tant la densité et la complexité des réseaux fait apparaître les liens étroits que le terrorisme entretient avec les milieux mafieux, avec certains milieux des affaires, de la grande finance internationale, et aussi avec les 2 grands commerces internationaux de la drogue et des armes.
Il est ainsi beaucoup question, depuis le 11 septembre de la fortune considérable de Ben Laden, et des sommes colossales qui convergent vers les réseaux terroristes. A juste titre, les " paradis fiscaux " sont présentés comme des " plaques tournantes " du financement de leurs activités criminelles.
Il faut bien le reconnaître : ce constat n'est pas nouveau. Beaucoup l'ont établi depuis longtemps, sans que cependant il en soit tiré les enseignements pratiques. Souvent, même, il a été rétorqué à ceux - nous en étions - qui dénonçaient le rôle de ces paradis fiscaux dans les trafics en tous genres et le blanchiment d'argent qu'il n'était ni possible ni souhaitable de s'en prendre à leur statut. L'impérieuse obligation qui nous est faite aujourd'hui de démanteler les circuits financiers qui nourrissent le terrorisme a pour corollaire de mettre, enfin, un terme aux pratiques illégales qu'ils abritent.
Je forme le vu qu'il en soit bien ainsi. Si les intentions affichées aujourd'hui n'étaient pas suivies d'effets on pourrait craindre, alors, qu'il en résulte, dans un avenir proche, de nouvelles et très graves flambées du terrorisme. Dire cela ce n'est nullement jouer les " Cassandre " : c'est simplement mettre l'accent sur la profondeur du problème qui nous est posé, et donc sur la détermination et l'esprit de suite qu'exige la lutte contre toutes les dimensions du terrorisme.
Et je ne veux pas le dissimuler : il y a encore de fortes raisons de douter de la réalité des efforts entrepris pour briser les réseaux financiers qui le soutiennent.
De ce point de vue, je ne peux que me féliciter de l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1373, qui porte précisément sur les aspects financiers de cette lutte, tout comme de la proposition française d'instaurer un organisme de suivi de son application.
En outre, on ne peut que souhaiter que soit accélérée la ratification des conventions de l'ONU sur le terrorisme, et tout particulièrement par les Etats-Unis et les états européens.
Il y a, enfin, une troisième dimension à la réalité du terrorisme. Il s'est efforcé, ces dernières années, d'entraîner des états dans son sillage. Si ces tentatives ont été nombreuses, elles n'ont pas été généralement couronnées de succès, parce que les peuples concernés, et quelquefois leurs dirigeants n'ont pas voulu se laisser conduire là où le voulaient les terroristes et leurs inspirateurs.
L'Afghanistan fait-il exception ? Méfions-nous des représentations simplistes. La domination des taliban est sans doute plus fragile qu'on le dit. Et en tout cas le peuple afghan ne peut certainement pas être tenu pour complice de ce terrorisme : il en est au contraire tragiquement victime.
Faut-il alors porter la guerre en Afghanistan, au risque de frapper les terroristes et avec eux tout un peuple qui n'a aucune responsabilité dans les événements du 11 septembre ? Je me réjouis de constater qu'au sein même du peuple américain des voix s'élèvent pour dire leur réserve à l'égard de toute attitude dictée par " l'esprit de l'Ouest ". Et ce n'est sans doute pas sans relation avec les " modulations " successives apportés par G.W. Bush à son discours ces derniers jours.
J'ajoute - et j'y insiste - que la communauté internationale a plus que jamais le double devoir d'aider les USA à définir une riposte appropriée et d'apporter une aide d'urgence aux réfugiés et au peuple afghans, menacés d'une véritable catastrophe alimentaire et sanitaire.
Les " modulations " que j'évoquais à l'instant vont cependant de pair avec le déploiement des forces militaires américaines dans cette région du monde, et avec des déclarations bellicistes dont on voudrait qu'elles soient seulement à usage médiatique Mais on ne peut exclure que les Etats-Unis se préparent à des opérations militaires " lourdes " aux conséquences imprévisibles. Nous y serions pour notre part opposés et, à fortiori, opposés à ce que la France y participe d'une façon ou d'une autre. Cette opposition ne relève en rien d'un antiaméricanisme primaire que nous repoussons. Elle est dictée à la fois par des raisons humanitaires, par la volonté d'éviter de nouvelles tensions régionales et internationales, et par le souci de ne pas voir l'Amérique se lancer une nouvelle fois dans une aventure qui lui serait au bout du compte dommageable.
Pour une victime innocente, il est malheureusement à craindre qu'il ne manquera pas de volontaires pour emboîter le pas aux fanatiques du terrorisme !
Je plaide, vous l'avez compris Monsieur le Premier Ministre, cher-e-s collègues, pour la suprématie de la concertation internationale et de la politique sur la stratégie de recours à la force brutale, sur l'esprit de vengeance.
C'est pourquoi j'ai proposé, dès le 15 septembre, que notre pays mette toute son autorité au service d'une action internationale concertée contre le terrorisme. Comment concevoir une telle action si ce n'est sous l'égide de l'ONU et dans une conception incluant en même temps des dimensions économiques, financières, diplomatiques et, le cas échéant, militaires.
C'est du respect et de la promotion du droit international qu'il nous faut être exclusivement préoccupé. Les idées de combat du " bien contre le mal " ne peuvent que tirer le monde et la civilisation vers l'arrière. Nous avons même entendu prononcer le mot de " croisade ". Cette conception des rapports internationaux, dangereuse dans ses présupposés et son archaïsme, ne ferait qu'entériner le règne de la force comme moyen de régler les problèmes internationaux. Or c'est tout au contraire l'affirmation du droit face à la barbarie du terrorisme, de la justice face à la violence, de la démocratie face au cynisme des rapports de forces dont nous avons besoin, dont l'humanité a besoin, en ce moment.
Je persiste, par conséquent, au nom du groupe communiste, à souhaiter que notre pays agisse afin que toute action entreprise respecte l'esprit et la lettre de la charte des Nations Unies, et ne puisse être décidée que dans le cadre du Conseil de sécurité. Permettez-moi de citer dans cette enceinte, le secrétaire général de l'ONU, Monsieur Kofi Annan devant l'Assemblée générale de l'ONU : " Nous devons répondre (à cette attaque) d'une manière qui renforce la paix et la sécurité internationales en consolidant les liens qui unissent les nations, et non pas en les soumettant à de nouvelles tensions " () Et M. Annan poursuit : parce que cette attaque est une attaque contre la primauté du droit, " nous devons riposter en réaffirmant les principes du droit au niveau international aussi bien que national "
Oui, j'y insiste : toute transgression du droit ne pourrait que fragiliser la stabilité internationale. Je sais les autorités françaises attentives au respect des normes internationales.
Mais nous sommes dans un moment d'incertitudes où la tentation est grande pour les Américains et leur président de répondre à l'humiliation subie par l'affirmation de la puissance, notamment de la puissance militaire.
Grande est la responsabilité de la France, et des européens pour que la nécessaire punition des criminels n'enclenche pas une réaction en chaîne immaîtrisable.
J'en appelle à la responsabilité des européens parce qu'à la différence de 1991 - pendant la guerre du Golfe dont chacun a pu, depuis, tirer quelques enseignements - cette fois l'Europe peut jouer un rôle positif pour une solution conforme au droit, à la justice et à la démocratie. Non seulement en ne confondant pas coopération et alignement, mais en avançant ses propres conceptions, en prenant ses propres initiatives, tout particulièrement en direction des pays arabes et musulmans.
Je pense évidemment au nécessaire développement des initiatives des Européens pour avancer dans un règlement du conflit israélo-palestinien, conflit d'autant plus insupportable que le sang coule alors que les solutions sont dépendantes des volontés politiques.
Je veux enfin, Monsieur le Premier ministre, cher-e-s collègues, souligner ceci, qui me paraît décisif pour l'avenir : il ne sera possible d'extirper partout les germes du terrorisme qu'à la condition d'engager, simultanément aux efforts que j'ai évoqués précédemment, une action résolue pour d'autres rapports dans le monde, partout où sévissent conflits et injustices, mépris de la dignité et de la liberté des peuples.
Je pense à une reprise dynamique, dans un esprit nouveau, du dialogue euro-méditerranéen, pour traiter l'ensemble des problèmes, sociaux, économiques, politiques et de sécurité.
Nous savons bien le sort que subit la majorité de l'humanité. Dans sa version 2001, le rapport mondial de l'ONU sur le développement humain livre quelques chiffres terrifiants. Ainsi 2,8 milliards d'individus vivent avec moins de 2 dollars par jour ; près de un milliard sont sous alimentés ; plus de 300 millions de jeunes ne sont pas scolarisés à cause de la pauvreté.
C'est à la violence et aux injustices intolérables générées par l'actuelle mondialisation sous l'égide du capitalisme financier qu'il faut s'attaquer.
L'avenir de la civilisation humaine en ce millénaire débutant en dépend. Dire cela ainsi, c'est du même coup souligner l'irresponsabilité politique de ceux qui veulent aujourd'hui accréditer la thèse, à propos des attentats du 11 septembre, d'un " choc des civilisations " dont l'une - celle de l'Occident - serait réputée supérieure à une autre, stigmatisée en raison de son histoire et de ses préférences religieuses. De tels propos tenus par un chef d'Etat européen sont non seulement imbéciles, mais gravissimes et dangereux.
Oui, ceux qui tiennent de tels discours disent bien leur conception du monde, et d'une mondialisation où les valeurs du marché et de la finance sont les valeurs suprêmes.
Nous leur opposons le dialogue et la rencontre, l'égale dignité de chaque être humain, et de chaque culture. Je tiens à réaffirmer avec force ici à ce propos combien doivent être bannies et condamnées toute assimilation entre la religion musulmane, entre l'Islam et les idéologies intégristes qui s'en réclament, qui sont la négation même de son message spirituel et éthique.
Oui, ce qui se joue en ce moment est capital pour l'avenir de notre humanité et des sociétés humaines.
Oui, la politique, le droit, doivent l'emporter sur la justice expéditive et ses régressions, les malheurs accrus pour les peuples qu'elle entraînerait obligatoirement.
Le Parti communiste sera attentif, vigilant, déterminé à ce qu'il en soit bien ainsi. Et sans doute faudra-t-il l'être sans relâche pendant encore une longue période. J'observe, et je m'en réjouis, qu'une large partie de l'opinion publique française et internationale exprime une sensibilité identique.
Dans l'immédiat, et concernant la France, cela signifie d'abord un engagement pour une lutte sans concession contre le terrorisme, ceux qui l'encouragent, les idéologies qui le fondent. Cela signifie le refus de l'implication dans une riposte guerrière, inadaptée ; dans toute action qui serait décidée hors du droit international et de l'ONU. Je le dis aujourd'hui, solennellement : à une pareille " aventure " notre opposition est et sera totale.
Mais je veux croire que personne, dans cette assemblée, ne songera à nous la proposer.
Dans la durée, notre conviction, nul ne l'ignore, est qu'il faut agir pour substituer aux logiques désastreuses d'une mondialisation ultralibérale, l'urgence d'une stratégie de co-développement. Et l'Europe, la France en Europe ont un rôle immense à jouer pour faire prévaloir cette approche nouvelle, notamment en direction des pays du Sud.
J'ajoute que ce qui vaut pour le monde vaut pour la France et l'Europe. C'est de la justice, de la reconnaissance des droits et de la citoyenneté que peut naître la sécurité.
Nos concitoyens sont inquiets. La violence inouïe des récents attentats mais aussi les incertitudes de la conjoncture sont à la source de cette inquiétude. La réponse exige sans doute, pour une part, les moyens de sécurité appropriés. Mais pas seulement, ni même principalement : il faut extirper tout ce qui produit l'insécurité de la vie - insécurité vis-à-vis de l'emploi, de la formation, de la vie en société, de la santé, de l'environnement, de l'avenir.
Il y a beaucoup à faire.
Chacun répond en fonction de ses convictions. Mais tous nous avons à réfléchir à des solutions neuves. Face aux dangers et aux incertitudes, l'heure n'est pas au repli sur les vieilles recettes, mais à la créativité, qui suppose, en vérité qui exige l'épanouissement de la citoyenneté.
(Source http://www.pcf.fr, le 8 octobre 2001)
Déclaration du 7 octobre :
Avec le déclenchement des bombardements sur l'Afghanistan, nous vivons un moment grave que nous redoutions et qu'il aurait fallu absolument éviter. D'abord parce que ces opérations militaires feront inéluctablement des victimes innocentes parmi le peuple afghan. C'est d'abord à ces femmes, ces hommes, ces enfants, que vont mes pensées.
En outre, ces actes de guerre décidés par le Président Bush, comme son appel au ralliement derrière les Etats-Unis, sont lourds de risques considérables.
L'exigence de traquer, juger et châtier les criminels, la nécessité de se donner les moyens d'éradiquer le terrorisme, sont un devoir de la communauté internationale. Mais, en l'occurrence, les risques sont réels d'engrenages immaîtrisables.
Nous l'avons dit, et je le répète : toute action de riposte, surtout si elle implique l'usage de la force ne peut être mise en uvre que dans le cadre et sous l'égide des Nations unies. C'est pourquoi je demande la convocation d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU.
Compte tenu que la France est directement concernée, il faut, comme s'y est engagé le Premier ministre, que la représentation nationale soit informée et consultée au plus vite.
(Source http://www.pcf.fr, le 8 octobre 2001)
Déclaration de M. Hue le 8 octobre :
Mesdames et Messieurs,
Vous comprendrez aisément que les événements intervenus hier après-midi, avec le début d'engagement des opérations militaires en Afghanistan, constituent un fait nouveau et considérable.
La situation internationale s'en trouve profondément modifiée, dans le prolongement des attaques terroristes menées le 11 septembre aux Etats-Unis.
Dans ces conditions, vous comprendrez également que je m'en tienne, dans notre échange, à ces questions et aux premières remarques qu'elles inspirent aux communistes.
Quant à ce qui nous avait conduit à organiser cette rencontre avec vous - le résultat de la consultation des communistes pour la désignation de leur candidat à l'élection présidentielle - je n'en ferai donc pas de commentaires aujourd'hui.
Au demeurant Jean-François Gau vous en a livré les résultats et les remarques essentielles qu'ils appellent de notre part.
J'ajoute simplement que je suis heureux et fier de l'honneur que me font, très largement, les militantes et militants communistes, et je les en remercie.
Dès hier soir, j'ai fait connaître une première réaction au déclenchement des bombardements sur l'Afghanistan.
Je le confirme ce matin devant vous : nous vivons un moment grave, et je pense que tout le monde, l'ensemble de l'opinion publique le ressent ainsi.
Pour nous les choses sont claires, depuis le début, et aujourd'hui plus que jamais : il faut entreprendre une action résolue, de longue haleine et multiforme pour éradiquer le terrorisme, et s'en donner les moyens.
Les commanditaires et les auteurs des effroyables attentats du 11 septembre doivent être activement recherchés, appréhendés, jugés et châtiés.
Les menaces proférées par Ben Laden, largement relayés par les télévisions du monde entier, sont intolérables. Cet individu, et l'organisation terroriste qu'il a créée doivent être mis hors d'état de nuire.
Oui la France doit être solidaire et active dans cette action. Elle doit prendre part à une action internationale pour contribuer à ce qu'il en soit bien ainsi.
Et bien sûr, il ne faut négliger aucune des dimensions de la lutte contre le terrorisme y compris, évidemment, le recours à l'usage de la force, ainsi que je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, et la semaine dernière encore à la tribune de l'Assemblée nationale
Les opérations débutées hier répondent-elles à ces exigences ?
Je remarque tout d'abord que de nombreux observateurs, et jusqu'à de hauts responsables de l'administration américaine, expriment des doutes très sérieux sur la possibilité de les conduire sans conséquences pour le peuple afghan. Or non seulement il n'a aucune responsabilité dans les abominables attentats du 11 septembre, mais il est en outre la première victime du terrorisme et de l'effroyable régime des taliban. Il subit l'oppression, la misère et se trouve aujourd'hui au bord d'une catastrophe humanitaire majeure. Pour ces millions de femmes, d'hommes, d'enfants il convient par conséquent de tout faire pour éviter d'ajouter du malheur au malheur.
Au-delà du peuple afghan, je pense également aux peuples de l'ensemble du monde arabo-musulman. Ils ont fait preuve jusqu'à présent, avec leurs dirigeants, de sang froid et de sens de responsabilité, en refusant l'amalgame entre ces actes terroristes et leur croyance en l'Islam.
La forme prise par l'intervention américaine en Afghanistan - avec ce qui apparaît comme des bombardements massifs - me fait craindre que le piège tendu par Ben Laden et les taliban fonctionne.
Il ne faudrait pas que les extrémistes terroristes et de leur idéologie totalitaire puisse nourrir le sentiment que, quoi qu'on en dise, c'est bien à un conflit l'Occident et l'Islam, entre un nord arrogant et un sud humilié, que l'on assiste depuis hier.
Je maintiens donc, plus que jamais les deux propositions que j'ai avancées devant les députés mercredi dernier.
D'abord il est urgent que l'organisation des Nations Unies soit saisie de cette nouvelle situation, qu'elle en délibère et qu'elle prenne des initiatives afin que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le respect du droit international, et non pas sous l'égide des Etats-Unis auxquels les autres pays sont simplement appelés à se rallier. C'est une condition de l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. C'est l'intérêt de tous les pays et les états concernés.
D'autre part, et dans cet esprit, l'engagement de la France, sous quelque forme que ce soit, ne peut être envisagé qu'à la condition que les responsables de notre pays respectent la représentation nationale. L'Assemblée nationale doit donc être non seulement informée, mais il faut qu'elle puisse débattre et décider de ce que doit être l'attitude de notre pays dans les circonstances présentes.
Vous l'avez compris : nous sommes préoccupés, inquiets de la situation créée par les bombardements sur l'Afghanistan.
Les risques d'engrenage sont réels. Et, s'ils sont avérés, alors les théoriciens et les activistes du terrorisme peuvent atteindre leurs buts, qui consistent, par tous les moyens, à accroître les foyers de tension internationale, de violence, de guerre.
Il ne s'agit pas, bien au contraire, de renoncer à les combattre : il s'agit de le faire avec l'objectif d'extirper définitivement les germes du terrorisme. Toute action inconsidérée, même conduite au nom de cet objectif, peut produire les effets inverses.
Je réaffirme en toute cohérence et avec détermination que toute action de riposte - et particulièrement militaire - ne peut être conçue que sous l'égide des Nations Unies.
Les responsabilités de la France et de l'Europe pour éviter un engrenage aux terribles conséquences sont d'une importance extrême.
(Source http://www.pcf.fr, le 10 octobre 2001)