Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur les efforts en faveur des anciens combattants et le devoir de mémoire, à Paris le 26 janvier 2016.

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Circonstance : Vœux aux Invalides, le 26 janvier 2016

Texte intégral


Messieurs les ministres, cher Hamlaoui Mekachera, cher Jean-Pierre Masseret, deux de mes prédécesseurs qui me font l'amitié de leur présence,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame l'Adjointe à la maire de Paris, chère Catherine,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Chancelier de l'Ordre de la Libération, cher Fred Moore,
Monsieur le Chef d'Etat-major des Armées, monsieur le Gouverneur militaire des Invalides, monsieur le Gouverneur militaire de Paris qui nous accueillez ici une nouvelle fois, mesdames et messieurs les officiers généraux présents,
Monsieur le Grand Rabbin,
Monsieur le Président de la mission du centenaire,
Mesdames et messieurs les directeurs d'administration et d'établissements publics du ministère de la défense,
Mesdames et messieurs les présidents d'associations et de fondations,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
L'entrée dans une nouvelle année est d'abord l'occasion de formuler des vœux de bonheur et de réussite, dans tous les domaines, à chacun d'entre vous.
Mais avant d'aller plus avant dans mon discours, je voudrais saluer la mémoire des cinq militaires décédés la semaine dernière à Valfréjus à qui un hommage est rendu en ce moment même.
Mesdames et messieurs, j'ai souhaité que cette cérémonie des vœux soit placée sous le signe du courage et de l'ambition.
Non pas une ambition personnelle mais une ambition collective à laquelle chacun d'entre vous prend sa part.
Cette ambition nous est imposée par l'année 2015 qui vient de s'achever.
Elle a été l'occasion d'un hommage sans précédent à toute une génération, celle de la guerre 39-45 ;
Elle a renforcé la dimension territoriale du centenaire de la Grande Guerre en rappelant les combats de Champagne, de l'Artois, de l'Argonne, des Vosges et d'ailleurs ;
Elle a consolidé les droits des combattants et élargi certains dispositifs dans un souci de justice sociale ;
Cette année 2015 a aussi malheureusement vu s'éteindre des femmes et des hommes qui ont fait notre histoire (l'historien-résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac, le parachutiste de la France Libre Alain Papazow, la Rochambelle Rosette Peschaud, la résistante Yvette Farnoux, déportée à Auschwitz, l'ancien de Bir Hakeim Roger Nordmann, la Française Libre Alix d'Unienville, les résistants-déportés Robert Salomon et Gaston Viens et tant d'autres).
J'ai salué il y a quelques instants la mémoire des cinq militaires disparus la semaine dernière mais l'année 2015 a vu aussi la disparition de soldats français engagés sur les théâtres extérieurs à qui un hommage a été rendu aux Invalides et dont j'ai salué la mémoire, aux côtés de leurs camarades, au Liban la semaine dernière.
Enfin cette année 2015 a vu la France et la République touchées en leur cœur, en janvier et en novembre. A deux reprises, des vies ont été fauchées par la barbarie, par la haine, par le fanatisme.
Une tragédie qui exige de nous recueillement, rassemblement, mais plus encore courage et ambition pour l'avenir de notre pays.
Du courage et de l'ambition, nous en avons fait la preuve tout au long de l'année 2015 :
- en me rendant à Sétif au mois d'avril pour inscrire dans la mémoire nationale le geste d'hommage à toutes les victimes des massacres de 1945 ;
- en faisant entrer 4 grandes figures dont deux femmes au Panthéon le 27 mai autour du président de la République ;
- en saluant, et pour la première fois, la mémoire des tsiganes internés sur le sol de France pendant la Seconde Guerre mondiale, sur l'ancien camp du Jargeau dans le Loiret ;
- ou encore, et je rends là hommage à l'action du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, en conduisant de front des opérations aussi capitales que complexes dans la bande sahélo-sahélienne et au Levant.
A l'aube de cette nouvelle année 2016, nous devons nous montrer à nouveau courageux et ambitieux.
La mémoire comme le devoir de reconnaissance et de réparation envers les anciens combattants, les victimes de guerre et les victimes d'attentat supposent, méritent et exigent du courage et de l'ambition.
D'abord pour conforter une nouvelle fois les droits des Anciens combattants.
J'ai tenu à maintenir l'ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation dans le budget pour 2016 tout en mettant en place de nouvelles mesures dans un souci d'équité sociale. Je pense notamment à l'extension de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord ou encore à l'assouplissement des critères d'attribution de la carte du combattant pour nos soldats engagés.
Je veillerai pour l'année 2017 à ce que les efforts soient maintenus, en axant prioritairement mon action sur les anciens combattants eux-mêmes, et notamment les plus démunis.
L'ambition et je dirai même le devoir ensuite d'apporter tout notre soutien aux victimes d'attentats. Au temps de l'émotion suscité par les terribles événements de janvier et de novembre a succédé le temps de l'action et de l'accompagnement dans la durée.
Depuis plusieurs semaines, l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre et ses services départementaux s'emploient à répondre aux nombreuses demandes d'indemnisation, d'accueil, de prise en charge et d'adoption par la Nation avec humanité, écoute et attention.
Des qualités qui le caractérisent et en font, cent ans après sa création, un opérateur à part dans le champ des établissements publics pour venir en aide aux anciens combattants, aux harkis et rapatriés, aux victimes de guerre et d'attentat.
La prise en charge de ces victimes et futures pupilles témoigne de l'importance de l'action sociale de l'Office dont les moyens ont été renforcés dans le cadre du budget pour 2016.
Après l'expérience dramatique que nous avons vécue en 2015, j'ai souhaité recevoir au début du mois quelques pupilles de la Nation afin de connaître leurs récits, leurs parcours, leurs histoires, les obstacles franchis, les difficultés rencontrées et les espoirs retrouvés
Cette rencontre répondait aussi au souci constant de faire de l'écoute et de la concertation les socles essentiels de mon action.
J'ai instauré depuis ma nomination un dialogue ouvert et régulier avec l'ensemble des représentants des anciens combattants et des harkis. C'est notamment pour cela que j'ai demandé au contrôle général des armées des rapports sur la représentativité du monde combattant au sein des groupes de travail. Je présenterai prochainement aux représentants de harkis celui qui les concerne.
L'année 2016 exige aussi de nous du courage et de l'ambition sur le terrain de la mémoire.
A quoi sert encore aujourd'hui la mémoire ? A nous souvenir. A nourrir le lien intergénérationnel indispensable à toute société. A inviter les jeunes à réfléchir sur l'actualité de notre histoire, sur les notions d'engagement, d'esprit de Résistance et d'héritage républicain.
A lutter contre les paroles et les actes qui se nourrissent de la haine et des négationnismes. A promouvoir le lien armée-Nation et la cohésion nationale autour d'une histoire commune dont les mémoires sont plurielles.
Mais la véritable question aujourd'hui est de savoir comment pratiquer, vivre, partager nos mémoires. Plusieurs d'entre elles seront à l'honneur en 2016.
Nous devons d'abord offrir à nos concitoyens un centenaire des batailles de Verdun et de la Somme à la hauteur de la place que le souvenir de ces combats occupe dans notre mémoire nationale ainsi que dans celle des anciennes nations belligérantes. A cette occasion, nous engagerons une grande refonte de nos accords de mémoire partagée et créerons de nouveaux partenariats, comme c'est le cas avec l'Irlande, afin de faire émerger et de pérenniser une véritable diplomatie mémorielle au-delà des cérémonies officielles et des anniversaires décennaux.
Nous inscrirons dans la durée l'hommage que nous devons à celles et ceux qui ont fait le choix de l'engagement ou ont été victimes de la barbarie :
- En gravant dans le marbre et l'éternité de la pierre leur histoire.
C'est pourquoi par exemple nous inaugurerons au Stade de France un monument dédié aux sportifs morts pour la France, que nous avons décidé d'ériger parc André Citroën un monument saluant la mémoire des soldats morts en opérations extérieures ou encore que nous apposons des plaques dans les hameaux de forestage où furent installés les harkis à leur arrivée en France ;
- Mais aussi en recueillant des témoignages pour construire aujourd'hui la mémoire orale de demain.
C'est par exemple ce qui a été entrepris dans le cadre du plan harkis présenté par le Premier ministre le 25 septembre 2014 et dont j'ai présenté en conseil des ministres le premier bilan il y a quelques mois.
C'est aussi pour cela que le ministère de la Défense est prêt à soutenir la grande enquête pluridisciplinaire engagée par le CNRS, à l'initiative de Denis Peschanski et Francis Eustache, pour recueillir la parole des victimes et témoins des attentats de 2015.
Faire preuve de courage et d'ambition, c'est également investir toutes les mémoires qui font la richesse de la France d'aujourd'hui.
Outre les deux guerres mondiales, nous valoriserons, en cette année du 60e anniversaire des indépendances du Maroc et de la Tunisie et du 70e anniversaire du début de la guerre d'Indochine, la mémoire des combattants engagés dans ces conflits, parallèlement au projet d'extension du musée de l'Armée à la période de la colonisation et de la décolonisation.
Nous veillerons aussi à valoriser la mémoire des soldats engagés en opérations extérieures car ils sont le visage d'une mémoire combattante en train de se construire.
Le courage et l'ambition enfin de concevoir la mémoire comme un travail pédagogique qui se conduit sur le long terme, pas seulement devant les monuments aux morts mais aussi dans les salles de classe, sur nos lieux de mémoire ou encore à l'occasion d'une projection, d'un débat ou d'une exposition.
Oui, au devoir de mémoire doit se substituer un travail de mémoire qui exerce nos jeunes à l'apprentissage de la citoyenneté – et les cycles commémoratifs qui se sont ouverts en 2013 témoignent que le travail est déjà engagé, notamment grâce au renouvellement des pratiques mémorielles impulsé par la mission du centenaire.
L'Etat s'est pleinement engagé ces dernières années dans une véritable politique pédagogique :
- En faisant de la transmission de notre histoire une étape-clé du parcours citoyen ;
- En développant les nouveaux vecteurs de la mémoire, tels que le numérique, et je veux saluer à ce titre la mobilisation de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, notamment autour des sites internet « chemins de mémoire » et « mémoire des hommes », de la future page consacrée à la Marseillaise ou encore des actions entreprises sur les réseaux sociaux ;
Enfin l'Etat s'est engagé en construisant des contre-discours face à la désinformation et à la falsification de l'Histoire qui sévissent sur internet et font le terreau du terrorisme, en soutenant des projets pédagogiques et en encourageant les jeunes à se rendre sur nos lieux de mémoire.
Je pense notamment aux actions conduites sous la coordination de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et je veux remercier ici la DMPA pour son engagement dans ce combat aussi déterminé que déterminant pour l'avenir de nos jeunes, ces artisans de la Nation de demain.
Mesdames et messieurs, voilà ce qu'exige de nous l'année 2016. Je l'appréhende avec enthousiasme et impatience mais aussi avec un grand sentiment de responsabilité car les défis sont grands.
Pour y répondre, je sais pouvoir compter sur toutes les ressources de ce ministère. Sur l'ensemble de ses services, opérateurs et partenaires :
Sur la DMPA dont les missions culturelles, mémorielles et éducatives se traduisent par la mobilisation de tous ses personnels ;
Sur l'ONAC-VG qui fêtera en 2016 son centenaire et dont le conseil d'administration sera prochainement renouvelé avec une attention particulière à toutes les générations combattantes ;
Sur la mission du Centenaire dont l'action a contribué à renouveler les pratiques mémorielles et a créé une dynamique sans précédent ;
Sur l'Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense dont l'engagement dans le centenaire est remarquable ;
Sur la Délégation à l'information et à la communication de défense qui travaille toujours avec réactivité et professionnalisme ;
Sur le musée de l'Armée, ses grandes initiatives et ses grands chantiers qui nous autorisent à voir toujours plus grand ;
Sur l'ensemble des musées et mémoriaux des conflits contemporains membres du réseau animé par la DMPA ;
Sur les fondations et leur attachement si fort à la mémoire ;
Sur les historiens avec qui j'échange régulièrement ;
Sur les associations d'anciens combattants fidèles à l'héritage défendu par leurs camarades disparus.
J'ai confiance en chacun de vous et vous remercie de votre présence aujourd'hui et de votre engagement constant à mes côtés pour faire rayonner au sein et par-delà de nos frontières la mémoire de la France comme le général de Gaulle l'exprimait déjà le 29 mai 1966 à l'occasion du cinquantenaire de la bataille de Verdun :
« Notre pays ayant fait ce qu'il a fait, souffert ce qu'il a souffert, sacrifié ce qu'il a sacrifié, ici comme partout et comme toujours, pour la liberté du monde, a droit à la confiance des autres ».
A toutes et à tous, ainsi qu'à vos familles, meilleurs vœux pour cette année 2016.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 janvier 2016