Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'importance de l'aide au développement dans la situation économique actuelle du monde, l'aide de la France aux pays en voie de développement, l'aide internationale, la politique de coopération et la modernisation des instruments d'aide de l'administration française, Paris, le 18 octobre 2001.

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Circonstance : Présentation du budget du ministère des affaires étrangères devant la commision élargie des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, à Paris, le 18 octobre 2001

Texte intégral

La situation internationale souligne à quel point la coopération et l'aide au développement sont plus indispensables que jamais.
D'abord en raison des conséquences économiques des attentats du 11 septembre qui vont, au minimum, retarder la reprise de la croissance mondiale, et affecter directement les pays en développement. J'attire votre attention sur ce point.
Ensuite, et plus profondément, parce que la mondialisation suscite des critiques qui traversent opinions du Nord et du Sud, et porte en elle des potentiels d'incompréhension nouveaux dans le dialogue Nord-Sud.
Ainsi la montée des critiques de la mondialisation, aussi bien que l'actualité récente et ses conséquences économiques, soulignent l'importance cruciale de la coopération et de l'aide au développement. Cette coopération fait partie des instruments indispensables pour promouvoir un monde plus sûr et plus équitable. Nous aurons à cur d'exprimer cette conviction à tous les niveaux.
Au niveau multilatéral d'abord, dans les orientations défendues dans les différentes instances internationales et dans l'impulsion donnée aux mécanismes financiers de type nouveaux.
Avec l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, la France s'est engagée à un effort total de plus de 10 milliards d'euros, qui doit être additionnel, et qui va se refléter progressivement dans les années qui viennent, dans le volume total de l'effort budgétaire français en faveur des pays pauvres, au fur et à mesure que les pays bénéficiaires atteindront leur point de décision puis d'achèvement. Quant au Fonds mondial Santé-SIDA, le Premier ministre a annoncé une contribution additionnelle de 150 millions d'euros sur trois ans. Enfin, les pays favorables à l'application de la convention de Kyoto, dont la France, se sont engagés à une augmentation substantielle d'ici 2005 de leurs contributions au Fonds Mondial pour l'Environnement. Trois éléments nouveaux outre l'APD classique.
Le niveau européen, pour sa part, est central dans l'expression de la politique de coopération de la France, qui contribue pour plus de 24% au budget du FED. A ce sujet, la réforme de l'aide communautaire engagée sous présidence française par le Conseil du Développement du 10 novembre 2000, se met progressivement en place : agence EuropeAid opérationnelle et début, en ce moment même, de la déconcentration dans 5 délégations couvrant 8 pays ACP.
Dans ce contexte, le transfert des contributions de la France au FED, dorénavant inscrites dans le budget du Département, est symbolique de l'importance que nous accordons à cette composante de notre aide et de notre volonté d'accroître encore notre influence politique sur son usage. Ce regroupement permet aussi de mieux valoriser l'effort du ministère en matière d'APD.
Pour 2002, 3 358 Meuros sont ouverts en AP et 218,5 Meuros en CP. Ce décalage très important entre AP et CP est lié aux prévisions sur les décaissements, mais il est clair que cette variabilité crée une incertitude. Nous comptons sur votre commission, comme sur celle des Finances, pour nous aider à veiller à ce que les abondements qui pourraient s'avérer nécessaires soient mis à notre disposition en temps utile, comme s'y est engagé le ministère des Finances à l'occasion de ce transfert.
La conviction de l'importance renouvelée de la coopération s'exprime enfin aussi clairement au plan bilatéral. Globalement, les crédits de la coopération internationale et du développement, avec 19,75 Meuros (129,53 MF) de mesures nouvelles nettes, hors transferts, marquent une progression, dont nous espérons qu'elle ne sera pas remise en cause par des mesures de régulation comme en 2001. Les crédits de la DGCID prévus pour 2002 s'élèvent ainsi à 1,44 milliard d'euros (9,447 milliards FF) avant transferts, en augmentation de 1,8% par rapport à 2001.
Au total, le besoin de politiques de coopération et d'aide au développement efficaces et appuyée sur des outils adaptés, est plus fort que jamais. Notre politique le prend en compte. Dès 2001, les dernières estimations indiquent que l'APD française remontera légèrement, autour de 0.33% du PIB, contre 0.32% en 2000. Avec la progression de nos contributions au FED (décaissements) et les nouveaux mécanismes financiers (PPTE, Fonds Santé-SIDA, Environnement) cette tendance devrait logiquement se confirmer dès l'année prochaine, et dans les années qui viennent.
Dans ce contexte, le PLF 2002 exprime nos priorités
1. Les crédits d'aide au développement s'inscrivent dans des priorités sectorielles claires
S'agissant de l'AFD (152,4 Meuros en AP et 137,2 Meuros en CP, soit une reconduite des CP), une lettre de mission au nouveau Directeur général vient d'être signée. Elle fixe les priorités stratégiques de l'agence : promotion d'un développement économique stable et efficace, respectueux de l'environnement, et plus soucieux de cohésion sociale.
S'agissant des crédits de coopération technique et au développement mis en uvre directement par le Département, les priorités sectorielles en 2002 sont doubles : d'une part la lutte contre la pauvreté et les inégalités et pour le développement durable (santé primaire, lutte contre le SIDA et le paludisme, enseignement et formation professionnelle, ressources en eau, aménagement urbain). D'autre part l'organisation de l'Etat, dont le rôle et la responsabilité sont essentiels à nos yeux : soutien à l'Etat de droit et aux Droits de l'Homme, gestion publique, bonne gouvernance, stabilité de l'environnement économique, réformes institutionnelles.
2. Pour mettre en uvre ces objectifs, la modernisation de nos instruments se poursuit
La poursuite de la réforme de l'assistance technique se traduit par une stabilisation des crédits et la création d'une ligne souple de 8,84 Meuros (58 MF) pour financer le développement de l'expertise de courte et moyenne durée.
La promotion de la coopération non-gouvernementale, à laquelle vous savez attachement, est aussi un élément clé de notre dispositif rénové. Ses moyens augmentent de 0,91 Meuros (+ 6 MF) partagés entre + 0,61 Meuros pour la coopération décentralisée et + 0,30 Meuros pour les associations de solidarité internationale.
Les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) sont abondés de 5,34 Meuros (+ 35 MF) alors que les A.P. sont réduites de 15,2 Meuros pour mieux ajuster le rapport AP/CP. Une enveloppe de 7,62 Meuros (50 MF) est créée pour les projets FSP dits "mobilisateurs".
L'adaptation du dispositif se traduit aussi par la création d'un article sur titre IV pour les opérations exceptionnelles liées aux sorties de crises, doté de 7,6 Meuros. Il comble le vide qui existait jusqu'alors dans le dispositif budgétaire en assurant une continuité depuis les situations d'urgence financées par le fonds d'urgence humanitaire jusqu'à l'aide au développement.
3. Le PLF 2002 apporte aussi des moyens supplémentaires au service de la " bataille des idées "
C'est le deuxième grand axe de notre politique de coopération. Il est fortement complémentaire du premier, car la recherche d'une mondialisation plus équilibrée et plus équitable repose sur la coopération au développement mais aussi sur notre capacité à faire valoir nos idées et nos valeurs dans les débats mondiaux.
La programmation des crédits de coopération et d'action culturelle pour 2002 reflète nos objectifs en ce domaine : rénover notre réseau culturel tout en soutenant la pensée française dans la bataille des idées, former en France les élites mondiales, renforcer l'audiovisuel extérieur.
Des mesures nouvelles sont ainsi prévues en faveur de l'AEFE (+ 4,21 Meuros), des établissements à autonomie financière comme les centres culturels (+ 3,05 Meuros soit + 4,46%) répondant aux suggestions du rapport Dauge, des bourses d'excellence Major visant à permettre aux meilleurs élèves des lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en France (+ 1,52 Meuros), de la diffusion des revues françaises (+ 0,76 Meuros) et des opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure (+3,87 Meuros) permettant la reconfiguration de la diffusion de TV5 sur le continent américain.
En conclusion, je voudrais souligner qu'à bien des égards, ce PLF constitue un aboutissement de la logique de réforme et de fusion que nous avons mise en uvre avec Hubert Védrine. Je pense notamment à l'adaptation du dispositif d'assistance technique, au dispositif nouveau de sortie de crise, à la fusion des chapitres de coopération culturelle et scientifique (42.11) et de coopération technique et au développement (42.12) en un grand chapitre 42.15 global et cohérent, qui facilitera la gestion. Il est donc impératif que nous nous attachions, dans le cadre des travaux préparatoires pour la mise en uvre de la nouvelle Loi Organique des Finances, à adopter des cadres et des méthodes qui permettront la plus grande lisibilité du budget, et en particulier la traçabilité des dépenses relevant de l'APD.
Au total, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, la progression des crédits de coopération et d'action culturelle du PLF, la poursuite de la modernisation de nos instruments et le développement de mécanismes financiers nouveaux, nous donnent les moyens de traduire concrètement les axes prioritaires de notre politique de coopération, conjuguant aide au développement et solidarité, avec influence dans les débats mondiaux, la bataille des idées et la défense de la diversité culturelle. Cette politique traduit bien notre objectif fondamental que vous partagez certainement, la lutte pour un monde plus stable et équitable./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)