Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Laurence ROSSIGNOL est avec nous, secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de l'Enfance, bonjour.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que pensez-vous de la proposition du professeur DAUTZENBERG, franchement ?
LAURENCE ROSSIGNOL
D'abord, vous savez que c'est une trappe à ministre quand même la question que vous me posez
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
LAURENCE ROSSIGNOL
Il y a un certain nombre de mes prédécesseurs qui sont tombés dans le trou et, qui, soit n'en sont pas ressortis soit ont eu du mal à remonter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c'est une question que se posent beaucoup de familles.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien sûr. Mais ce n'est pas parce que c'est une trappe à ministre qu'il faut évacuer le débat. Je ne connais aucune autre politique publique sur le plan aussi bien pénal ou sanitaire qui échoue autant et dont on ne parle pas. La difficulté c'est le débat interdit, c'est-à-dire qu'alors que c'est un débat sanitaire et le docteur qui vient de s'exprimer a raison sur le fait que les gamins fument des cochonneries, du cannabis coupé avec du cirage, mais comme c'est prohibé on ne peut pas faire de prévention à leur égard, on ne peut pas en parler. Donc on a une grosse difficulté sur un produit qui est toxique, qui est dangereux parce que bien sûr, il y a un usage récréatif pour certaines personnes et ça se passe bien. Mais pour un gamin qui va à l'école le matin en ayant déjà fumé 2 joints, on sait déjà qu'il va passer une mauvaise journée scolaire et qu'il ne va rien apprendre ce gamin-là. Donc il y a une grande inégalité en fait dans le maniement du produit. Aujourd'hui, on a besoin d'un débat dépassionné, dépolitisé et c'est l'hystérie sur ce débat-là
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi
LAURENCE ROSSIGNOL
Moi si je dis aujourd'hui « il faut en débattre »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que vous n'arrivez pas en politique à aborder ce débat ? Le professeur DAUTZENBERG l'aborde !
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui mais lui, il est pneumologue
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, lui est pneumologue, il sait de quoi il parle.
LAURENCE ROSSIGNOL
Monsieur BOURDIN, mais bien sûr et c'est bien que ce soit quelqu'un qui sache de qui il parle qui aborde
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous êtes d'accord avec lui ou pas ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais pourquoi ? Parce que là en vous parlant à cet instant, je m'expose à la moindre faute de carre, à une journée
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la moindre faute de carre vis-à-vis de qui, vis-à-vis de la politique ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Du monde politique, du monde politique, on aura dans un instant la même question sur la fessée
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous êtes pardon Laurence ROSSIGNOL
LAURENCE ROSSIGNOL
Il y a deux débats, il y a les politiques et
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes au service des Français ou est-ce que vous êtes au service de votre gouvernement, de votre Premier ministre et de votre président ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non mais mon problème, ce n'est pas mon Premier ministre, je ne crains pas une punition
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont les Français qui comptent
LAURENCE ROSSIGNOL
Ce sont les Français qui comptent
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les familles.
LAURENCE ROSSIGNOL
Donc la question qui est posée aujourd'hui c'est : qui dans le monde politique est capable d'ouvrir ce débat de manière décrispée. Ce n'est pas compliqué, tout ce que je dis peut dans la journée devenir la gauche laxiste, la gauche qui soutient la dépénalisation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors à ce moment-là, vous êtes figée sur tout Laurence ROSSIGNOL
LAURENCE ROSSIGNOL
Monsieur BOURDIN, je me
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne bouge pas, on voit la consommation augmenter
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, je ne vous dis pas ce que je dis
JEAN-JACQUES BOURDIN
La toxicité des produits augmenter et on ne bouge pas
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, je bouge
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne bouge pas, pourquoi ? Pour des raisons politiciennes uniquement
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, pas pour des raisons politiciennes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'on a peur, on a peur que le monde politique vous condamne pour vos propos !
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais tout à l'heure quand on parlera des punitions corporelles, on verra qu'il y a d'une part le monde politique et d'autre part l'évolution de la société. Aujourd'hui, c'est un débat qu'il faut mener avec la société, ce n'est pas simplement le monde politique qui doit prendre des positions
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce débat, vous ne le menez pas ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Comment
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce débat n'existe pas ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais fort heureusement, il y a des médecins, des addictologues qui, aujourd'hui, ouvrent ce débat. Mais moi je demande à l'opposition aujourd'hui qui dans l'opposition est capable de mener ce débat-là, non pas d'un point de vue moral, politique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous vous moquez de l'opposition, pardon ! Laurence ROSSIGNOL, vous êtes aux affaires, donc aux affaires vous prenez vos responsabilités. Si vous dites : pour lutter contre la toxicité du produit, pour lutter contre la consommation qui augmente, il faut libéraliser, peu importe la réaction de l'opposition !
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais d'abord parce que je ne sais pas s'il faut libéraliser, ce que je sais c'est qu'il faut aujourd'hui affronter la question de la consommation du cannabis, de sa propagation et de la toxicité des produits, et en faire un sujet de politique sanitaire et pénale sérieux. Est-ce que le débat se conclura par la dépénalisation ? Je n'en suis pas convaincue
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais moi non plus !
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il faut parler de ce produit
JEAN-JACQUES BOURDIN
La libéralisation
LAURENCE ROSSIGNOL
Aux gamins, leur dire ce qu'ils fument
JEAN-JACQUES BOURDIN
Professeur, qu'est-ce que vous en pensez puis on va passer à la fessée, qu'est-ce que vous en pensez professeur ?
BERTRAND DAUTZENBERG
Je suis désolé Jean-Jacques mais je donne plutôt raison à madame ROSSIGNOL
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non mais peu importe Bertrand.
BERTRAND DAUTZENBERG
Plutôt dédramatiser le débat, il faut que ça se passe sur un plan médical et pas politique. Dès qu'on remet de la guerre politique dessus, on supprime le problème. Il y a quand même des vies, il y a plein de choses en jeu et il faut faire ça calmement et sans s'énerver
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais Bertrand
BERTRAND DAUTZENBERG
Et les propos de madame ROSSIGNOL étaient tout à fait raisonnables et je pense que comme ministre, c'est la position qu'elle doit avoir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais très bien mais Bertrand DAUTZENBERG, pardon, mais est-ce que les politiques font avancer le débat, je vous pose franchement la question ?
BERTRAND DAUTZENBERG
Les politiques font avancer le débat d'autant moins que dès qu'ils disent quelque chose, Jean-Jacques BOURDIN les met en guerre contre l'opposition et qu'ils puissent organiser la non-entente entre les camps sur un problème qui est pour l'homme un problème de vie, un problème de santé qui est au coeur du débat. C'est-à-dire qu'on est comme sur les grands débats sur je ne sais pas moi, où était Simone VEIL à l'époque, etc., il faut arriver à ce qu'ils sortent de la politique et arrivent dans la santé ; ou que des hommes de santé s'en occupent et que ça se passe au calme. Si on veut régler les problèmes de la drogue, que ça se passe au calme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous verrons, nous verrons si la consommation de cannabis baisse et si la toxicité des produits baisse mon cher professeur
BERTRAND DAUTZENBERG
On va voir comment ça se passe
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les mois qui viennent et dans les années qui viennent, nous verrons.
BERTRAND DAUTZENBERG
On va voir mais ça va bouger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'espère, nous verrons, nous verrons. Laurence ROSSIGNOL la fessée, alors cette fessée ?
LAURENCE ROSSIGNOL
D'abord je voulais vous remercier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes allée à l'ONU !
LAURENCE ROSSIGNOL
Je suis allée à l'ONU et puis
JEAN-JACQUES BOURDIN
Défendre les positions françaises.
LAURENCE ROSSIGNOL
Défendre les positions de la France. J'ai observé d'abord qu'on était extrêmement attendu et que le niveau d'exigence à l'égard de la France est d'autant plus élevé que pour l'ONU, nous sommes le pays des droits de l'homme ; et que nous sommes un pays qui tire les autres pays vers l'avant. Et donc sur la position des punitions corporelles, j'ai expliqué avec la même sincérité que je le fais ici que pour ma part, je considère que les punitions corporelles ne sont pas bonnes pour les enfants, ça ne relève pas de la liberté éducative. Je crois que c'était avant-hier matin, Xavier BERTRAND disait « foutons la paix aux familles », alors comme il se trouve que j'ai voté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur RMC et BFMTV oui.
LAURENCE ROSSIGNOL
Ici, chez vous. Et comme il se trouve que j'ai voté pour Xavier BERTRAND au 2ème tour des régionales, je considère que maintenant j'ai un droit de suite sur ses propos. Et je crois qu'il se trompe quand il dit « foutons la paix aux familles » parce qu'à un moment donné, on intervient dans les familles quand les enfants sont en danger. Et moi ma difficulté en tant que ministre chargé de la protection de l'enfance, c'est d'identifier et de dire aux parents : voilà ! Jusqu'où vous avez le droit de taper, là c'est de la liberté éducative ; et au-delà de cette limite, ça devient de la mise en danger des enfants. Donc il faut faire la promotion d'une éducation sans violence. Et je vous remercie parce que je crois que ça fait la 3ème fois que vous m'invitez pour le dire, et je pense que vous contribuez à ce que ce débat et c'est un peu comme l'histoire de la toxicomanie et du cannabis il y a un instant, c'est comment la société française évolue. Nous les politiques, on ne peut pas être 3 pas en avant de la société, on a besoin de l'aider à progresser en lui faisant prendre conscience des enjeux. Les punitions corporelles c'est dangereux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez besoin de prendre des décisions aussi !
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne parle pas de la fessée
LAURENCE ROSSIGNOL
Jean-Jacques BOURDIN, quand vous
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne veux pas revenir sur le cannabis.
LAURENCE ROSSIGNOL
Quand vous-même vous disiez avant-hier matin, quand vous avez ouvert le débat sur votre antenne que 80 % à peu près des Français étaient opposés, si on je peux passer en force avec une loi au Parlement, bien sûr, mais c'est les Français qui vont appliquer cette loi. S'ils n'en sont pas convaincus, ils ne vont pas l'appliquer et moi je ne vais pas envoyer
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais sur la fessée
LAURENCE ROSSIGNOL
Le juge pénal ou la police regarder ce que font les parents.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'y aura pas de loi
LAURENCE ROSSIGNOL
En revanche mon rôle
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de texte de loi !
LAURENCE ROSSIGNOL
D'autant qu'on a quand même dans le Code civil, dans ces fameux articles qui sont lus au moment du mariage, un article qui dit : l'autorité parentale s'exerce dans l'intérêt de l'enfant, je considère pour ma part que ce n'est pas l'intérêt de l'enfant de le frapper ; et dans le respect dû à sa personne, et je considère que de le frapper contrevient à son respect. Donc on a une base dans le Code civil, après il faut qu'on développe la promotion de l'éducation sans violence. On va publier très prochainement un nouveau livret de parentalité qui est donné à chaque famille au moment de la naissance d'un enfant. Et dedans, je prends clairement position pour une éducation sans violence et je dis : ça ne sert à rien de taper un enfant. Mais il faut aussi aider les parents, les parents ont des difficultés aujourd'hui, ce n'est pas simple d'élever des gamins aujourd'hui. Il y a la concurrence du net, il y a le monde extérieur est concurrent, il faut aider les parents, ça ne sert à rien de les culpabiliser et il ne faut pas non plus les infantiliser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez mettre en place ce livret de parentalité !
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, on va en parler, et je dis à chaque fois
JEAN-JACQUES BOURDIN
Livret de parentalité qui sera délivré quand ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Qui sera délivré quelques au 4ème mois
JEAN-JACQUES BOURDIN
A la naissance au 4ème mois
LAURENCE ROSSIGNOL
Au 4ème mois de naissance. Et puis surtout on en parle dès l'examen du 4ème mois de grossesse, on en parle. Et quand vous me donnez l'occasion de le dire, le fait que la parole publique politique ne soit pas neutre, que je ne dis pas « ça ne me concerne pas, les gens font ce qu'ils veulent chez eux », c'est déjà contribuer à porter le débat dans la société, aider les gens à réfléchir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et à pousser les uns et les autres à ne plus pratiquer la fessée ou la gifle !
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien sûr, parce que ça ne fait pas de bien aux enfants, c'est humiliant et ça ne fait pas de bien aux parents parce que tous les parents que je connais, quand ça leur arrive, ils ne sont pas contents après, ils ne sont pas fiers d'eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera disponible quand ce livret ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Il sera on le sort dans les 2 mois là, il est à l'édition.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Laurence ROSSIGNOL
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est moi qui vous remercie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être venue nous voir. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 janvier 2016