Texte intégral
Q - Le détachement des travailleurs européens continue à susciter la polémique. Il est même devenu synonyme de dumping social. Que comptez-vous faire ?
R - Nous avons déjà été moteurs sur le dossier. Rappelez-vous, à notre initiative, la directive de 2014 a notamment permis d'instaurer la responsabilité solidaire du donneur d'ordre vis-à-vis du sous-traitant dans la construction. En France, cette responsabilité a été élargie à tous les domaines d'activité et il faudra à terme l'envisager au niveau européen. Aujourd'hui, l'Allemagne et la France avec une coalition de pays - l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la Suède et les Pays-Bas - ont décidé de lancer une révision ciblée de la directive de 1996 qui définit la nature du détachement. Le principe que nous défendons, c'est « à travail égal, salaire égal dans un même lieu », car il est nécessaire de limiter encore plus les distorsions de concurrence entre les salariés français et les détachés. La Commission européenne doit proposer le « paquet mobilité » au cours du premier semestre. Nous souhaitons que nos idées soient reprises dans ce texte.
Q - Quelles sont les principales fraudes constatées ?
R - C'est le non-respect de la durée maximale du travail, du SMIC, des conditions de logement, ou plus simplement l'absence de déclaration. La sanction la plus dissuasive est l'arrêt du chantier. Par exemple, en Aquitaine, il y a eu ces derniers mois sept arrêts de chantier pour fraude au détachement. D'autres procédures sont en cours dans plusieurs régions.
Q - Pensez-vous rassembler un consensus général en Europe sur ces objectifs ?
R - Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas la libre circulation des travailleurs ni la libre prestation de services. Il n'est pas question de les remettre en cause. Nous voulons démontrer que l'Europe est capable de lutter contre ces abus et d'éviter le dumping social. Ce serait le meilleur rempart contre l'euroscepticisme. Quand je montre les conditions d'hébergement de certains détachés de l'Est, photos à l'appui, croyez-moi, on est entendues.
Q - Quelle est la réalité du travail détaché en France et en Allemagne ?
R - La France est le deuxième pays d'accueil après l'Allemagne, avec une estimation de 300.000 salariés détachés, dont environ 70.000 ne seraient pas déclarés. Nous sommes aussi le troisième pays d'envoi à l'étranger de détachés, après la Pologne et l'Allemagne.
Q - Êtes-vous pour limiter la durée du détachement ?
R - Je souhaite que la directive fixe une durée maximale de deux ans pour le détachement. Aujourd'hui, elle parle juste de durée limitée, sans plus de précision. Avec notre proposition, au-delà de deux ans, l'employeur devrait être établi dans le pays où se réalise la prestation pour poursuivre son activité, en appliquant alors tout le droit du travail et toute la protection sociale du pays. Il faut aussi que la directive fixe une durée minimale d'ancienneté du salarié dans l'entreprise qui détache pour mettre fin aux entreprises «boîtes aux lettres» créées juste pour détacher des salariés. Il faut aussi lutter contre les montages de plus en plus sophistiqués établis sur plusieurs pays. Cela passe forcément par une meilleure coopération européenne.
Q - L'Allemagne a accueilli plus de 1 million de réfugiés. Combien d'entre eux allez-vous pouvoir intégrer sur le marché du travail ?
R - En France, nous devrions accueillir 30.000 Syriens et Irakiens. L'Office de l'immigration et de l'intégration (OFII) prend en charge des cours de langue tandis que l'Afpa assure l'hébergement et la formation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2016