Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes à France 2 le 13 janvier 2016, sur l'information et la campagne de vaccination et la santé publique.

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour à tous. Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
ROLAND SICARD
Vous venez d'annoncer un plan d'action pour une nouvelle politique de vaccination. Il y a une certaine méfiance vis-à-vis des vaccinations en France. Comment est-ce que vous l'expliquez ?
MARISOL TOURAINE
Il y a l'expression d'inquiétude et d'interrogation sur l'utilité de certains vaccins, sur pourquoi on ne trouve pas les vaccins que l'on cherche par exemple dans les pharmacies aussi facilement qu'autrefois. Mais il ne faut pas dramatiser, la France est un pays dans lequel la couverture vaccinale, c'est-à-dire le nombre de personnes vaccinées, est très importante, et ça fait partie des pays dans lesquels on se vaccine le plus. Mais il y a ces signes d'inquiétude, et donc j'ai annoncé un plan avec des mesures immédiates, pour mieux informer notamment, permettre aux Français d'aller sur un site dédié, un site Internet dédié qui leur permettra d'avoir toute l'information nécessaire, pour faire en sorte que les médecins reçoivent, eux aussi, l'information dont ils ont besoin pour convaincre leurs patients, répondre à leurs interrogations.
ROLAND SICARD
Il y a beaucoup de sites Internet qui mettent en garde contre les vaccinations. Et ça, c'est très écouté…
MARISOL TOURAINE
Mais justement, justement, il y a des sites Internet qui mettent en garde contre certains vaccins, il faut avoir une stratégie transparente, offensive pour convaincre…
ROLAND SICARD
Et comment savoir qui a raison, parce que sur ces sites, il y a des médecins aussi qui s'expriment ?
MARISOL TOURAINE
Il y en a peu, il y en a quelques-uns qui, d'ailleurs, sont très largement contestés, mais moi, je veux rappeler : la vaccination, c'est l'un des plus grands acquis du 20ème siècle. Grâce à la vaccination, il y a des maladies qui ont reculé, et d'autres qui ont même été complètement supprimées. Et donc cela donne le sentiment que, au fond, on n'a peut-être plus besoin de se vacciner autant qu'avant. Mais si on arrête de se vacciner, eh bien, les maladies vont revenir. Alors pour justement faire en sorte que chacun puisse s'exprimer, que les inquiétudes, les doutes puissent s'exprimer, moi, je veux organiser un grand débat, confié à un groupe indépendant, présidé par une sommité médicale, professeur au Collège de France, le père des bébés bulles, le professeur Alain FISCHER, et faire en sorte que, tout au long de l'année 2016, nous puissions échanger, mon objectif – je le dis – mon objectif, c'est de ramener de la confiance, et de faire en sorte que les Français s'y retrouvent mieux entre les vaccins.
ROLAND SICARD
En France, il y a des vaccins qui sont obligatoires…
MARISOL TOURAINE
Voilà…
ROLAND SICARD
Et d'autres qui sont simplement recommandés. Est-ce que ça ne crée pas une confusion, parce que les gens se disent : bon, eh bien, s'il y en a qui sont obligatoires et d'autres pas, c'est que ceux qui ne le sont pas ne sont pas indispensables ?
MARISOL TOURAINE
Exactement. Absolument. Et c'est pour cela que j'ai deux objectifs dans ce débat, le premier, c'est de rassurer, de ramener de la confiance, parce que je veux dire, de la manière la plus forte qui soit, qu'il est important de se faire vacciner, et que par exemple, si on prend la vaccination contre la grippe, qui apparaît peut-être moins importante, quand on a plus de 65 ans, ne pas se vacciner, c'est prendre un risque qui est inutile et absurde en quelque sorte…
ROLAND SICARD
Il y a aussi des vaccins qui manquent…
MARISOL TOURAINE
Et puis, de l'autre côté, il faut peut-être y voir plus clair, est-ce qu'il faut garder ces catégories, vaccins obligatoires, vaccins recommandés, il y a des pays où il n'y a que des vaccins recommandés, et tout le monde se vaccine, parce que les vaccins recommandés sont utiles, et c'est cela qu'il faut montrer à nos concitoyens.
ROLAND SICARD
Alors, il y a aussi des vaccins qui manquent, et notamment le vaccin obligatoire, diphtérie tétanos polio, il manque, et on est donc obligé de vacciner les gens avec un vaccin beaucoup plus large, qui comprend l'hépatite B. Est-ce que c'est de la responsabilité des industriels ? Est-ce qu'il faut agir là-dessus ?
MARISOL TOURAINE
Il faut en tout cas agir et rappeler aux industriels qu'il est de leur responsabilité qu'il y ait des vaccins dans les pharmacies. Parce que ça n'est pas simplement le vaccin avec les trois vaccins obligatoires qui manque parfois, il y a des moments où c'est difficile de trouver même un vaccin plus large. Et donc je vais convoquer les industriels du vaccin pour leur demander des engagements précis et fermes, leur rappeler qu'ils ont des responsabilités, qu'ils ont des devoirs, et que s'ils ne respectent pas leurs engagements, ils peuvent être sanctionnés, y compris de manière financière, parce que quand on met un vaccin sur le marché, on n'a pas simplement le droit de vendre des vaccins, on a aussi le devoir de garantir à chacun qu'il pourra trouver ses vaccins dans les pharmacies.
ROLAND SICARD
Sur un autre sujet, il y a un début de polémique sur le Centre des soins palliatifs, la personne qui pourrait être nommée à la présidence de ce Centre serait favorable à l'euthanasie, est-ce que ça ne peut pas créer une certaine méfiance ou une certaine confusion ?
MARISOL TOURAINE
Je vais être amenée à nommer la directrice ou le directeur de ce nouveau Centre pour les soins palliatifs, que les choses soient très claires, les soins palliatifs, tout le monde est favorable à ce qu'ils puissent se développer, à ce qu'ils puissent être proposés à tous ceux qui sont en fin de vie et qui le demandent – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – y compris à domicile ou dans les maisons de retraite. Nous devons former les professionnels de santé à cette culture des soins palliatifs, nous devons accompagner les professionnels, et faire en sorte qu'il y ait des équipes partout sur le territoire. C'est cela la responsabilité de ce Centre et rien d'autre, dans le cadre de la loi qui est en débat, et qui permet d'améliorer, de soulager les souffrances des personnes en fin de vie…
ROLAND SICARD
Ce n'est pas un pas vers l'euthanasie ?
MARISOL TOURAINE
Il y a un cadre législatif pour lequel, d'ailleurs qui n'est pas terminé, puisque la loi arrive au bout de son parcours parlementaire, elle sera votée dans quelques semaines, une grande avancée est proposée, c'est ce qu'on appelle la sédation terminale, c'est faire en sorte que lorsque l'on est au bout de sa vie, que l'on ne peut plus être guéri ou soigné, on soit soulagé de ses souffrance si on le souhaite, grâce à une sédation terminale. Cette loi, elle sera votée, et c'est dans ce cadre-là que devra travailler le nouveau Centre pour les soins palliatifs.
ROLAND SICARD
Autre sujet, politique celui-là, la déchéance de nationalité, Manuel VALLS va défendre le texte, et pas Christiane TAUBIRA, qui y est hostile. Ça fait un peu désordre.
MARISOL TOURAINE
C'est le chef du gouvernement, le Premier ministre, qui va monter au créneau pour une réforme constitutionnelle. Ça n'est pas rien une réforme de la Constitution ! Et moi, je souhaite que nous sortions un peu des débats qui donnent le sentiment que tout tournerait autour d'une mesure, en l'occurrence la déchéance de nationalité, alors même que nous sommes face à un défi majeur : assurer la sécurité de nos concitoyens dans un contexte où le terrorisme est une menace chaque jour présente, et on le voit à la suite de l'attentat qui a eu lieu, dramatiquement, à Istanbul, il y a quelques heures, enfin, hier. On voit donc bien que nous devons faire en sorte de nous donner les moyens de faire face et d'assurer la sécurité de nos concitoyens.
ROLAND SICARD
Mais Christiane TAUBIRA peut rester au gouvernement, pas de problème ?
MARISOL TOURAINE
Mais Christiane TAUBIRA a des convictions, les membres du gouvernement ont des convictions, nous avons chacun nos propres engagements, nos propres positions, vient un moment où lorsque le chef du gouvernement, le président de la République ont tranché, eh bien, nous portons la politique du gouvernement, Manuel VALLS le fera évidemment avec le souci du rassemblement, et la volonté de faire en sorte que la parole du président de la République et les engagements du président de la République soient concrétisés.
ROLAND SICARD
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 janvier 2016