Déclaration de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur la mobilisation pour l'insertion professionnelle des jeunes diplômés, Paris le 5 février 2016.

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Circonstance : Evènement 1000 jeunes à Bercy : "Fiers de nos jeunes talents", à Paris le 5 février 2016

Texte intégral

Merci,
Merci Myriam [EL KOHMRI],
Merci à vous deux [Saïd HAMMOUCHE et Benjamin FLAVIER],
Merci à vous tous et toutes d'être là ce soir.
Je crois que tout a été dit par Myriam et Saïd à l'instant, et je serai donc très rapide. D'abord, les faits sont têtus, et ils ont été rappelés. Ils sont inacceptables : ils touchent toute la jeunesse du pays, puisque cela fait 30 ans que le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans n'est jamais tombé sous les 18 % en France – jamais, quelles que soient les majorités politiques ou les situations. Il est en moyenne deux fois plus élevé pour les jeunes des quartiers, donc il y a en quelque sorte une double perte aujourd'hui : quand on est jeune et qu'on vient des quartiers on a près de 50 % de chances d'être au chômage.
Cette inégalité qui vous frappe est la pire des inégalités, parce que c'est l'inégalité d'opportunités : elle ne vous permet même pas de commencer à essayer de faire quelque chose, elle ne vous laisse même pas rentrer dans la vie active, elle ne vous laisse même pas essayer. Cela détricote ensuite de la motivation, du lien social, du symbolique : comment expliquer qu'il faut aller travailler à l'école, comment valoriser le travail, les études quand il y a cette barrière de verre terrible qui existe et qui est encore là aujourd'hui ?
Alors ce que vous nous proposez ce soir, et ce pourquoi nous tenions l'un et l'autre à être là, et à ce que ça se passe dans les murs du ministère, c'est une mobilisation positive. Il y a 1 000 jeunes qui ont été sélectionnés, et vous êtes 500 entreprises qui se sont portées volontaires, et je veux vous remercier : il y a tous les secteurs qui sont là, la distribution, Radio France, la Caisse des dépôts, l'immobilier, l'économie sociale et solidaire, tous les groupes que nous connaissons sont présents dans cette salle. Et vous êtes tous là pour vous mobiliser.
Il ne faut pas avoir fait pour le coup beaucoup d'études en mathématiques pour voir que, si chacun embauche 2 jeunes, on a traité les 1 000 jeunes qui ont été présélectionnés ! Je suis assez prosaïque et pragmatique, mais je pense qu'on en est là et cet exemple, cette mobilisation positive, c'est, je crois la meilleure réponse qu'on peut apporter.
Il y a également les initiatives que l'on va prendre et que Myriam rappelait – le testing avec Patrick KANNER qui oeuvre aussi avec nous dans ce combat, pour mettre la lumière, dire la vérité, mettre une réalité sur les choses. Et puis il y a tout ce que vous êtes en train de faire. L'Etat n'est là que pour valoriser, organiser, c'est cette mobilisation positive et c'est finalement reconnaître toutes et tous que les jeunes – et en particulier les jeunes diplômés de nos quartiers – sont une formidable énergie pour le pays et une formidable opportunité pour la France.
Parce qu'ils sont entre Bac+2 et Bac+4 pour une grande majorité, ils ont un diplôme et ils cherchent un travail. J'en voyais encore tout à l'heure et je voyais la liste dans la finance, dans le commerce dans tous les secteurs, dans l'informatique : ils sont diplômés et c'était beaucoup plus difficile pour nombre d'entre eux de décrocher ce diplôme que lorsqu'on vient des beaux quartiers. Donc ils se sont déjà plus battus dans la vie, ils ont une énergie avec eux, une volonté de fer qui est formidablement importante.
Votre mobilisation ce soir s'inscrit dans la durée : l'effet d'entraînement que vous aurez chacune et chacun dans vos secteurs, c'est ce dont nous avons besoin parce que c'est cela, finalement tenir la promesse républicaine. Je crois que cette jeunesse, on n'a plus de promesses à lui donner, parce qu'on lui en a trop fait – on a trop promis, on a trop dit. Dorénavant, on a simplement à montrer, à faire, et alors peut-être qu'elle re-croira aux corps intermédiaires, à l'Etat, aux entreprises.
Aujourd'hui, pour une grande partie, elle n'y croit plus, mais elle veut réussir avec une envie féroce accrochée à elle. Alors on a essayé de faire des choses, on fait des choses pour améliorer la mobilité, avoir un permis de conduire plus rapidement, moins cher, on a passé des mesures qui sont en train d'être appliquées et qui produisent leurs premiers résultats pour essayer de faciliter l'entrepreneuriat dans les quartiers. Nous repasserons encore, dans les prochaines semaines, des mesures pour faciliter la création d'entreprise, pour alléger les contraintes en termes de qualification de métier, en termes de financement, pour que ces jeunes soient plus facilement ouverts à l'entrepreneuriat – on y a beaucoup travaillé avec plusieurs qui sont présents dans la salle. Parce que dans ces quartiers, on crée 2,5 fois plus d'entreprises qu'ailleurs, donc il y a cette envie de faire, cette énergie, mais notre responsabilité collective, c'est de leur ouvrir la porte des entreprises, des belles entreprises françaises. Il faut leur ouvrir le coeur du réacteur. Aujourd'hui, ça leur est fermé, donc ce que vous faites en étant là ce soir, en vous mobilisant, c'est de donner l'exemple, c'est d'être les premiers de cordée d'une mobilisation qu'on veut pouvoir créer, qui consiste à mettre en avant leurs talents, à mettre en avant leur énergie, à montrer à tous les autres qu'avec vous dans votre entreprise ils vont changer les choses, parce qu'ils apportent un regard nouveau, une énergie nouvelle, une expérience différente et que nous avons besoin de celle-ci.
Et au-delà de ce geste que je qualifierais d'économique et de rationnel, parce que ce serait fou de rater cette énergie, vous faites en même temps un geste qui a du sens sur le plan politique et moral. Parce que si nous considérons que notre société peut continuer à créer ces barrières, que notre société peut se développer en tenant à l'écart une partie d'elle-même, si on accepte cela dans les esprits et dans la réalité, on ne construira rien de bon. On alimentera la défiance parfois la haine, la frustration à coup sûr et donc on alimentera aussi la crise morale que traverse notre pays.
Et donc pour toutes ces raisons je veux vraiment vous remercier d'être là ce soir et remercier à la fois Mozaïk RH et Passeport Avenir pour tout le travail fait. Vous allez nous montrer plusieurs expériences et puis vous allez annoncer ce trophée, ce Top Ten justement des meilleures entreprises que vous allez lancer ce soir, c'est un formidable exemple de mise en lumière de celles et ceux qui font bien, parce qu'au fond ce soir, il n'y a pas de grandes promesses, il n'y a pas de grandes annonces mais, on est tous ensemble réunis ici pour essayer de bien faire et c'est déjà beaucoup !
Merci beaucoup.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 10 février 2016