Déclaration de M. François Bayrou, président de l'UDF, sur la stratégie de l'UDF dans le cadre des élections européennes de juin 1999, le modéle fédéral européen, le conflit du Kosovo, les relations avec le RPR et la rénovation de l'opposition, Paris le 25 avril 1999.

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Circonstance : Conseil national de l'UDF à Paris le 25 avril 1999

Texte intégral

Je voudrais vous dire que le premier mot qui me vient à l'esprit, après vous avoir tous entendus au cours de cette rencontre, c'est : merci! Je veux dire que tout le monde sait, que tout le monde comprend que ces orientations et ces décisions n'ont pas été faciles à prendre.
Tout le monde sait, tout le monde comprend que nous étions soumis en effet à des sollicitations, des influences, des pressions assez fortes pour donner à réfléchir. Et tout le monde sait, tout le monde comprend que ce que nous engagions pour notre avenir et pour l'avenir de la France était très important. Et je vais vous dire simplement, exactement, à l'image de la matinée que nous avons vécue aujourd'hui, à quel point c'était rassurant, réconfortant, enthousiasmant, de voir une équipe de responsables majeurs ayant tous occupé, occupant et ayant vocation à occuper des responsabilités très importantes en France et en Europe.
Je vais vous dire à quel point c'était rassurant de les voir réfléchir, travailler, élaborer une décision ensemble, avec une seule préoccupation : l'intérêt général. Dans la vie politique, il y a très longtemps, et pour un certain nombre d'entre nous des décennies, que nous rêvions de voir naître une force politique majeure, centrale, ouverte, réformatrice d'idées, européenne, qui s'affirme comme telle aux yeux des français, qui n'encoure pas l'accusation ni le soupçon d'être intéressée, secondaire, subsidiaire, de vouloir jouer la roue de secours, de quelque chose d'autre, d'autre force, d'autre mouvement.
Nous en rêvions et nous l'avons fait. Nous l'avons fait en quelques mois.
Il y a des jours et des jours que je lisais ici et là que notre unanimité n'était que de façade, et qu'en réalité, c'était parce que contraints et forcés que les élus étaient entraînés sur cette voie, que nous nous trouvions là, et que leur volonté ou leurs choix auraient été tout autres. Vous les avez entendus les uns après les autres et j'espère que vous avez entendu l'accent d'unanimité, de conviction, de force qui s'est élaboré entre nous au cours de ces semaines. Entre nous et grâce à vous.
C'est parce que, comme nous nous y étions engagés, de la base de ce mouvement nouveau montait une vision du chemin, une détermination nouvelle, que tous les responsables ont entendu le message et ont décidé, quels que soient les risques, qu'ils porteraient ce message et donc le mouvement, tel qu'il est et tel qu'il sera nécessairement demain, quand il y a tant d'énergie qui s'exprime.
Cette énergie se ressent à l'extérieur. Elle est attirante, et elle entraîne. Tout cela, nous l'avons fait ensemble. C'est le contrat de Lille, et qui croirait qu'entre Lille et nous, il y a à peine 6 mois... Un premier mot à vous pour vous dire du fond du cur, du fond de ma conviction, pas comme Président, si vous le permettez, comme homme, de vous dire merci.
Merci à tous.
Ce qui se passe est à mon avis, un signe que nul ne devrait ignorer dans la vie politique française, que les temps sont en train de changer. Ce sont des temps nouveaux qui s'ouvrent pour nous, qui s'ouvrent pour l'opposition en général, ils s'ouvrent, je crois, pour la France et ils s'ouvrent, je l'espère de tout mon cur, de tout notre cur, pour notre Europe.
Et ces temps nouveaux, bien entendu, sont marqués par le basculement de siècle que nous allons vivre. Sur la tour Eiffel, chaque jour se lit le compte à rebours de cette journée où nous franchirons le millénaire.
Mais tout le monde sent bien que nous sommes déjà en l'an 2000. Nous y sommes depuis que le mur de Berlin est tombé, nous y sommes depuis que la guerre gronde de nouveau en Europe il y a presque 10 ans, François Léotard avait raison de le rappeler ce matin.
Les temps nouveaux, nous y sommes parce que la société française a devancé la politique et de très loin, que les entreprises françaises ont devancé la politique et de très loin, que la base et le terrain français ont devancé la politique et de très loin.
Je voudrais, si vous le voulez bien, que nous prenions ces temps nouveaux à la lumière de ce que nous sommes en train de vivre ensemble dans les Balkans. Simplement pour en tirer deux leçons.
La première, c'est que si l'Europe avait existé, la crise des Balkans n'aurait pas été ce qu'elle est. Si l'Europe avait existé, et si elle avait été à la hauteur de sa mission, la crise des Balkans n'aurait pas été ce qu'elle est. Je le dis après tous ceux qui se sont exprimés à cette tribune. Qu'est-ce qui a manqué dans les Balkans ? Il a manqué deux choses. La première, c'est que l'Europe ait une présence. Et je ne confonds pas la présence de l'Europe avec la présence de certains pays européens. Le clavier de l'Europe en matière diplomatique est plus large que les claviers nationaux et probablement, si l'Europe avait existé, si elle avait eu une volonté, si cette volonté s'était exprimée et si nous avions usé de tous les liens, de tous les relais que nous pouvions trouver avec l'une ou l'autre des parties, peut-être le visage de cette crise n'aurait-il pas été le même.
Deuxièmement, ce qui a manqué encore plus que tout, c'est un projet européen, un modèle européen pour sortir des crises des minorités en Europe. L'Europe qui, excusez-moi de le rappeler, deux fois dans ce siècle, a eu à payer de son sang, le drame, les drames des Balkans. Car il n'y aurait pas eu de deuxième guerre mondiale s'il n'y avait pas eu de Première guerre mondiale ; et il n'y aurait pas eu de première guerre mondiale si ce détonateur n'avait pas tout d'un coup entraîner l'explosion de toute une région et par réaction en chaîne, l'explosion de tout un continent.
L'Europe aurait dû avoir une idée, un modèle pour permettre à des minorités de vivre ensemble. Et ce modèle est à proposer au monde, et ce modèle a un nom et il n'en a qu'un : c'est le modèle fédéral européen.
Je veux bien que l'on discute des mots en politique intérieure et pour des objectifs de politique intérieure, et j'essaierai de montrer à quel point en réalité, en le faisant, on se moque du monde. Mais il y a, pardonnez-moi de le dire, infiniment plus sérieux, infiniment plus lourd que ces arguties d'un autre temps quand on regarde ces régions où la flambée des nationalismes a fait en dix ans 250 000 morts, décompte fait du drame kosovar d'aujourd'hui.
Slovénie : les morts se comptent par centaines ; Croatie : 20 000 morts ; Bosnie : 210 ou 220000 morts et le Kosovo aujourd'hui.
Quand on voit cela, que l'esprit généreux et rationnel se place devant cette réalité-là, avec en lui le message que l'histoire nous a laissé, il ne trouve et il ne trouvera qu'une réponse qui est celle-ci : le seul moyen de faire vivre ensemble des identités différentes en respectant chaque identité, cela s'appelle le modèle fédéral. Il n'y en a aucun autre, et pardonnez-moi de le dire, ce modèle-là, dans le siècle où nous allons, ne sera pas valable. Jacques Barrot reconnaîtra là un message que nous partageons depuis longtemps. Il ne sera pas valable seulement sur le sol européen.
Songez à l'Afrique où les nationalismes s'appellent tribaux, songez au Moyen-Orient. Il y a dans les plus généreux, dans les plus grands, dans les meilleurs esprits de ces régions du monde, l'idée qu'un jour ou l'autre il faudra bien sortir de ces affrontements, qui veulent non pas célébrer une identité, mais détester l'autre au motif qu'il ne vous ressemble pas. Excusez-moi de le dire : quelle est l'entité politique dans le monde, à la surface de la planète qui peut valablement, en étant écoutée, défendre ce projet pour le monde ? Il n'y en a qu'une : c'est l'union européenne. Si nous ne sommes pas capables de la construire nous-mêmes, alors c'est l'humanité que nous trahirons. Si nous ne sommes pas capables de la défendre, de la proposer et de l'affirmer, alors des drames sans fin vont continuer à se nouer dans ce monde douloureux.
Voilà pourquoi je plaide pour que nous fassions face à la mission historique qui est la nôtre et qui n'est autre chose que la réflexion initiale de Monet et de Schumann. Comment sort-on de ce monde de déchirements, de sang et de larmes pour que nos enfants puissent enfin vivre en paix ?
C'est cela qui a manqué. L'Europe a manqué parce qu'elle n'existait pas et l'Europe a manqué parce qu'elle n'avait pas de projet et sans doute les deux sont-ils profondément liés.
Et je suis obligé de le dire, pardonnez-moi de le faire avec franchise, je ne crois pas que les diplomaties nationales soient à la hauteur de cet enjeu. Elles ont leur mérite, leur qualification, leur professionnalisme, mais je suis persuadé qu'il convient désormais de dépasser ces horizons pour pouvoir trouver quelque chose qui, enfin, se fasse entendre et respecter.
Premier enseignement majeur du Kosovo: c'est une leçon pour nous si nous sommes capables de réfléchir en citoyens d'Europe et pas seulement en politiciens.
Deuxième message: lorsque le moment est venu, on aurait peut-être pu imaginer qu'il vienne plus tôt ou qu'il vienne autrement, où il n'est resté que la force, à ce moment-là nous avons découvert notre réalité européenne, c'est-à-dire que dans l'Alliance à qui l'on a affecté cette mission d'user de la force, on a découvert qu'il y avait un puissant et des faibles, et que, comme La Fontaine l'a écrit depuis trois siècles, " la raison du plus fort est toujours la meilleure ".
Je veux dire que les européens ont découvert, et pour beaucoup d'entre eux, je pense aux français, douloureusement, avec un sentiment de gêne, et peut-être d'humiliation. Ils ont découvert que dans cette épreuve de force, c'était le président américain qui prononçait les jugements, les généraux américains qui étaient aux commandes, que l'OTAN, c'était l'Amérique et une collection d'états respectables mais faibles.
Et ils ont mesuré tout d'un coup ce qu'était l'extraordinaire disproportion, l'extraordinaire déséquilibre entre une nation qui concentre son effort sur la construction d'une défense à la dimension des enjeux de la planète, et une collection de nations qui se font concurrence et qui essaient chacune de construire leur outil limité.
Car il suffit de regarder les satellites en matière de renseignements. Nous avons un satellite européen, Hélios, qui a une résolution de 10 mètres. Les détails qu'il photographie sont de 10 mètres. Les américains ont 47 satellites, si je ne me trompe pas, et les détails qu'ils photographies sont de 50 centimètres.
Est-ce que nous pouvons mettre cela en face de nous ? Est-ce qu'il y a équilibre entre une puissance et l'autre ?
Est-ce que vous pensez que lorsque vous êtes la puissance qui photographie, vous n'avez pas un droit de filtre sur les renseignements que vous transmettez aux autres ?
Est-ce que nous avons mesuré ce que signifiait l'incroyable déséquilibre en. matière de transport aérien pour les forces de projection qui sont les nôtres ?
Je me souviens que dans un conseil national d'une de nos familles où nous étions ensemble, il y a quelques années au moment de l'affaire du Rwanda, je m'étais efforcé de souligner ce qu'il y avait d'imprudent et d'inconséquent à avoir construit une force de projection qui, pour transporter cette force, était obligée de louer des Tupolev et des Antonov russes.
C'est la réalité.
Le jour où vous n'avez pas la capacité de transporter votre force de projection, que se passe-t-il si les russes et les américains vous disent non ?
Eh bien, mes chers Amis, vous restez à la maison .
Qu'on ne parle pas d'équilibre si l'on refuse de construire cet équilibre. Je pourrais continuer, mais je voulais illustrer devant vous ce qu'est la réalité des problèmes que nous avons désormais devant nous.
Il y a donc une question qui est majeure, qui est simple, qui est une illustration de toutes les autres : est-ce que nous considérons que la puissance doit être pour toujours dévolue à l'Amérique, ou est-ce que nous voulons voir construire une puissance européenne qui l'équilibre ?
Je demande cela en tant que responsable d'une famille qui Dieu sait, a été accusée d'être atlantiste dans son histoire, d'une famille dont on peut dire avec fierté qu'elle s'honore d'être l'amie des américains, mais qui considère que là comme ailleurs une amitié, une alliance, doit être équilibrée.
Alors on nous a dit : " mais il faudra très très longtemps ".
Je donne raison à cette objection. Il faudra très très longtemps, car si l'on continue au rythme actuel des déclarations d'intentions merveilleuses, comme dans le problème des industries de défense, si l'on continue au rythme actuel dans la préparation méticuleuse des embryons d'embryons de début de commencement d'un jour, un état major qui pourrait... Si l'on continue au rythme actuel, il faudra en effet, je le crains, plusieurs siècles.
La question est de savoir si nous le voulons ou pas.
Et si nous le voulons, je prends à témoin, parce que je me suis empressé de les appeler avant, les responsables éminents de la chose militaire qui sont dans cette salle ou qui nous écoutent. Vouloir construire une défense européenne, c'est-à-dire une articulation entre les défenses nationales, plus une force de projection européenne rendue facile et possible par le professionnalisme de nos troupes, plus un appareil de renseignements dans l'espace spatial, plus une capacité de transport et de projection, 5 à 10 ans est un horizon convenable pour le faire.
Mais il y a une question, et toutes les habiletés pour éluder cette question n'arriveront pas à empêcher qu'elle se pose : une fois qu'on a construit une défense européenne, qui commande la défense européenne.?
Le conseil des chefs d'états et de gouvernements à l'unanimité quand ils sont 15 et quand demain ils seront 25 ? De qui se moque-t-on ?
Vous imaginez, dans le conflit des Balkans, dans l'Europe qui rassemblera 20 ou 25 états, prendre à 1'unaninùté une décision qui concerne la force européenne
J'ai appelé hier, certains sont dans cette salle - et je salue Etienne Copel -, un certain nombre d'officiers, généraux, ayant occupé des responsabilités et participant aux débats sur l'avenir de nos armes, et tous m'ont dit la même chose: c'est faisable, probablement beaucoup plus à portée qu'on ne le croit.
Ils sont généraux servant sous les drapeaux ou ayant servi sous les drapeaux de l'armée française. Ils nous ont dit que la seule question était celle-ci: s'il vous plait, donnez-nous une autorité politique capable de commander cette force le jour où elle existera.
Comme toujours, il y a un vieux proverbe latin qui dit: "les armes le cèdent à la toge". Il y a un vieux proverbe latin, -je le dis à mes amis du RPR-, il n'a pas 40 ans d'âge, mais il a 2000 ans et dit une chose toute simple : " quand vous construisez une force militaire, il faut auparavant que vous ayez construit l'autorité politique capable de commander cette force militaire-là ". Il n'y a pas d'autre sens à la proposition que nous avons faite : un pouvoir, une autorité politique en Europe, capable de fédérer la diversité des états qui à juste titre défendent leur identité et leur singularité. Nous ne serons pas les derniers à défendre et à plaider pour l'identité française. Mais quand on dit " une autorité politique ", il y a une deuxième question derrière qui est toute simple, toute bête : comment désigne-t-on cette autorité politique ?
Comme maintenant, dans le secret des chancelleries ? Sans que les citoyens aient la moindre idée des noms qu'on avance, des projets qu'ils portent ?
Notre réponse, et je prétends que c'est la réponse moderne, pas la réponse de papa ou de grand-papa, la réponse moderne est de dire : chaque fois, dans les sociétés dans lesquelles nous allons entrer, qu'on voudra mettre en place un pouvoir légitime, ce pouvoir légitime ne pourra tirer sa légitimité que de l'expression démocratique des citoyens qui composeront cet ensemble.
Sans cela, qu'on ne prétende pas se faire les porte-paroles de la protestation, quelque fois légitime et quelque fois abusive, contre la bureaucratie européenne.
L'Europe n'est bureaucratique que parce que les politiques ont refusé de faire de l'Europe d'abord une union politique. La bureaucratie est ce qui reste quand la politique déserte. Pour nous, il n'y a d'ensemble comportant des identités différentes qui veuillent entreprendre ensemble de grandes choses, que s'ils acceptent de se fédérer; et fédérer, ce n'est jamais renoncer à son identité, ce n'est jamais renoncer à ce qu'on est, c'est accepter de remplacer simplement le " chacun pour soi " pour le " tous ensemble ".
J'ai bien lu, j'ai bien entendu l'hésitation que nos amis et partenaires de l'opposition ont dit sur ce sujet. Ce n'était pas très facile à suivre parce que lundi, si j'ai bien compris, ils considéraient qu'il n'y avait aucune différence entre nos projets, et même Alain Madelin avait dit: " il suffit de trois minutes sur un coin de table pour qu'on se mette d'accord ". C'est dire qu'il était convaincu qu'il n'y avait pas de distance entre nous sur le sujet. Puis, j'ai cru comprendre mercredi que les choses avaient changé. Nous étions devenus rien d'autre que des dangereux, des malfaisants qui menaçaient l'identité et la survie de la France. Et j'ai même entendu des phrases définitives sur le sujet qui disaient que nos convictions étaient contraires aux convictions de toujours du RPR. C'est Alain Juppé qui l'a dit, et je lui fais crédit sur ce point !
Ce qui est difficile à comprendre, c'est que l'on nous dit lundi qu'il n'y a aucune différence entre nos projets, décrétés vendredi contraires aux convictions de toujours.
Mais c'est un sourire, rien de plus... Je dis simplement qu'il va y avoir quelques problèmes à constituer la liste de nos amis et partenaires parce que j'ai trouvé une phrase d'un discours parfaitement clair qui parlait vrai et dont l'accent de sincérité n'est plus à mettre en doute (il faut toujours faire des citations et quelques fois, elles sont éclairantes, celle-ci l'est) : " Nous entendons dépasser les vieux clivages. Sur la question européenne aussi il y a les Anciens et les Modernes. Mais il ne suffit pas d'être pour l'Europe, encore faut-il dire clairement quelle est l'Europe que l'on veut. Nous avons fait le choix d'une Europe fédérale ".
Ce texte n'a pas 40 ans, ce n'est pas une lubie de grand-papa, c'est la conclusion d'Alain Madelin, le 5 décembre dernier du colloque de Démocratie Libérale qui s'appelle " Pour un projet fédéral ". Je n'en ai pas changé un mot, ni une virgule, et d'ailleurs je n'aurais à y changer ni un mot, ni une virgule, parce que sur ce point nous sommes d'accord.
Quand je mets ces deux phrases côte à côte : " contraires à nos convictions de toujours " et "nous avons fait, nous, le choix de l'Europe fédérale" et que leurs auteurs vont être sur la même liste, alors je commence à me demander ce que les français peuvent comprendre à ce débat, à ces projets qui sont écrits avec une gomme, pour que nul ne puisse y reconnaître sa vérité et son identité.
Je ne suis pas, nous ne sommes pas, nous l'avons dit tout au long de cette matinée, sans aucune attaque, sans aucun adjectif qualificatif, nous ne sommes pas effrayés par le fait que dans l'opposition il y ait trois listes. Dans une minute, je vous expliquerai même à quel point je crois que c'est bon pour l'avenir de l'opposition. Simplement, il nous parait mieux, lorsqu'il y a plusieurs listes, que chacune ait sa cohérence pour que les citoyens pussent choisir.
Je trouve légitime et normal que la cohérence guide le projet et que ce soit le projet qui justifie la liste. Parce qu'il y a là la réponse, Anne-Marie Idrac l'a très bien dit, la réponse à une attente profonde des citoyens aujourd'hui. Es veulent savoir ce qu'il y a dans le paquet. Ils veulent comprendre où leurs responsables politiques proposent que nous allions ensemble, ils veulent exercer leurs droits de citoyens au choix, et quand il y a plusieurs choix, il est légitime qu'il y ait plusieurs listes. C'est pourquoi je trouve que la démocratie gagne à ce qui une liste, au moins une, soit cohérente, parce que vous avez observé que le PS aussi a dû écrire son projet avec une gomme. Lui qui s'était prononcé pour une fédération d'états quand il a fait son alliance avec Chevènement, a été obligé de gommer l'expression, ce qui à mon avis n'est pas rendre service à la démocratie française.
Il y a une liste cohérente, et nous nous félicitons de porter cette rénovation de l'opposition, car Philippe (Douste-Blazy) l'a très bien dit, il y a dans les moments que nous sommes en train de vivre une mue, les choses changent, on passe de l'ordre ancien à une réalité nouvelle. Quelque chose se fait entendre qui ressemble au printemps.
On voit de nouveau apparaître des forces, des projets, des idées, des équipes qui pendant longtemps, pendant l'hibernation, s'étaient dissimulés, qu'on ne voyait plus, dont on désespérait de les voir à nouveau un jour.
Et nous, sereinement, tranquillement, nous avons réalisé, nous avons atteint ce premier but de faire apparaître et de faire identifier cette force politique nouvelle, de faire toucher du doigt la réalité d'une démarche politique qui est nouvelle en cela qu'elle est fondée sur la cohérence et sur la solidité des projets. C'est notre apport à cette rénovation de l'opposition.
Pour le reste en effet, quelque chose est en train de changer, et je trouve ce quelque chose juste et heureux. L'opposition va quitter les habits couleur muraille. Enfin, on va de nouveau pouvoir donner aux projets leur place, aux idées la reconnaissance qui leur est due, on va en effet voir apparaître des générations nouvelles et c'est très bien.
Je veux vous dire que je me réjouirai de ce que le RPR demain aille mieux, je me réjouirai que se constitue comme ils l'ont dit, le parti " conservateur libéral ". Si c'est leur réalité politique, c'est très bien, qu'ils l'assument. Voilà un espace qui sera occupé dans la vie politique française. Ce n'est pas exactement le nôtre : " ultra libéraux ", nous ne le sommes pas et nous ne le serons jamais, parce que notre projet est humaniste et requiert que les citoyens, au lieu d'être des producteurs et des consommateurs, et d'abord des consommateurs pensent, soient architectes de l'avenir du monde auquel ils appartiennent.
Mais que cet ensemble conservateur et libéral se constitue, je n'y vois que des avantages.
Que Charles Pasqua s'installe sur le terrain national qui hier était dévoyé par le FN, qui était tiré hors de sa légitimité pour en faire un instrument de contestation de la démocratie et des droits de l'homme, je n'y vois que des avantages, je trouve cela positif et heureux pour l'avenir.
Et nous allons enfin occuper le grand espace réformateur européen, solidaire dont on a besoin pour la politique française. Le vieux projet du Général de Gaulle, l'idée qu'il peut exister en effet un modernisme social, la nouvelle société qui fut illustrée par Chaban-Delmas autrefois, le libéralisme social de Giscard, le projet réformateur de Jean-Jacques Servan-Schreiber, tout cela tournait autour de la même idée qui était: on doit accepter et assumer la modernité, mais accepter et assumer la modernité, ce n'est pas laisser faire les marchés, surtout dans le monde ouvert où nous nous trouvons. Accepter et assumer la modernité, c'est se donner les moyens de construire un monde plus humain. Et c'est cela que nous voulons: construire un monde plus humain.
Nous avons l'intention de nous battre autour de cette idée et de nous donner les moyens de cette idée. Le premier moyen de cette idée, et vous voyez qu'inlassablement on revient au centre de la cible, c'est évidemment la construction d'une Europe efficace parce que s'il s'agit demain de parler aux marchés, d'imaginer une régulation, de faire que tous les arbitrages ne se fassent pas nécessairement contre l'emploi, alors il faut une voix capable de se faire entendre.
Il faut une intervention politique qui soit nécessairement entendue et c'est désormais à l'échelle de l'Europe que cela se fera. En même temps, ce monde plus humain, une fois qu'on aura entrepris de construire la puissance, il faudra qu'ils comprennent une deuxième chose et je m'adresse aux catalans, aux alsaciens, aux bretons, aux pyrénéens, aux basques, aux béarnais, aux parisiens, à 1'lle de France, aux auvergnats, aux guadeloupéens et aux martiniquais, aux réunionais et aux maoris, plus encore qu'aux autres, aux bretons et au nord: ils disent tous la même chose.
Ils disent: " nous avons besoin de proximité, nous voulons participer nous-mêmes à la gestion de nos propres affaires, l'état central à la française doit être réformé profondément pour que le terrain, la base, les collectivités locales aient enfin le pouvoir qui leur permettra de participer à le construction du monde nouveau ".
S'il y a un retard français, on l'a vu dans la dramatique affaire du sang contaminé, c'est celui-là. C'est le fait que nous en soyons encore au point où toutes les décisions, quels que soient les sujets qu'elles touchent si elles sont importantes, remontent à Paris, et à Paris, c'est à Matignon qu'elles se traitent. C'est la garantie qu'on se trompe.
Nous sommes le parti de la responsabilité qui veut, et je retrouve ainsi l'inspiration des créateurs de ceux qui ont fait naître nos familles politiques, nous sommes le parti qui pense que l'on n'est citoyen que si l'on est responsable, que la démocratie consiste aujourd'hui comme hier à porter au plus haut degré, je m'adresse ici aux jeunes, la conscience et la responsabilité de chacun.
L'éducation, la culture, l'inscription dans une réalité historique, c'est à dire la capacité d'agir de chacun, la puissance par l'Europe, la reconquête de la proximité par une réforme profonde de la France, de l'administration des décisions qui sont prises : voilà notre projet. Tout cela crée une société de partenaires, tout comme les associations et les communautés de base qui sont aussi les partenaires du pouvoir politique. On ne décide pas à leur place. Si nous conduisons à leur terme ce projet, cette histoire, cette aventure, si nous avons le courage d'être solides, de ne pas nous laisser impressionner, aujourd'hui comme hier, par les pressions de toutes sortes, les menaces de toutes sortes, les tentatives d'exclusion de toutes sortes, y compris celles qui visent l'agenda du Président de la République par un certain nombre de responsable du RPR, chargé désormais - si je comprends bien, de contrôler les rendez-vous de Jacques Chirac, si nous sommes capables de résister à tout cela, alors un grand espoir va se lever en France parce que c'est cela que nos concitoyens attendent. Ils ont besoin qu'une équipe nouvelle parle clairement, se fasse entendre clairement, qu'elle dise clairement où elle veut aller, qu'elle ouvre une voie nouvelle pour l'avenir de la France. Ils ont besoin qu'une équipe nouvelle parle clairement, qu'elle dise clairement où elle veut aller, qu'elle ouvre une voie nouvelle pour l'avenir de la France. C'est très simple.
Tous ensemble, nous sommes un vieil arbre avec des racines multiples qui plongent loin dans notre histoire européenne et nationale. Il y a la racine républicaine, je m'adresse ici aux radicaux, la racine démocrate et chrétienne, la racine indépendante, libérale et sociale.
Toutes ensemble, ces racines ont formé un arbre. Et cet arbre a des bourgeons. Et chacun de ces bourgeons s'appelle " espoir ". Et l'espoir, c'est la garantie de la victoire.
Je vous remercie.
(source http://www.udf.org, le 26 avril 1999)