Texte intégral
Conférence de presse conjointe à Rome, le 15 octobre 2001 :
Mesdames et Messieurs,
Je pourrai être très bref puisque M. Ruggiero a parfaitement résumé nos travaux de ce matin. Je me bornerai donc à dire que je le remercie ainsi que le ministère italien des Affaires étrangères pour avoir organisé cette rencontre de travail entre les diplomaties française et italienne à propos de la Méditerranée occidentale et plus particulièrement du Maghreb.
Je suis entièrement d'accord avec sa conclusion que je fais mienne, nous travaillons dans un très bon climat de confiance, de coopération et d'amitié et nous avons beaucoup de choses à faire ensemble dans beaucoup de régions du monde où nos diplomaties sont très proches, inspirées par des analyses communes. Nous pouvons encore augmenter cette coopération, cette coordination et ce sera extrêmement utile dans beaucoup d'endroits.
M. Ruggiero vous a dit que nous avions parlé du Proche-Orient, des Balkans, de l'avenir de l'Europe. Ainsi, c'était un échange bilatéral extrêmement utile dans une période où, certes, toutes sortes de questions sont modifiées dans leur approche par la tragédie du 11 septembre mais, il n'empêche que tous les problèmes sur lesquels nous étions en train de travailler avant, sont toujours là et nous ne devons baisser les bras sur aucun plan.
Nous ne devons pas nous désintéresser des Balkans. Nous devons persévérer. La politique européenne est bonne et c'est un problème de ténacité et de mise en uvre. Nous devons, plus que jamais, poursuivre nos efforts au Proche-Orient où la situation n'est pas bonne.
Enfin, nous devons continuer à travailler, à réfléchir ensemble à propos de l'avenir de l'Europe. A cet égard, c'est à Laeken, en décembre, que les chefs d'Etat et de gouvernement prendront les décisions sur l'organisation du débat qui se développera pendant les années 2002-2003 et jusqu'à la Conférence intergouvernementale de conclusion. C'est donc le moment où il faut intensifier nos réflexions avant ces décisions très importantes de Laeken. C'est pourquoi je me retrouve parfaitement dans ce qu'a dit Renato Ruggiero et une fois de plus, je constate et je souligne que nous nous comprenons immédiatement.
Mesdames et Messieurs, l'Italie et la France font partie, pour différentes raisons, des pays qui peuvent certainement être utiles à l'Afghanistan, au peuple afghan ; et nous voulions entendre l'ex-Roi d'Afghanistan aujourd'hui pour connaître son évaluation, ses intentions, compte tenu du rôle qu'il peut jouer dans l'intérêt de tous les Afghans dans cette période très très sensible. Je crois pouvoir dire à mon tour qu'il a été très sensible à notre démarche et au signal européen que représente le fait que deux ministres des Affaires étrangères de pays d'Europe viennent le voir ensemble dans cette perspective.
Q - Votre démarche découlait-elle d'un mandat européen.
()
R - Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Renato Ruggiero. Je rappellerai que l'Italie, ne serait-ce qu'en raison de la présence de l'ancien Roi ici, et aussi en raison du dynamisme de sa diplomatie a beaucoup de choses à apporter sur ce sujet. La France a proposé, il y a quelques jours, un plan pour l'Afghanistan, notamment sur l'aspect processus politique et la reconstruction du pays. L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont fait ensuite des propositions et nous avons constaté, au dernier Conseil Affaires générales, en discutant à Quinze d'ailleurs très facilement, que nous avions tout à fait les mêmes orientations. Et donc, il est important de souligner en ce moment que le dynamisme de plusieurs pays d'Europe s'exerce dans l'harmonie, puisque nous avons les mêmes analyses et les mêmes projets. C'est vrai entre Européens, mais c'est vrai aussi par rapport au rôle nécessaire de l'ONU. Nous sommes naturellement en liaison avec les Américains sur cette réflexion sur l'avenir politique de l'Afghanistan.
Q - Avez-vous constaté que le Roi a une idée sur la possibilité de rétablir la monarchie en Afghanistan ?
()
R - Ce qui est très important, c'est que les différentes composantes de la société afghane, les différentes forces politiques de ce pays, soient capables de se retrouver dans un processus consensuel de transition, et que les différents dirigeants afghans aient le courage de résister au scénario qui s'était produit il y a quelques années, qui est celui de la division. Et c'est pour cela que nous sommes tellement attentifs à cette question de la transition et au rôle que peut jouer l'ex roi dans ce processus. Entre autres forces il faut aussi que nous cherchions à combiner les différents éléments pour que ce soit une démarche d'unité qui l'emporte.
Q - Depuis des années, la diplomatie italienne s'est attachée au processus de Rome sur l'Afghanistan. Quand reverra-t-on le Roi en Afghanistan ?
R - Tout le monde connaît la complexité du problème afghan, sa complexité interne à cause des divisions qui est un des malheurs de ce pays et, d'autre part, la politique d'un certain nombre de pays voisins qui ont peut-être tenté un certain moment d'imposer telle ou telle solution, solutions partielles qui, du coup sont récusées chaque fois par une partie de la population. Il s'agit donc précisément, aujourd'hui, d'éviter que les divisions afghanes reprennent le dessus. Il s'agit de faire en sorte que les pays voisins fassent valoir des intérêts légitimes, c'est à dire le désir d'avoir comme voisin un Afghanistan pacifique qui ne puisse pas être le point de départ d'entreprises dangereuses pour vous. C'est le cas de tous les voisins, y compris le Pakistan, donc il est normal que les intérêts légitimes du Pakistan, de l'Iran, du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan, enfin de tous les pays soient pris en compte. C'est normal, mais il ne faut pas que la prise en compte de ces intérêts bloque des solutions plus larges, qu'on aboutisse précisément à des solutions qui ne seraient pas représentatives de l'ensemble des forces en Afghanistan. Tout ce sur quoi nous travaillons à l'heure actuelle, toutes ces réflexions sur la transition, ces réflexions sur un processus qui pourrait avoir lieu sous l'égide de l'ex roi, tout cela vise précisément à prendre en compte ces éléments légitimes et sans que cela devienne des facteurs de blocage et de nouvelles crises. D'où la multiplicité des contacts qui ont lieu en ce moment entre les différents protagonistes de cette crise, entre les grandes diplomaties, y compris avec le Pakistan où se trouve aujourd'hui Colin Powell, avec lequel nous sommes en contact. Tout cela se rejoint. Il faut surmonter cette difficulté.
Q - Est-ce que vos deux gouvernements pourraient accepter l'extension de l'opération militaire à d'autres pays musulmans ? Deuxième question : est-ce que l'idée d'une politique européenne a encore un sens quand certains membres du gouvernement italien ont des positions très pro-américaines et lorsque certains pays européens rêvent de l'Amérique. Est-ce qu'une politique européenne ne serait pas un alibi pour une politique pro-américaine ?
()
R - En ce qui concerne la première question, je rappelle que tous les pays d'Europe ont reconnu la légitimité et la nécessité des réactions américaines et que tous ont demandé que ces réactions soient ciblées, ce qui répond à la préoccupation du prince Abdallah de Jordanie. Et d'ailleurs, il n'y a pas que les Européens qui ont dit cela, presque tous les partenaires et tous les alliés des Etats-Unis ont dit cela, même les responsables américains eux-mêmes ont parlé de réactions ciblées.
Deuxièmement, en ce qui concerne la politique actuelle de la Grande-Bretagne, ce qui est frappant, c'est que tous les pays d'Europe sont d'accord dans cette affaire. Il ne faut pas attacher une importance particulière à des différences de style ou des différences des rôles. Ce qui est important c'est que sur l'analyse de la crise et sur ce qu'il faut faire, c'est à dire une réponse réelle, ciblée, qui prenne très au sérieux cette question de terrorisme sans tomber dans les amalgames que nous refusons, qui soit capable de s'attaquer aux racines du problème, il y a une impressionnante cohérence européenne ; ce n'est donc pas du tout une crise sur laquelle ont peu bâtir des théories à propos de je ne sais quelles divergences européennes, il n'y en a pas. Ensuite, chacun réagit en fonction de différents éléments mais il n'y a pas de divergence sur le fond et l'Europe est tout à fait unie sur cette question.
Q - Quels peuvent être les lieux et dates de la première réunion du Conseil suprême afghan ?
()
Q - Quel rôle l'ONU peut-elle jouer en Afghanistan ?
R - L'ONU peut intervenir de différentes façons, d'abord vous vous rappelez que le Conseil de sécurité de l'ONU a reconnu tout de suite que les Etats-Unis étaient en état de légitime défense au titre de l'article 51 de la Charte. C'était au début. Vous avez vu depuis que les Etats-Unis ont informé le Conseil de sécurité d'un certain nombre de points sur le développement de la crise. Quant à la question politique proprement dite, la question afghane, presque tous ceux qui se sont exprimés jusqu'ici à propos de l'avenir de l'Afghanistan - je pense aux quelques pays européens qui ont fait des propositions, je pense aux Etats-Unis, je pense à l'ex roi, je pense à différents responsables afghans - tous ont évoqué un rôle pour les Nations unies, un rôle souhaitable. Alors maintenant sous quelle forme exacte, c'est un peu trop tôt pour le dire.
Vous savez que le Secrétaire général des Nations unies vient de nommer un représentant spécial, M. Brahimi, qui connaît très bien le problème puisqu'il a déjà été son représentant pendant deux ans sur cette question. M. Brahimi, que j'ai vu longuement à Paris la semaine dernière, est en contact avec la diplomatie italienne, comme avec les autres protagonistes. Et nous sommes précisément, les uns et les autres, en train de travailler à définir ce que peut être le rôle de l'ONU, parce qu'il y a plusieurs solutions possibles; il faut adapter cela au calendrier. Il faudrait que ce rôle intervienne tôt, si les événements s'accélèrent. Mais il faut combiner ce rôle de l'ONU qui apporte une légitimité générale avec le processus politique dont nous parlions. Ce n'est pas l'ONU qui peut se substituer, en tant que telle, à un effort politique d'unité de la part des Afghans et à un travail de transition qui pourra conduire à des institutions stables; mais l'ONU peut garantir, accompagner, favoriser ceci ou cela. Nous ne pouvons pas répondre de façon plus précise à ce stade. La mission de M. Brahimi vise précisément à éclairer ce point. Mais en tout cas, tous les protagonistes de cette affaire souhaitent un rôle réel de l'ONU..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001 ____________________________________________________________________________________
Interview à France 2, à Rome le 15 octobre 2001 :
Q - Le Roi a 87 ans, comment l'avez-vous trouvé physiquement ?
R - Je l'ai trouvé très au fait de la situation, très préoccupé évidemment par la situation de son pays, très sensible à la scène internationale qui s'exprime là, très sensible également au fait que deux ministres européens des Affaires étrangères viennent recueillir son évaluation de la situation et ses intentions. Nous voulions le voir, M. Ruggiero et moi-même, parce que nous pensons dans cette période qui s'engage, il est un symbole de l'Afghanistan et que par rapport à ce processus de transition, il joue un rôle pour que les différentes composantes de la société afghane essaient de trouver une démarche consensuelle pour préparer la politique de substitution.
Q - Il vous semble toujours être la seule personne capable de ramener la paix en Afghanistan ?
R - Non, je ne dirais pas cela comme cela parce que l'Afghanistan a toujours été un pays civilisé, avec une économie, des régions, des provinces. Il est un symbole aujourd'hui. Je pense que personne n'irait accuser un peuple. Cela dépend de la place et des composantes de la société afghane dans le processus à venir. Mais c'est précisément autour de lui et autour de cette idée d'un processus de transition que les choses peuvent s'organiser.
Q - Quant à sa motivation à rentrer rapidement en Afghanistan et son rôle effectif ?
R - Sur son rôle effectif, je pense que son intention n'était pas de restaurer la monarchie mais d'être à la disposition des civils à un moment donné dans cette période de transition. Quant au fait de savoir s'il va rentrer, quand ou comment, nous n'en sommes pas là. Cela dépendra de la suite des événements. En revanche, ce qui n'attend pas c'est de voir les différents représentants des forces en Afghanistan. C'est cela que nous voulons accompagner, nous, ministres européens, la diplomatie américaine. Nous devons faire une concertation avec les pays voisins qui ont des intérêts légitimes en Afghanistan mais qui ne peuvent pas les utiliser pour bloquer le processus de réunification de ce pays. Je pense au Pakistan, je pense à l'Iran, je pense à l'Asie centrale.
Q - Justement, il reçoit aujourd'hui une délégation pakistanaise. Est-ce que vous en savez plus ?
R - Pas encore, nous en avons parlé mais c'est un début de discussion entre le Pakistan et les envoyés de l'ex-Roi. C'est un élément de paix.
Q - Quant à la visite de Colin Powell au Pakistan, la crise est loin d'être réglée...
R - Il est très important que Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, aille au Pakistan à la fois parler des opérations en cours mais plus encore parler de la suite, et d'autre part en Inde. Il est important de faire en sorte que dans cette affaire, les relations Pakistan-Inde ne se dégradent pas, par exemple à propos du Cachemire. Tous les pays de la région qui veulent l'aider à en sortir et redonner un appui au peuple afghan et à ce pays, font preuve de prudence et de sens des responsabilités. A cet égard, les actions de diplomatie américaine, de la présidence européenne, du Secrétaire général des Nations unies, qui a nommé un représentant personnel pour l'Afghanistan, M. Brahimi, les actions convergent et il faut agir sans retard.
Q - Cela veut dire aussi que l'après Taleban est loin d'être réglé ?
R - Non, cela veut dire, alors même que l'Afghanistan est toujours sous la coupe des Taleban, même s'ils sont évidemment ébranlés, que tous ceux qui peuvent apporter quelque chose d'utile au peuple afghan, n'attendent pas pour se préoccuper de l'avenir. Nous sommes en train de travailler sur l'avenir de l'Afghanistan.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
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Interview aux radios françaises à Rome le 15 octobre 2001 :
Q - Vous avez rencontré sa majesté l'ancien roi d'Afghanistan. Comment l'avez-vous trouvé ?
R - M. Ruggiero et moi-même avons tenu à le rencontrer compte tenu du rôle qu'il pourrait jouer dans cette période de transition qui s'annonce pour l'avenir du peuple afghan tout entier. Nous avons trouvé un homme qui est très conscient de la situation et qui est très soucieux que son peuple puisse reprendre le contrôle de son propre destin, que les différentes composantes du peuple afghan soient associées à ce processus et qu'il y a réfléchi. Il est très sensible au fait que deux ministres des Affaires étrangères européens viennent recueillir son évaluation et son projet et nous venons l'encourager à jouer ce rôle, naturellement, de contact avec toutes les forces afghanes.
Q - On sait qu'il y a un plan français pour l'après-Taleban. Quel rôle devrait jouer l'ex-roi d'Afghanistan dans ce plan ?
R - Il y a déjà un processus initié par les Italiens, le processus de Rome, il y a quelques années. Depuis quelques jours, il y a un plan français puis, ensuite, des propositions allemandes et britanniques. Tout cela va dans le même sens. Il s'agit de faire en sorte, au moment où vraisemblablement le régime actuel va s'effondrer ,que ne recommencent pas les affrontements internes. Ce serait tout à fait tragique alors qu'une chance s'offre peut-être pour le peuple afghan et pour ce pays. Il faut que nous agissions dans la même direction. Il s'agit donc de combiner le rôle dans la transition de l'ex-Roi, qui symbolise l'ensemble de l'Afghanistan, et la participation des différentes composantes afghanes. Un certain nombre de solutions a été envisagé, la réunion du Conseil, de cette assemblée traditionnelle, la Loya Jirgah. Notre but à nous, Européens, qui avons à cur le sort du peuple afghan, est que toutes les forces soient réunies et ne s'affrontent pas. C'est là-dessus que nous travaillons dans les contacts avec l'ex-Roi comme avec M. Brahimi, le représentant de Kofi Annan, comme avec tous les pays voisins.
Q - Est-il envisageable, puisque vous n'êtes pas encore en mesure de nous fournir des dates précises et que les choses semblent s'accélérer, que ces réunions que l'Italie propose d'ailleurs d'accueillir, puissent avoir lieu pendant l'opération militaire ?
R - Les contacts à propos de l'avenir politique de l'Afghanistan ont déjà commencé et il serait tout à fait irresponsable d'attendre la fin des opérations militaires par rapport aux réseaux terroristes pour réfléchir à l'avenir. Il fallait le faire tout de suite. C'était le sens principal du plan proposé par la France. Il faut penser tout de suite à ce processus politique et cela a déjà commencé au Pakistan et dans d'autres pays, à New York, autour de l'ex-roi. Il faut éviter qu'une situation se crée brusquement dans laquelle les affrontements de toujours recommencent. Le monde entier est prêt à aider les Afghans pour ne pas retomber dans le piège, de même que le monde entier sera prêt à aider l'Afghanistan, non seulement à reconstruire, mais surtout à rebâtir une économie qui puisse fonctionner car l'agriculture de ce pays est détruite. Il y a énormément à faire après. Mais il n'est pas trop tôt pour s'en préoccuper, au contraire. C'est également le sens, aujourd'hui, de notre entretien avec Renato Ruggiero.
Q - Il y a une émergence de plusieurs manifestations pro-taleban ce week-end. Y a-t-il une inquiétude par rapport aux réactions de la rue dans les pays musulmans ?
R - La réaction des Etats-Unis a été jugée légitime par les Nations unies. Elle a été expliquée. Tous les alliés des Etats-Unis ont demandé qu'elle soit vraiment ciblée sur les organisations terroristes et le régime Taleban qui les protégeait. Les Etats-Unis eux-mêmes ont expliqué et déclaré que c'était des réactions ciblées. On ne peut donc pas éviter complètement certaines réactions, mais nous sommes dans un cas de figure qui a été accepté, qui était nécessaire. Il fallait vraiment s'attaquer à tout le système. Maintenant, il faut aller au-delà, il faut travailler à l'avenir de l'Afghanistan, il faut travailler à l'ensemble des problèmes. Nous en sommes en train de le faire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
Mesdames et Messieurs,
Je pourrai être très bref puisque M. Ruggiero a parfaitement résumé nos travaux de ce matin. Je me bornerai donc à dire que je le remercie ainsi que le ministère italien des Affaires étrangères pour avoir organisé cette rencontre de travail entre les diplomaties française et italienne à propos de la Méditerranée occidentale et plus particulièrement du Maghreb.
Je suis entièrement d'accord avec sa conclusion que je fais mienne, nous travaillons dans un très bon climat de confiance, de coopération et d'amitié et nous avons beaucoup de choses à faire ensemble dans beaucoup de régions du monde où nos diplomaties sont très proches, inspirées par des analyses communes. Nous pouvons encore augmenter cette coopération, cette coordination et ce sera extrêmement utile dans beaucoup d'endroits.
M. Ruggiero vous a dit que nous avions parlé du Proche-Orient, des Balkans, de l'avenir de l'Europe. Ainsi, c'était un échange bilatéral extrêmement utile dans une période où, certes, toutes sortes de questions sont modifiées dans leur approche par la tragédie du 11 septembre mais, il n'empêche que tous les problèmes sur lesquels nous étions en train de travailler avant, sont toujours là et nous ne devons baisser les bras sur aucun plan.
Nous ne devons pas nous désintéresser des Balkans. Nous devons persévérer. La politique européenne est bonne et c'est un problème de ténacité et de mise en uvre. Nous devons, plus que jamais, poursuivre nos efforts au Proche-Orient où la situation n'est pas bonne.
Enfin, nous devons continuer à travailler, à réfléchir ensemble à propos de l'avenir de l'Europe. A cet égard, c'est à Laeken, en décembre, que les chefs d'Etat et de gouvernement prendront les décisions sur l'organisation du débat qui se développera pendant les années 2002-2003 et jusqu'à la Conférence intergouvernementale de conclusion. C'est donc le moment où il faut intensifier nos réflexions avant ces décisions très importantes de Laeken. C'est pourquoi je me retrouve parfaitement dans ce qu'a dit Renato Ruggiero et une fois de plus, je constate et je souligne que nous nous comprenons immédiatement.
Mesdames et Messieurs, l'Italie et la France font partie, pour différentes raisons, des pays qui peuvent certainement être utiles à l'Afghanistan, au peuple afghan ; et nous voulions entendre l'ex-Roi d'Afghanistan aujourd'hui pour connaître son évaluation, ses intentions, compte tenu du rôle qu'il peut jouer dans l'intérêt de tous les Afghans dans cette période très très sensible. Je crois pouvoir dire à mon tour qu'il a été très sensible à notre démarche et au signal européen que représente le fait que deux ministres des Affaires étrangères de pays d'Europe viennent le voir ensemble dans cette perspective.
Q - Votre démarche découlait-elle d'un mandat européen.
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R - Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Renato Ruggiero. Je rappellerai que l'Italie, ne serait-ce qu'en raison de la présence de l'ancien Roi ici, et aussi en raison du dynamisme de sa diplomatie a beaucoup de choses à apporter sur ce sujet. La France a proposé, il y a quelques jours, un plan pour l'Afghanistan, notamment sur l'aspect processus politique et la reconstruction du pays. L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont fait ensuite des propositions et nous avons constaté, au dernier Conseil Affaires générales, en discutant à Quinze d'ailleurs très facilement, que nous avions tout à fait les mêmes orientations. Et donc, il est important de souligner en ce moment que le dynamisme de plusieurs pays d'Europe s'exerce dans l'harmonie, puisque nous avons les mêmes analyses et les mêmes projets. C'est vrai entre Européens, mais c'est vrai aussi par rapport au rôle nécessaire de l'ONU. Nous sommes naturellement en liaison avec les Américains sur cette réflexion sur l'avenir politique de l'Afghanistan.
Q - Avez-vous constaté que le Roi a une idée sur la possibilité de rétablir la monarchie en Afghanistan ?
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R - Ce qui est très important, c'est que les différentes composantes de la société afghane, les différentes forces politiques de ce pays, soient capables de se retrouver dans un processus consensuel de transition, et que les différents dirigeants afghans aient le courage de résister au scénario qui s'était produit il y a quelques années, qui est celui de la division. Et c'est pour cela que nous sommes tellement attentifs à cette question de la transition et au rôle que peut jouer l'ex roi dans ce processus. Entre autres forces il faut aussi que nous cherchions à combiner les différents éléments pour que ce soit une démarche d'unité qui l'emporte.
Q - Depuis des années, la diplomatie italienne s'est attachée au processus de Rome sur l'Afghanistan. Quand reverra-t-on le Roi en Afghanistan ?
R - Tout le monde connaît la complexité du problème afghan, sa complexité interne à cause des divisions qui est un des malheurs de ce pays et, d'autre part, la politique d'un certain nombre de pays voisins qui ont peut-être tenté un certain moment d'imposer telle ou telle solution, solutions partielles qui, du coup sont récusées chaque fois par une partie de la population. Il s'agit donc précisément, aujourd'hui, d'éviter que les divisions afghanes reprennent le dessus. Il s'agit de faire en sorte que les pays voisins fassent valoir des intérêts légitimes, c'est à dire le désir d'avoir comme voisin un Afghanistan pacifique qui ne puisse pas être le point de départ d'entreprises dangereuses pour vous. C'est le cas de tous les voisins, y compris le Pakistan, donc il est normal que les intérêts légitimes du Pakistan, de l'Iran, du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan, enfin de tous les pays soient pris en compte. C'est normal, mais il ne faut pas que la prise en compte de ces intérêts bloque des solutions plus larges, qu'on aboutisse précisément à des solutions qui ne seraient pas représentatives de l'ensemble des forces en Afghanistan. Tout ce sur quoi nous travaillons à l'heure actuelle, toutes ces réflexions sur la transition, ces réflexions sur un processus qui pourrait avoir lieu sous l'égide de l'ex roi, tout cela vise précisément à prendre en compte ces éléments légitimes et sans que cela devienne des facteurs de blocage et de nouvelles crises. D'où la multiplicité des contacts qui ont lieu en ce moment entre les différents protagonistes de cette crise, entre les grandes diplomaties, y compris avec le Pakistan où se trouve aujourd'hui Colin Powell, avec lequel nous sommes en contact. Tout cela se rejoint. Il faut surmonter cette difficulté.
Q - Est-ce que vos deux gouvernements pourraient accepter l'extension de l'opération militaire à d'autres pays musulmans ? Deuxième question : est-ce que l'idée d'une politique européenne a encore un sens quand certains membres du gouvernement italien ont des positions très pro-américaines et lorsque certains pays européens rêvent de l'Amérique. Est-ce qu'une politique européenne ne serait pas un alibi pour une politique pro-américaine ?
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R - En ce qui concerne la première question, je rappelle que tous les pays d'Europe ont reconnu la légitimité et la nécessité des réactions américaines et que tous ont demandé que ces réactions soient ciblées, ce qui répond à la préoccupation du prince Abdallah de Jordanie. Et d'ailleurs, il n'y a pas que les Européens qui ont dit cela, presque tous les partenaires et tous les alliés des Etats-Unis ont dit cela, même les responsables américains eux-mêmes ont parlé de réactions ciblées.
Deuxièmement, en ce qui concerne la politique actuelle de la Grande-Bretagne, ce qui est frappant, c'est que tous les pays d'Europe sont d'accord dans cette affaire. Il ne faut pas attacher une importance particulière à des différences de style ou des différences des rôles. Ce qui est important c'est que sur l'analyse de la crise et sur ce qu'il faut faire, c'est à dire une réponse réelle, ciblée, qui prenne très au sérieux cette question de terrorisme sans tomber dans les amalgames que nous refusons, qui soit capable de s'attaquer aux racines du problème, il y a une impressionnante cohérence européenne ; ce n'est donc pas du tout une crise sur laquelle ont peu bâtir des théories à propos de je ne sais quelles divergences européennes, il n'y en a pas. Ensuite, chacun réagit en fonction de différents éléments mais il n'y a pas de divergence sur le fond et l'Europe est tout à fait unie sur cette question.
Q - Quels peuvent être les lieux et dates de la première réunion du Conseil suprême afghan ?
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Q - Quel rôle l'ONU peut-elle jouer en Afghanistan ?
R - L'ONU peut intervenir de différentes façons, d'abord vous vous rappelez que le Conseil de sécurité de l'ONU a reconnu tout de suite que les Etats-Unis étaient en état de légitime défense au titre de l'article 51 de la Charte. C'était au début. Vous avez vu depuis que les Etats-Unis ont informé le Conseil de sécurité d'un certain nombre de points sur le développement de la crise. Quant à la question politique proprement dite, la question afghane, presque tous ceux qui se sont exprimés jusqu'ici à propos de l'avenir de l'Afghanistan - je pense aux quelques pays européens qui ont fait des propositions, je pense aux Etats-Unis, je pense à l'ex roi, je pense à différents responsables afghans - tous ont évoqué un rôle pour les Nations unies, un rôle souhaitable. Alors maintenant sous quelle forme exacte, c'est un peu trop tôt pour le dire.
Vous savez que le Secrétaire général des Nations unies vient de nommer un représentant spécial, M. Brahimi, qui connaît très bien le problème puisqu'il a déjà été son représentant pendant deux ans sur cette question. M. Brahimi, que j'ai vu longuement à Paris la semaine dernière, est en contact avec la diplomatie italienne, comme avec les autres protagonistes. Et nous sommes précisément, les uns et les autres, en train de travailler à définir ce que peut être le rôle de l'ONU, parce qu'il y a plusieurs solutions possibles; il faut adapter cela au calendrier. Il faudrait que ce rôle intervienne tôt, si les événements s'accélèrent. Mais il faut combiner ce rôle de l'ONU qui apporte une légitimité générale avec le processus politique dont nous parlions. Ce n'est pas l'ONU qui peut se substituer, en tant que telle, à un effort politique d'unité de la part des Afghans et à un travail de transition qui pourra conduire à des institutions stables; mais l'ONU peut garantir, accompagner, favoriser ceci ou cela. Nous ne pouvons pas répondre de façon plus précise à ce stade. La mission de M. Brahimi vise précisément à éclairer ce point. Mais en tout cas, tous les protagonistes de cette affaire souhaitent un rôle réel de l'ONU..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001 ____________________________________________________________________________________
Interview à France 2, à Rome le 15 octobre 2001 :
Q - Le Roi a 87 ans, comment l'avez-vous trouvé physiquement ?
R - Je l'ai trouvé très au fait de la situation, très préoccupé évidemment par la situation de son pays, très sensible à la scène internationale qui s'exprime là, très sensible également au fait que deux ministres européens des Affaires étrangères viennent recueillir son évaluation de la situation et ses intentions. Nous voulions le voir, M. Ruggiero et moi-même, parce que nous pensons dans cette période qui s'engage, il est un symbole de l'Afghanistan et que par rapport à ce processus de transition, il joue un rôle pour que les différentes composantes de la société afghane essaient de trouver une démarche consensuelle pour préparer la politique de substitution.
Q - Il vous semble toujours être la seule personne capable de ramener la paix en Afghanistan ?
R - Non, je ne dirais pas cela comme cela parce que l'Afghanistan a toujours été un pays civilisé, avec une économie, des régions, des provinces. Il est un symbole aujourd'hui. Je pense que personne n'irait accuser un peuple. Cela dépend de la place et des composantes de la société afghane dans le processus à venir. Mais c'est précisément autour de lui et autour de cette idée d'un processus de transition que les choses peuvent s'organiser.
Q - Quant à sa motivation à rentrer rapidement en Afghanistan et son rôle effectif ?
R - Sur son rôle effectif, je pense que son intention n'était pas de restaurer la monarchie mais d'être à la disposition des civils à un moment donné dans cette période de transition. Quant au fait de savoir s'il va rentrer, quand ou comment, nous n'en sommes pas là. Cela dépendra de la suite des événements. En revanche, ce qui n'attend pas c'est de voir les différents représentants des forces en Afghanistan. C'est cela que nous voulons accompagner, nous, ministres européens, la diplomatie américaine. Nous devons faire une concertation avec les pays voisins qui ont des intérêts légitimes en Afghanistan mais qui ne peuvent pas les utiliser pour bloquer le processus de réunification de ce pays. Je pense au Pakistan, je pense à l'Iran, je pense à l'Asie centrale.
Q - Justement, il reçoit aujourd'hui une délégation pakistanaise. Est-ce que vous en savez plus ?
R - Pas encore, nous en avons parlé mais c'est un début de discussion entre le Pakistan et les envoyés de l'ex-Roi. C'est un élément de paix.
Q - Quant à la visite de Colin Powell au Pakistan, la crise est loin d'être réglée...
R - Il est très important que Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, aille au Pakistan à la fois parler des opérations en cours mais plus encore parler de la suite, et d'autre part en Inde. Il est important de faire en sorte que dans cette affaire, les relations Pakistan-Inde ne se dégradent pas, par exemple à propos du Cachemire. Tous les pays de la région qui veulent l'aider à en sortir et redonner un appui au peuple afghan et à ce pays, font preuve de prudence et de sens des responsabilités. A cet égard, les actions de diplomatie américaine, de la présidence européenne, du Secrétaire général des Nations unies, qui a nommé un représentant personnel pour l'Afghanistan, M. Brahimi, les actions convergent et il faut agir sans retard.
Q - Cela veut dire aussi que l'après Taleban est loin d'être réglé ?
R - Non, cela veut dire, alors même que l'Afghanistan est toujours sous la coupe des Taleban, même s'ils sont évidemment ébranlés, que tous ceux qui peuvent apporter quelque chose d'utile au peuple afghan, n'attendent pas pour se préoccuper de l'avenir. Nous sommes en train de travailler sur l'avenir de l'Afghanistan.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
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Interview aux radios françaises à Rome le 15 octobre 2001 :
Q - Vous avez rencontré sa majesté l'ancien roi d'Afghanistan. Comment l'avez-vous trouvé ?
R - M. Ruggiero et moi-même avons tenu à le rencontrer compte tenu du rôle qu'il pourrait jouer dans cette période de transition qui s'annonce pour l'avenir du peuple afghan tout entier. Nous avons trouvé un homme qui est très conscient de la situation et qui est très soucieux que son peuple puisse reprendre le contrôle de son propre destin, que les différentes composantes du peuple afghan soient associées à ce processus et qu'il y a réfléchi. Il est très sensible au fait que deux ministres des Affaires étrangères européens viennent recueillir son évaluation et son projet et nous venons l'encourager à jouer ce rôle, naturellement, de contact avec toutes les forces afghanes.
Q - On sait qu'il y a un plan français pour l'après-Taleban. Quel rôle devrait jouer l'ex-roi d'Afghanistan dans ce plan ?
R - Il y a déjà un processus initié par les Italiens, le processus de Rome, il y a quelques années. Depuis quelques jours, il y a un plan français puis, ensuite, des propositions allemandes et britanniques. Tout cela va dans le même sens. Il s'agit de faire en sorte, au moment où vraisemblablement le régime actuel va s'effondrer ,que ne recommencent pas les affrontements internes. Ce serait tout à fait tragique alors qu'une chance s'offre peut-être pour le peuple afghan et pour ce pays. Il faut que nous agissions dans la même direction. Il s'agit donc de combiner le rôle dans la transition de l'ex-Roi, qui symbolise l'ensemble de l'Afghanistan, et la participation des différentes composantes afghanes. Un certain nombre de solutions a été envisagé, la réunion du Conseil, de cette assemblée traditionnelle, la Loya Jirgah. Notre but à nous, Européens, qui avons à cur le sort du peuple afghan, est que toutes les forces soient réunies et ne s'affrontent pas. C'est là-dessus que nous travaillons dans les contacts avec l'ex-Roi comme avec M. Brahimi, le représentant de Kofi Annan, comme avec tous les pays voisins.
Q - Est-il envisageable, puisque vous n'êtes pas encore en mesure de nous fournir des dates précises et que les choses semblent s'accélérer, que ces réunions que l'Italie propose d'ailleurs d'accueillir, puissent avoir lieu pendant l'opération militaire ?
R - Les contacts à propos de l'avenir politique de l'Afghanistan ont déjà commencé et il serait tout à fait irresponsable d'attendre la fin des opérations militaires par rapport aux réseaux terroristes pour réfléchir à l'avenir. Il fallait le faire tout de suite. C'était le sens principal du plan proposé par la France. Il faut penser tout de suite à ce processus politique et cela a déjà commencé au Pakistan et dans d'autres pays, à New York, autour de l'ex-roi. Il faut éviter qu'une situation se crée brusquement dans laquelle les affrontements de toujours recommencent. Le monde entier est prêt à aider les Afghans pour ne pas retomber dans le piège, de même que le monde entier sera prêt à aider l'Afghanistan, non seulement à reconstruire, mais surtout à rebâtir une économie qui puisse fonctionner car l'agriculture de ce pays est détruite. Il y a énormément à faire après. Mais il n'est pas trop tôt pour s'en préoccuper, au contraire. C'est également le sens, aujourd'hui, de notre entretien avec Renato Ruggiero.
Q - Il y a une émergence de plusieurs manifestations pro-taleban ce week-end. Y a-t-il une inquiétude par rapport aux réactions de la rue dans les pays musulmans ?
R - La réaction des Etats-Unis a été jugée légitime par les Nations unies. Elle a été expliquée. Tous les alliés des Etats-Unis ont demandé qu'elle soit vraiment ciblée sur les organisations terroristes et le régime Taleban qui les protégeait. Les Etats-Unis eux-mêmes ont expliqué et déclaré que c'était des réactions ciblées. On ne peut donc pas éviter complètement certaines réactions, mais nous sommes dans un cas de figure qui a été accepté, qui était nécessaire. Il fallait vraiment s'attaquer à tout le système. Maintenant, il faut aller au-delà, il faut travailler à l'avenir de l'Afghanistan, il faut travailler à l'ensemble des problèmes. Nous en sommes en train de le faire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)