Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "RMC/BFMTV" le 16 février 2016, sur la croissance en France et dans le monde notamment en Chine, la poursuite des réformes pour la relance de l'emploi, sur les risques de sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne (Brexit).

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, ministre des Finances, est notre invité, bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous nous avez toujours dit, on le sait, que la baisse du chômage est conditionnée par un retour de la croissance, est-ce que la croissance reprend en France, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Oui, mais insuffisamment. Disons les choses telles qu'elles sont. Oui, parce que l'année dernière il y a eu un peu plus de 1 % de croissance, c'est-à-dire l'objectif que nous nous étions fixé. Il était modeste, mais nous l'avons atteint, alors que les trois années précédentes les objectifs qu'on avait pu se fixer on n'avait pas réussi à les atteindre parce qu'il y avait eu un certain nombre de phénomènes qui nous avaient tirés vers le bas. Donc, l'année dernière, nous avons atteint l'objectif, mais 1 %, pour répondre à votre question, c'est insuffisant pour faire, en France, en France, reculer le chômage, même si l'année dernière ont été créés, dans les entreprises, des emplois, comme ce n'était pas le cas auparavant. Donc pour cette année 2016…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, où on en est là ? Au 15 février, on en est où ?
MICHEL SAPIN
Pour cette année 2016, l'objectif que nous nous sommes fixés est de 1,5 %, je le maintiens, même s'il y a un certain nombre d'événements, un certain nombre de turbulences, un certain nombre de sujets, qui aujourd'hui sont apparus et qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que donne ce premier trimestre ?
MICHEL SAPIN
On est juste au début de ce premier trimestre, les enquêtes qui sont faites, parce qu'aujourd'hui on n'est pas sur des résultats, on est sur des appréciations, les enquêtes sont faites par la Banque de France ou par l'INSEE, sont aujourd'hui positives. Après, un léger ralentissement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça pourrait donner quoi, 0,3, 0,4 % au premier trimestre ?
MICHEL SAPIN
La Banque de France dit 0,4 % au premier trimestre et je pense qu'on est dans cette direction-là sur l'ensemble de l'année, ce qui nous met, il suffit de faire le calcul, quelque part aux alentours de 1,5 ou 1,6. Mais il faut pousser, ça ne vient pas tout seul, la croissance elle ne tombe pas du ciel, surtout quand on est dans un contexte, par ailleurs, qui est un contexte plus troublé qu'il ne l'était l'année dernière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, croissance molle un peu partout dans le monde, les marchés financiers sont très instables dans le monde, est-ce que vous redoutez une crise financière semblable à celle de 2008 ou 2011 ?
MICHEL SAPIN
Non, il ne faut pas confondre une instabilité, ce que dans le jargon on appelle une volatilité, c'est-à-dire un jour ça baisse, un jour ça monte, si je voulais regarder le chiffre d'hier c'était +3 %, le chiffre d'avant-hier était à moins quelque chose, donc ça c'est une instabilité, il ne faut pas confondre cela avec ce qui s'est passé en 2000 (sic). D'autant plus que, heureusement, depuis 2008 le monde, l'Europe et la France, ont pris un certain nombre de décisions pour sécuriser, renforcer en particulier le système financier et le système bancaire. Donc les banques, ce n'est pas des mots comme ça en l'air, les banques françaises, les banques européennes, sont beaucoup plus solides aujourd'hui qu'elles ne l'étaient en 2008. Donc nous sommes à l'abri d'un krach au sens où vous l'entendez. Est-ce que nous sommes à l'abri de toutes turbulences ou de toutes difficultés ? Non, et c'est pour ça qu'il faut être très attentif et prendre les bonnes décisions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Chine – parlons d'Europe vite fait – la Chine veut être, enfin l'économie chinoise veut être reconnue comme une économie de marché. Est-ce que vous êtes favorable à la reconnaissance de la Chine comme économie de marché ? Il y a débat au niveau européen.
MICHEL SAPIN
Je ne suis pas sûr qu'il y ait débat au niveau européen…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
MICHEL SAPIN
Je pense que nous avons à peu près tous la même conviction au niveau de chacun de nos pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non ?
MICHEL SAPIN
La Chine a beaucoup progressé, la Chine a beaucoup progressé, la Chine est en train, aujourd'hui, de transformer une économie vers une économie qui s'appuie sur son marché intérieur, alors que jusqu'à présent elle était appuyée sur le marché extérieur, mais la Chine n'est pas arrivée au bout des transformations nécessaires. Il y a en particulier, dans un certain nombre de productions, on pense aujourd'hui à l'acier, une capacité pour la Chine à vendre à pas cher, si je puis dire, à moins cher qu'elle ne produit, un certain nombre de ses productions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non ?
MICHEL SAPIN
Donc il me semble que nous avons encore des progrès à faire dans la discussion avec la Chine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc non aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
Je dis, je pense que nous avons encore beaucoup de progrès à faire avec la Chine pour faire en sorte qu'elle fonctionne comme nos propres économies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'est pas question aujourd'hui, Michel SAPIN disons clairement les choses aujourd'hui, il n'est pas question de reconnaître la Chine comme économie de marché ?
MICHEL SAPIN
Je répète, elle a beaucoup progressé, ce n'est plus du tout la même Chine qu'il y a 10 ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup progressé c'est une chose, mais…
MICHEL SAPIN
Oui, mais il faut reconnaitre… quand vous êtes du côté des autorités chinoises, que vous avez fait des progrès, si vous entendez les autres…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les enjeux sont tels, Michel SAPIN, vous le savez bien.
MICHEL SAPIN
Si vous entendez les autres vous dire « mais non, vous n'avez absolument pas progressé », ce serait insultant pour eux. Il y a beaucoup de progrès…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est insuffisant.
MICHEL SAPIN
Mais c'est insuffisant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, c'est insuffisant, ok. Un mot sur la Grande-Bretagne, la sortie éventuelle de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Davis CAMERON était à Paris hier. Faut-il tout faire, tout faire, pour éviter que la Grande-Bretagne ne sorte de l'Union européenne ?
MICHEL SAPIN
Il faut faire, mais pas quelque chose qui serait contraire à l'intérêt de l'Europe, de la construction européenne, et à l'intérêt, en l'occurrence, de la France. Donc, moi je trouve légitime, c'est un choix souverain, de consulter son peuple, ça nous est arrivé, donc c'est un choix souverain de consulter son peuple, c'est le choix qu'a fait Monsieur CAMERON. Ensuite il veut avoir des arguments, c'est ce qu'il nous dit, pour inciter les Anglais à voter oui, oui au maintien dans l'Union européenne, donc il y a une discussion pour lui permettre de montrer que sur certains points il y a des avancées qui peuvent être parfaitement légitimes. Mais il y a des lignes, qu'on ne peut pas passer. Ces deux lignes, je ne vais pas rentrer dans la technique, mais ces deux lignes elles sont assez simples. A 28 nous avons un marché unique, c'est-à-dire qu'on peut avoir des produits, ou des produits financiers, qui doivent pouvoir circuler sur ce marché à 28, sans qu'il y ait une réglementation pour l'un, une réglementation pour l'autre. Je tiens à ce marché unique, y compris dans le domaine financier, où l'Angleterre se sent très forte avec la place de Londres. Le deuxième principe c'est que nous avons une zone euro, cette zone euro elle doit pouvoir s'approfondir, elle est plus forte qu'elle n'était, mais elle a encore des fragilités, elle a encore des progrès à faire, elle a encore de l'intégration à mettre en oeuvre, et personne ne doit pouvoir nous dicter notre conduite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Pacte de responsabilité, la mise en oeuvre est-elle satisfaisante ? J'ai vu l'avertissement lancé par le Premier ministre hier, est-ce que cette mise en oeuvre est satisfaisante, franchement, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Il a dit hier qu'il y avait quelque chose qui était insatisfaisant, réellement insatisfaisant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quoi ?
MICHEL SAPIN
C'est que les partenaires sociaux s'étaient engagés à ce que, comme on dit dans les branches, c'est-à-dire secteur par secteur, il y ait des accords, non pas des accords contraignants, on n'est pas dans une économie administrée, on est dans une économie de marché, là aussi - il n'y a pas que la Chine qui fait des progrès, nous aussi – nous sommes dans une économie de marché. Donc, il ne s'agit pas de dicter aux entreprises leur conduite, mais enfin, les Français font aujourd'hui un effort légitime pour alléger les charges des entreprises. Quel est l'objectif de cet allégement des charges ? C'est de pouvoir créer des emplois, investir et créer des emplois. Ça ne se fait pas partout de la même manière. Il y a des secteurs, je prends le bâtiment - ils ont signé – où le seul objectif de maintenir les emplois est déjà louable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais attendez, 16 ou 17 branches ont signé, sur combien, sur 50…
MICHEL SAPIN
Sur 50 grandes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur 50 grandes !
MICHEL SAPIN
Parce qu'il y en a des quantités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 16 ou 17 branches se sont engagées à créer des emplois et à investir.
MICHEL SAPIN
C'est insuffisant, donc, dans les autres branches il est absolument nécessaires que les partenaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-vous conditionner ces aides ?
MICHEL SAPIN
Le Premier ministre a dit, à juste titre, que nous avions déjà mis en oeuvre les deux ou trois premiers volets de ce Pacte de responsabilité, CICE et Pacte de responsabilité, il nous reste un volet à mettre en oeuvre, en 2017. Donc, au cours de l'année 2016, les choses doivent progresser. Aucun contribuable ne peut accepter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que vous, vous êtes prêt à conditionner ces aides ?
MICHEL SAPIN
Conditionner, ça voudrait dire quoi ? Par rapport à quoi, je ne sais pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'on aide en contrepartie de créations d'emplois.
MICHEL SAPIN
Mais si c'est conditionné entreprise par entreprise, on serait dans une bureaucratie pas possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais branche par branche.
MICHEL SAPIN
Même branche par branche, c'est très compliqué. par contre il y a un volet l'année prochaine, il y a des baisses, par exemple un truc que personne ne connaît qui s'appelle la C3S, mais enfin qui pèse encore pour 3,5 milliards sur un certain nombre d'entreprises, nous l'avons dit pour l'année prochaine, nous devons le faire dans des conditions qui permettent la création d'emplois, toutes les branches, mais il n'y a aucune raison, du côté patronal, pour ne pas signer branche par branche des accords qui permettent à chacun…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un avertissement en quelque sorte.
MICHEL SAPIN
Je crois que c'est un avertissement que le Premier ministre a voulu donner hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux projets de loi importants, projets de loi SAPIN/ MACRON, et projet de loi El Khomri. Je vais commencer avec le projet de loi El Khomri. Dans le cadre de cette loi, présentée le 9 mars par Myriam EL KHOMRI, il s'agirait de simplifier le licenciement économique.
MICHEL SAPIN
Il s'agit de beaucoup plus que ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, beaucoup plus que ça, mais là c'est un point très important, vous le savez bien.
MICHEL SAPIN
Je vais y répondre, mais il s'agit de beaucoup plus que ça. Il s'agit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De libérer…
MICHEL SAPIN
De simplifier le Code du travail, de le rendre plus lisible. Combien de fois vous nous avez dit, les uns ou les autres, à juste titre, c'est un gros pavé illisible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Donc, on avance, avec des rapports très intéressants, Monsieur BADINTER…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on les a lus.
MICHEL SAPIN
Vous les avez lus, c'est bien, parce qu'ils sont déjà imposants, mais, donc, il faut simplifier le Code du travail. La deuxième chose, c'est un autre rapport de Monsieur COMBREXELLE, où il s'agit de faciliter la négociation dans l'entreprise. C'est très important ça aussi. Par exemple, on parle souvent de l'organisation du temps de travail, il faut que cette organisation soit au plus près de la situation de chacune des entreprises, et donc ça c'est faciliter la négociation dans l'entreprise. Et puis il y a, le sujet est sur la table, il n'est pas tranché, aucun choix n'a été fait aujourd'hui, le sujet est sur la table, la question dite de la simplification du licenciement. Si simplifier le licenciement ça veut dire je peux jeter comme je veux, quand je veux, un salarié, ça, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais certains pensent qu'il…
MICHEL SAPIN
Parfois j'entends dire ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris Michel SAPIN, mais…
MICHEL SAPIN
Si la question est de clarifier les motifs économiques, il y a plusieurs motifs pour licencier quelqu'un…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Quelqu'un qui a fait une faute, ou quelqu'un… licenciement économique. Si on veut le clarifier pour mettre à l'abri d'un certain nombre d'interprétations, si par exemple on veut mettre dans le Code du travail ce qu'on appelle la jurisprudence, c'est-à-dire les décisions qui ont déjà été prises par les juges, pour le rendre plus clair, plus simple, plus lisible là aussi, ça peut être une bonne chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, ça veut dire permettre à l'employeur de licencier en évoquant pour seul motif le souci de sauvegarde de l'entreprise ?
MICHEL SAPIN
Alors ça c'est le sujet que certains mettent sur la table, mais ce n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la jurisprudence aussi !
MICHEL SAPIN
En partie, mais ce n'est pas comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas tout à fait comme ça, mais est-ce…
MICHEL SAPIN
La jurisprudence a essayé de préciser, on peut le comprendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, si l'entreprise est menacée, économiquement, est-ce qu'on doit donner la possibilité au patron de licencier plus facilement, économiquement ?
MICHEL SAPIN
Pas plus facilement, mais dans ces cas-là il est évident qu'un licenciement est nécessaire à la, je reprends vos termes, survie de l'entreprise. Mais il y a…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il faut donner la possibilité de licencier si la survie de l'entreprise est en jeu.
MICHEL SAPIN
C'est évidemment déjà le cas aujourd'hui, c'est même ça un licenciement économique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais faciliter, accélérer la souplesse.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas faciliter ou accélérer la souplesse, c'est rendre plus clair, clarifier. Souvent on est un chef d'entreprise, on nous dit « mais je ne sais pas très bien, je ne comprends pas très bien, dans quel cas je vais pouvoir, dans quel cas je ne vais pas pouvoir. Dans quel cas il va falloir que je paye quelque chose, dans quel cas je n'ai pas à payer. » C'est cela qu'il veut clarifier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le chef d'entreprise pourra.
MICHEL SAPIN
Il faut que ce soit plus clair, dans des conditions qui aujourd'hui ne sont pas encore arrêtées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Projet de loi Macron/ Sapin, Sapin/ Macron, Macron/ Sapin, il paraît qu'il vous a poussé dans l'escalier…
MICHEL SAPIN
Voyez, je m'en suis remis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous en êtes remis, oui. Non, enfin, je dis ça comme ça parce que c'était un trait d'humour que vous avez fait…
MICHEL SAPIN
Oui, c'est parce que tout le monde disait que, je ne sais pas quoi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce projet de loi Macron/ Sapin, on va parler de, si vous voulez bien, de corruption avant. Lutte contre la corruption, vous avez annoncé plusieurs choses. La corruption des agents publics à l'étranger, les lobbies, vous voulez créer un registre des lobbies.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est ce qui existe dans la plupart des pays, vous êtes en Allemagne, vous êtes aux Etats-Unis, ou vous êtes en Grande-Bretagne. Un lobby, c'est un terme qui apparaît négatif quand on l'utilise en France, des gens qui veulent valoir un intérêt. On a parfaitement le droit de faire valoir les intérêts de, je ne sais pas quoi moi, des journalistes, ou des fabricants de ceci, ou des fabricants de cela, c'est parfaitement légitime. Il faut que ça se fasse en toute clarté, ce qui compte c'est la clarté, ce qui compte c'est qu'on puisse savoir qui représente quels intérêts, qui est susceptible de rencontrer les ministres pour faire valoir ses intérêts, qui est susceptible de rencontrer les députés ou les sénateurs au moment où un texte de loi est discuté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On offre des voyages, on invite à déjeuner…
MICHEL SAPIN
Justement, c'est pour éviter ce genre de choses. Donc, on sait qui a le droit, est en capacité de faire valoir des intérêts. Et ensuite on met des règles, qui sont des règles, vous me direz, qui vont de soi, mais il ne faut pas trop apporter d'arguments qui soient mensongés, des chiffres dont on sait qu'ils seraient faux, à l'appui d'un argument, ou, évidemment, des avantages même si c'est des avantages qui peuvent paraitre anodins, ils ne le sont pas lorsqu'il s'agit de faire en sorte que la décision publique soit une décision irréprochable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A propos de lobbies, il y a le lobby du tabac, est-ce que les prix des cigarettes, du tabac, vont augmenter, est-ce que les prix vont augmenter en France ?
MICHEL SAPIN
On a voté cette question-là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un moment que ça n'a pas été augmenté.
MICHEL SAPIN
On a voté cette question-là à la fin de l'année 2015 pour 2016, il n'y a pas d'augmentation des prix du tabac.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous rendez compte, ça encourage la consommation.
MICHEL SAPIN
Non, en sens inverse nous avons mis en place…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment, tous ceux qui se battent contre le tabac le disent.
MICHEL SAPIN
On a mis en place quelque chose de très nouveau, qui fait d'ailleurs réagir un certain nombre de personnes, qu'on appelle le paquet neutre. Le choix qu'a fait le gouvernement ce n'est pas, la même année, et le paquet neutre, et une augmentation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aucune augmentation avant la présidentielle ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, mais pour l'année 2016 le choix n'a pas été fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais moi je vous dis, avant la présidentielle, il y a un calendrier.
MICHEL SAPIN
On va prendre les choses à prendre, ça se discute dans une loi de finances, dans la loi de finances il n'y a pas eu d'augmentation du prix du tabac.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L' entrepreneuriat, donc la loi Macron/ Sapin, il s'agit d'encourager les créations d'entreprise, les faciliter et les encourager, on est bien d'accord. Les auto-entrepreneurs, il y a des plafonds, 32.900 euros pour les services actuellement et puis, je crois, 82.000 euros, quelque chose comme ça, pour le commerce. Est-ce que vous allez augmenter…
MICHEL SAPIN
C'est un peu plus de 32.000, parce qu'on doit être à 38.000, mais je ne veux pas chipoter sur les chiffres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez augmenter ces plafonds ?
MICHEL SAPIN
C'est une demande qui est faite par certains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.
MICHEL SAPIN
Et nous allons encore en discuter ce matin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?
MICHEL SAPIN
Ce matin avec les représentants du monde de l'artisanat, qui lui y voit pas mal d'inconvénients.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment, ils s'inquiètent.
MICHEL SAPIN
Alors il peut y avoir des modalités qui donnent de la souplesse et qui permettent, y compris à l'artisanat, de s'y retrouver. Nous allons en discuter en ce moment et nous verrons quelles conséquences…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes favorable ?
MICHEL SAPIN
Je répète, dans ce domaine-là, ce qui compte c'est aussi de savoir échanger. Si nous arrivons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est sûr.
MICHEL SAPIN
Mais non, mais échanger avec les gens, ceux qui savent ce que c'est.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
C'est l'artisan qui sait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je pense, moi, à tous les auto-entrepreneurs qui nous écoutent, et je pense aussi aux artisans.
MICHEL SAPIN
Je pense aux auto-entrepreneurs d'aujourd'hui, qui resteront auto-entrepreneurs puisqu'il n'est pas question d'abaisser le seuil, la question est de savoir s'il y en aura plus, si monte le seuil, donc si on donne la capacité d'être plus gros, d'être un plus gros entrepreneur, qu'aujourd'hui. Mais moi je regarde aussi du côté des artisans. Qu'est-ce que ça veut dire pour eux ? Ça veut dire qu'il y a quelqu'un qui fait le même travail, dans des conditions qui sont moins chères, moins lourdes, et donc qui crée une concurrence. Elle peut être légitime au début cette concurrence, lorsqu'on se lance, lorsqu'on crée son entreprise, donc c'est normal de faciliter, mais il y a un moment donné où il faut mettre une limite, c'est cette limite qui est en cours de discussion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, EDF présente des résultats moins bons que l'année dernière…
MICHEL SAPIN
Ils sont encore bons, mais c'est pour l'avenir qu'il faut se poser des questions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien sûr. L'Etat est actionnaire à 85 %, je le rappelle. EDF demande une hausse des tarifs de l'électricité, oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Ça, ça fait déjà un bout de temps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça fait un bout de temps, mais…
MICHEL SAPIN
Le problème, aujourd'hui en tous les cas, c'est que les prix du marché – c'est quoi le prix du marché ? Ce n'est pas le prix auquel vous vous l'achetez ici, mais c'est le prix auquel EDF le vend à d'autres, qu'à lui-même, ou le vend à l'extérieur, puisque vous savez que nous sommes exportateurs d'électricité, on en vend en particulier en Allemagne, et ce prix-là dépend, c'est le prix du marché, qui lui aussi dépend du prix du pétrole ou du gaz. Donc quand le prix du pétrole ou du gaz diminue, ça fait diminuer aussi le prix de marché. Ce prix de marché aujourd'hui est très bas, à ce niveau-là, c'est compliqué, c'est difficile d'entretenir dans de bonnes conditions, de construire dans de bonnes conditions. Donc il y a vraie question qui nous est posée là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une vraie question sur l'avenir d'EDF.
MICHEL SAPIN
La première chose qu'il faut se poser comme question, nous le faisons, c'est qu'est-ce que fait l'Etat ? L'Etat aujourd'hui reçoit un dividende, vous disiez que nous sommes propriétaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusque-là en cash, est-ce que vous allez le recevoir en actions pour 2015 ?
MICHEL SAPIN
Vous avez trouvé exactement la problématique, quand c'est en cash, ça fait une recette, moi en tant que ministre des Finances…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes content.
MICHEL SAPIN
Je suis plutôt heureux de recevoir une recette, ça finance les activités, je pense qu'on ne peut pas continuer de la même manière parce que les besoins aujourd'hui d'EDF…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc en actions pour 2015.
MICHEL SAPIN
… je préférerais, je pense que c'est ce vers quoi nous allons, que ce soit un paiement en actions, c'est-à-dire que moi je ne récupère pas de l'argent, mais EDF peut réinvestir en son sein l'équivalent de ce cash que l'Etat n'aura pas touché.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, vous avez vu cette Une vendredi matin, Monsieur Bricolage après le remaniement ? La Une du Parisien Aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
Si toutes les Une étaient justes, ça se saurait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Replâtrage et immoralité disait hier Jack LANG.
MICHEL SAPIN
Oui, il exagère un peu mais il est habitué de l'exagération Jack LANG, ce n'est pas d'aujourd'hui y compris lorsque…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre deux portes, en quelques heures, on change un gouvernement, c'est typiquement français, trois ministres de l'Education nationale en quatre ans, trois ministres de la Culture en trois ans, trois ministres du Logement en trois ans, c'est ce qu'il disait, moi je reprends…
MICHEL SAPIN
Il s'y connait parce qu'il a dû participer à combien de gouvernements et donc à combien de remaniements Jack LANG ? Donc il parle en connaissance de cause.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre dame des landes, je termine avec Notre Dame des Landes, j'aimerai savoir parce qu'on nous propose ce référendum, c'est le président de la République qui…
MICHEL SAPIN
C'est une bonne chose, non ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Je suis plutôt favorable à l'idée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je suis favorable, mais qui, encore faut-il savoir qui peut voter ?
MICHEL SAPIN
Oui bien sûr ça va être le sujet, il faut que ce soit ceux qui sont concernés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est qui, le département est possible…
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas seulement le département, mais il y a deux régions qui sont concernées…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça pourrait être au niveau régional ?
MICHEL SAPIN
C'est à voir, mais il y a deux régions aujourd'hui qui sont concernées en tant qu'entité du développement économique, celle dont la capitale est Nantes, et puis la Bretagne puisque la Bretagne considère que ce futur aéroport est en quelque sorte son aéroport.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux régions pourraient voter ?
MICHEL SAPIN
Je ne sais pas si c'est l'ensemble de ces deux régions, mais en tous les cas, il y a un corps électoral à fixer ; mais que l'on consulte les gens sur un sujet de cette nature, ça me parait indiscutable. Indiscutable, c'est une bonne chose, la démocratie, ça sert à quelque chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Michel SAPIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2016