Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
Il est symbolique que le Mouvement des Citoyens tienne son congrès ici à Marseille au moment où est mis en service le TGV Méditerranée. Il faut féliciter tous ceux, ingénieurs, techniciens, ouvriers, cheminots et d'autres encore qui ont contribué à cette performance. Il faut aussi constater que cette prouesse n'a été possible que par l'existence d'une entreprise publique nommée SNCF. Aujourd'hui, dans trop de pays, sous prétexte de privatisation, le chemin de fer est bradé. Pourtant l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et la lutte contre les gaz à effet de serre ne peuvent se limiter à des plans régionaux et à des mesures autoritaires contre les voitures. Il faut d'abord développer une offre de qualité dans les transports en commun, ferroviaires comme urbains.
Cette mise en service intervient alors que les dogmes du politbureau bruxellois de l'idéologie libérale se heurtent à la réalité économique. Les salariés d'AOM et d'Air-Liberté sont d'abord les victimes des différents commissaires à la concurrence qui se sont succédés à Bruxelles. Par aveuglement doctrinaire, ils ont exigé que l'avion concurrence l'avion. Eh bien non ! En France, l'avion et le train à la fois se concurrencent et se complètent. Mais, ces adulateurs de la " Main invisible " ne veulent pas comprendre que le service public correspond à la présence de la République dans le champ économique.
Le secteur public est indirectement le socle de la solidarité républicaine. C'est le fonds de développement et de service commun à tous et pour tous, le patrimoine de tous les Français. Amenuiser, voire liquider les services publics, c'est attenter à un des supports essentiels de la République. Ouvrons les yeux, la disparition des services publics entraînera ipso facto la remise en cause des retraites par répartition et des régimes spéciaux. C'est une illusion totale de croire que des fonds de pension français, mais privés, défendraient l'intérêt national et les retraités.
En France, nous avons déjà une sorte de fond de pension privé, celui qui gère les intérêts des " héritiers de Wendel ". Monsieur Ernest-Antoine Seillières est en train de nous en montrer les limites et les dangers. Les retraites des Français ne doivent pas être soumises aux errements de la corbeille.
Or, que voit-on aujourd'hui ? La privatisation de GDF n'a été que retardée. EDF s'engage dans une stratégie mondialiste, qui implique sa privatisation que préparent déjà ses actuels dirigeants. De telles options laissent pantois au moment où la Californie connaît une crise électrique sans précédent, au moment où New York est menacée du même sort, au moment où EDF investit désormais le moins possible en France, et surtout pas dans des moyens sérieux de production. Notre pays risque de connaître à son tour d'ici quelques années une grande panne. Aujourd'hui déjà EDF ne peut plus répondre aux demandes d'équipements des collectivités locales qui veulent favoriser l'installation des entreprises. Les collectivités doivent débourser ce qu'EDF finançait normalement avant l'ouverture du marché intérieur.
Depuis plus de cinquante ans, EDF est à juste titre, en France et dans le monde, l'exemple emblématique de la réussite du service public. Sa puissance financière actuelle en découle directement. Elle est utilisée à mauvais escient pour acquérir des parts de marché un peu partout dans le monde. Ces achats provoquent une indignation en Espagne et en Italie. Ces deux pays ont cependant tort d'avoir livré leur électricité au marché. La coopération entre les peuples est une belle chose, on ne saurait la confondre avec les rivalités entre groupes privés. Alors, disons les choses en toute transparence. La stratégie de François ROUSSELY à la Présidence d'EDF a consisté à diviser EDF en trois branches. Certes, il restera toujours une entreprise mondialisée, bientôt privatisée et multinationale, qui utilisera le sigle et le prestige d'EDF, mais EDF, service national et public, aura disparu. EDF ne travaillera plus pour la France et les Français. EDF devra satisfaire les intérêts de ses actionnaires et d'une poignée de ses dirigeants. Il serait temps qu'un gouvernement de gauche mette fin à de telles dérives.
Le Mouvement des Citoyens doit intervenir au plus près des préoccupations quotidiennes de nos compatriotes et proposer des solutions dont la cohérence s'affirme dans un projet, celui de la République, de la République moderne, de la République sociale que nous voulons. Les retraites, les services publics, l'emploi ont été et restent plus que jamais nos priorités. Ne soyons pas sur la défensive. Assez de bourrage de crâne ! Proposons, faisons passer notre projet pour remettre la France au travail et relancer la croissance. Cette tâche sur le terrain est celle qui nous est dévolue pour favoriser le développement du pôle républicain.
Actuellement, la refondation sociale est sûrement l'un des sujets les plus pernicieux et les plus pervers de la déconstruction républicaine. A la loi égale pour tous, on substitue le contrat, le contrat qui n'est que la formalisation du rapport de forces, rapport forcément inégal. Ainsi, sera véritablement instaurée une société à deux vitesses. Dans quelques cas, il y aura des syndicats forts, ou des cadres titulaires qui, par leur spécialisation pointue, seront en mesure de négocier leur force de travail. Dans d'autres, les plus nombreux, il n'y aura pas de syndicat, il n'y aura que des individualités sans spécialité recherchée, soumis à la dure loi du marché. La refondation sociale a pour finalité de remettre en question les avancées sociales arrachées par des luttes souvent dures au cours des cent cinquante dernières années. Nos anciens savaient que le syndicalisme est un outil indispensable à l'émancipation des travailleurs. L'individualisme ne l'emportait pas sur l'organisation collective. Et les politiques savaient qu'ils tenaient leur mandat du peuple, du suffrage universel. La démocratie citoyenne était vivante, la démocratie d'opinion ne gouvernait pas la majorité des dirigeants politiques.
La refondation sociale et l'exaltation de la société civile s'inscrivent aujourd'hui en cohérence avec une ferme volonté idéologique de confiner le politique à la " proximité ". Une certaine conception de la décentralisation, dont le prototype officiel est désormais la Corse, en constitue l'axe principal. La fragmentation législative aura pour effet de casser la citoyenneté. L'incitation à l'apprentissage des langues régionales s'inscrit dans la même démarche. Regardez ce qui se pratique par exemple chez Renault, où la communication se fait en anglais. Un jour viendra où les individus ne pourront plus communiquer qu'en utilisant la langue de la puissance dominante, ou leur langue régionale. C'est clair, les multinationales ont un objectif : avoir le champ libre, ne plus rencontrer l'obstacle des peuples et de leurs représentants, ne plus se heurter aux Etats.
Parallèlement, le gouvernement des juges régule les conflits ; ils ne se contentent plus d'appliquer les dispositions générales de la loi aux cas particuliers qui leur sont soumis, ils tranchent de plus en plus au nom de principes réputés moraux ou éthiques, principes qui n'ont pas reçu l'approbation du suffrage universel. La laïcité est, elle aussi, mise en péril. Toutes ces dérives sont encouragées, quand elles ne sont pas suscitées, par la technocratie européiste. L'Europe d'aujourd'hui, loin d'être un bouclier face à la mondialisation libérale, en accentue, au contraire les effets les plus néfastes. Disons-le dès maintenant, nous ne nous laisserons pas abuser par deux amendements destinés à faciliter le ralliement du groupe communiste à l'Assemblée nationale. La suspension du vote du projet de loi dit de modernisation sociale n'aura été qu'une habileté permettant au Parti Socialiste et au Parti Communiste Français de trouver un petit compromis. Pour notre part, nous voterons contre ce texte, qui passe par profits et pertes l'intérêt général, ne donne pas aux pouvoirs publics les moyens d'agir.
Il est des moments où l'Histoire hésite. Il en est d'autres où les choses prennent un nouveau tour et où chacun doit se déterminer. C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
Pendant un temps, le gouvernement dit de gauche plurielle a paru proche d'une orientation républicaine et sociale, sans toutefois répondre complètement aux attentes que nous avions mises en lui. Les choses aujourd'hui se clarifient. Le cardinal de Retz disait qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.
Mis au pied du mur, Lionel Jospin sort de l'ambiguïté. Dans les affaires corses, il avait déjà pris beaucoup de distances avec l'exigence républicaine. Sur la question de l'Europe, il vient de s'exprimer de telle sorte que le doute n'est plus permis, même s'il tente de l'entretenir : rien de décisif ne le sépare plus des tenants de l'Europe fédérale, qui agit comme vecteur de la mondialisation libérale, dans le sillage de l'empire américain.
Ces prises de position - la ratification du traité de Nice et le discours du 28 mai dernier - interviennent au moment où l'opinion publique s'inquiète de plus en plus vivement devant la montée en puissance du mondialisme ultra libéral, devant son incapacité avérée à assurer un développement équilibré, devant la prépondérance de cette néfaste orientation au sein des institutions et des politiques européennes, devant l'échec patent de ces dernières, dont les interventions - qu'il s'agisse de vache folle, de chasse ou d'environnement - se révèlent à la fois tracassières et inefficaces. Devant la disparition prochaine du franc, dont chacun peut sentir à quel point elle va perturber la vie quotidienne des personnes les plus faibles, et pas seulement des plus âgées, devant l'annonce d'un ralentissement de la croissance, de cette croissance que les augures européistes mettaient généreusement au crédit de l'Euro, et enfin devant la faillite de cette Europe dont les institutions en forme d'usine à gaz ne fonctionnent déjà pas à quinze et fonctionneront moins encore à vingt sept dans quelques années, dans des conditions pires encore, qu'aménage le traité de Nice.
La référence faite à la formule de l'Europe, " fédération d'Etats-nations " est peut-être une tentative pour maintenir une dose d'ambiguïté, d'interrogations. Elle rappelle ces hommes politiques de la Troisième République annonçant pour ne déplaire à personne qu'ils conduiraient " une politique résolument républicaine et résolument conservatrice ", ou encore qu'ils demanderaient " plus à l'impôt et moins aux contribuables ". Car qu'est-ce qu'une nation, sinon une entité ayant le droit de disposer librement d'elle-même ? Et comment pourrait-elle entrer dans une fédération, sans perdre une part essentielle de ce droit ? Où, il y a fédération, et ses composantes cessent d'être des Etats-nations. Ou les Etats-nations subsistent, et il ne peut y avoir de fédération.
Cette pirouette verbale, que pratiquent aussi bien le Président de la République que le chef du gouvernement, séduit le camp des Européens illusionnistes qui, en trente années, ont dévoyé la construction européenne. Car c'est illusion que de faire croire qu'une union économique, par laquelle cette construction a débuté, permettrait de faire l'économie d'un projet et d'une organisation politiques.
Illusion de faire croire que l'Europe permettrait aux Etats membres de peser davantage face à l'Amérique. La volonté d'indépendance fait totalement défaut à la plupart de ces Etats et nombre d'entre eux qui, à commencer par la Grande-Bretagne travailliste, affirment hautement que la défense européenne ne peut-être qu'un élément de l'OTAN. Et de fait, la construction européenne s'est pour l'essentiel limitée à organiser une libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, selon les principes de l'organisation mondiale du commerce impulsée par les Etats-Unis.
Illusion et imposture que de parler d'Europe démocratique, quand tout le processus européen a consisté jusqu'à présent à retirer des pouvoirs aux Etats, dont les organes sont démocratiquement désignés et responsables devant leur opinion publique nationale, pour transférer ces pouvoirs à une technocratie anonyme et irresponsable, faute de débats d'opinion au niveau européen, mais soumise en revanche au lobbying frénétique exercé par les grands intérêts économiques et financiers. Mais peut-il y avoir des débats d'opinion européens sans un langage et des références communs à tous ?
Illusion et imposture que de faire croire que l'Europe sociale va prolonger naturellement l'Europe économique. L'Europe a été au contraire le prétexte pour faire régner la loi du marché, aller vers plus de flexibilité, de précarité, d'exclusion, vers moins de protections, moins de droits sociaux, dans les pays qui, comme le nôtre, jouissaient des acquis les plus importants. Quant à la " charte des droits fondamentaux ", dont Lionel Jospin veut faire une partie intégrante du pacte unissant des nations européennes, elle est un piège, car elle n'apporte pas de garanties précises aux droits sociaux et ne fait aucune place au principe républicain de laïcité. Par contre, elle risque d'ouvrir un nouveau champ à l'intervention du juge européen, au détriment du législateur national.
C'est bien à cette orientation que Lionel Jospin vient d'annoncer, à mots couverts, son ralliement.
Il est urgent désormais, face à cette Europe - là, de promouvoir l'idée d'une Europe de l'authenticité et du réalisme : une Europe respectueuse de la liberté des nations qui la composent et des institutions démocratiques que ces nations se sont données ; une Europe qui soit un appui et non un obstacle pour ceux de ses membres qui souhaitent pratiquer des politiques avancées en matière sociale et en matière de protection de l'environnement ; une Europe enfin qui s'attache avant toute chose à la définition d'un projet politique commun, au lieu, comme on tend à le faire aujourd'hui, de multiplier en les compliquant à l'infini des traités et des institutions sans contenu intelligible à tous et donc sans légitimité.
Le peuple irlandais vient de le dire avec force en rejetant par référendum le traité de Nice. Surprise. Pourquoi ? Qui ? Le traité est caduc. Jusqu'à quand voudra-t-on faire l'Europe sans les peuples ou contre eux ? Va-t-on demain proposer un deuxième, un troisième référendum jusqu'à ce que le peuple irlandais finisse par lassitude à se résigner ?
Proposons le débat aux peuples d'Europe et tout d'abord au nôtre : quelle Europe les Français veulent-ils ? Celle qui s'est construite contre eux ces trente dernières années ou celle que je viens de décrire ?
On peut voir à quel point, dès qu'il s'agit de l'Europe, la droite chiraquienne et la gauche jospinienne convergent en un consensus mou sur les axes fondamentaux d'une même politique : soumission au mondialisme ultra libéral et à l'hégémonie américaine ; acceptation d'un type de construction européenne qui, malgré les discours, n'est ni indépendante ni démocratique ni sociale ; renonciation à l'indépendance nationale et aux moyens qu'ont les pouvoirs publics nationaux de combattre les effets désastreux qui résultent pour l'économie et pour la société, du jeu sauvage des lois de l'économie capitaliste.
Alstom, Marks et Spencer, Danone : voilà autant d'illustrations concrètes de ce à quoi conduit cette politique. Voilà autant de raisons qu'ont les citoyennes et les citoyens de se détourner de compétitions électorales quand les enjeux réels sont de plus en plus minces en termes de choix de société, et qui finissent par se réduire à des conflits d'intérêts politiciens. On voit aussi monter à la fois l'abstention, le vote nul, les votes de protestation en faveur de formations extrémistes ou de groupes se situant résolument à l'extérieur de l'actuel système politique. C'est un signal d'alarme.
Les moyens d'informations nous dessinent aujourd'hui la perspective désespérante d'une l'élection présidentielle se jouant en avril 2002 entre Chirac et Jospin, aussi sûrement qu'ils nous annonçaient, il y a sept ans, le grand duel Delors-Balladur !
Et pourtant, tout indique qu'une autre voie est possible. D'élection en élection, nous voyons que les sondages sur lesquels s'appuient les augures les conduisent à des prédictions de plus en plus nettement démenties par les faits.
Contre une cohabitation qui brouille tous les repères, contre le consensus mou de la droite et de la gauche ralliée au libéralisme, il y a place pour une candidature vraiment nationale, vraiment républicaine et vraiment sociale.
Cette situation donne une chance historique de succès, si se présente l'homme qui lui correspond. Cet homme existe. Il est ici. Il n'y en a pas d'autre. C'est Jean-Pierre Chevènement.
Les courants d'opinion qui attendent une telle mutation de notre vie politique, les catégories sociales qui y ont intérêt, sont nombreuses. Ils sont potentiellement majoritaires. Mais ils sont divers et ont été longtemps divisés. Où qu'ils se trouvent aujourd'hui, ils ne peuvent trouver d'autre expression politique que celle que peut leur offrir Jean-Pierre Chevènement.
Les leaders traditionnels des courants de la droite souverainiste, même ceux qui ont eu naguère une certaine audience électorale, sont aujourd'hui usés. La direction du PCF qui plaçait jadis son action politique sous le double signe de l'Internationale et de la Marseillaise a depuis longtemps mis une sourdine aux valeurs nationales qui étaient les siennes, et je suis sûr restent celles de beaucoup de nos camarades communistes. Le PCF est en crise parce qu'il a perdu la confiance d'une large part de leur électorat en composant avec les modes mondialistes, européistes et libertaires, et en oubliant trop souvent les intérêts des couches populaires, menacées par ces modes. L'ultra-gauche, l'écologie, les mouvements anti-mondialisation, ceux des chasseurs, peuvent encore séduire. Ce que ces mouvements ont en commun, c'est d'être enfermés dans une vocation minoritaire, en l'absence d'expression efficace au plan politique et électoral. Ils ne peuvent proposer l'alternance.
Seul Jean-Pierre Chevènement est aujourd'hui capable de fédérer autour de l'idéal républicain tous les citoyens qu'ont déçus une classe politique qui a démissionné devant la puissance de l'argent et devant les tenants d'une Europe sans projet et sans démocratie politique, offerte aux appétits des puissances d'argent.
Il est l'homme d'expérience, formé à la dure école de dix sept années d'opposition aux gouvernements de droite, avant d'accéder à de hautes responsabilités gouvernementales, à la recherche, à l'industrie, à l'éducation nationale, aux armées ou à l'intérieur.
Il est l'homme du courage et de la fidélité constante à l'idéal républicain. Il est celui qui n'a pas hésité à choisir la gauche alors que le régime gaulliste à son apogée paraissait au pouvoir pour trente ans, celui qui n'a jamais sacrifié ses idées à la poursuite paisible de sa carrière ministérielle chaque fois que le gouvernement auquel il appartenait lui a paru faire fausse route, que ce soit en 1983, lorsque ce gouvernement a fait allégeance à l'ordre économique capitaliste en 1990, ou lorsqu'il s'engage à la remorque des Etats-Unis dans l'aventure post-coloniale de la guerre du Golfe, ou encore en 2000, lorsque l'actuel gouvernement a amorcé en Corse un processus de désagrégation de la République.
Jean-Pierre Chevènement est en un mot un homme d'Etat, le seul sans doute aujourd'hui à mériter cette appellation alors qu'il ne subsiste plus guère aux premiers rangs du personnel politique que de petits personnages harassés de reniements.
Il est l'homme de la crédibilité et de la responsabilité. Il a seul l'autorité nécessaire aujourd'hui pour rassembler la Nation et l'engager sur la voie du redressement républicain.
Nous souhaitons tous ardemment qu'en son âme et conscience, il prenne le moment venu la décision d'où doit jaillir le renouveau : être candidat à la première fonction de l'Etat.
Jean-Pierre Chevènement a souhaité prendre du recul à l'approche de l'échéance de mai 2002 et quitter la présidence de ce Mouvement des Citoyens dont il a été le fondateur et l'infatigable animateur. Chacun ressent le défi qui est le nôtre et je mesure moi-même le grand honneur que vous me faites et la charge que vous m'imposez en me désignant non pour le remplacer, mais pour lui succéder à la présidence de notre mouvement.
Il est vrai que Jean-Pierre, s'il est candidat, sera le candidat de la République, celui de tous les républicains et non pas celui du seul Mouvement des Citoyens.
Mais il nous appartient, plus que jamais, parmi ceux, nombreux, qui le soutiendront d'être les plus déterminés, de nous efforcer d'être les plus actifs et les meilleurs.
C'est le moment, plus que jamais, de faire preuve d'esprit d'ouverture, de rassembler, d'accueillir autour du Mouvement des Citoyens celles et ceux qui souhaitent participer à la régénération de la République. Il faut les rassembler et les recueillir d'où qu'ils viennent, à une seule condition : qu'ils souhaitent sincèrement aller là où nous allons.
Nous voulons rassembler ceux qui viennent des rangs socialistes et qu'a déçu la renonciation de leur parti à changer la vie en faisant reculer le pouvoir de l'argent ; ceux qui voient aujourd'hui avec inquiétude leurs dirigeants évoluer entre leurs partenaires privilégiés, Gerhard Schröder qui veut une Europe fédérale sur le modèle d'une Bundesrepublik allemande aux frontières élargies, et Tony Blair, dont la politique sert si bien les puissances financières que le " Times " de Londres, organe traditionnel de ces puissances, appelait à voter pour lui de préférence aux conservateurs.
Nous voulons rassembler ceux qui viennent des rangs communistes et se désespèrent de voir leur parti ramené à un satellite du grand frère socialiste, s'épuisant en compromissions pour tenter de ralentir l'effritement inexorable de ses positions électorales.
Nous voulons rassembler ceux qui ont adhéré, en leur temps, à la vision du général de Gaulle, d'une certaine idée de la France et de la République et ceux, plus jeunes, en qui cet appel continue à éveiller des échos. Ils ne peuvent admettre que l'héritage gaullien soit aujourd'hui revendiqué par Chirac, Juppé et Sarkozy, personnages empêtrés dans la médiocrité, infidèles à l'indépendance nationale au point d'adhérer à une Europe fédérale supranationale. Que ces gaullistes authentiques soient les bienvenus, pourvu qu'instruits par l'expérience, ils admettent que la République ne peut vivre qu'à la condition d'être sociale, et qu'elle ne pourrait qu'échouer à nouveau à vouloir s'appuyer sur les couches les plus privilégiées et les plus conservatrices de la société.
Nous voulons rassembler enfin tout le peuple de France, toutes celles et ceux qui aiment leur patrie et s'affligent de la voir se déliter, toutes celles et ceux qui ne supportent plus de voir la vie publique, l'économie, la société, subir la domination et servir les intérêts des même couches privilégiées, des mêmes milieux d'affaires, tandis que la précarité, parfois la marginalisation, ne cessent de s'étendre. Nous voulons rassembler, toutes celles et ceux pour qui la République, c'est aussi l'espérance d'une égalité des chances et d'une vie meilleure.
Il y a trente ans, jour pour jour, certains d'entre nous étaient à Epinay pour fonder le nouveau Parti socialiste. Que dire ? Ni bilan, ni nostalgie, mais que d'occasion manquées ! Il y a trente ans à Epinay, le Parti socialiste était l'avenir. Aujourd'hui, à Marseille, le Mouvement des Citoyens est l'espoir.
C'est pourquoi, très vite, le Mouvement des Citoyens doit être en ordre de bataille.
Dès la fin de ce congrès, vous devez vous mettre au travail méthodiquement, systématiquement, avec dynamisme et résolution.
Il faut que chaque adhérent, sympathisant, chaque comité local, chaque comité départemental ait son carnet de route.
S'ouvrir, recruter, former, distribuer les tâches, agir collectivement, se fixer des objectifs, dégager des moyens pour les atteindre. Concrètement cela signifie recueillir des engagements, et les élus dans ce domaine doivent être les leaders.
Il faut multiplier les initiatives, les contacts, ne pas faire relâche cet été. Les aspects matériels et financiers ne sont pas minces. Des équipes s'emploient déjà à lever ou tout au moins à atténuer les principaux obstacles. Nous pourrons être tous, aussi, sollicités au-delà de l'effort militant nécessaire.
Chacun d'entre nous doit se poser une question simple : que faire pour créer les conditions matérielles, psychologiques et politiques permettant le lancement réussi de la candidature que nous souhaitons ? Rien ne viendra tout seul. Comptons d'abord sur nous-mêmes. Cela veut dire inciter le plus grand nombre de nos amis et relations à adhérer au Mouvement des Citoyens. Notre organisation ne peut être que le socle d'une telle campagne. Mais, nous n'avons pas l'esprit de boutique. Nous ne sommes pas partisans du parti pour le parti. L'appareil n'est pas pour nous une finalité, il n'est qu'un outil. Mais il doit être un bon outil. Aussi, devons-nous inciter à la création de ces comités d'appel que nous avons lancés le 27 avril dernier. Ils deviendront, espérons le, des comités de soutien. Surtout, élargissons, rassemblons, ne faisons pas de l'adhésion au Mouvement des Citoyens une condition. Ouvrons et renouvelons. Enfin, expliquons le pôle républicain ; expliquons ce que nous voulons pour la France et les Français ; expliquons nos positions qui sont trop souvent déformées, caricaturées, calomniées. Puissions-nous participer aux côtés de Jean-Pierre Chevènement à la bataille pour l'élection présidentielle. Ce serait une chance pour le pays.
Ensemble, nous l'espérons, nous livrerons une bataille décisive aux côtés de Jean-Pierre Chevènement. Nous serons, s'il le décide, les artisans d'un nouveau départ pour la République, pour la France et pour l'Europe.
(sous http://www.mdc-france.org, le 2 juillet 2001)
Il est symbolique que le Mouvement des Citoyens tienne son congrès ici à Marseille au moment où est mis en service le TGV Méditerranée. Il faut féliciter tous ceux, ingénieurs, techniciens, ouvriers, cheminots et d'autres encore qui ont contribué à cette performance. Il faut aussi constater que cette prouesse n'a été possible que par l'existence d'une entreprise publique nommée SNCF. Aujourd'hui, dans trop de pays, sous prétexte de privatisation, le chemin de fer est bradé. Pourtant l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et la lutte contre les gaz à effet de serre ne peuvent se limiter à des plans régionaux et à des mesures autoritaires contre les voitures. Il faut d'abord développer une offre de qualité dans les transports en commun, ferroviaires comme urbains.
Cette mise en service intervient alors que les dogmes du politbureau bruxellois de l'idéologie libérale se heurtent à la réalité économique. Les salariés d'AOM et d'Air-Liberté sont d'abord les victimes des différents commissaires à la concurrence qui se sont succédés à Bruxelles. Par aveuglement doctrinaire, ils ont exigé que l'avion concurrence l'avion. Eh bien non ! En France, l'avion et le train à la fois se concurrencent et se complètent. Mais, ces adulateurs de la " Main invisible " ne veulent pas comprendre que le service public correspond à la présence de la République dans le champ économique.
Le secteur public est indirectement le socle de la solidarité républicaine. C'est le fonds de développement et de service commun à tous et pour tous, le patrimoine de tous les Français. Amenuiser, voire liquider les services publics, c'est attenter à un des supports essentiels de la République. Ouvrons les yeux, la disparition des services publics entraînera ipso facto la remise en cause des retraites par répartition et des régimes spéciaux. C'est une illusion totale de croire que des fonds de pension français, mais privés, défendraient l'intérêt national et les retraités.
En France, nous avons déjà une sorte de fond de pension privé, celui qui gère les intérêts des " héritiers de Wendel ". Monsieur Ernest-Antoine Seillières est en train de nous en montrer les limites et les dangers. Les retraites des Français ne doivent pas être soumises aux errements de la corbeille.
Or, que voit-on aujourd'hui ? La privatisation de GDF n'a été que retardée. EDF s'engage dans une stratégie mondialiste, qui implique sa privatisation que préparent déjà ses actuels dirigeants. De telles options laissent pantois au moment où la Californie connaît une crise électrique sans précédent, au moment où New York est menacée du même sort, au moment où EDF investit désormais le moins possible en France, et surtout pas dans des moyens sérieux de production. Notre pays risque de connaître à son tour d'ici quelques années une grande panne. Aujourd'hui déjà EDF ne peut plus répondre aux demandes d'équipements des collectivités locales qui veulent favoriser l'installation des entreprises. Les collectivités doivent débourser ce qu'EDF finançait normalement avant l'ouverture du marché intérieur.
Depuis plus de cinquante ans, EDF est à juste titre, en France et dans le monde, l'exemple emblématique de la réussite du service public. Sa puissance financière actuelle en découle directement. Elle est utilisée à mauvais escient pour acquérir des parts de marché un peu partout dans le monde. Ces achats provoquent une indignation en Espagne et en Italie. Ces deux pays ont cependant tort d'avoir livré leur électricité au marché. La coopération entre les peuples est une belle chose, on ne saurait la confondre avec les rivalités entre groupes privés. Alors, disons les choses en toute transparence. La stratégie de François ROUSSELY à la Présidence d'EDF a consisté à diviser EDF en trois branches. Certes, il restera toujours une entreprise mondialisée, bientôt privatisée et multinationale, qui utilisera le sigle et le prestige d'EDF, mais EDF, service national et public, aura disparu. EDF ne travaillera plus pour la France et les Français. EDF devra satisfaire les intérêts de ses actionnaires et d'une poignée de ses dirigeants. Il serait temps qu'un gouvernement de gauche mette fin à de telles dérives.
Le Mouvement des Citoyens doit intervenir au plus près des préoccupations quotidiennes de nos compatriotes et proposer des solutions dont la cohérence s'affirme dans un projet, celui de la République, de la République moderne, de la République sociale que nous voulons. Les retraites, les services publics, l'emploi ont été et restent plus que jamais nos priorités. Ne soyons pas sur la défensive. Assez de bourrage de crâne ! Proposons, faisons passer notre projet pour remettre la France au travail et relancer la croissance. Cette tâche sur le terrain est celle qui nous est dévolue pour favoriser le développement du pôle républicain.
Actuellement, la refondation sociale est sûrement l'un des sujets les plus pernicieux et les plus pervers de la déconstruction républicaine. A la loi égale pour tous, on substitue le contrat, le contrat qui n'est que la formalisation du rapport de forces, rapport forcément inégal. Ainsi, sera véritablement instaurée une société à deux vitesses. Dans quelques cas, il y aura des syndicats forts, ou des cadres titulaires qui, par leur spécialisation pointue, seront en mesure de négocier leur force de travail. Dans d'autres, les plus nombreux, il n'y aura pas de syndicat, il n'y aura que des individualités sans spécialité recherchée, soumis à la dure loi du marché. La refondation sociale a pour finalité de remettre en question les avancées sociales arrachées par des luttes souvent dures au cours des cent cinquante dernières années. Nos anciens savaient que le syndicalisme est un outil indispensable à l'émancipation des travailleurs. L'individualisme ne l'emportait pas sur l'organisation collective. Et les politiques savaient qu'ils tenaient leur mandat du peuple, du suffrage universel. La démocratie citoyenne était vivante, la démocratie d'opinion ne gouvernait pas la majorité des dirigeants politiques.
La refondation sociale et l'exaltation de la société civile s'inscrivent aujourd'hui en cohérence avec une ferme volonté idéologique de confiner le politique à la " proximité ". Une certaine conception de la décentralisation, dont le prototype officiel est désormais la Corse, en constitue l'axe principal. La fragmentation législative aura pour effet de casser la citoyenneté. L'incitation à l'apprentissage des langues régionales s'inscrit dans la même démarche. Regardez ce qui se pratique par exemple chez Renault, où la communication se fait en anglais. Un jour viendra où les individus ne pourront plus communiquer qu'en utilisant la langue de la puissance dominante, ou leur langue régionale. C'est clair, les multinationales ont un objectif : avoir le champ libre, ne plus rencontrer l'obstacle des peuples et de leurs représentants, ne plus se heurter aux Etats.
Parallèlement, le gouvernement des juges régule les conflits ; ils ne se contentent plus d'appliquer les dispositions générales de la loi aux cas particuliers qui leur sont soumis, ils tranchent de plus en plus au nom de principes réputés moraux ou éthiques, principes qui n'ont pas reçu l'approbation du suffrage universel. La laïcité est, elle aussi, mise en péril. Toutes ces dérives sont encouragées, quand elles ne sont pas suscitées, par la technocratie européiste. L'Europe d'aujourd'hui, loin d'être un bouclier face à la mondialisation libérale, en accentue, au contraire les effets les plus néfastes. Disons-le dès maintenant, nous ne nous laisserons pas abuser par deux amendements destinés à faciliter le ralliement du groupe communiste à l'Assemblée nationale. La suspension du vote du projet de loi dit de modernisation sociale n'aura été qu'une habileté permettant au Parti Socialiste et au Parti Communiste Français de trouver un petit compromis. Pour notre part, nous voterons contre ce texte, qui passe par profits et pertes l'intérêt général, ne donne pas aux pouvoirs publics les moyens d'agir.
Il est des moments où l'Histoire hésite. Il en est d'autres où les choses prennent un nouveau tour et où chacun doit se déterminer. C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
Pendant un temps, le gouvernement dit de gauche plurielle a paru proche d'une orientation républicaine et sociale, sans toutefois répondre complètement aux attentes que nous avions mises en lui. Les choses aujourd'hui se clarifient. Le cardinal de Retz disait qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.
Mis au pied du mur, Lionel Jospin sort de l'ambiguïté. Dans les affaires corses, il avait déjà pris beaucoup de distances avec l'exigence républicaine. Sur la question de l'Europe, il vient de s'exprimer de telle sorte que le doute n'est plus permis, même s'il tente de l'entretenir : rien de décisif ne le sépare plus des tenants de l'Europe fédérale, qui agit comme vecteur de la mondialisation libérale, dans le sillage de l'empire américain.
Ces prises de position - la ratification du traité de Nice et le discours du 28 mai dernier - interviennent au moment où l'opinion publique s'inquiète de plus en plus vivement devant la montée en puissance du mondialisme ultra libéral, devant son incapacité avérée à assurer un développement équilibré, devant la prépondérance de cette néfaste orientation au sein des institutions et des politiques européennes, devant l'échec patent de ces dernières, dont les interventions - qu'il s'agisse de vache folle, de chasse ou d'environnement - se révèlent à la fois tracassières et inefficaces. Devant la disparition prochaine du franc, dont chacun peut sentir à quel point elle va perturber la vie quotidienne des personnes les plus faibles, et pas seulement des plus âgées, devant l'annonce d'un ralentissement de la croissance, de cette croissance que les augures européistes mettaient généreusement au crédit de l'Euro, et enfin devant la faillite de cette Europe dont les institutions en forme d'usine à gaz ne fonctionnent déjà pas à quinze et fonctionneront moins encore à vingt sept dans quelques années, dans des conditions pires encore, qu'aménage le traité de Nice.
La référence faite à la formule de l'Europe, " fédération d'Etats-nations " est peut-être une tentative pour maintenir une dose d'ambiguïté, d'interrogations. Elle rappelle ces hommes politiques de la Troisième République annonçant pour ne déplaire à personne qu'ils conduiraient " une politique résolument républicaine et résolument conservatrice ", ou encore qu'ils demanderaient " plus à l'impôt et moins aux contribuables ". Car qu'est-ce qu'une nation, sinon une entité ayant le droit de disposer librement d'elle-même ? Et comment pourrait-elle entrer dans une fédération, sans perdre une part essentielle de ce droit ? Où, il y a fédération, et ses composantes cessent d'être des Etats-nations. Ou les Etats-nations subsistent, et il ne peut y avoir de fédération.
Cette pirouette verbale, que pratiquent aussi bien le Président de la République que le chef du gouvernement, séduit le camp des Européens illusionnistes qui, en trente années, ont dévoyé la construction européenne. Car c'est illusion que de faire croire qu'une union économique, par laquelle cette construction a débuté, permettrait de faire l'économie d'un projet et d'une organisation politiques.
Illusion de faire croire que l'Europe permettrait aux Etats membres de peser davantage face à l'Amérique. La volonté d'indépendance fait totalement défaut à la plupart de ces Etats et nombre d'entre eux qui, à commencer par la Grande-Bretagne travailliste, affirment hautement que la défense européenne ne peut-être qu'un élément de l'OTAN. Et de fait, la construction européenne s'est pour l'essentiel limitée à organiser une libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, selon les principes de l'organisation mondiale du commerce impulsée par les Etats-Unis.
Illusion et imposture que de parler d'Europe démocratique, quand tout le processus européen a consisté jusqu'à présent à retirer des pouvoirs aux Etats, dont les organes sont démocratiquement désignés et responsables devant leur opinion publique nationale, pour transférer ces pouvoirs à une technocratie anonyme et irresponsable, faute de débats d'opinion au niveau européen, mais soumise en revanche au lobbying frénétique exercé par les grands intérêts économiques et financiers. Mais peut-il y avoir des débats d'opinion européens sans un langage et des références communs à tous ?
Illusion et imposture que de faire croire que l'Europe sociale va prolonger naturellement l'Europe économique. L'Europe a été au contraire le prétexte pour faire régner la loi du marché, aller vers plus de flexibilité, de précarité, d'exclusion, vers moins de protections, moins de droits sociaux, dans les pays qui, comme le nôtre, jouissaient des acquis les plus importants. Quant à la " charte des droits fondamentaux ", dont Lionel Jospin veut faire une partie intégrante du pacte unissant des nations européennes, elle est un piège, car elle n'apporte pas de garanties précises aux droits sociaux et ne fait aucune place au principe républicain de laïcité. Par contre, elle risque d'ouvrir un nouveau champ à l'intervention du juge européen, au détriment du législateur national.
C'est bien à cette orientation que Lionel Jospin vient d'annoncer, à mots couverts, son ralliement.
Il est urgent désormais, face à cette Europe - là, de promouvoir l'idée d'une Europe de l'authenticité et du réalisme : une Europe respectueuse de la liberté des nations qui la composent et des institutions démocratiques que ces nations se sont données ; une Europe qui soit un appui et non un obstacle pour ceux de ses membres qui souhaitent pratiquer des politiques avancées en matière sociale et en matière de protection de l'environnement ; une Europe enfin qui s'attache avant toute chose à la définition d'un projet politique commun, au lieu, comme on tend à le faire aujourd'hui, de multiplier en les compliquant à l'infini des traités et des institutions sans contenu intelligible à tous et donc sans légitimité.
Le peuple irlandais vient de le dire avec force en rejetant par référendum le traité de Nice. Surprise. Pourquoi ? Qui ? Le traité est caduc. Jusqu'à quand voudra-t-on faire l'Europe sans les peuples ou contre eux ? Va-t-on demain proposer un deuxième, un troisième référendum jusqu'à ce que le peuple irlandais finisse par lassitude à se résigner ?
Proposons le débat aux peuples d'Europe et tout d'abord au nôtre : quelle Europe les Français veulent-ils ? Celle qui s'est construite contre eux ces trente dernières années ou celle que je viens de décrire ?
On peut voir à quel point, dès qu'il s'agit de l'Europe, la droite chiraquienne et la gauche jospinienne convergent en un consensus mou sur les axes fondamentaux d'une même politique : soumission au mondialisme ultra libéral et à l'hégémonie américaine ; acceptation d'un type de construction européenne qui, malgré les discours, n'est ni indépendante ni démocratique ni sociale ; renonciation à l'indépendance nationale et aux moyens qu'ont les pouvoirs publics nationaux de combattre les effets désastreux qui résultent pour l'économie et pour la société, du jeu sauvage des lois de l'économie capitaliste.
Alstom, Marks et Spencer, Danone : voilà autant d'illustrations concrètes de ce à quoi conduit cette politique. Voilà autant de raisons qu'ont les citoyennes et les citoyens de se détourner de compétitions électorales quand les enjeux réels sont de plus en plus minces en termes de choix de société, et qui finissent par se réduire à des conflits d'intérêts politiciens. On voit aussi monter à la fois l'abstention, le vote nul, les votes de protestation en faveur de formations extrémistes ou de groupes se situant résolument à l'extérieur de l'actuel système politique. C'est un signal d'alarme.
Les moyens d'informations nous dessinent aujourd'hui la perspective désespérante d'une l'élection présidentielle se jouant en avril 2002 entre Chirac et Jospin, aussi sûrement qu'ils nous annonçaient, il y a sept ans, le grand duel Delors-Balladur !
Et pourtant, tout indique qu'une autre voie est possible. D'élection en élection, nous voyons que les sondages sur lesquels s'appuient les augures les conduisent à des prédictions de plus en plus nettement démenties par les faits.
Contre une cohabitation qui brouille tous les repères, contre le consensus mou de la droite et de la gauche ralliée au libéralisme, il y a place pour une candidature vraiment nationale, vraiment républicaine et vraiment sociale.
Cette situation donne une chance historique de succès, si se présente l'homme qui lui correspond. Cet homme existe. Il est ici. Il n'y en a pas d'autre. C'est Jean-Pierre Chevènement.
Les courants d'opinion qui attendent une telle mutation de notre vie politique, les catégories sociales qui y ont intérêt, sont nombreuses. Ils sont potentiellement majoritaires. Mais ils sont divers et ont été longtemps divisés. Où qu'ils se trouvent aujourd'hui, ils ne peuvent trouver d'autre expression politique que celle que peut leur offrir Jean-Pierre Chevènement.
Les leaders traditionnels des courants de la droite souverainiste, même ceux qui ont eu naguère une certaine audience électorale, sont aujourd'hui usés. La direction du PCF qui plaçait jadis son action politique sous le double signe de l'Internationale et de la Marseillaise a depuis longtemps mis une sourdine aux valeurs nationales qui étaient les siennes, et je suis sûr restent celles de beaucoup de nos camarades communistes. Le PCF est en crise parce qu'il a perdu la confiance d'une large part de leur électorat en composant avec les modes mondialistes, européistes et libertaires, et en oubliant trop souvent les intérêts des couches populaires, menacées par ces modes. L'ultra-gauche, l'écologie, les mouvements anti-mondialisation, ceux des chasseurs, peuvent encore séduire. Ce que ces mouvements ont en commun, c'est d'être enfermés dans une vocation minoritaire, en l'absence d'expression efficace au plan politique et électoral. Ils ne peuvent proposer l'alternance.
Seul Jean-Pierre Chevènement est aujourd'hui capable de fédérer autour de l'idéal républicain tous les citoyens qu'ont déçus une classe politique qui a démissionné devant la puissance de l'argent et devant les tenants d'une Europe sans projet et sans démocratie politique, offerte aux appétits des puissances d'argent.
Il est l'homme d'expérience, formé à la dure école de dix sept années d'opposition aux gouvernements de droite, avant d'accéder à de hautes responsabilités gouvernementales, à la recherche, à l'industrie, à l'éducation nationale, aux armées ou à l'intérieur.
Il est l'homme du courage et de la fidélité constante à l'idéal républicain. Il est celui qui n'a pas hésité à choisir la gauche alors que le régime gaulliste à son apogée paraissait au pouvoir pour trente ans, celui qui n'a jamais sacrifié ses idées à la poursuite paisible de sa carrière ministérielle chaque fois que le gouvernement auquel il appartenait lui a paru faire fausse route, que ce soit en 1983, lorsque ce gouvernement a fait allégeance à l'ordre économique capitaliste en 1990, ou lorsqu'il s'engage à la remorque des Etats-Unis dans l'aventure post-coloniale de la guerre du Golfe, ou encore en 2000, lorsque l'actuel gouvernement a amorcé en Corse un processus de désagrégation de la République.
Jean-Pierre Chevènement est en un mot un homme d'Etat, le seul sans doute aujourd'hui à mériter cette appellation alors qu'il ne subsiste plus guère aux premiers rangs du personnel politique que de petits personnages harassés de reniements.
Il est l'homme de la crédibilité et de la responsabilité. Il a seul l'autorité nécessaire aujourd'hui pour rassembler la Nation et l'engager sur la voie du redressement républicain.
Nous souhaitons tous ardemment qu'en son âme et conscience, il prenne le moment venu la décision d'où doit jaillir le renouveau : être candidat à la première fonction de l'Etat.
Jean-Pierre Chevènement a souhaité prendre du recul à l'approche de l'échéance de mai 2002 et quitter la présidence de ce Mouvement des Citoyens dont il a été le fondateur et l'infatigable animateur. Chacun ressent le défi qui est le nôtre et je mesure moi-même le grand honneur que vous me faites et la charge que vous m'imposez en me désignant non pour le remplacer, mais pour lui succéder à la présidence de notre mouvement.
Il est vrai que Jean-Pierre, s'il est candidat, sera le candidat de la République, celui de tous les républicains et non pas celui du seul Mouvement des Citoyens.
Mais il nous appartient, plus que jamais, parmi ceux, nombreux, qui le soutiendront d'être les plus déterminés, de nous efforcer d'être les plus actifs et les meilleurs.
C'est le moment, plus que jamais, de faire preuve d'esprit d'ouverture, de rassembler, d'accueillir autour du Mouvement des Citoyens celles et ceux qui souhaitent participer à la régénération de la République. Il faut les rassembler et les recueillir d'où qu'ils viennent, à une seule condition : qu'ils souhaitent sincèrement aller là où nous allons.
Nous voulons rassembler ceux qui viennent des rangs socialistes et qu'a déçu la renonciation de leur parti à changer la vie en faisant reculer le pouvoir de l'argent ; ceux qui voient aujourd'hui avec inquiétude leurs dirigeants évoluer entre leurs partenaires privilégiés, Gerhard Schröder qui veut une Europe fédérale sur le modèle d'une Bundesrepublik allemande aux frontières élargies, et Tony Blair, dont la politique sert si bien les puissances financières que le " Times " de Londres, organe traditionnel de ces puissances, appelait à voter pour lui de préférence aux conservateurs.
Nous voulons rassembler ceux qui viennent des rangs communistes et se désespèrent de voir leur parti ramené à un satellite du grand frère socialiste, s'épuisant en compromissions pour tenter de ralentir l'effritement inexorable de ses positions électorales.
Nous voulons rassembler ceux qui ont adhéré, en leur temps, à la vision du général de Gaulle, d'une certaine idée de la France et de la République et ceux, plus jeunes, en qui cet appel continue à éveiller des échos. Ils ne peuvent admettre que l'héritage gaullien soit aujourd'hui revendiqué par Chirac, Juppé et Sarkozy, personnages empêtrés dans la médiocrité, infidèles à l'indépendance nationale au point d'adhérer à une Europe fédérale supranationale. Que ces gaullistes authentiques soient les bienvenus, pourvu qu'instruits par l'expérience, ils admettent que la République ne peut vivre qu'à la condition d'être sociale, et qu'elle ne pourrait qu'échouer à nouveau à vouloir s'appuyer sur les couches les plus privilégiées et les plus conservatrices de la société.
Nous voulons rassembler enfin tout le peuple de France, toutes celles et ceux qui aiment leur patrie et s'affligent de la voir se déliter, toutes celles et ceux qui ne supportent plus de voir la vie publique, l'économie, la société, subir la domination et servir les intérêts des même couches privilégiées, des mêmes milieux d'affaires, tandis que la précarité, parfois la marginalisation, ne cessent de s'étendre. Nous voulons rassembler, toutes celles et ceux pour qui la République, c'est aussi l'espérance d'une égalité des chances et d'une vie meilleure.
Il y a trente ans, jour pour jour, certains d'entre nous étaient à Epinay pour fonder le nouveau Parti socialiste. Que dire ? Ni bilan, ni nostalgie, mais que d'occasion manquées ! Il y a trente ans à Epinay, le Parti socialiste était l'avenir. Aujourd'hui, à Marseille, le Mouvement des Citoyens est l'espoir.
C'est pourquoi, très vite, le Mouvement des Citoyens doit être en ordre de bataille.
Dès la fin de ce congrès, vous devez vous mettre au travail méthodiquement, systématiquement, avec dynamisme et résolution.
Il faut que chaque adhérent, sympathisant, chaque comité local, chaque comité départemental ait son carnet de route.
S'ouvrir, recruter, former, distribuer les tâches, agir collectivement, se fixer des objectifs, dégager des moyens pour les atteindre. Concrètement cela signifie recueillir des engagements, et les élus dans ce domaine doivent être les leaders.
Il faut multiplier les initiatives, les contacts, ne pas faire relâche cet été. Les aspects matériels et financiers ne sont pas minces. Des équipes s'emploient déjà à lever ou tout au moins à atténuer les principaux obstacles. Nous pourrons être tous, aussi, sollicités au-delà de l'effort militant nécessaire.
Chacun d'entre nous doit se poser une question simple : que faire pour créer les conditions matérielles, psychologiques et politiques permettant le lancement réussi de la candidature que nous souhaitons ? Rien ne viendra tout seul. Comptons d'abord sur nous-mêmes. Cela veut dire inciter le plus grand nombre de nos amis et relations à adhérer au Mouvement des Citoyens. Notre organisation ne peut être que le socle d'une telle campagne. Mais, nous n'avons pas l'esprit de boutique. Nous ne sommes pas partisans du parti pour le parti. L'appareil n'est pas pour nous une finalité, il n'est qu'un outil. Mais il doit être un bon outil. Aussi, devons-nous inciter à la création de ces comités d'appel que nous avons lancés le 27 avril dernier. Ils deviendront, espérons le, des comités de soutien. Surtout, élargissons, rassemblons, ne faisons pas de l'adhésion au Mouvement des Citoyens une condition. Ouvrons et renouvelons. Enfin, expliquons le pôle républicain ; expliquons ce que nous voulons pour la France et les Français ; expliquons nos positions qui sont trop souvent déformées, caricaturées, calomniées. Puissions-nous participer aux côtés de Jean-Pierre Chevènement à la bataille pour l'élection présidentielle. Ce serait une chance pour le pays.
Ensemble, nous l'espérons, nous livrerons une bataille décisive aux côtés de Jean-Pierre Chevènement. Nous serons, s'il le décide, les artisans d'un nouveau départ pour la République, pour la France et pour l'Europe.
(sous http://www.mdc-france.org, le 2 juillet 2001)