Texte intégral
Monsieur le Directeur, Cher Pierre Lévy,
Monsieur l'Ambassadeur, Cher Philippe Étienne,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames et Messieurs,
En ce début d'année, je tiens tout d'abord à présenter à chacune et chacun d'entre vous mes voeux les plus sincères et chaleureux, pour vous-même et celles et ceux qui vous sont chers.
2016 est l'année de tous les dangers pour l'Europe, confrontée à des crises multiples, qui mettent à l'épreuve à la fois l'unité européenne, la solidarité entre les États membres et leur volonté de construire des solutions communes. Rarement le risque de voir l'Europe se défaire n'a été aussi important.
Avec la crise des réfugiés et les attentats terroristes, les questions de sécurité sont devenues les premières en Europe. Elles posent à l'Europe une exigence de réactivité, d'efficacité et de crédibilité sur un terrain pour lequel elle est peu préparée. L'Europe en effet n'a pas été bâtie autour des questions de sécurité.
Des décisions ont été prises, souvent sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne. Leur mise en oeuvre, méthodique, complète, rapide est décisive. J'y reviendrai.
Mais cela n'efface pas les autres crises, les autres défis dont dépend l'avenir du projet européen et qui sont elles aussi au coeur des relations franco-allemandes.
- Le soutien à la croissance, à l'investissement et à l'emploi ;
- L'harmonisation sociale et fiscale et la lutte contre le dumping social, condition d'acceptation du projet européen ;
- La jeunesse, avec les enjeux de formation, de retour à l'emploi et de mobilité.
Ce ne sont là que quelques indications des principales priorités de la France en Europe, qui seront présentées demain lors de la communication en Conseil des ministres par le Premier ministre.
Dans ce contexte, la France et l'Allemagne ont un rôle essentiel à jouer pour faire de cette nouvelle année une année de construction et d'avancées pour l'Europe. Face à des menées régressives et à des risques de déconstruction, il faut une stratégie offensive. Il faut agir avec pragmatisme et modestie, pour obtenir d'abord que soit mis en oeuvre ce qui a déjà été décidé, en matière de crise migratoire comme de lutte contre le terrorisme. Mais nos deux pays doivent aussi continuer à porter une grande ambition pour l'Europe.
Je suis donc très heureux de pouvoir lancer, en tant que Secrétaire général pour la coopération franco-allemande, les travaux préparatoires à la prochaine réunion du Conseil des ministres franco-allemand, qui se tiendra à Metz le 7 avril prochain.
Vous êtes, chacun dans vos fonctions, des acteurs de la relation franco-allemande. Vous animez au quotidien ce partenariat sans équivalent entre nos deux pays, qui est le moteur de la construction européenne.
Notre réunion est importante car elle doit nous permettre de faire le point sur ce qui a été fait depuis le dernier Conseil des ministres franco-allemand et de définir ce que nous pouvons proposer à l'ordre du jour de sa prochaine réunion.
Nous devons bien sûr prendre en compte le fait que les crises auxquelles l'Europe fait face, en particulier la crise des réfugiés et la menace terroriste, ne sont pas toujours vécues de la même façon à Paris et à Berlin. Mais nous sommes parvenus à éviter que cette asymétrie ne conduise à un déphasage franco-allemand.
Je retiens en particulier la réaction immédiate et la décision historique prise par l'Allemagne concernant la lutte contre Daech, lorsque nous avons invoqué l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne, à la suite des attentats du 13 novembre.
D'une manière plus générale, depuis le dernier Conseil des ministres franco-allemand, sur tous les grands sujets, la France et l'Allemagne ont élaboré et proposé des approches communes et ainsi contribué à ce que soient élaborées des réponses européennes.
Le président de la République et la chancelière se sont adressés conjointement aux institutions européennes le 3 septembre dernier sur la question des réfugiés et se sont exprimés ensemble devant le Parlement européen en novembre.
À chaque étape de la crise des réfugiés, le ministre de l'intérieur a entretenu un dialogue étroit avec son homologue allemand, de manière à définir le cadre de la réponse européenne : les hotspots, le contrôle de nos frontières communes, le mécanisme de relocalisation, la politique de retour, la coopération avec les pays tiers et de transit.
C'est aussi la démarche que nous avons entreprise sur l'avenir de l'Union économique et monétaire, en présentant le 22 mai dernier une contribution commune à la préparation du rapport des cinq présidents, préparée par les ministres des finances. Les ministres de l'économie ont également publié une contribution commune pour la relance européenne.
Sur le climat, la présidence allemande du G7 nous a appuyés pour préparer les conditions d'un accord ambitieux, lors de la Conférence de Paris.
Les initiatives conjointes franco-allemandes n'ont donc pas manqué dans la période récente, et il est crucial qu'elles continuent et se renforcent.
L'Europe est confrontée à des crises de nature inédite, auxquelles elle est mal préparée.
Et entre le référendum britannique, l'attitude de certains gouvernements de pays d'Europe de l'est, ou pour des raisons différentes, au sein de pays traditionnellement très attachés à l'Europe, en Espagne par exemple, il y a une tentation du retrait.
Plus que jamais, la dynamique européenne va reposer sur la France et l'Allemagne.
Mais cette coopération dense et réussie entre nos deux pays ne doit pas masquer qu'il y a deux difficultés, deux risques dans la période.
Le premier, je l'ai évoqué, serait celui du déphasage, induit par l'asymétrie des crises.
Le deuxième est celui d'un agenda, tant franco-allemand qu'européen, qui serait réduit au seul traitement des urgences.
C'est pourquoi, les priorités qui avaient été fixées le 31 mars dernier lors du précédent Conseil des ministres franco-allemand sont plus importantes que jamais.
La grande majorité des efforts et mesures annoncés dans le communiqué de presse conjoint de la chancelière et du président de la République, publié à l'issue de ce Conseil, ont fait l'objet de développements importants, dont nous allons faire le bilan précis aujourd'hui.
Sur cette base, la France et l'Allemagne doivent continuer à être forces de propositions et d'initiatives, dans leur relation bilatérale comme dans leur capacité à concevoir et porter des solutions européennes.
1/ La première des priorités est la sécurité. Les décisions que nous avons prises sur la crise des réfugiés et la lutte contre le terrorisme doivent être mises en oeuvre dans leur intégralité. Elles devront aussi être prolongées, notamment avec l'adoption du «paquet frontières» présenté par la Commission, la révision du Code Schengen, la montée en puissance de Frontex, la création d'un système européen de garde-frontières, et le lancement de Task forces intervenant aux frontières extérieures. Il faudra pour cela toute la détermination de la France et de l'Allemagne.
Mais il nous faut aller plus loin. La décision prise par l'Allemagne de venir en soutien de notre action contre Daech et l'évolution du débat politique sur sa responsabilité et sa contribution à la sécurité internationale créent un contexte nouveau.
Les travaux sur la stratégie européenne de sécurité constituent une opportunité pour faire avancer deux objectifs : d'abord, adapter notre réponse commune à la réalité des nouvelles menaces ; ensuite, mobiliser l'ensemble des instruments (militaires, civils et financiers) à la disposition de l'Union européenne pour lui permettre de s'imposer comme un acteur international pour la sécurité, la stabilité et la paix.
L'idée d'un pacte européen de sécurité, comme celle de la politique de sécurité et de défense commune, n'avanceront que si la France et l'Allemagne les portent ensemble.
2/ La deuxième priorité, c'est la croissance et l'emploi :
- D'abord par les investissements. Nous n'allons pas inventer d'instruments nouveaux. Il faut en revanche s'assurer de la mobilisation de ceux qui existent, avec la mise en oeuvre du plan Juncker, le soutien aux projets identifiés l'année dernière par la déclaration des ministres de l'économie (sur les réseaux intelligents, les réseaux numériques intelligents, la mobilité électrique), mais aussi la pleine utilisation des fonds structurels européens ;
- Ensuite par l'achèvement de l'union bancaire et l'approfondissement de la zone euro, car c'est par son coeur, la zone euro, que nous pourrons relancer l'Europe ;
- Enfin par la politique de l'énergie et du climat :
* avec la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Je pense en particulier au suivi des engagements nationaux, au soutien aux programmes de transition énergétique, à la tarification du carbone et à l'abondement au Fonds vert climat, et à la traduction législative du paquet énergie-climat ;
*? avec l'union de l'énergie, qui doit se traduire dans le domaine des énergies renouvelables, des réseaux de distribution électrique et de la coopération transfrontalière ;
3/ La troisième priorité, c'est la coopération culturelle, linguistique et universitaire, et la mobilité des jeunes Européens, avec notamment le lancement du projet-pilote franco-allemand de mobilité des apprentis, qui doit être déployé et étendu cette année, et le développement de l'université franco-allemande, qui devrait faire l'objet d'un rehaussement des contributions allemandes et françaises.
4/ Enfin, le CMFA devra enregistrer des avancées sur la base des travaux menés par Jean-Marc Ayrault et Annegret Kramp-Karrenbauer dans le domaine de l'intégration sociale et citoyenne européenne.
Cette réunion préparatoire au Conseil des ministres franco-allemand du 7 avril doit donc permettre de faire le bilan de ce qui a été fait depuis un an, d'accélérer sur certains chantiers, mais aussi de tracer de nouvelles perspectives pour notre action commune.
La capacité de la France et de l'Allemagne à porter des projets communs, à redonner un élan à recréer une dynamique au coeur de l'Europe est décisive pour l'Europe et pour nos deux pays.
La préparation de ce Conseil des ministres franco-allemand est donc particulièrement importante et je vous remercie de la contribution que chacune de vos administrations et chacun de vos ministres pourront y apporter.
Je laisse maintenant la parole à l'ambassadeur de France en Allemagne, M. Philippe Étienne, en vous remerciant une nouvelle fois de votre participation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 février 2016