Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur la ville de Sedan pendant la Première Guerre mondiale et sur la réconciliation franco-allemande, à Sedan le 29 janvier 2016.

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Circonstance : Cérémonie à Sedan (Ardennes), le 29 janvier 2016

Texte intégral


Monsieur le Préfet,
Monsieur le représentant de l'ambassade allemande,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Madame la Directrice départementale de l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre,
Messieurs les porte-drapeaux,
Chers élèves ici présents,
Mesdames et messieurs,
En 1915, les Allemands érigeaient dans le cimetière Saint-Charles un monument aux morts pour rendre hommage à leurs soldats tombés depuis le début de la guerre.
Aujourd'hui, cent ans après, il est le dernier grand témoignage patrimonial de la présence allemande entre 1914 et 1918 sur notre sol.
Un témoignage oublié ou du moins menacé d'oubli, que nous nous devions, Etat et municipalité, de préserver et de défendre pour qu'il s'inscrive définitivement dans ce paysage de Sedan, dans celui des Ardennes et de la France – et je remercie tous ceux qui se sont mobilisés pour sa sauvegarde, notamment la Société d'archéologie et d'histoire de Sedan.
C'est pourquoi l'Etat a participé au financement de l'étude engagée par la ville de Sedan sur la restauration de ce monument.
Cette première étape est le premier acte du grand cycle commémoratif 2016 franco-allemand qui nous réunira à Verdun et auquel le ministère prendra toute sa part.
Sedan est une ville symbole. Symbole de soixante-dix années de guerres fratricides. Symbole de champs de bataille qui furent, pour tant de soldats, une ultime demeure. Symbole enfin d'une mémoire partagée qu'il nous faut entretenir à chaque instant.
Sedan – avec son château, son musée, son cimetière - porte tout particulièrement l'histoire et la mémoire des Ardennes dans la Grande Guerre.
Il nous raconte la bataille des Ardennes de 1914 ; les combattants de 1915 qui s'enterrent dans les tranchées, jetant leur courage et leur sens du devoir à l'épreuve de la boue, du froid et de l'odeur de la mort qui rôde partout. Il nous raconte surtout que la Grande Guerre ne s'est pas jouée que sur le front mais aussi à l'arrière, ici à Sedan, ville où sont stationnées dès 1914 des unités allemandes, placées en convalescence ou en repos.
Ce site nous raconte les souffrances des Sedanais, l'Occupation, particulièrement dure dans les Ardennes, dépeinte sous la plume d'un enfant de 10 ans, Yves Congar, dans son Journal de Guerre.
Il nous raconte les soumissions, les réquisitions, les arrestations, les humiliations.
Il nous raconte les 5 240 Français et Belges condamnés aux travaux forcés, internés dans le château fort, devenu « le bagne de Sedan », véritable camp de la mort.
Il nous raconte les déportés, les réfugiés, les résistants et les résistantes. Seul département de France entièrement occupé, il a vu naître des comportements héroïques et des témoignages profonds d'attachement à la France.
Un ministre se devait de venir rappeler cette histoire si singulière à l'heure du centenaire de la Grande Guerre. Je suis fier et honoré d'être le premier à le faire depuis le début des commémorations.
Je souhaite également que cette cérémonie soit l'occasion de renouveler les messages de paix et de réconciliation entre Français et Allemands qui se sont construits à double voix ces dernières années.
« Effaçons la haine mais conservons le souvenir » dit la plaque apposée près de l'ancien camp d'internement. « Effaçons la haine », c'est le message véhiculé par les Français et les Allemands.
Cette dimension accompagne nos temps de mémoire depuis le début du Centenaire : hier au Hartmannswillerkopf autour des deux présidents de la République François Hollande et Joachim Gauk et où je me suis rendu en septembre et en décembre ; demain à Verdun à l'occasion du centenaire de la bataille le 29 mai 2016.
Cette dimension vit aussi à travers la collaboration entre la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense et l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre d'un côté et le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge allemand de l'autre pour entretenir le souvenir de nos aînés tombés sur les champs de bataille.
C'est le cas aussi à Champigny où Français et Allemands, que l'uniforme distinguait, reposent désormais côte à côte, réunis dans la mort, réunis dans l'hommage.
Nos cimetières sont des témoignages de l'histoire de la Grande Guerre mais aussi de l'évolution de notre mémoire puisqu'ils nous racontent l'individualisation de la mort qui naît pendant le conflit, l'administration faisant face, décontenancée, à des centaines de milliers de corps, que les familles réclamaient et pour qui rien n'était prévu.
C'est notre responsabilité de valoriser ce patrimoine historique et mémoriel de la France. Le département des Ardennes et la ville de Sedan l'ont bien compris.
Terres occupées, bombardées, dévastées, elles sont devenues une « destination mémorielle ».
Une destination Grande Guerre bien sûr mais aussi une destination 1870 et une destination 39-45 car les trois conflits appartiennent à l'histoire commune des Ardennais, fondent leur mémoire et constituent une part de leur identité.
Nécropoles, mémoriaux, forts, musées, chemins de mémoire que nous sommes invités à parcourir depuis l'hôtel du « château fort » où je me suis rendu, les Ardennes abritent des témoignages précieux de notre histoire que les collectivités locales s'attachent à faire vivre avec force.
C'est ainsi qu'en 2015, des visites guidées des principaux sites, des ateliers pour les scolaires, des expositions et des cérémonies ont été organisés.
Ville-histoire, ville-patrimoine, ville-mémoire, Sedan incarne aujourd'hui tout ce que je souhaite faire en matière de politique mémorielle : valorisation du patrimoine de pierre, celui qui continue de nous parler quand les témoins se sont tus ; diffusion d'un message de paix et de réconciliation, celui qui rapproche les peuples que l'histoire aurait voulu séparer ; enfin développement du tourisme de mémoire, celui qui permet à un territoire de se nourrir de son passé pour mieux se tourner vers l'avenir.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 février 2016