Texte intégral
Monsieur le Recteur,
Madame Chombart de Lauwe,
Mesdames et Messieurs les présidents et représentants des fondations de mémoire,
Mesdames et Messieurs les proviseurs, chefs d'établissements et les enseignants,
Mesdames et Messieurs les anciens de la France Libre, Résistants et déportés,
Mesdemoiselles et Messieurs les lauréates et les lauréats,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui pour cette remise des prix nationaux du Concours National de la Résistance et de la Déportation.
Depuis maintenant 55 ans, ce concours est un outil précieux au service de la transmission de la mémoire de la Résistance et de la déportation aux jeunes générations. En pérennisant le souvenir de ces pages sombres de notre Histoire, il assure une mission historique et mémorielle essentielle.
Il revêt également une incontournable dimension civique, en participant à la transmission des valeurs de la République et à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme qui, 70 ans après la Shoah, demeure une exigence.
Ainsi, le Concours National de la Résistance et de la Déportation témoigne des liens étroits qui unissent les mondes de la Défense et de l'Éducation nationale.
Ce sont deux mondes, deux institutions qui sont au fondement de la République et de l'identité de notre Nation. Ils uvrent, ensemble, à fabriquer des citoyens.
C'est pourquoi je me réjouis que la mobilisation des élèves soit au rendez-vous de l'édition 2014-2015, où ils ont été près de 42 000 à participer. Je salue tous les acteurs qui se sont mobilisés pour assurer cette forte participation, à commencer par les fondations, notamment la Fondation pour la Mémoire de la Déportation qui a réalisé le dossier pédagogique à l'intention des élèves.
Je salue et je remercie aussi les nombreux enseignants sans l'appui desquels rien ne pourrait se faire, et qui se sont pleinement investis dans les projets portés par leurs élèves. Ils les ont aidés à devenir de véritables acteurs de la mémoire.
70 ans après la Libération et la victoire contre le nazisme, les collégiens et lycéens ont été invités à travailler sur le thème de « la libération des camps nazis, le retour des déportés et la découverte de l'univers concentrationnaire ».
Aujourd'hui, les lauréats des 18 prix nationaux sont avec nous. Je veux les féliciter pour leurs travaux qui sont d'une grande qualité. Ils ont travaillé sur un sujet difficile auquel j'ai été confronté au cours de ces 15 derniers mois.
Mon expérience au contact des anciens Résistants et déportés, au contact des lieux de leurs souffrances à Auschwitz, au Struthof, à Neuengamme, à l'ancienne gare de Bobigny et ailleurs - m'ont profondément marqué. J'ai été frappé par l'humilité et l'humanité de ces rescapés de l'horreur.
J'ai été frappé par le courage avec lequel ils ont rouvert une page tragique de leur histoire. Je veux leur rendre une nouvelle fois la parole aujourd'hui.
Pour nous dire l'horreur de l'univers concentrationnaire comme l'a fait le 26 avril Robert Salomon, qui nous a quittés le 19 novembre dernier, sur le site de l'ancien camp du Struthof. Il avait évoqué alors cet « enfer d'Alsace, haut lieu de terreur, de pleurs, de douleurs, de travail exténuant par tous les temps ».
Pour nous parler aussi des terribles conditions dans lesquelles les déportés ont été libérés.
Des marches de la mort qui ont emporté près de 300 000 déportés de l'été 1944 au printemps 1945. « On a fait soixante kilomètres dans la neige ... On a marché pendant trois jours. Trois jours et deux nuits ... Là a commencé la soif. La soif provoquée par le froid et la sécheresse du climat », raconte Henri Graaf.
Pour nous apprendre ensuite la nouvelle épreuve que fut le retour des déportés, sujet auquel le ministère de la défense a consacré une exposition sur les quais de Seine en avril dernier. Violette Maurice, rescapée de Ravensbrück, écrit à ce sujet : « Nous n'étions que des morts revenus par hasard ». Il faut ensuite réapprendre à vivre et à être libre. Marie-Josée Chombart de Lauwe, vous qui avez connu l'enfer de Ravensbrück, rappelée dans l'exposition de l'association « Femmes Solidaires » présentée ici même, vous nous expliquez qu'« il faut tout repenser, redécouvrir, réapprendre dans ce monde, avec étonnement, émerveillement, pitié ou horreur, retrouver un sens à cette vie qui est nôtre ».
Pour nous raconter enfin les serments prononcés par les déportés, ces appels lumineux lancés alors que se lève enfin le jour. « On était 21 000 réunis sur la place d'appel de Buchenwald. [ ] Depuis, on essaie d'être fidèle au serment », nous apprend Léon Zyguel.
Tels sont les témoignages de la libération des camps. Ceux qui ont fait de vous, chers élèves, des héritiers.
70 ans plus tard, le travail de mémoire est une exigence et je me réjouis de l'intérêt que les jeunes manifestent pour notre histoire.
L'agenda mémoriel de l'année 2016 leur en donnera à nouveau l'occasion puisqu'ils seront notamment étroitement associés au centenaire des batailles de Verdun et de la Somme.
Au-delà de ces grandes commémorations, mes services sont pleinement mobilisés à travers la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, qui soutient chaque année plus de 500 projets pédagogiques dont de nombreux voyages scolaires sur nos lieux de mémoire.
C'est aussi pour amplifier l'écho de ce travail de mémoire que le président de la République avait annoncé la refondation du Concours afin qu'il gagne en visibilité et réaffirme sa double nature, son double ancrage, historique et civique.
Mesdames et messieurs, l'année 2015 fut celle du souvenir d'une période parmi les plus terribles que la France ait connue mais elle fut aussi, vous le savez, une année tragique pour notre pays. Une année durant laquelle il nous a été rappelé qu'aujourd'hui encore, nous pouvons mourir pour ce que nous sommes ou pour les valeurs auxquelles nous croyons.
Il est de notre responsabilité, que l'on occupe des fonctions au sein d'un gouvernement ou que l'on soit citoyen français, de dénoncer ces actes et de veiller à ce que nos enfants et petits-enfants réfléchissent aussi à l'actualité de notre histoire. C'est pour moi, ministre en charge de la mémoire, un devoir.
Car se souvenir, c'est déjà résister.
Résister à l'oubli et au négationnisme qui font tant de mal dans notre société.
Résister à ceux qui veulent mettre à terre notre République, en s'attaquant à ses valeurs, que nos aînés ont maintenue debout à bout de force, à bout de larmes, au prix du sang. C'est aussi dans cette démarche que je rencontrerai jeudi matin des élèves, accompagné de la ministre de l'Education nationale, pour leur parler de cette année 2016 que le président de la République a souhaité consacrer à La Marseillaise.
En exerçant nos jeunes à la citoyenneté, le travail de mémoire contribue à maintenir vivant cet esprit de Résistance.
Il s'est même renforcé ces dernières années, à l'aune des grands cycles commémoratifs mais aussi à travers les actions menées conjointement par mon ministère, celui de l'Education nationale et celui de la culture, dans le cadre du plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.
Derrière l'atteinte fondamentale que notre République a subie en 2015, la France d'aujourd'hui nous dit néanmoins une chose : elle nous dit combien elle est riche de sa diversité et combien elle est forte lorsqu'elle se construit sur le dialogue, l'unité nationale et l'apaisement des mémoires.
Votre engagement, chers élèves, chers enseignants, chers membres des fondations de mémoire, en est un très beau témoignage.
Très sincèrement, je vous en remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 février 2016