Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur la situation en Syrie, à Paris le 4 mars 2016.

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Circonstance : Syrie - Réunion en format «E3», à Paris le 4 mars 2016

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
J'ai souhaité, avec la Haute-représentante, Mme Mogherini, et mes collègues Steinmeier et Hammond, tenir cette réunion ici ce matin et je suis heureux de vous en rendre compte dans cette salle que l'on appelle la galerie de la paix, lieu symbolique, sur ce qui nous anime.
Nous avons pu analyser les derniers développements de la crise syrienne qui reste, vous le savez, un enjeu crucial, et qui est existentielle, à la fois pour tous les habitants de cette région et les Syriens, mais aussi pour l'Europe et tous les Européens.
J'ai constaté avec satisfaction la convergence de nos analyses. Nous savons que la solution de ce conflit ne peut être que politique. C'est pourquoi nous souhaitons une reprise rapide des négociations inter-syriennes à Genève, l'objectif étant de parvenir à une solution politique crédible, à même de ramener durablement la paix et mettre fin au calvaire que vivent depuis trop longtemps la population syrienne et de cette région.
Nous sommes également d'accord pour considérer que, pour que ces négociations redémarrent de façon crédible, deux conditions doivent être réunies. La première, c'est l'accès de tous les Syriens à l'aide humanitaire et cela en respect des résolutions des Nations unies, mais aussi le plein respect de la trêve, comme l'ensemble des parties s'y sont engagées à Munich.
Nous avons constaté des progrès sur le terrain. Ces progrès doivent être poursuivis et accentués. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, c'est le processus de négociation qui sera voué à l'échec, ce que, bien sûr, nous ne souhaitons pas.
Nous avons également adressé un message de soutien à M. Hijab, coordinateur du haut comité de l'opposition, dont je tiens à saluer le courage et le sens des responsabilités.
Voilà donc l'esprit qui est le nôtre, nous souhaitons en effet que la situation nouvelle, créée par la cessation officielle des hostilités se concrétise, s'approfondisse, que l'aide humanitaire soit totalement effective et que le processus politique à Genève puisse reprendre très rapidement.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous avez appelé depuis Genève à une réunion de la task force chargée d'observer le cessez-le-feu en Syrie. D'après vous, quelles sont aujourd'hui les chances de faire respecter cette trêve et quelles sont les chances de la reprise des négociations inter-syriennes à Genève ?
R - Nous avons constaté, comme je l'ai dit, des progrès réels. La situation a beaucoup changé par rapport à la semaine précédente, c'est donc un constat positif que nous reconnaissons et que nous admettons, mais il y a encore des ambiguïtés, des situations inacceptables.
Nous souhaitons donc que l'observation précise de ces violations soit améliorée à tous les niveaux et nous souhaitons même y participer, parce que c'est la condition de la reprise des négociations. M. Staffan de Mistura avait envisagé une première date, le 7 mars, c'était encore un peu tôt. Il en envisage une autre, le 9 de ce mois, et, en effet, pour que ces négociations puissent reprendre très vite, nous souhaitons que les conditions soient remplies. C'est possible, c'est une question de volonté de part et d'autre et nous apportons notre concours pour que cette amélioration soit encore plus forte.
Q - Êtes-vous sur la même longueur d'ondes que vos homologues américains ? Avez-vous parlé de ce problème d'aide humanitaire à M. Lavrov que vous avez rencontré hier ? M. Hijab n'est pas très satisfait de cette période de cessez-le-feu, vous avez dû le voir aujourd'hui. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ?
R - Pour compléter la réponse, j'ai évidemment abordé, avec M. Lavrov, cette question que vous avez soulevée, exactement dans les mêmes termes qui ont été employés par mes collègues, Philip Hammond et Frank-Walter Steinmeier.
Q - Vous avez évoqué, comme condition pour la reprise des négociations, le respect complet de la trêve. Hier, le président français et M. Cameron ont appelé les Russes à cesser de bombarder l'opposition modérée. Est-ce à dire que sur le terrain vous avez des indications comme quoi ils continuent à bombarder cette opposition ? Quelles sont les informations dont vous disposez en ce sens ?
R - L'opposition modérée, que nous avons rencontrée, représentée par M. Hijab, est organisée et elle a accepté la cessation des hostilités. C'est important puisque M. Hijab était le porte-parole de 104 groupes implantés sur le terrain et il a eu leur accord pour exprimer en leur nom l'acceptation de la cessation des hostilités. Ce qu'il souhaite évidemment, et on le comprend, c'est que la cessation des hostilités soit effective partout et qu'il ne soit pas concerné par des bombardements ou des tirs qui visent des groupes terroristes. Parce que, comme vous le savez, il y a une exception à la trêve puisque c'est le combat contre Daech qui se poursuit et qui doit se poursuivre, auquel nous contribuons les uns et les autres avec détermination. Et puis, il y a également le groupe Jabhat al-Nosra qui est implanté sur un certain nombre de territoires syriens et qui fait partie également des cibles qui se poursuivent.
Donc, je crois que c'est là qu'il y a une certaine complexité et nous devons veiller attentivement à ce qu'il n'y ait pas utilisation de cette situation pour qu'au passage des cibles de l'opposition modérée qui respectent la trêve soient atteintes. Nous souhaitons donc, là aussi, continuer à être extrêmement vigilant pour que l'observation par tout le monde du respect de la trêve, qui sera faite sur le terrain, soit effectivement renforcée pour éviter ce genre de situation.
En tout cas, ce que nous partageons tous les quatre, c'est que nous souhaitons que l'opposition, comme elle l'a annoncé, participe à la reprise des discussions à Genève sous l'égide de Staffan de Mistura qui va proposer une date ; il en a déjà proposé une et nous souhaitons que cette réunion ait lieu le plus vite possible.
Q - Est-ce qu'il y a un plan B en cas d'échec ? Est-ce que vous avez parlé de ces sujets avec le ministre des affaires étrangères saoudien ?
R - Avec M. al-Jubeir j'ai abordé toutes les questions en toute franchise, et transparence et nous avons, en effet, constaté des convergences, c'est ce que je viens de vous rapporter : à savoir le respect de la cessation des hostilités , l'accès de l'aide humanitaire et la reprise des discussions et des négociations politiques dans les conditions que nous avons, les uns et les autres, appelées le plus vite possible, en encourageant l'opposition modérée à y participer. C'est cela que nous avons constaté, nous n'avons pas envisagé d'autres hypothèses. Nous souhaitons la réussite mais le message est clair, il y a un engagement pour la cessation des hostilités, toutes les parties doivent y contribuer : les Russes, évidemment le régime syrien, et nous serons extrêmement vigilants pour que cela soit effectif.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2016