Texte intégral
FABIENNE SINTES
Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Education avec nous ce matin sur France Info, avec vous Jean-François ACHILLI et Guy BIRENBAUM.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous vous souvenez, il y a tout juste dix ans, mars 2006, les jeunes, les syndicats, la gauche dans la rue contre le contrat première embauche, dix ans plus tard la loi El Khomri va-t-elle comme le CPE passer à la trappe ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh non je ne le crois pas, d'abord vous aurez remarqué que depuis le début de la semaine les négociations, les discussions ont repris avec les partenaires sociaux, et donc moi je crois tout à fait à notre capacité à arriver à un texte ambitieux qui concilie à la fois nécessité de prévisibilité, de souplesse pour les employeurs et notamment les PME et en même temps nécessité de sécurité et de protection pour les salariés.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est dit. Qu'est-ce que vous dites aux lycéens, aux étudiants qui vont défiler demain à l'appel de l'UNEF, de la FIDL et d'autres grandes organisations qui appellent à manifester, ces jeunes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord les organisations étudiantes comme les organisations lycéennes sont tout à fait légitimes à vouloir prendre part au débat.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ce n'est pas rien quand même ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je ne considère pas si vous voulez qu'il y aurait des sujets pour les jeunes et puis des sujets pour les grandes personnes, j'estime que les jeunes, ce sont les futurs salariés, que cette loi précisément elle répond à la question de l'entrée dans le monde du travail puisqu'au fond que vise cette loi ?
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les jeunes massivement frappés par le chômage, il faut le rappeler.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, que vise cette loi ? Elle vise à réduire le chômage que nous connaissons comme une fatalité depuis plusieurs décennies maintenant et les règles du jeu qui veulent aujourd'hui que 70 % des entrées dans le monde du travail se fassent en CDD au lieu de se faire en CDI. Donc chômage et précarité, c'est ce que la loi veut faire reculer. Donc évidement que cela concerne les jeunes et que les jeunes aient leur mot à dire sur le sujet, ça ne me choque pas bien au contraire.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais Najat VALLAUD-BELKACEM à quel niveau de mobilisation situeriez-vous le blocage vis-à-vis de la loi, combien un million, cinq cent mille ? A quel moment vous direz, aie, aie, aie, ça sent le dérapage, ça va mal finir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais moi je ne fais pas de
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a bien un moment où vous regarderez ce qui va se passer quand même.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr qu'on suit tout ça avec attention, mais moi je ne fais pas de météo sociale, je sais que certains prétendent le faire, je leur laisse cette discipline très complexe. Moi, ce qui m'intéresse, c'est pourquoi est-ce que les jeunes éprouvent le besoin de s'exprimer et je crois qu'en fait, ils nous disent leurs aspirations non pas à du conservatisme, j'ai entendu ça ici ou là, je ne crois pas que les jeunes soient conservateurs, je crois qu'ils aspirent tout simplement à faire partie du débat, à trouver leur place dans cette société, à s'épanouir sur le marché du travail et que oui, ce sont des arguments que l'on peut entendre y compris pour améliorer ce projet de loi, qui en effet doit être fait aussi pour les jeunes entrants sur le marché du travail et donc pour eux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Justement on va y venir un peu sur le détail de ce qui s'est dit ou pas d'ailleurs hier. Manuel VALLS a pris la main, c'est lui qui négocie à Matignon, est-il vrai comme l'a révélé le Figaro hier que le Premier ministre a reçu discrètement, il y a quelques jours plusieurs ministres, dont vous-même, c'est ce que raconte le Figaro, pour parler de cette loi El Khomri et que le Premier ministre aurait même agité la menace d'un éventuel départ de Matignon, est-ce que tout cela est vrai ou est-ce que c'est faux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qu'il y ait des rendez-vous entre ministres à plusieurs ministres pour discuter de la politique gouvernementale, j'allais dire, ça devrait rassurer tout le monde, n'est-ce pas, pour le reste, ça fait bientôt 20 ans que je fais de la politique, moi, je ne me suis jamais prêter aux bruits de chiotte qui consistent à raconter des choses.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Aux bruits de chiotte
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui c'est ça qui consistent à raconter des choses qui n'ont pas à être racontées, donc je vous incite à inviter sur votre plateau celui ou celle qui a raconté cela pour qu'il puisse en dire davantage.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc bruits de toilettes, c'est vrai, c'est faux, donc c'est faux pour vous, vous dites c'est faux ce matin.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je constate qu'il y a beaucoup d'âneries qui sont racontées sous le sceau de l'anonymat, donc plutôt que de rester dans l'anonymat, je préfère inviter ceux qui s'expriment à venir sur les plateaux et puis à raconter leurs âneries plus avant.
FABIENNE SINTES
En tout cas y compris le vocabulaire que vous employez prouve qu'il y a de l'ambiance quand même en ce moment entre vous.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh non, vous savez de manière générale, moi il y a une chose en politique que je n'ai jamais appréciée, à laquelle je ne me suis jamais prêtée, c'est à parler de manière anonyme, donc moi quand j'ai besoin de raconter qu'il y a eu telle ou telle rencontre entre ministres, quoi de plus légitime pour évoquer la suite de la politique gouvernementale, je le raconte et je dis tout ce qui s'est dit, en l'occurrence, il y a beaucoup de bêtises qui sont racontées et donc je ne veux pas encore une fois participer à ce petit jeu qui ne grandit pas la politique.
GUY BIRENBAUM
Non, mais vous savez bien qu'en disant bruits de chiotte à l'instant ça faut démarrer, c'est un buzz qui démarre, un bruit de chiotte, ce n'est pas une expression qu'on utilise comme ça, quand on est ministre tous les jours.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui mais parce que moi je prends la politique au sérieux, moi j'estime qu'à un moment, vous venez de le rappeler, il y a des mobilisations, il y a des jeunes qui s'inquiètent pour leur avenir, il y a une loi de travail qui a été préparée par une ministre qui la porte avec beaucoup de pugnacité, il y a des partenaires sociaux qui sont reçus en ce moment et donc les Français ont besoin d'avoir en face d'eux un gouvernement qui agit, qui est solidaire, qui est solide et ils n'ont pas besoin de ce type de récit qui alimente certes une certaine presse, tant mieux, mais ce n'est pas ça la politique.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
D'accord alors Laurent BERGER, le secrétaire général de la CFDT exige le retrait du barème des indemnités prud'homales, apparemment c'est un peu le point d'achoppement, est-ce que si ce barème des indemnités est retiré, après tout la loi pourrait passer avec le soutien de la CFDT qui est dit syndicat réformiste ? C'est un peu là la clé de voute de la négociation qui se joue en ce moment même ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En fait comme sur l'ensemble du texte, je pense que c'est important de revenir aux principes et pourquoi est-ce que nous faisons ce que nous faisons.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que ce point-là gène les syndicats.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, la question de la barèmisation, c'est à la fois donner plus
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Au bénéfice d'entreprise et au détriment des salariés
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, est-ce que c'est au détriment des salariés ? Justement la négociation qui reprend va servir à revoir les curseurs, tant mieux, mais la question, c'est est-ce que c'est au détriment des salariés que d'avoir cette barèmisation ? Non, parce qu'y voir plus clair sur le prix de la rupture pour l'entreprise, c'est une incitation faite à embaucher en CDI plutôt qu'en CDD, et pour le salarié, c'est aussi une forme d'équité retrouvée parce qu'aujourd'hui en l'absence de cette barémisation, en fonction du juge devant lequel vous vous retrouvez vous allez avoir un licenciement qui va coûter plus ou moins cher et donc un salarié qui va être plus ou moins bien traité.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ce n'est pas forcément un point qui sera levé ou retiré.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que la loi puisse fixer le barème à la limite ça remet tout le monde à égalité face à ce licenciement et moi je pense qu'il faut vraiment concevoir cela comme un progrès aussi bien pour l'entreprise que pour le salarié, la question c'est celle du curseur et c'est celle-là qui est disputée.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Najat VALLAUD-BELKACEM, vous avez vu Martine AUBRY hier soir au bureau national du PS qui a littéralement dézingué l'avant, parce que nous sommes dans un avant projet de loi, devant la ministre El KHOMRI, elle-même, qui était venue le défendre, qu'est-ce que vous dites ce matin à Martine ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que je n'ai pas apprécié sa tribune, mais je le dis sur votre plateau comme je l'ai dit aux principaux signataires, je n'ai pas apprécié le procédé. Je pense que nous sommes encore une fois dans une période toute particulière, où nos concitoyens sont traversés par la tentation du pire et le pire, ce n'est pas seulement l'extrême droite pour moi, c'est aussi une certaine droite qui va jusqu'à trouver son inspiration chez Donald TRUMP aujourd'hui. Donc à un moment donné peut-être qu'il faudrait que la gauche se retrousse les manches, retrouve ce qui fait sa solidité, sa solidarité, c'est-à-dire des valeurs partagées qui sont à mon sens bien plus importantes que les différences d'appréciations qu'on peut avoir, de telle ou telle mesure. Et je pense que nous devons être à la hauteur de l'enjeu qui est de présenter un front uni à gauche face à la situation dans laquelle nous sommes et à la défiance de nos concitoyens.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On vous sent très remontée ce matin contre ces divisions à gauche.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, je le suis bien sûr.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que c'est la gauche qui se déchire en fait là.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui, mais voilà moi je souhaite que nous soyons tous responsables et honnêtement le gouvernement en l'occurrence, Manuel VALLS, Myriam El KHOMRI, Emmanuel MACRON qui en ce moment même reçoivent tous les partenaires sociaux pour revoir les curseurs de telle ou telle mesure et faire en sorte que ce texte puisse être le plus largement accepté, sont dans une éthique de responsabilité, donc je souhaite que nous le soyons tous.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
François HOLLANDE ne doit pas céder à la rue demain, quelle que soit la mobilisation, surtout si elle est importante évidemment, il ne doit pas céder à ça ? Qu'elle est l'idée en fait ? Vous êtes d'accord, demain il y a un rendez-vous important avec le peuple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais j'ai dit moi qu'il fallait l'écouter, qu'il faut écouter bien sûr, et notamment les organisations de jeunesse, les partenaires sociaux évidemment, mais moi je considère qu'on ne peut pas gouverner par la crainte, on gouverne par la conviction, donc ce qu'il nous reste à faire, c'est de convaincre le plus largement possible, comme je viens de vous le rappeler avec quelques chiffres simples. Tout le monde a en tête par exemple le fait que plus de 80 % des nouveaux contrats qui se signent ne sont pas des CDI, donc à un moment donné on a une société, un marché du travail, qui est évolutif, qui a changé et auquel il faut aussi adopter notre législation pour précisément mieux protéger les salariés et notamment les jeunes. Et donc il faut qu'on soit capable de convaincre de tout ça et en même temps qu'on rappelle aussi, pardonnez-moi de prendre deux secondes pour vous le dire, que ce gouvernement pour le coup a fait beaucoup pour la lutte contre le chômage comme pour la jeunesse. La priorité jeunesse de François HOLLANDE énoncée en 2012, je peux vous dire qu'il aura été au rendez-vous parce que là, on parle de ce texte, mais enfin depuis plusieurs mois le chômage des jeunes est à la baisse, le chômage des jeunes est à la baisse, parce que nous avons pris des mesures, le CICE, les emplois d'avenir, la garantie jeunesse, les bourses étudiantes pour partir sur d'autres
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Nous ferons le point sur tout ce qui a été fait vis-à-vis des jeunes. Juste un mot Najat VALLAUD-BELKACEM, transition toute trouvée, c'est aujourd'hui la journée du droit des femmes. Je pique la question à Fabienne SINTES, il y a du chemin à faire encore, non. On vous a vu apparaitre dans un clip, un teaser, en Français dans le texte, la voix des femmes indépendantes, qu'elle est l'idée ce matin, quel est le message ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous passez à un truc, vous passez à un autre sujet, on est bien d'accord.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Non, c'est la journée dédiée, bon je sais que c'est un peu convenu mais après tout pourquoi pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, moi je ne suis plus ministre des Droits des femmes, voilà mais
FABIENNE SINTES
Vous êtes toujours une femme.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je suis toujours une femme et le combat en particulier contre les violences faites aux femmes me tient toujours terriblement à coeur, et tout ce que je peux faire pour accompagner les associations, les structures qui travaillent sur ce sujet, je le fais avec plaisir. Sarah KADDOUR qui est à l'origine de cette structure « la voix des femmes », cette association, qui va chercher chaque année des femmes de tous les milieux et notamment de ce qu'on appelle le show business qui soient un peu connues pour prêter leurs traits et leurs voix à cette cause là, je trouve qu'elle fait un travail formidable donc j'ai eu envie d'y participer. Donc chaque année, c'est la chanson pour dire aux femmes qu'on peut se battre, qu'il faut relever la tête et qu'il ne faut pas s'en laisser conter.
GUY BIRENBAUM
Madame la Ministre, quand et comment avez-vous appris la remise de la Légion d'Honneur par François HOLLANDE au prince saoudien, Mohammed BEN NAYEF, parce qu'on a eu l'impression que c'est du catimini, vous l'avez su quand vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur les réseaux sociaux.
GUY BIRENBAUM
Bien et vous en avez pensé quoi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoute, Jean-Marc AYRAULT s'est exprimé à ce sujet, je vous renvoie à sa réponse, il y a des traditions diplomatiques
GUY BIRENBAUM
C'est la vôtre qui m'intéresse.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, il y a des traditions diplomatiques qui font que voilà il y a des décorations qui sont remises, je pense qu'il ne faut pas non plus en tirer plus de conséquences ou de conclusions que cela.
GUY BIRENBAUM
Journée du droit des femmes, les Saoudiennes, on ne peut pas dire que ce soit formidable
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour répondre à votre question, ça ne signifie nullement qu'on cautionne la politique conduite par ce gouvernement, et en particulier bien sûr la persistance de la peine de mort. C'est simplement une tradition diplomatique.
GUY BIRENBAUM
70 exécutions.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On vous a vue jeter un oeil, un regard souriant plutôt au début de cette interview sur un écran de télé, avec Maria SHARAPOVA. Vous trouvez que c'est une femme remarquable ? Qui est empêtrée dans une histoire de dopage. Elle essaye de s'en expliquer. Est-ce que vous avez un regard là-dessus ? Vous avez été à une époque ministre chargée des Sports.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Alors je ne suis pas sûre d'avoir un avis d'experte sur le sujet parce que je n'ai pas compris si c'était un produit illicite ou si c'est un médicament qui aurait eu cet effet-là. En fait, mon regard amusé c'était plutôt par rapport à la plaisanterie de votre journaliste sur la nécessité de lui sucrer ses indemnités. Enfin, bref ! Est-ce que c'était un produit illicite ?
MATTEU MAESTRACCI
C'est une substance interdite, qui a été officiellement interdite depuis janvier. Elle dit qu'elle ne savait pas que c'était devenu interdit.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, c'est ça.
MATTEU MAESTRACCI
Et elle le présente comme un médicament, mais ce n'en est pas forcément un.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Elle reste une femme remarquable malgré tout à vos yeux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour l'avoir vue jouer, moi je la trouve évidemment, je l'ai toujours trouvée exceptionnelle jusqu'à présent. Après, c'est sûr que c'est l'occasion une fois de plus de répéter combien le dopage est une pratique gravissime notamment pour les plus jeunes de nos joueurs, ceux qui ne sont pas d'ailleurs dans des clubs professionnels, mais qui peuvent aussi se laisser tenter. On a pu le voir récemment. Donc, voilà, l'occasion de passer un message.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mars 2016