Texte intégral
THOMAS SOTTO
Elle est au coeur de l'actualité, Jean-Pierre ELKABBACH vous recevez ce matin Myriam EL KHOMRI la ministre du Travail pour l'Interview politique d'Europe 1, madame, monsieur, c'est à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a entendu Manuel VALLS dire la réforme prend un nouveau départ, bienvenue Myriam EL KHOMRI, bonjour
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça veut dire que le gouvernement a donc raté le premier départ, qu'est-ce qui garantit que ce départ-là va être réussi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez c'est un projet de loi qui est fait pour faire avancer notre pays, il y a un état d'urgence économique et social, aujourd'hui il faut prendre en considération la situation de notre pays, on crée moins d'emplois que nos voisins européens, 9 embauches sur 10 se font en CDD et nous avons un chômage qui est important. Donc, il faut
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais tout le monde est convaincu que cette loi ne permettra pas de créer des emplois - on a entendu tout à l'heure François ASSELIN de la CGPME et il n'est pas le seul, la loi ne fera pas baisser le chômage ?
MYRIAM EL KHOMRI
L'objectif de cette loi c'est d'encourager les embauches en CDI, parce qu'aujourd'hui une partie de la population - les personnes les moins qualifiées, les jeunes, les femmes - accèdent à l'emploi à travers des CDD et dans une forme d'hyper-précarité où ils collectionnent ces CDD. L'objectif en donnant plus de souplesse aux entreprises, par la négociation, l'objectif en levant les incertitudes liées à la rupture du contrat de travail et également en apportant des droits nouveaux aux salariés vise justement à permettre des nouvelles formes de régulation dont notre pays a besoin.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous êtes sûre que c'est la dernière écriture de cette réforme, parce qu'il va y avoir des amendements, des ajustements, des corrections lors du débat au Parlement - les socialistes, l'opposition le disent déjà est-ce que cette loi ne va pas être dévitalisée ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, cette loi ne va pas être dévitalisée. Mais il y a un débat parlementaire, il est légitime, il est normal et le débat parlementaire vise aussi à enrichir le texte, hier soir j'étais avec des députés socialistes sur la question notamment des TPE et des PME il y a leur volonté aussi de faire des propositions pour que nous continuons à avancer dans ce cadre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que c'est eux qui vont répondre à François ASSELIN en pensant aux thèmes
MYRIAM EL KHOMRI
Le débat parlementaire est là pour enrichir le texte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez fait un certain nombre de concessions, une dizaine, vous avez tellement bougé que la plupart des gens pensent que vous avez reculé, vous ne voulez pas vous entêter. Mais est-ce que ce matin L'Opinion n'a pas raison, le journal L'Opinion, en disant que c'est un grand bond en arrière ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, moi je crois que chercher un compromis c'était utile dans la période sur laquelle nous avons travaillé, parce qu'en effet le démarrage a été raté parce qu'il n'y a pas eu de pédagogie sur la loi. Donc...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous reconnaissez, comme Manuel VALLS
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez tous raté le début, le lancement de cette loi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait ! Tout à fait, nous n'avons pas eu le temps d'explication devant l'ensemble des partenaires sociaux comme nous avons eu hier, et c'est important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au moins ça veut dire que cette fois-ci vous avez appris à écouter avant de vouloir imposer
MYRIAM EL KHOMRI
Exactement !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est déjà pas mal ?
MYRIAM EL KHOMRI
Et on ne réforme pas dans la brutalité. Donc nous avons cherché un compromis, un compromis c'est un pas en avant, un pas vers lautre, c'est justement l'inverse - c'est précisément l'inverse qu'un recul - et je pense que c'est nécessaire pour que cette loi soit mieux comprise mais parce que cette loi porte une vraie ambition.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Mais depuis tout à l'heure on dit la loi, la loi, la loi, comment il faut dénommer cette loi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ma loi !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La loi Hollande-Valls, la loi El Khomri, la loi Valls, la loi Eric WOERTH dit la loi Berger, CFDT, c'est la loi
MYRIAM EL KHOMRI
C'est la loi portée par la ministre du Travail ! Et c'est légitime, vous savez le rapport de Jean-Denis COMBREXELLE a été demandé par le Premier ministre il y a un an, et c'est légitime que nous y travaillons avec le Premier ministre, avec le président de la République et également avec le ministre de l'Economie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai entendu : « c'est ma loi » ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est ma loi bien évidemment, c'est moi qui ai mené l'ensemble des concertations avec les partenaires sociaux. En effet il y a des mesures qui sont arrivées tardivement dans le texte, qui ont demandé plus d'explication
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne craignez pas d'être démentie par tel ou tel du gouvernement ou de l'extérieur ?
MYRIAM EL KHOMRI
Absolument pas !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon !
MYRIAM EL KHOMRI
Je pense que tel ou tel sait le travail que j'ai fait pour mener à ce texte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a vu Myriam EL KHOMRI Manuel VALLS en première ligne, le président de la République dans un premier temps a refusé le retrait, dans ce nouveau texte où est la main et l'écriture de François HOLLANDE ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez c'est une écriture qui est partagée, nous avons ce week-end et pas seulement nous avons
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais qu'est-ce qu'il a apporté, qu'est-ce qu'il a suggéré, qu'est-ce qu'il a réécrit ou écrit ?
MYRIAM EL KHOMRI
Mais c'est partagé par l'ensemble du gouvernement. Ce qui était essentiel pour nous c'est à la fois d'arriver à donner plus de souplesse aux entreprises par la négociation, cette marque du dialogue social c'est la marque de fabrique de François HOLLANDE depuis le début du quinquennat
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jusqu'à quelle heure vous avez travaillé dimanche, peut-être lundi, ce texte ?
MYRIAM EL KHOMRI
Nous avons eu encore une dernière réunion d'arbitrage lundi matin, à 8h du matin.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors on voit bien qu'il y a en écoutant les réactions deux France, mais en même temps on parle du front syndical, il n'y avait pas de front syndical personne à moins que vous le croyez-vous croit possible de le réconcilier la CFDT et Force Ouvrière, la CGT et le MEDEF, la CGC, CFDT et SUD, et l'UNEF avec les étudiants réformistes de la FAGE. J'entendais les responsables de l'UNEF dire que votre texte sur la garantie jeune, qui va accompagner vers l'emploi dès 2017 et qui devient un droit pour tous les jeunes sans emploi et formation, va coûter quatre à cinq milliards d'euros, où est la vérité ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, déjà l'unanimité quand une réforme change de philosophie, lorsqu'on donne plus de souplesse, plus de place à la négociation, il n'y a pas d'unanimité dans notre pays, ça montre bien que cette réforme fait bouger les choses et c'est nécessaire, c'est nécessaire parce que la seule pression que moi j'ai c'est cette pression notamment du nombre de demandeurs d'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La garantie jeune, c'est combien ?
MYRIAM EL KHOMRI
S'agissant de la garantie jeune, c'est inédit ce que nous faisons, dans le texte nous allons mettre un droit à l'accompagnement pour les jeunes. Pour les jeunes l'accompagnement le plus intensif c'est la garantie jeune, la garantie jeune
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a 900.000 jeunes, combien vont être concernés, combien de jeunes ?
MYRIAM EL KHOMRI
900.000 jeunes, c'est une étude d'EUROSTAT sur le nombre de jeunes qui ne sont pas en emploi, pas en étude, pas en formation en 2013, tous ces jeunes doivent bénéficier d'un accompagnement, mais pas forcément de la garantie jeune.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien ?
MYRIAM EL KHOMRI
La garantie jeune c'est un accompagnement intensif avec des critères, ces critères c'est des jeunes en précarité qui doivent être motivés et volontaires pour rentrer dans ce dispositif
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien l'année 2017 par exemple
MYRIAM EL KHOMRI
Ce que nous prévoyons
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quel coût ?
MYRIAM EL KHOMRI
D'ici la fin de l'année
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'il faut peut-être tordre le cou d'un canard qui dit quatre cinq milliards, est-ce que c'est vrai ?
MYRIAM EL KHOMRI
D'ici la fin de l'année on aura 100.000 jeunes qui seront rentrés dans la garantie jeune, nous en faisons un droit universel, c'est-à-dire que les jeunes qui correspondent aux critères auront droit de rentrer dans le dispositif à partir du 1er janvier 2017
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et 100.000 jeunes ça fait ?
MYRIAM EL KHOMRI
On parle pour le 1er janvier 2017, on peut aller les missions locales évaluent à 100.000 à 150.000 jeunes qui pourront rentrer dans la garantie jeune
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ca fait ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ca fait entre 450 et 600 millions d'euros.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et, s'il y a plus de jeunes, y aura-t-il les moyens ?
MYRIAM EL KHOMRI
Bien évidemment ! Mais je le redis, ce dispositif c'est un contrat donnant donnant, les jeunes doivent être volontaires, doivent correspondre à des critères et puis bien évidemment ils bénéficieront de cette allocation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors voyons Myriam EL KHOMRI les réactions des syndicats, le gouvernement je crois qu'il a de la chance parce que Pierre GATTAZ et le MEDEF sont critiques et mécontents, monsieur GATTAZ dit : « c'est la fin des haricots » et du côté des syndicats messieurs MARTINEZ (CGT), Jean-Claude BAILLY (Force Ouvrière) et MARTINET (UNEF) vont se mettre en grève le 17 et surtout le 31 pour réclamer le retrait, c'est fini l'idée du retrait ?
MYRIAM EL KHOMRI
Oui c'est fini l'idée du retrait, moi ce qui compte c'est l'intérêt général, il n'y a pas d'unanimité en effet sur le texte. Sagissant des propos de Pierre GATTAZ, il a dit : « si le texte était à nouveau dénaturé, ça serait la fin des haricots précisément » et par ailleurs, je tiens à le dire ici, nous instaurons dans ce texte un droit universel à la formation, des centrales comme la CGT ou FO sont bien sûr volontaires de ce point de vue-là. Après nous avons divergences, j'ai des divergences avec la CGT par exemple quand ils prônent les 32 heures, voilà j'ai une divergence, mais moi j'assume que nous souhaitons qu'il y ait le plus d'adaptations sur le terrain, qu'il y ait plus de négociations au niveau des entreprises, qu'il y ait plus de négociations au niveau des branches, c'est essentiel parce qu'aujourd'hui notre système est à bout de souffle et donc il faut de nouvelles formes de régulation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, on voit l'énergie dès ce matin. Mais quand vous les avez nous on voit les images, on vous voit les uns et les autres à tour de rôle, est-ce que monsieur MARTINEZ de la CGT ou monsieur MAILLY propose quelque chose, ce sont les rois de la réponse non, négative, est-ce qu'il propose ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez ! S'agissant de FO, par exemple FO dans le cadre de la discussion sur le Compte personnel d'activité avec les partenaires sociaux a joué un rôle important, la CGT également sur le Compte personnel d'activité. Après ils sont contre le fait de laisser plus de place à la négociation d'entreprise, en gros on veut laisser plus de place notamment à la négociation aux représentants des syndicats pour justement permettre cette souplesse, ils ne le souhaitent pas
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites tant pis pour ces manifestations.
MYRIAM EL KHOMRI
D'autres syndicats sont prêts à rentrer dans ces compromis pour permettre plus d'adaptations
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'autre syndicat c'est la CGT, mais on voit bien que Laurent BERGER fait une réforme, est-ce qu'il peut faire le printemps ? Est-ce qu'il peut faire le printemps social à lui tout seul, Laurent BERGER?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Laurent BERGER et d'autres centrales réformistes souhaitent qu'il y ait plus de place à la négociation, parce qu'ils sentent bien que notre système est à bout de souffle et qu'ils veulent prendre leurs responsabilités pour permettre ces adaptations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc elle aura lieu, vous avez dit compromis et négociations. Deux choses ! Ce matin le Conseil d'Etat est saisi de votre projet de loi de Travail
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ou la loi
MYRIAM EL KHOMRI
El Khomri.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
El Khomri, très bien, qui arrivera en conseil des ministres le 24 mars et en débat dans l'hémicycle fin avril-mai. Est-ce qu'elle sera un jour appliquée et quand ? Par exemple, ici ce matin, vous nous dites tous : « la loi sera, la loi El Khomri sera appliquée à quel moment ?
MYRIAM EL KHOMRI
Cette réforme elle est juste et nécessaire, elle sera votée avant l'été et donc applicable directement après.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on en verra les effets avant la fin de l'année, si on vous écoute ?
MYRIAM EL KHOMRI
Bien évidemment ! Cette loi, dès qu'elle est votée, elle sera appliquée, il y aura des décrets d'application bien sûr à prendre en compte, nous les prendrons le plus rapidement possible, mais c'est essentiel. C'est essentiel, parce que nous avons en effet besoin de donner un nouveau souffle dans notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous trouverez une majorité chez les socialistes pour la voter, il faudra leur donner quelques petites fessées ou quelques 49.3 ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien je crois que l'ensemble des députés sont volontaires pour permettre à la fois qu'il y ait plus de sécurité pour les salariés mais également plus de souplesse pour les entreprises, c'est ça qui se joue aujourd'hui
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est bien ! C'est
MYRIAM EL KHOMRI
C'est ça qui se joue. Parce que je crois que la vie d'un artisan ou d'un commerçant n'est pas la même que celle d'un grand groupe où on n'a pas de service RH, donc apporter cette souplesse, permettre une adaptation, notamment au sein du Code du travail et permettre de nouveaux droits pour les salariés c'est ça qui se joue aujourd'hui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien ! Sinon, sinon, les élus du Parti socialistes vont voir ce qui se passe dans les élections partielles où là c'est de mauvais augures pour ce qui peut se passer dans les mois qui viennent ?
MYRIAM EL KHOMRI
Avançons pour notre pays !
THOMAS SOTTO
Toute, toute petite question quand même.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui.
THOMAS SOTTO
François ASSELIN, vous parliez de la garantie jeune tout à l'heure Jean-Pierre, François ASSELIN - de la CGPME se demandait comment ça allait être financé, il avait peur que ça retombe sur les entreprises, comment va être financée cette garantie jeune, est-ce que vous le savez déjà ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, absolument pas. Nous avons plusieurs dispositifs d'accompagnement dans ce que nous préconisons dans le projet de loi de finance et puis nous avons notamment sur la garantie jeune des aides de l'Union européenne dans ce cadre-là, la garantie
THOMAS SOTTO
Ca ne coûtera pas un euro aux entreprises ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ca ne coûtera rien aux entreprises, c'est un engagement que nous prenons. Vous savez ce gouvernement a fait beaucoup pour baisser le coût du travail avec le Pacte de responsabilité et le CICE, il est hors de question de faire machine arrière de ce point de vue-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, d'accord, d'accord, d'accord. Mais en quoi ce travail vous a fait changer, vous, personnellement ?
MYRIAM EL KHOMRI
Moi, écoutez, je regarde la France telle qu'elle est et j'ai
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, non. Mais vous, vous, en quoi vous avez changé en travaillant depuis quelques mois sur cette loi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien je suis déterminée, déterminée, pour trouver justement des compromis afin qu'on améliore la compétitivité de notre économie mais également afin que nous trouvions de nouveaux droits pour les salariés ; et je crois que la question de la formation, ça fait 30 ans que nous en parlons dans notre pays, le droit universel à la formation qu'elle aille aux personnes les moins qualifiées c'est ça aussi l'enjeu de cette loi.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Myriam EL KHOMRI d'être venue ce matin sur Europe 1
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mars 2016