Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, en hommage aux combattants australiens de la Deuxième Guerre mondiale, à Adélaïde le 1er mars 2016.

Prononcé le 1er mars 2016

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Circonstance : Cérémonie de décoration de vétérans australiens de la Seconde Guerre mondiale, à Adélaïde (Australie) le 1er mars 2016

Texte intégral

Messieurs les vétérans,
C'est un grand honneur mais aussi un réel plaisir pour moi d'être avec vous aujourd'hui pour une si belle cérémonie. Parce qu'il n'y a guère de moment plus émouvant, dans l'action d'un ministre de la défense, que de récompenser des parcours exemplaires, de distinguer des vies consacrées à la défense de valeurs communes et à l'amitié entre nos deux pays.
Plus de soixante-dix ans après les faits qui vous ont distingués, Messieurs les vétérans, vos parcours continuent de susciter l'admiration de tous, et vos vies ont pris depuis longtemps la valeur d'un exemple. C'est le message, de reconnaissance et de fierté partagée, que je suis venu vous porter aujourd'hui.
Avec vous, nous revenons aux heures les plus difficiles de la Seconde Guerre mondiale, celles où pourtant le meilleur a ressurgi du pire. Partout où l'occupant nazi se trouvait, les Alliés ont combattu. Pourtant nés en dehors de nos frontières, au Royaume-Uni ou en Australie, ce grand pays si loin du nôtre, vous êtes venus. Vous avez laissé derrière vous vos familles, et vos vies de jeunes hommes, à peine vingt ans, pour vous consacrer à votre patrie. Vous lui avez offert votre courage, votre pugnacité et votre jeunesse, renonçant à l'insouciance de ceux qui ne connaissent pas la guerre.
Je voudrais suggérer, en quelques mots pour chacun, le legs héroïque que vous avez laissé à l'Histoire, et qui continue d'inspirer la relation entre nos deux pays, entre la France et l'Australie.
James Hesket, au cours de vos trois années de service, vous avez assuré nombre de missions de sécurisation et d'escorte de convoi, je pense notamment à celui du général Montgomery. Le 6 juin 1944, vous étiez de ces milliers de soldats qui ont fait basculer l'Histoire et à qui nous devons, encore aujourd'hui, une liberté dont nous mesurons tout le prix.
Arthur Hugh McKinley, vous avez pris part, à terre, à la bataille de Normandie d'août 1944, avec le 5e bataillon de la Black Watch, réputé pour son courage et sa fidélité. Du courage, il en fallait pour poursuivre votre avancée, au milieu des balles et des bombardements, et vous n'en n'avez jamais manqué.
« Strike hard, strike sure ». La devise du prestigieux Bomber Command a une résonance particulière pour vous, Eric Garner Arthur. Par les opérations de reconnaissance et de marquage des cibles au sol que vous avez menées, vous avez permis d'éviter de nombreux dommages collatéraux. Avec 44 opérations réalisées, il est difficile de dire combien de vies ont été épargnées grâce à vous.
James Vincent Seaton Bowen, pilote au sein du Bomber Command vous aussi, vous avez frappé l'ennemi, en France et en Allemagne, depuis votre Avro Lancaster, notamment au cours du débarquement en Normandie. Vous incarnez ainsi avec éclat la devise de votre escadrille, « Press on regardless », un appel à la persévérance que vous avez toujours honoré.
Douglas Raymond Leak, héros des prisonniers de guerre, vous avez largué dans les derniers jours de la guerre des denrées alimentaires aux Anglais et Français tout juste libérés, comme vous l'aviez fait au Pays-Bas, où la famine faisait rage. Certains ont rapporté, Douglas, que vous changiez parfois votre radio de fréquence pour écouter de la musique classique. Il n'y avait ainsi pas de trêve dans votre lutte contre la barbarie.
Norman Tennison, vous avez servi quatre ans au sein de la marine royale britannique, en tant que mitrailleur sur batterie anti-aérienne. Après avoir pris part au débarquement en Normandie à bord de l'HMS Enterprise, vous êtes mobilisé en mer Egée pour libérer les îles du Dodécanèse. Vous êtes fait prisonnier dans les derniers jours de la guerre, après avoir combattu pour la liberté de la France puis de la Grèce, avec ardeur et audace.
Francis B. Porter, vous avez participé au débarquement en Normandie à bord d'une barge de débarquement, transportant des tanks Sherman. Vous incarnez ainsi la mobilisation des hommes qui ont rendu possible cette manœuvre légendaire et symbolique de la libération de la France par les Alliés.
A tous, au nom de la France, je voudrais dire notre reconnaissance collective et mon admiration personnelle. Votre bravoure dans la guerre, qui s'est manifestée à de nombreuses reprises, a pesé de façon décisive en faveur de la victoire des Alliés Cette reconnaissance et cette admiration sont au cœur de la distinction que je m'apprête à vous remettre. Elle ancre, dans l'histoire de la France, le dévouement héroïque que vous lui avez consenti.
Cette cérémonie, au-delà des destinées extraordinaires qu'elle vient récompenser, est le symbole de la formidable amitié qui lie la France à l'Australie depuis plusieurs siècles maintenant.
Dès le XVIIIème siècle, l'expédition dans le Pacifique de Nicolas Baudin, envoyé par Napoléon Bonaparte, traduisait la fascination française pour cette région lointaine et encore inconnue.
A peine un siècle plus tard, la France recevait le soutien indéfectible des volontaires australiens et néozélandais. Nombre d'entre eux ne sont jamais revenus, tombés au combat durant la sanglante bataille de Gallipoli, dont nous célébrions le centenaire l'an dernier.
J'ai visité hier le mémorial Australien, érigé en 1961 à Canberra en l'honneur des soldats qui ont péri pendant la Grande guerre. Des soldats de l'Anzac aux combattants que nous distinguons aujourd'hui, de la Grande Guerre à la Seconde Guerre mondiale, il y a, pour la France et l'Australie, la continuité d'une amitié, qui s'est incarnée dans de terribles épreuves, mais qui s'épanouit aujourd'hui.
Soixante-dix ans plus tard, la force de ces liens entre nos deux pays ne s'est pas démentie. Aujourd'hui, les jeunes Français qui traversent le monde pour rejoindre l'Australie s'y rendent pour étudier, travailler, ou tout simplement découvrir ce pays avec lequel nous partageons tant.
Mais nous ne partageons pas seulement une histoire commune, que vous incarnez et que je veux saluer. Nous partageons aussi une même préoccupation pour l'avenir.
Car aujourd'hui, nous avons également en commun d'être les cibles d'un terrorisme d'inspiration djihadiste. Sydney et Paris en ont récemment été les victimes.
Ces drames qui nous ont endeuillés confirment que l'ennemi auquel nous faisons face est le même. C'est la raison de notre engagement commun en Irak et au Levant, et je veux saluer la contribution majeure de l'Australie à la coalition internationale contre Daech.
Alors que nous intervenons ensemble sur plusieurs théâtres d'opérations, de nouvelles coopérations entre nos armées, notamment nos Marines, voient le jour dans le domaine de la formation. La participation - en ce moment même - d'une frégate australienne à des exercices avec le groupe aéronaval français incarne cette détermination commune qui nous anime, contre ceux qui voudraient nous menacer.
Messieurs les vétérans, personne mieux que vous ne connait le sens du mot engagement. Puissions-nous nous montrer, dans les défis communs qui nous attendent encore, à la hauteur de celui qui a été le vôtre.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 mars 2016