Texte intégral
Il faut aider la Tunisie à faire face à ses défis en matière de sécurité. Il n'y a pas de liberté sans sécurité et quand le terrorisme vient frapper aux portes, quand il vient aux frontières pour tuer, il faut bien aider nos amis de la Tunisie.
Et puis, il y a une autre priorité, c'est accompagner la Tunisie dans tous ses chantiers de réformes pour permettre à la jeunesse d'avoir un avenir en matière de formation et d'emploi.
Tout à l'heure, j'ai salué le travail de Campus France qui permet aux jeunes de venir étudier en France. La France se veut accueillante et la France veut aider la Tunisie qui est une référence maintenant - pas seulement dans le monde arabe mais bien au-delà - pour s'en sortir, réussir, donner un avenir à la population et en particulier la jeunesse.
La Tunisie a fait le choix courageux de la liberté et de la démocratie. C'est donc un exemple que tout le monde suit aujourd'hui avec beaucoup d'attention, pour des hommes et des femmes épris de liberté et de démocratie. Quand on exerce des responsabilités à la tête d'un gouvernement, c'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Union européenne, il est du devoir de ceux et celles qui ont choisi le chemin des libertés de soutenir ce pays.
La France appuie concrètement les efforts qui sont faits par les autorités tunisiennes, la société civile sous toutes ses formes, notamment en apportant son concours financier pour mettre en oeuvre les projets de la Tunisie, à travers l'AFD mais aussi à travers l'Union européenne et, à travers les négociations avec le Fonds monétaire international pour que la Tunisie continue à progresser malgré les difficultés.
Nous avons évoqué, par exemple, avec mon collègue le ministre des affaires étrangères, le tourisme qui est un des secteurs d'activité de la Tunisie qui connaît des difficultés par rapport aux risques de sécurité. Il nous appartient d'encourager les Français à venir en Tunisie dans les régions les plus touristiques ; c'est un message de confiance, de soutien mais aussi d'engagement. Même au niveau de l'Union européenne, je veux que la France soit à l'avant-garde pour le soutien de la Tunisie et la réussite de son projet.
Q - Est-ce qu'il y a une concertation entre la France et la Tunisie pour les sanctions à l'encontre des autorités libyennes récemment ? Et la Syrie ?
R - Nous avons évoqué cette question avec le ministre des affaires étrangères aujourd'hui ; on y reviendra avec le chef du gouvernement et le président de l'Assemblée des représentants du peuple. Ces sujets sont au coeur de nos échanges.
Sur la Libye, la position française est très claire et elle est partagée par les membres de l'Union européenne, c'est que la Libye doit se doter d'un gouvernement d'union nationale le plus vite possible et que ce gouvernement soit reconnu par la communauté internationale comme seul légitime pour éviter le chaos dans lequel elle peut s'enfoncer, avec tous les risques que cela représente : un pays où circulent les armes, tous les trafics... Il faut absolument stopper cette spirale qui est dangereuse pour les Libyens d'abord et pour les pays de la région, en particulier la Tunisie avec les attentats qui ont eu lieu à Ben Guerdane l'autre jour et qui ont montré aussi que les autorités tunisiennes résistaient, qu'elles ne se laissaient pas faire et que les populations tunisiennes ont réagi vivement.
En même temps, on voit bien les dangers. La solution est dans la formation d'un gouvernement d'union nationale installé à Tripoli et il faut que les partenaires, notamment la France, jouent le jeu pour aider le gouvernement à aller vers la capitale, Tripoli. C'est pour cela que la France a été la première à le dire et à le faire. Cette vision est maintenant partagée au sein de l'Union européenne. Maintenant, ceux qui font entrave à ce consensus doivent faire l'objet de sanctions. Cette vision est partagée au sein de l'Union européenne, nous l'avons dit lundi dernier à Bruxelles au conseil des affaires étrangères.
Quant à la Syrie, je crois qu'on peut dire, ce n'est pas une surprise, qu'avec les autorités tunisiennes nous voulons que le processus de paix s'engage vraiment, que le cessez le feu soit respecté, que l'aide humanitaire soit totale ; ce n'est pas le cas encore, le régime met des entraves à l'aide humanitaire. À côté de Homs, par exemple, il y a encore des villes dans une situation humanitaire lamentable. Il faut que cette aide humanitaire soit pleine et entière.
Et puis, pour que ce processus commencé à Genève, sous l'autorité du négociateur, puisse avancer réellement, soyons sincères, il faut que l'opposition syrienne soit au coeur des négociations, ce qui pourrait permettre à ce pays de se stabiliser et de se reconstruire.
Donc, tout le monde doit y mettre du sien. La France, la Tunisie voulaient réaffirmer cette volonté. Tout le monde doit bien se dire que si le processus de paix ne réussit pas, si le régime veut l'empêcher, il y a un risque considérable pour toute la région et le Moyen-Orient. Nous voulons la paix et la sécurité au Moyen-Orient. C'est aussi l'intérêt des Européens, dans ce cadre-là, car si Daech prospère, comme en Libye, les premières victimes sont les habitants de ces régions ; ce sont des millions de réfugiés qui partent pour survivre justement. Et puis c'est l'Europe qui est attaquée. Donc, c'est un intérêt commun et il faut éviter les visions de court terme et les égoïsmes. En tout cas, la France est sur cette ligne quand il s'agit de se battre contre ceci.
Q - En Libye, en particulier l'initiative : comment voyez-vous la séquence et les circonstances de cette intervention ? Est-ce que vous vous contentez d'un appel lancé pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, ou vous comptez passer par le conseil de sécurité comme les pays voisins le souhaitent ? Est-ce que vous estimez que le gouvernement doit être installé physiquement à Tripoli pour assurer le suivi ?
R - C'est sûr, il faut qu'il soit installé à Tripoli. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est indispensable. Je verrai M. al-Sarraj demain d'ailleurs, parce que si on veut que sa légitimité soit reconnue par le peuple libyen et la communauté internationale, il faut aider à sa sécurisation à Tripoli. Quant au reste, ne nous lançons pas dans des spéculations et des annonces dans tous les sens : frappes aériennes, troupes au sol, etc., ce n'est pas la question du jour.
Si on veut solidifier tout cela, si on veut que le gouvernement soit reconnu, et une fois qu'il le sera, je pense que ce ne sera pas inutile d'avoir une nouvelle réaffirmation du conseil de sécurité. Là, récemment, le conseil de sécurité s'est exprimé pour dire qu'il soutenait ce gouvernement ; on ne peut qu'appuyer cette décision.
Q - Aujourd'hui, la Tunisie est en train de sécuriser ses frontières avec la coopération allemande et américaine. Où est la France dans tout ça ? Le chef de l'État a appelé également les Occidentaux à préserver les intérêts de la Tunisie en cas de frappes contre la Libye. Comment la France va-t-elle jouer un rôle pour préserver les pays voisins de la Libye ?
R - Il y a des contributions complémentaires. Vous avez cité des projets de sécurisation des frontières technologiques mais il y a des coopérations franco-tunisiennes qui se sont renforcées, depuis l'année dernière, en moyens financiers pour l'équipement, la formation, le renseignement. C'est donc complémentaire à ce que vous venez de citer. Ce travail sera constant et, s'il faut l'intensifier, nous l'intensifierons, mais toujours en accord avec les autorités tunisiennes.
Q - Dernièrement, il y a eu des formalités de voyage qui stipulent qu'un Tunisien ne peut pas voyager en France si la validité de son passeport est inférieure à trois mois. Pourquoi ?
R - Le problème des visas est toujours compliqué mais, honnêtement, je ne vais pas entrer dans les détails administratifs. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour les étudiants il faut des règles, il faut des dossiers, on ne fait pas n'importe quoi, tout le monde le sait, tout le monde peut le comprendre, dans n'importe quel pays, mais l'état d'esprit reste un état d'esprit d'ouverture et d'accueil.
M. l'ambassadeur le sait, il faut que les Tunisiens se sentent chez nous comme des amis. Après, il y a des règles, comme pour venir en Tunisie, elles sont réciproques mais l'état d'esprit est celui de l''ouverture.
Q - Après les attaques de Ben Guerdane, un quotidien français a consacré un éditorial pour critiquer l'Europe en disant que les autorités européennes ne comprenaient pas les enjeux. Est-ce que vous comprenez ces critiques ?
R - Oui, j'ai lu cet éditorial. L'intérêt, c'est qu'il rappelle à tous le soutien qu'on doit apporter constamment et concrètement au projet tunisien. Par contre, je trouve qu'il est un peu injuste parce qu'il y a des aides importantes pour la Tunisie et on les a évoquées précisément avec le ministre des affaires étrangères.
Ce que nous souhaitons, c'est apporter notre accompagnement en terme d'aide et d'organisation aux autorités tunisiennes. Il faut que le milliard d'euro sur cinq ans, les autres aides, l'AFD, l'Union européenne soient utilisés. Ces crédits existent mais il faut aussi que les projets sortent, notamment dans les infrastructures, et beaucoup d'autres choses.
La Tunisie a beaucoup de projets, il y a 13 grands projets mais ils ne sont pas tous prêts, ce qui fait que les aides ne sont pas utilisées comme on pouvait l'espérer et que les autorités tunisiennes l'espèrent aussi. Il y a une explication à cela, c'est que les Tunisiens ont beaucoup investi dans l'organisation politique et constitutionnelle pour consolider la démocratie. Et là, il faut rattraper en termes de rythme, de méthode, la mise en oeuvre de projets.
Je le dis sincèrement, si ces aides financières étaient utilisées à 100% et qu'elles ne sont pas suffisantes, je plaiderais aussi pour que l'Europe fasse encore plus. Je suis convaincu de cette nécessité, l'Europe doit aussi adresser un message au reste du monde : la Tunisie a choisi une voie où on lui apporte tout notre soutien pour qu'elle réussisse.
Q - Donc en résumé, il n'existe nullement l'éventualité d'une intervention tant que ce gouvernement d'union nationale ne sera pas installé à Tripoli ?
R - Nous voulons que ce gouvernement soit reconnu par la communauté internationale. Nous respectons le droit. Aujourd'hui, nous sommes en absence de droit, en absence de gouvernement. Il faut qu'un gouvernement soit installé, c'est l'intérêt général.
Q - Le soutien de la France à la Tunisie : il y a un certain nombre de critiques qui ont émergé dernièrement pour dire que ce discours doit s'accompagner d'actes. Qu'est-ce que vous dites par rapport au fait que la France doit être au rendez-vous de l'histoire dans son soutien à la Tunisie ?
R - Nous soutenons le choix courageux des Tunisiens pour la démocratie. Leur Constitution, adoptée après le vote des Tunisiens, est une constitution d'avant-garde démocratique et donc le soutien doit être politique.
J'ai voulu que mon premier déplacement au Maghreb soit en Tunisie ; ce n'est pas un choix au hasard, c'est un choix politique stratégique et solidaire.
Quant à notre coopération, elle doit être exemplaire, pour aider la Tunisie à relever son niveau de sécurité. La bataille pour que les autorités libyennes aient un gouvernement, c'est une bataille qui concerne également la sécurité des Tunisiens.
Quant à l'aide économique, elle est très importante. La France est engagée avec un milliard sur cinq ans - l'AFD, l'UE. Nous voulons que ces aides soient utilisées pleinement pour des projets et nous sommes prêts pour la mise en oeuvre de ces projets. Si ce n'est pas suffisant, la France s'engage pour monter d'un cran ou même de deux auprès de l'Union européenne : c'est un engagement très fort que je suis venu annoncer ici.
Q - La France pousse vers l'installation d'un gouvernement d'union à Tripoli. Qu'est-ce que cela changerait ?
R - Nous avons demandé, à Munich, que des sanctions soient mises en place pour ceux qui constituent une entrave à cette solution. Ce gouvernement se doit d'être à Tripoli, il doit être en sécurité à Tripoli. On doit apporter notre aide. Ces sanctions visent quelques personnes qui se mettent en travers de cette solution, par intérêt personnel ou financier ; la décision de principe a donc été arrêtée par l'Union européenne. Le message est clair ; il est dans l'intérêt des Libyens, de toute la région et de l'Europe de sortir de ce chaos. Nous allons donc continuer à nous battre pour que le gouvernement soit installé le plus vite possible. Je dois d'ailleurs rencontrer, à Tunis, le Premier ministre, M. al-Sarraj, et voir avec lui tous les aspects de cette question. La France est très fortement engagée très fortement pour qu'on sorte de cette situation absolument dangereuse.
Q - Comment la France peut-elle soutenir la Tunisie en cas d'intervention directe en Libye ?
R - Ce n'est pas à l'ordre du jour. L'ordre du jour, c'est la formation d'un gouvernement d'union nationale, on en est proche. Il y a des gens qui se mettent en travers, c'est pour cela que j'ai évoqué les sanctions. Mon message est très clair, ceux qui se mettent en travers vont subir des sanctions. Tout le monde connaît leurs noms.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2016