Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à RTL le 16 mars 2016, sur les manifestations lycéennes et étudiantes contre le projet de loi El Khomri.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Les étudiants, les lycéens et des jeunes socialistes ont décidé de manifester tous les jeudis contre la loi El Khomri, c'est irresponsable ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, les jeunes ont décidé de faire entendre leur voix, moi, je trouve que c'est toujours intéressant de l'écouter cette voix, c'est ce que d'ailleurs le Premier ministre a fait la semaine dernière…
OLIVIER MAZEROLLE
Même quand le gouvernement a pris les décisions qu'il a annoncées ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien, précisément, c'est parce qu'il a écouté cette jeunesse, comme les partenaires sociaux, que le gouvernement a décidé de rééquilibrer profondément le texte qu'il a présenté lundi…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais enfin, ils continuent à manifester, ils ne vous écoutent pas !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais parce que le dialogue social, puisque c'est de cela qu'il s'agit, ça ne s'arrête pas du jour au lendemain, il ne s'agit pas de dire aux jeunes : circulez, il n'y a plus rien à voir, parce qu'on a présenté notre texte final. D'ailleurs, de fait, le dialogue va continuer autour de ce texte, il va continuer au Parlement, avec sans doute des amendements, avec une discussion…
OLIVIER MAZEROLLE
Encore d'autres reculs ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec un dialogue, avec une discussion, qui est démocratique, qui est nécessaire sur chaque texte, et c'est très bien comme cela…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais c'est des reculs à chaque fois…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais non, mais Olivier MAZEROLLE, il ne s'agit pas de recul ou d'avancée, vous savez, le dialogue social, ça n'est pas une guerre de tranchées entre ennemis où les uns avancent et les autres reculent, c'est la recherche d'un équilibre au service de l'intérêt général, et en l'occurrence, le gouvernement, dans les 15 jours qu'il a pris, supplémentaires pour travailler sur ce texte avec les partenaires sociaux, qu'est-ce qu'il a fait ? Il ne s'est pas rangé derrière les uns ou derrière les autres…
OLIVIER MAZEROLLE
Manifestement, les jeunes n'ont pas la même conception de l'intérêt général que le gouvernement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il ne s'est pas rangé derrière les uns ou derrière les autres, il a fait en sorte de faire se rapprocher les points de vue, converger les points de vue, pour que ce texte fasse le maximum consensus, c'est ainsi que l'on gouverne.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors François HOLLANDE avait fait de la jeunesse sa priorité, pourquoi ça ne marche pas, pourquoi n'y a-t-il pas de confiance entre lui, le gouvernement d'un côté, et les jeunes de l'autre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, moi, je trouve que, finalement, ce qui se passe en ce moment a au moins une vertu en effet, c'est que nous parlons de la jeunesse, et que c'est l'occasion pour le gouvernement de donner à voir ce que depuis le début de ce quinquennat, il fait en matière de jeunesse, parce que l'engagement de François HOLLANDE, que la jeunesse puisse vivre mieux en 2017 qu'en 2012, nous avons tout fait pour le respecter. Ecoutez, c'est la ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui vous parle aujourd'hui…
OLIVIER MAZEROLLE
Eh bien, ils vous disent : nous, on ne voit rien…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que, vous savez, il y a un certain nombre de politiques qui sont du temps long, il faut l'admettre, mais par exemple, si on parle de l'entrée sur le marché du travail de ces jeunes, quel meilleur service y a-t-il à leur rendre que celui de bien les qualifier, or, en remettant l'Education nationale comme premier budget de l'Etat, je vous rappelle que ce n'est pas le choix qu'avaient fait les précédents gouvernements, en créant des postes, certes, dans l'Education nationale, mais surtout en changeant les structures, tout ce que nous avons fait depuis l'école primaire jusqu'à l'enseignement supérieur, en augmentant les bourses des étudiants, eh bien, nous leur donnons la possibilité d'être bien armés sur le monde du travail. Mais ensuite…
OLIVIER MAZEROLLE
On va voir…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pardon, mais ça n'est pas tout, au-delà de l'Education, la Garantie Jeunes qui a été plébiscitée, au point…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais elle n'est pas financée…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr que si, le Premier ministre d'ailleurs l'a rappelé hier, ce sera 400 millions, un peu plus de 400 millions d'euros pour 100.000 jeunes, la Garantie Jeunes, qui est plébiscitée, eh bien, c'est un véritable service que nous rendons, notamment aux jeunes peu qualifiés, dont pas grand nombre s'était occupé jusqu'à présent.
OLIVIER MAZEROLLE
Bon, d'accord, on va voir s'ils vont finir par vous écouter. Parmi les manifestants, il y aura également des professeurs. La FSU, syndicat d'enseignants, qui va continuer à manifester contre la loi El Khomri, mais aussi contre la faiblesse de l'augmentation annoncée du point d'indice, sur RTL, on révèle ce matin qu'il sera au maximum de 1 %, ce ne sera pas plus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, le Premier ministre fera ses annonces demain, donc soyez patient, encore une journée à attendre sur ce sujet. Mais ce que je peux vous dire, c'est, là, encore, Olivier MAZEROLLE, il faut toujours regarder dans le rétroviseur pour comprendre d'où l'on vient. Le point d'indice est gelé depuis 2010, la décision en avait été prise sous le précédent gouvernement. Je comprends que les fonctionnaires aient à cet égard des attentes fortes et des revendications. Je pense notamment aux fonctionnaires qui sont dans mon ministère, les enseignants…
OLIVIER MAZEROLLE
Plus de 1 % ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et qui ont des revendications salariales qui sont tout à fait légitimes, et je pense notamment aux professeurs du premier degré, mais aussi à certains égards ceux qui s'engagent beaucoup, de manière générale, dans ce métier. Donc je pense que…
OLIVIER MAZEROLLE
Alors un petit coup de pouce supplémentaire pour eux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le Premier ministre fera ses annonces demain, il est clair pour tout le monde que le point d'indice sera dégelé, c'est une bonne nouvelle, de quel montant sera-t-il ? Nous verrons.
OLIVIER MAZEROLLE
Il y a presque un an, l'Education nationale a été secouée par une affaire de pédophilie, le directeur de l'école de Villefontaine, dans l'Isère, était poursuivi pour viols sur mineurs. Est-ce qu'il y a beaucoup de radiations pour ce motif dans l'Education nationale ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est vrai que nous entrons dans les 1 ans de l'affaire de Villefontaine, il y en a eu des radiations, puisque nous avons sur ce sujet une politique très ferme…
OLIVIER MAZEROLLE
Combien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y en a eu, sur l'année 2015, 27…
OLIVIER MAZEROLLE
27 sur ce sujet, des hommes, des femmes ou uniquement des hommes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, essentiellement des hommes, mais cela peut concerner aussi des femmes, peu importe, c'est tout aussi grave à chaque fois. Pourquoi est-ce qu'il y a…
OLIVIER MAZEROLLE
Premier et second degrés ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, absolument. Pourquoi est-ce qu'il y a des radiations ? Parce que nous estimons, nous, en tout cas, j'estime, moi, que, un professeur ou qu'un adulte, un agent de l'administration, au contact d'enfants, dès lors qu'il a été condamné pour des faits aussi graves que la pédophilie ou la pédopornographie, ne peut plus exercer au contact des enfants. Et au fond, puisqu'on parle de Villefontaine et de ce qui s'est passé il y a un an, il faut que nous résolvions tous les dysfonctionnements que nous avons vus à ce moment-là…
OLIVIER MAZEROLLE
Alors justement, vous avez prévu une loi qui obligerait la justice à informer votre ministère, mais elle n'est pas encore votée, un an après, c'est long…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elle est en cours d'adoption, ça peut paraître long, un an, vous savez comment les choses se sont passées, nous l'avions adoptée dans un premier temps avant l'été dernier, puis, le Conseil constitutionnel l'avait retoquée pour des raisons de forme, nous la ré-adoptons dans de bonnes conditions, elle va être adoptée d'ici peu. Mais c'est très important, cette loi, et nous ne l'avons d'ailleurs pas attendue, nous n'avons pas attendu son adoption formelle, pour changer nos procédures en interne, avec la Garde des sceaux de l'époque, Christiane TAUBIRA, nous avons fait en sorte que dès cette rentrée scolaire septembre qui vient de s'écouler, eh bien, nous ayons des référents Education nationale au sein des tribunaux, et des référents Justice au sein de nos Académies de l'Education nationale, pour que la communication passe mieux et que ne nous échappe plus ce type de situation où un individu qui travaille avec des enfants avait été condamné…
OLIVIER MAZEROLLE
On voit que les institutions comme la vôtre, ainsi que l'Eglise d'ailleurs, qui est en cause aujourd'hui, ont du mal à traiter ce genre ce sujet, puisque vous avez eu un professeur qui avait été condamné pour ces faits en Grande-Bretagne, et votre ministère avait été informé, et puis, il a quand même eu l'autorisation d'enseigner en France, et il est poursuivi maintenant. Il faudrait que l'Eglise, comme l'Education nationale, applique le principe de précaution ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, d'abord, juste sur ce point, en plus de l'adoption de la loi en cours, et puis, des référents Justice et Education que je viens d'évoquer, il y a une grande nouveauté que nous avons introduite, sur laquelle, il faut insister, pour la première fois, j'ai décidé que nous allions passer en revue, au peigne fin, l'ensemble des casiers judiciaires de toutes les personnes qui travaillent dans l'Education nationale…
OLIVIER MAZEROLLE
Et c'est fait ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et nous commençons à le faire, ça y est, nous avons expérimenté la chose dans une Académie, et cela fonctionne bien. Et nous allons faire cela, ça va durer à peu près un an, parce que nous sommes en capacité de passer en revue 3.000 dossiers par jour. Mais tous les dossiers vont être passés en revue pour vérifier que dans le passé, il n'y ait pas eu des cas de condamnation qui nous auraient échappés, et que l'on puisse mettre un terme aux situations problématiques. Mais pour vous répondre, qu'il s'agisse de l'Eglise ou de l'école, moi, j'ai un principe simple, la pédophilie est une affaire extrêmement grave, qui détruit des vies, et donc le principe, c'est : pas de silence, c'est la transparence totale, tous ceux qui pensent que l'on peut régler les choses en interne ou en faisant silence, se trompent, se trompent gravement. Et donc c'est la raison pour laquelle, moi, j'ai adopté toutes ces procédures, et je serai ferme, y compris pour sanctionner quand cela s'impose, et j'en attends autant de toute institution.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
YVES CALVI
Najat VALLAUD-BELKACEM, qui vient d'annoncer que 27 radiations ont bien eu lieu dans les personnels de l'Education nationale concernant la pédophilie et la pédopornographie, et que tous les personnels dorénavant de l'Education nationale feront l'objet d'une vérification de leur casier judiciaire. Merci beaucoup à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2016