Texte intégral
La mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) est une mesure très structurante, très ambitieuse. Depuis 2012, j'ai fait de l'accès aux soins de tous une ligne conductrice de ma politique. Les GHT en sont un élément clé.
Cette réforme majeure appelle une mobilisation collective, et donc l'association de l'ensemble des acteurs qu'elle concerne. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, dès l'automne dernier, sans attendre le vote définitif de la loi, que des travaux de préparation soient menés, dans les territoires comme au niveau national.
I. Avec les groupements hospitaliers de territoire, nous concrétisons une ambition historique : celle de renforcer la coopération entre les hôpitaux publics.
Les dispositifs mis en place ces dernières années pour parvenir à cet objectif : groupements de coopération sanitaires, communautés hospitalières de territoire ont montré leurs limites, quantitatives mais aussi qualitatives.
Moins d'un établissement sur quatre fait partie d'une communauté hospitalière de territoire et parmi celles qui ont été créées, toutes ne s'appuient pas sur un projet médical commun. Les raisons de ces blocages sont multiples : manque de lisibilité des dispositifs en vigueur, faible mobilisation de certains acteurs, absence de dynamique collective. L'enjeu, aujourd'hui, c'est d'avancer.
Avancer, c'est amener l'ensemble des établissements publics de santé à s'inscrire obligatoirement dans une démarche de coopération territoriale. C'est ce que prévoit désormais la loi avec les GHT.
Il faut voir dans cette obligation une véritable opportunité pour renforcer le service public hospitalier. Le dispositif que j'ai inscrit dans la loi concilie la nécessaire autonomie des établissements et le développement de synergies territoriales. Pas de subordination, pas d'uniformisation : chaque GHT devra s'adapter aux réalités de son territoire, et le projet médical est au coeur de cette dynamique.
Mon ambition, c'est que face aux inégalités territoriales, que chacun reconnaît, les GHT soient une réponse efficace, en inscrivant les hôpitaux publics dans une vision partagée de l'offre de soins. L'enjeu, c'est bien de maintenir et de consolider l'égalité d'accès aux soins pour tous, en tout point du territoire.
II La loi a été promulguée, nous sommes donc entrés dans la phase de mise en oeuvre de la réforme. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la communauté hospitalière sera indispensable.
Une première étape de concertation a été engagée par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) sur un avant-projet de décret. Je tiens à vous remercier pour chacune de vos contributions. Je sais que des travaux ont été initiés par la FHF pour construire une approche commune et je tiens à saluer cet engagement car c'est bien l'esprit de la réforme. Vous avez toutes et tous été reçus par mes équipes. Je sais les attentes que vous avez exprimées. Je veux vous assurer que la concertation va se poursuivre car elle est la clé de la réussite.
Concertation avec les acteurs de l'hôpital, d'abord. Ils devront être mobilisés pour mener à bien cette réforme. Le dialogue avec la communauté hospitalière sera déterminant, j'y reviendrai.
Concertation, ensuite, avec les acteurs du monde médico-social, la médecine de ville, le secteur privé mais aussi avec les élus et les usagers.
Ce comité de suivi s'inscrit dans la dynamique déjà engagée. Il formalise un cadre clair pour débattre, pour échanger, pour confronter les points de vue. Sa composition reflète les choix faits par la loi. J'ajoute que ce comité s'ouvrira à d'autres partenaires en fonction des sujets traités, je pense par exemple aux fédérations hospitalières représentant le secteur privé lucratif et non lucratif. Je serai extrêmement attentive aux travaux de cette instance.
III. Sur la base du premier temps de concertation qui a eu lieu, je veux apporter un certain nombre de précisions concernant les modalités de mise en oeuvre des GHT.
1. Premier point : le projet médical partagé
C'est la pierre angulaire des GHT, parce qu'il garantit l'adéquation de l'offre de soins aux besoins de la population. Il va traduire concrètement ce que certains d'entre vous appellent de leurs voeux depuis des années : une « stratégie de groupe » pour organiser la gradation des soins hospitaliers sur le territoire.
Parler de gradation des soins, cela ne signifie évidemment pas qu'il faut fermer des structures ou en faire grossir d'autres. Il s'agit simplement de dire que chaque Français doit avoir les mêmes chances de bénéficier d'une prise en charge adaptée à ses besoins lorsqu'il pousse la porte d'un hôpital. C'est le sens-même du service public hospitalier. Concrètement, cela veut dire que l'offre de soins doit être organisée, lisible et donc accessible dans chaque GHT que vous construirez, qu'il s'agisse de la prise en charge de personnes âgées, de l'urgence traumatologique ou des accidents vasculaires cérébraux par exemple.
Comme tout projet médical, il doit impliquer l'ensemble de la communauté médicale, notamment les équipes de soins et de recherche, et privilégier une logique de filière. Les CHU et les doyens auront donc un rôle fondamental à jouer. De ce point de vue, la loi est claire puisqu'elle dispose, je cite, que « tous les groupements s'associent à un centre hospitalier universitaire au titre des activités hospitalo-universitaires » et que « cette association est traduite dans le projet médical partagé du GHT ».
Le projet médical doit donc impliquer les équipes médicales dans leur ensemble et son élaboration sera progressive. Je sais que la date du 1er juillet constitue un point d'inquiétude pour certains d'entre vous. Je veux y répondre le plus clairement possible : l'objectif, à cette date, n'est pas d'avoir un projet médical détaillé, finalisé mais d'avoir défini des orientations à partir desquelles travailler. La date du 1er juillet doit être maintenue, parce qu'elle est fixée par la loi, et surtout parce que remettre en cause ce délai reviendrait à compromettre la mise en oeuvre de l'ensemble de ce projet. Mais c'est bien une approche progressive que je privilégie, j'y reviendrai.
Enfin, je veux rappeler que cette réforme ne s'inscrit pas dans une logique comptable dont l'objectif serait de faire des économies. Evidemment, la contrainte budgétaire est là et nous ne pouvons l'ignorer. Evidemment, les GHT seront un formidable outil de mutualisation et de réorganisation des ressources pour renforcer les soins, l'innovation et la qualité de la prise en charge. Mais l'objectif de la réforme c'est bien la consolidation d'une offre de soins hospitalière publique dans nos territoires.
2. Deuxième point : la définition des périmètres des GHT.
Ce sujet est évidemment intimement lié au premier. Les orientations stratégiques des projets médicaux partagés entre les membres d'un GHT devront avoir été définies, je l'ai dit, à l'été. Concrètement, d'ici le 1er juillet, il faudra déterminer qui travaille avec qui et autour de quelle ambition. Ce travail a d'ores et déjà commencé en région, notamment avec l'impulsion des FHF régionales. A compter de cette date, la rédaction des projets médicaux partagés devra se poursuivre selon un calendrier volontariste et réaliste.
La définition de ces orientations est indispensable puisque c'est seulement à l'aune de cet objectif que nous pourrons appréhender la question de la taille des GHT. On ne peut édicter une règle nationale qui rendrait compte de chacune des réalités locales. Nous devons donc collectivement nous poser des questions simples pour avancer sur ce sujet : quelles sont les distances acceptables pour que les patients puissent bénéficier de soins de recours ? Quelle est la taille acceptable pour que les échanges et les mutualisations créent une synergie entre les professionnels ? Quelle identité commune peut-on développer quand la taille et les distances ne peuvent permettre d'échanger simplement ? La taille du GHT envisagé permettra-t-elle à sa future gouvernance de fonctionner sereinement ?
Toutes ces questions, sans exception, devront être posées. C'est le sens du message que je délivrerai demain aux directeurs généraux d'ARS que je rencontrerai spécialement pour parler des GHT.
Ces questions tout le monde se les pose et notamment les élus. J'ai eu l'occasion hier d'échanger avec François BAROIN, le président de l'Association des maires de France sur ce sujet. Il m'a dit la très grande attention que portent les maires à cette réforme et je lui ai indiqué que je veillerai à ce que les élus locaux soient étroitement associés à la mise en oeuvre des GHT.
Sur la question des périmètres des GHT, je veux être claire : c'est avec les DGARS, en concertation avec l'ensemble des acteurs locaux (élus, patients, professionnels) que doivent être construits les GHT adaptés aux enjeux locaux. Quelques situations, certes emblématiques, ne doivent pas occulter le fait que, dans la majorité des cas, la définition des périmètres fait l'objet d'un très large accord des acteurs.
J'en profite pour revenir ici sur la question de la psychiatrie. La loi n'empêche pas la constitution de GHT dédiés à la psychiatrie dès lors que cette constitution répond à une logique territoriale. Les travaux qui ont lieu actuellement en région le montrent. Nous avons des GHT dédiés à la psychiatrie et nous avons des établissements psychiatriques membres d'un GHT généraliste. Sur cette question, il faut être pragmatique et avancer sur l'implication des professionnels dans des communautés psychiatriques de territoire qui occupent toute leur place.
3. Troisième point : les textes d'application
La concertation engagée sur le premier projet de décret d'application des GHT doit être poursuivie car il y a des divergences entre vous. Il n'y a pas d'un côté un projet technocratique et de l'autre des personnels hospitaliers rassemblés. Il y a en fait, d'un côté, ceux des professionnels qui souhaitent éviter une « sur-règlementation » et de l'autre, ceux qui veulent que tout soit écrit. Face à ces différends, je souhaite qu'un juste équilibre soit trouvé.
D'ici fin mars, des arbitrages seront rendus concernant ce texte. Prenant la mesure des enjeux que vous avez soulevés lors de la période de concertation, je veux d'ores et déjà vous annoncer que le décret disposera :
- A minima, d'une instance permettant au personnel médical de se réunir pour traiter en particulier du projet médical partagé et a maxima d'une commission médicale de groupement réunissant les représentants des commissions médicales d'établissement. Le décret permettra aux commissions médicales d'établissement de choisir entre ces deux alternatives.
- D'un espace d'expression et de dialogue obligatoire qui réunira les représentants syndicaux des organisations syndicales membres des instances locales.
- A minima d'un lieu de concertation ad hoc pour les usagers dont les membres seront désignés par les commissions d'usagers de chaque établissement et a maxima d'une commission des usagers.
Concernant le fonctionnement de ces instances et l'étendue de leurs compétences, il reviendra à chaque GHT d'en décider en privilégiant si possible un format resserré.
Par ailleurs, je sais que la mise en place d'équipes de territoires suscite de nombreuses interrogations. Je tiens à rappeler que conformément à la loi, aucune remise en cause des droits statutaires des praticiens n'aura lieu. De même, les activités partagées au sein des équipes de territoire ne pourront se faire que sur la base du volontariat des praticiens. Le plan attractivité pour l'hôpital public prévoit plusieurs mesures pour accompagner ces nouveaux modes d'exercice, notamment une prime d'exercice territorial et une amélioration de la valorisation des lignes de gardes au sein du GHT.
Un seul décret ne suffira évidemment pas à traiter toutes ces questions. C'est pourquoi je souhaite que ce premier décret se concentre sur les mesures qui doivent être appliquées pour le 1er juillet. En particulier, un décret spécifique aux questions de ressources humaines et d'exercice des droits syndicaux devra être élaboré.
4. Quatrième et dernier point : le dispositif de suivi
Le dispositif d'accompagnement est essentiel pour la réussite de cette réforme. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'il soit doté des moyens nécessaires pour accompagner les acteurs sur le terrain. J'ai ainsi décidé de consacrer dix millions d'euros cette année pour cet accompagnement au niveau national, régional et territorial.
Ce dispositif sera piloté nationalement par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et une chefferie de projet directement rattachée au directeur général de l'offre de soins sera consacrée à cette mission. Les acteurs hospitaliers seront étroitement associés à cette démarche.
Le comité de suivi aujourd'hui installé est une instance clé pour suivre ce dispositif. Il se réunira autant que nécessaire d'ici le 1er juillet et au-delà. Il sera un espace de suivi autant qu'un espace de concertation avec les acteurs concernés mais aussi avec les « groupes contact » dédiés, notamment le « groupe contact » avec les organisations syndicales de la fonction publique hospitalière.
Une boîte à outils conçue sur la base des éléments du rapport Hubert/Martineau qui m'a été remis hier, sera prochainement diffusée avec notamment un modèle de convention constitutive.
La formation des acteurs sera également l'un des leviers clés pour accompagner l'évolution des métiers que suppose la mutualisation d'un certain nombre de fonctions. A cet égard, des ateliers personnalisés pourront être mis en place à l'EHESP afin d'accompagner l'élaboration des projets médicaux partagés. Un dispositif de formation national sur les sujets dits « métiers » (département d'information médicale, achats, SI, etc.) sera également proposé aux décideurs hospitaliers.
De même, une partie du dispositif de suivi sera consacrée à mettre en place un véritable accompagnement dédié aux questions de ressources humaines qui, comme je l'ai déjà dit, sont cruciales à la réussite de la réforme et feront l'objet d'un second texte. Plus largement, une réflexion sur l'évolution des métiers devra être conduite et pourra se traduire, le cas échéant, par des évolutions statutaires. Je sais que c'est une attente forte.
Enfin, pour que les modalités de cette réforme soient bien comprises par tous les acteurs, un dispositif d'information et de communication sera déployé.
Mesdames, messieurs,
La mise en place de ce comité est une étape clé pour l'avenir de notre système de santé dans nos territoires. Vous réunir cet après-midi m'offre l'occasion de vous renouveler ma confiance, à toutes et à tous, pour mener à bien ce projet. La réussite de cette réforme dépendra de la mobilisation de chacun. Aussi, je me rendrai dans les prochaines semaines dans les établissements de santé pour aller à la rencontre des acteurs et suivre l'évolution de la mise en oeuvre des GHT. Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 23 mars 2016