Texte intégral
Monsieur le Ministre, Cher Monsieur Yun, merci de votre accueil,
Messieurs les Présidents des clubs France-Corée et Corée-France,
Mesdames, Messieurs,
Il y a 130 ans, vous l'avez rappelé, c'était en 1886, la France et la Corée signaient un traité d'amitié, de commerce et de navigation et décidaient d'établir des relations diplomatiques. Aujourd'hui nous trouverions peut-être d'autres mots, nous parlerions d'un accord sur les échanges humains, la coopération économique et la mobilité. Mais ce serait omettre le mot le plus important qui était au coeur de ce traité. C'était le mot amitié. Et ce mot est d'autant plus fort que 20 ans avant ce traité, la France et la Corée se faisaient la guerre. Mais nous nous sommes réconciliés. Et cette amitié au fil du temps n'a cessé de se renforcer. En 1900, alors que Séoul ne comptait que 250.000 habitants, il y avait 120 Français qui résidaient ici. Au même moment, en 1900, un drapeau de la Corée flottait au stand de l'Exposition universelle de Paris.
C'est dire le chemin parcouru et c'est dire aussi que nous ne voulons pas oublier les épreuves. À peine la Seconde guerre mondiale terminée, en 1950, votre péninsule fut le théâtre d'un affrontement tragique entre deux peuples, drame qui aujourd'hui encore déchire le peuple coréen. Nous étions vos alliés. Plus de 3.200 volontaires français ont ainsi combattu à vos côtés, parmi lesquels 280 ont perdu la vie et plus de 1.300 ont été blessés. Nous n'oublierons jamais leur sacrifice. La télévision française diffuse ce soir même un documentaire sur ces volontaires parfois oubliés et qui se sont sacrifiés pour notre liberté.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons ensemble dans la lutte contre le terrorisme, contre la prolifération nucléaire et balistique et contre la piraterie maritime ; ensemble dans la défense et la promotion des droits de l'Homme ; ensemble dans l'aide au développement et à l'assistance humanitaire. Voilà tout ce que nous faisons ensemble, la Corée et la France.
Nous sommes solidaires. Et nous sommes solidaires aussi quand il s'agit de tenir tête aux attaques et aux menaces. Solidaires face aux provocations du régime de Pyongyang. Comme la Corée du Sud était solidaire avec la France l'an dernier quand la barbarie terroriste l'a frappé à deux reprises en janvier et en novembre. Et puis hier, juste au moment où nous allions ouvrir la saison France-Corée ici à Séoul, nous avons tenu à observer ensemble une minute de silence en solidarité avec le peuple belge frappé lui aussi à son tour. Hier comme aujourd'hui, le coeur des Français comme des Coréens mais aussi de tous les hommes et de toutes les femmes épris de liberté bat pour la Belgique et bat pour Bruxelles.
Mesdames et Messieurs, je profite de cette occasion pour exprimer au nom de la France la reconnaissance de notre peuple lorsque vous avez manifesté votre solidarité et votre affection avec nous. Mais aussi de vous remercier pour votre engagement face aux menaces, face à l'obscurantisme. Ensemble nous sommes debout et déterminés à faire triompher la liberté, la civilisation et les droits de l'Homme.
Plus que jamais, nous devons travailler main dans la main et au cours de sa visite d'État à Séoul en novembre dernier, le président de la République française, François Hollande, et son homologue coréenne ont adopté un plan d'action pour le partenariat global au XXIème siècle. Ce plan prévoit de renforcer notre dialogue sur les questions internationales mais aussi notre coopération en matière de défense et de sécurité. Cette coopération entre deux acteurs globaux est d'autant plus importante que la présidente Park a annoncé en septembre la volonté de la Corée de participer davantage encore aux opérations de maintien de la paix décidées par l'Organisation des Nations unies.
Le problème nord-coréen, Monsieur le Ministre, vous l'avez évoqué, s'impose aussi à nous dans toutes ses problématiques. La prolifération nucléaire et balistique est totalement inadmissible. Mais aussi la menace gravissime contre la sécurité et l'instabilité de la région, les atteintes répétées, dramatiques, provocatrices aux droits de l'Homme. Et il y a quelques instants avec le vice-ministre de l'unification, nous avons entendu des témoignages poignants de quatre personnes, des réfugiés nord-coréens, que vous avez accueilli ici dans votre pays. Ils sont près de 30.000, me disiez-vous à l'instant en entrant dans cette salle. J'étais frappé par les mots qu'ils ont prononcé et l'un d'entre eux a résumé en une formule la situation que vivent les Nord-Coréens aujourd'hui : ils ne naissent pas pour vivre mais pour survivre. Alors nous ne pouvons pas nous satisfaire bien sûr de cette situation. Nous devons être encore plus engagés, ensemble, pour faire preuve de la plus grande fermeté, mais aussi pour poursuivre la mise en oeuvre des sanctions qui ont été décidées par le conseil de sécurité. J'ai redit que nous resterons aux côtés de la Corée du Sud dans cette épreuve et que nous étions autant que possible à l'initiative. La France proposera aux autres membres de l'Union européenne des sanctions spécifiques qui pourraient être prises et renforcer notre détermination à faire reculer cette situation profondément choquante.
Notre ambition commune pour le XXIème siècle c'est aussi de renforcer et de diversifier nos relations économiques. Notre volonté est également de répondre aux préoccupations quotidiennes de nos concitoyens en matière d'emploi, en matière d'éducation, en matière de protection sociale, en matière de capital-vie, de santé. Ces préoccupations je le sais, même si nous avons deux modes d'organisation différents dans chacun de nos pays, sont communes aux Français et aux Coréens. La Corée s'est rapidement développée pour devenir aujourd'hui un des pays les plus riches et les plus innovants de la planète. Les conditions pour les échanges économiques entre nos deux pays sont équilibrées et mutuellement bénéfiques. Nous avons la possibilité de les renforcer encore davantage, notamment au travers d'investissements croisés, notamment coréens en France. Nos entreprises ont la capacité, et je crois qu'elles en ont la volonté - beaucoup les représentent ici aujourd'hui - de coopérer davantage. Cet après-midi, le lancement du French Tech Hub est tout un symbole. À Séoul, en effet, ce sera l'occasion d'aider nos startups et elles sont nombreuses et de plus en plus nombreuses à grandir grâce au soutien d'entreprises qui sont déjà installées ici, entreprises françaises que je tiens à saluer en Corée à travers mon propos.
Nos deux gouvernements ont beaucoup à faire ensemble sur la scène internationale, notamment au sein du G20. Ils peuvent travailler au renforcement de l'architecture financière internationale. Ils peuvent aussi tout faire pour favoriser une croissance mondiale plus durable et plus stable.
Enfin la Corée est le pays hôte du Fonds vert pour le climat et au lendemain de l'accord de Paris, de la COP21, c'est pour nous l'occasion de saisir toutes les opportunités de développement durable qui s'offrent à nous et elles sont nombreuses. Mais dans cette période d'ici la signature le 22 avril à New York de l'accord et de sa ratification par les Parlements de chacun des pays sera aussi l'occasion de concrétiser les engagements qui ont été pris à Paris et qui sont essentiels pour l'avenir de la planète. Chacun a sa part à prendre et la France le fera et je sais que la Corée est aussi déterminée à y contribuer.
Un troisième aspect qui est aussi fondamental pour notre action pour le XXIème siècle est l'essor des partenariats universitaires, de la mobilité étudiante et de la formation professionnelle. S'agissant de la mobilité étudiante, je crois que nous devons en faire plus ensemble. Il n'y a rien de plus beau que d'accueillir des jeunes dans un pays, de leur ouvrir les portes de nos universités, de nos territoires, et de rencontrer ainsi d'autres peuples, d'autres populations, d'autres cultures. Ensuite, lorsqu'ils reviennent dans leur pays, ils sont enrichis de ce qu'ils ont appris. C'est une chance pour consolider la relation que nous avons ensemble décidé de renforcer. Oui, je crois qu'il faut que nous soyons plus accueillants pour l'apprentissage de la langue de l'autre. Étudier, travailler est aussi un investissement pour l'avenir de chacun de nos deux pays.
Je crois beaucoup au rôle aussi des échanges culturels et des échanges touristiques. Il y a de plus en plus de Français qui viennent en Corée et je m'en félicite. Mais il y a aussi beaucoup plus de Coréens qui viennent en France et sachez qu'ils y seront bien accueillis et en sécurité. Nous avons beaucoup à partager, comme l'a dit le président Stéphane Israël, et le spectacle d'hier soir était tout à fait symbolique de ce rapprochement des cultures. Lorsque nous avons vu sur la scène de jeunes danseurs coréens aussi enthousiastes, aussi heureux de partager leur art de la danse, plus traditionnel avec l'innovation proposée par M. Montalvo, nous étions heureux de les voir ainsi ensemble épanouis et capables du meilleur. Et je crois que cette ouverture de l'Année de la France en Corée augure bien de sa réussite comme elle l'a été aussi en France et je suis heureux que l'Année France Corée ait été partagée largement par le public français.
Alors, Mesdames et Messieurs, sur tous ces sujets et sur toutes les grandes questions globales, nous allons poursuivre les échanges, Monsieur Yun, puisque nous allons travailler ensemble, nous allons travailler avec nos équipes, pour approfondir tous les points que nous venons ensemble d'évoquer notamment dans le cadre du dialogue stratégique franco-coréen. C'est donc une nouvelle étape que nous avons franchi aujourd'hui. À chaque fois que nous nous rencontrons, nous ne le faisons pas uniquement pour le plaisir de nous voir, nous le faisons pour être utiles.
Depuis ma prise de fonctions comme ministre des affaires étrangères, j'ai tenu à réserver ma première visite en Asie à la Corée. J'étais déjà venu ici dans votre pays en tant que maire de Nantes ayant développé des relations avec la ville de Suncheon mais je suis venu aussi comme Premier ministre, vous l'avez rappelé. Ce sera donc l'occasion pour moi de revoir mes amis, ce sera l'occasion pour moi de voir pour la troisième fois la présidente Park et d'échanger avec elle avant son voyage au mois de juin prochain en France. Et surtout l'occasion de réaffirmer l'ambition de la France d'être un partenaire solide pour l'Asie et de continuer à y développer sa présence et ses échanges, en particulier en Corée.
Mesdames et Messieurs, cette amitié exceptionnelle entre nos deux pays, fondée sur des valeurs communes, doit être chaque jour entretenue et développée. Le Forum franco-coréen des leaders qui vous réunit aujourd'hui est né de la convergence de deux clubs, l'un en Corée, l'autre en France, mais aussi de la volonté de personnalités de porter cette relation encore plus loin. Personnalités qui ont compris depuis longtemps et à travers leurs engagements professionnels et culturels qu'il y a quelque chose de fort à cultiver entre nos deux pays.
Alors nous attendons beaucoup de vos travaux. Ce seront des propositions d'action que vous allez formuler, j'en suis sûr, concrètes et innovantes. Mais en même temps, je sais que vos travaux porteront aussi sur des questions d'avenir. Sur une manière en quelque sorte prospective. Car évidemment nous devons agir dans l'urgence, nous devons traiter les questions de court terme mais nous sentons bien que nous sommes encore et toujours dans une nouvelle étape de mutation qui s'accélère. D'où l'importance de réfléchir à ce que seront nos sociétés dans 20-30 ans pour relever les défis politiques, stratégiques mais aussi relever les défis climatiques et démographiques auxquels nos sociétés sont de plus en plus confrontées. Donc, en travaillant ainsi aujourd'hui, vous allez nous aider, nous allons nous aider plutôt ensemble à apporter des réponses concrètes pour l'avenir et continuer à porter de la confiance à nos peuples, c'est important la confiance. Et la confiance ce n'est pas seulement la capacité à faire face aux crises, ce n'est pas seulement la capacité à résister, c'est la capacité à nous projeter dans l'avenir, à montrer qu'il y a un chemin, qu'il y a un espoir. Et donc la confiance se construit chaque jour. Pour cela, il faut être lucide, il faut être vigilant, il faut être engagé, vous l'êtes, et je vous en remercie. Alors vive l'amitié franco-coréenne, vive la Corée et vive la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2016