Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à France 2 le 6 avril 2016, sur les discussions avec les mouvements étudiants sur la réforme du code du travail et les aides aux étudiants.

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Média : France 2

Texte intégral


GUILLAUME DARET
Bonjour à tous, merci d'être avec nous ce matin Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
GUILLAUME DARET
On a appris hier le suicide de l'ancien directeur de l'école de Villefontaine qui était accusé de plusieurs dizaines de viols, les parents sont évidemment extrêmement en colère, ce matin RTL affirme que cette nuit-là, à la prison de Corbas pour manque d'effectifs dit la radio RTL, la surveillance était relâchée, est-ce que ça veut dire qu'il y a eu des défaillances ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il m'est impossible de vous répondre pour le moment, une enquête préliminaire a été ouverte, le Garde des Sceaux, Jean-Jacques URVOAS me l'a confirmé dès hier quand nous avons eu connaissance de ce suicide. La seule chose que je peux vous dire, c'est que j'ai vraiment, je pense aux familles de Villefontaine, parce que je pense que la situation qui était déjà insupportable est devenue encore plus difficile. Elles attendaient beaucoup du procès qui allait s'engager pour obtenir des réponses, pour comprendre ce qui s'était passé, pour pouvoir faire le deuil aussi de l'innocence perdue de leurs enfants et malheureusement elles ne pourront pas avoir accès à cela donc, voilà c'est terrible, ça n'aurait pas dû se produire, il y a une enquête qui est ouverte pour savoir comment ça a pu se produire. Il avait déjà fait une tentative de suicide, en attendant que cette enquête nous en dise plus, je peux moi vous informer de ce que cet après-midi au sénat nous allons définitivement adopter le texte de loi dit « Villefontaine » qui cette fois-ci garantira qu'à l'avenir la justice transmettra bien à l'Education nationale les condamnations des agents qui relèvent d'elle, pour fait de prédation sexuelle, pour lui permettre, eh bien tout simplement prendre les décisions qui s'imposent, c'est-à-dire la révocation de ce type de personnel.
GUILLAUME DARET
Vous allez recevoir aussi également aujourd'hui avec la ministre du Travail, ministre de la Jeunesse les syndicats, les représentants des jeunes, des étudiants qui demandent le retrait pour certains de la loi Travail et il y a plusieurs pistes sur la table, plusieurs propositions du côté des jeunes, est-ce que par exemple c'est vrai que vous envisagez de prolonger le versement des bourses après même la fin des études, pour quelques mois ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a en effet plusieurs pistes de travail sur la table, mais juste un mot sur l'état d'esprit de ces réunions, parce que pour les avoir demandées, je veux vous dire…
GUILLAUME DARET
Dans quel état d'esprit vous êtes, confrontation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A quoi nous pensons quand nous faisons cela. Vous savez depuis maintenant quelques semaines autour de la loi Travail, mais la loi Travail n'est pas le seul sujet, j'insiste sur ce point, la jeunesse ou plus exactement des membres de la jeunesse car on ne peut pas parler de la jeunesse toute entière dans la rue, mais des membres de la jeunesse nous ont envoyé une alerte sociale, une alerte sociale qui dépasse largement la question de la loi Travail ou de la politique de ce gouvernement, car si on veut être honnête intellectuellement, la politique de ce gouvernement depuis 2012 a plutôt consisté à faciliter la vie de la jeunesse, que ce soit par le biais de bourse étudiante, 400 millions d'euros de plus pour ces bourses, que ce soit par le biais du logement pour les jeunes, pour les étudiants.
GUILLAUME DARET
Vous considérez que les jeunes vivent mieux aujourd'hui qu'il y a quatre ans ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je considère que les mesures qui ont été adoptées depuis quatre ans, en effet vont toutes dans le bon sens s'agissant de la politique jeunesse.
GUILLAUME DARET
Parce que, eux, ce n'est pas leur sentiment, ils disent « François HOLLANDE nous a trahi », pour certains. On entendait cette nuit par exemple place de la République…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors j'entends que pour certains ça ne va pas assez loin, mais déjà reconnaitre que nous avons déjà amélioré la donne par rapport à 2012, je trouve que c'est de l'honnêteté intellectuelle, vraiment. Y compris d'ailleurs sur le front de l'emploi puisque quand vous regardez la fameuse courbe du chômage, s'il y en a une qui se porte mieux que les autres, c'est celle du chômage des jeunes qui a, elle, été bien revue à la baisse.
GUILLAUME DARET
Parmi les choses que vous évoquez justement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça ne veut pas dire que nous avons tout réglé…
GUILLAUME DARET
Parmi les pistes que vous souhaitez discuter, il y a également, circulait l'idée d'enseigner le code de la route dès le lycée, vous confirmez ou vous infirmez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors j'ai vu dans la presse du matin beaucoup de spéculations.
GUILLAUME DARET
C'est vrai, c'est faux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous engage à oublier toutes ces spéculations et à simplement attendre la fin des discussions qui vont avoir lieu cet après-midi à la fois avec les organisations étudiantes, les organisations lycéennes et puis les organisations dites de jeunesse, donc avec des acteurs très divers. Pourquoi cette diversité d'acteurs, parce que le but du jeu, c'est aussi d'apporter des réponses à la jeunesse la plus précarisée.
GUILLAUME DARET
Est-ce que ça vous inquiète cette mobilisation, Madame la Ministre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce n'est pas toujours forcément celle qu'on entend le plus, mais moi je veux utiliser cette fenêtre de tir pour apporter des réponses aux jeunes qui ne sont pas forcément ceux qu'on entend le plus à nouveau, mais qui souffrent bel et bien de la précarité aujourd'hui. Et donc c'est ainsi que je conduirais les discussions de cet après-midi, c'est comment aider ceux-là à avoir des perspectives d'emploi, des perspectives de formation et des perspectives d'installation.
GUILLAUME DARET
Il y en a un qui n'est pas du tout d'accord avec vous, ça ne va pas vous étonner, c'est Nicolas SARKOZY qui publie une tribune dans le Figaro, il estime que vous avez fait de l'école, je cite, « un lieu d'expérimentation sociale dont les parents et les enfants sont les cobayes ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, j'ai pris connaissance de la tribune à laquelle vous faites référence, j'ai rarement vu une tribune avec autant d'énormités par ligne. J'espère que quelques observateurs vont prendre le temps de la décrypter pour nous en dire tout ce qu'il y a à en penser. Mais la seule chose que moi je vais reprendre, allez deux, trois exemples pour vous aider à y voir plus clair.
GUILLAUME DARET
Il dit que vous n'avez ni cap, ni vision depuis quatre ans à ce ministère.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est cela, alors que c'est vrai que la politique de la droite au-delà même de son propre quinquennat, pendant dix ans, du début des années 2000 jusqu'à 2012, on sait où elle nous a conduite, dans le mur et l'état actuel de l'école, on en parlait encore récemment avec les fédérations de parents d'élèves du manque de remplaçant par exemple en cas d'absentéisme des profs, on sait que c'est la conséquence directe des politiques qui ont été menées notamment sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY. Mais revenons simplement à ce qu'il écrit, ne parlons pas du bilan.
GUILLAUME DARET
Un exemple.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien deux exemples allez, il écrit par exemple, alors il remet en cause la réforme des rythmes scolaires et il dit…
GUILLAUME DARET
On supprimera la réforme du collège si on revient aux pouvoirs dit-il.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La réforme des rythmes scolaires, commençons par cela, en disant c'est affreux de laisser des enfants avec des animateurs non formés en parlant du périscolaire. Nicolas SARKOZY c'est celui qui a supprimé la formation des enseignants, vous vous rappelez de cela, donc qui envoyait lui, il trouvait ça tout à fait normal des enseignants sans aucune formation dans les classes. Il dit c'est terrible parce que ces dernières années le nombre d'heures de Français à l'école primaire, là où on apprend les fondamentaux n'a cessé de se réduire, c'est scandaleux, nous, nous reviendrons dessus. Nicolas SARKOZY ; c'est celui qui a fait la semaine de quatre jours, c'est-à-dire qui a supprimé une matinée à l'école primaire, c'est-à-dire une demie journée où on apprenait justement du Français. Mais de qui se moque-t-on ? Et puis Nicolas SARKOZY, c'est celui qui annonce qu'il va supprimer 300 000 ou 500 000 postes de fonctionnaires, je veux dire, que de contradictions, vraiment que d'incohérences, soyons un peu sérieux, le sujet de l'école est un sujet sérieux, donc si on veut vraiment le traiter, on se met autour de la table, on s'intéresse à la fois en effet aux fondamentaux comme nous le faisons car nous sommes d'une très grande exigence dans tous les établissements scolaires. Regardez les nouveaux programmes notamment pour l'acquisition du langage, mais monsieur SARKOZY les a-t-il seulement regardé, il raconte des bêtises sans nom par exemple sur l'histoire, quand il dit que dans les nouveaux programmes, on a fait disparaitre la chronologie des cours d'histoire…
GUILLAUME DARET
C'est une vraie confrontation en tout cas en vue de la présidentielle en version des différents bilans…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non seulement c'est faux, mais c'est ce qu'il avait fait lui et nous avons réparé cela. Donc voilà soyons sérieux.
GUILLAUME DARET
Dans le Figaro, le Figaro révèle ce matin que vous allez durcir le contrôle des écoles musulmanes notamment hors contrat, est-ce que c'est vrai, est-ce qu'il y a des établissements qui vous inquiètent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous avons en effet depuis un certain nombre de mois procédé à des contrôles plus rigoureux, à des contrôles aussi plus inopinés, c'est-à-dire non attendus avec des brigades quasiment d'inspecteurs qui arrivent et qui regardent ces établissements en contrat.
GUILLAUME DARET
Vous avez pu chiffrer combien d'établissements vous inquiètent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien nous en avons contrôlé une vingtaine, il faut savoir qu'il y en a à peu près…
GUILLAUME DARET
Sur les 20, il y en a combien qui pose problème ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En France, nous avons à peu près 300 établissements confessionnels hors contrat, à ramener aux quelques 7 000 établissements sous contrat en France.
GUILLAUME DARET
Il y en avait combien qui pose problème ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous en avons contrôlé une vingtaine, c'est ceux qui semblaient nous poser des problèmes. Je veux juste terminer là-dessus en vous disant que je suis en train de réfléchir actuellement sur ce sujet car je me demande s'il n'est pas venu le temps, compte tenu des risques de radicalisation auxquels nous sommes confrontés de passer peut-être d'un système de simple déclaration au moment de créer un tel établissement contrat à un système de contrôle a priori, c'est-à-dire d'autorisation. Donc nous sommes en train de travailler sur ce chantier là aussi qui nous permettra de mieux cadrer les choses.
GUILLAUME DARET
Merci, juste un dernier mot, répondez moi, ça va être difficile par oui ou par non, est-ce que vous êtes favorable comme le Premier ministre au boycott des enseignes qui mettent en avant la mode islamique, oui ou non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je trouve que la démarche mercantiliste de ces enseignes qui tirent partie du caractère influençable d'un certain nombre de jeunes filles en jouant sur la mode des tenues religieuses est choquante, vraiment choquante.
GUILLAUME DARET
Donc pour le boycott de ces enseignes, merci beaucoup.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Choquante.
GUILLAUME DARET
Merci Madame la Ministre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 avril 2016