Texte intégral
INTERVENANT
7h 50 à Paris ! Votre invité Frédéric RIVIERE, vous recevez ce matin Thierry MANDON, secrétaire d'Etat en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Le Premier ministre a dit ce week-end, dans une interview à nos confrères du Journal Du Dimanche qu'il ne voyait pas d'alternative à François HOLLANDE à gauche pour la Présidentielle de 2017, est-ce que vous êtes aussi sur cette ligne ?
THIERRY MANDON
D'abord il y a des conditions qu'a posées le président de la République lui-même, il sera candidat - ce qui n'est pas le cas pour l'instant si le chômage baisse, donc voilà et, si le chômage baisse, la candidature du président est une candidature naturelle.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Donc, il n'est pas en situation ou il ne serait pas en situation aujourdhui d'être candidat ?
THIERRY MANDON
Pour l'instant on est collectivement tous derrière lui en situation d'avoir des résultats qui, sur la question de l'emploi, nous manquent.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Oui. Manuel VALLS estime toujours dans cet entretien qu'on ne gagne pas une Présidentielle sur un bilan, pas plus qu'on ne la perd sur un bilan, autrement dit peu importe ce qu'on a fait, ce qui compte c'est ce qu'on dit va qu'on va faire ?
THIERRY MANDON
Non. Il a raison sur le fait qu'une élection ne se gagne jamais sur un bilan, en revanche on peut en perdre sur un bilan, la dernière en date Présidentielle a probablement par SARKOZY été perdue par ce qu'il avait fait et donc la difficulté qu'on a dans l'élection qui vient quel que soit notre candidat c'est : premièrement, de rendre lisible le premier quinquennat ; deuxièmement, de dessiner pour l'éventuel second quinquennat si c'est le président de la République qui est candidat des perspectives qui soient autre chose que la simple prolongation du premier ; et puis, troisièmement, raccrocher les wagons avec une partie de l'opinion, notamment les couches populaires, qui aujourd'hui ont besoin d'être dans une situation de reconquête par nous, elles se sont un peu éloignées de nous, voire beaucoup éloignées de nous - les générations - et on a donc un gros travail de fond à faire, c'est ces trois choses-là : rendre lisible, dessiner un e perspective autre que la simple reconduction ou prolongation de ce qu'on fait qui a l'évidence ne suffira et raccrocher aussi une partie de notre électorat.
FRÉDÉRIC RIVIERE
La gauche a besoin d'une primaire pour 2017 ?
THIERRY MANDON
Sur le troisième point, si on est d'accord avec cette grille en trois points, sur le troisième je pense qu'il faut un tour de chauffe si on veut expliquer mieux à la fois ce qu'on a fait et ce qu'on a l'intention de faire, montrer qu'il n'y a pas de contradiction entre les deux, qu'il peut y avoir des ambitions nouvelles, on a besoin de cette occasion qu'une primaire fournit d'expliquer les raisons d'une candidature et d'une nouvelle plateforme électorale.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Donc, une primaire serait une bonne chose ?
THIERRY MANDON
Donc de ce point de vue-là une primaire est nécessaire, ce n'est même pas une bonne chose, c'est nécessaire. Je pense d'ailleurs que dans la crise démocratique dans laquelle on est, de toute la façon où la distance entre les gouvernants quels qu'ils soient et les citoyens est devenue abyssale, tout ce qui permet de réduire cette distance-là est bon et la primaire cest vraiment la première fonction de la primaire que de réduire cette distance.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Cette interview de Manuel VALLS c'est aussi une déclaration de loyauté, une façon de dire : « moi je ne suis pas candidat et je ne le serai pas » ?
THIERRY MANDON
Oui, je crois que c'est d'ailleurs il le dit très, très clairement, c'est une déclaration de loyauté complète, enfin c'est le sens de l'interview.
FRÉDÉRIC RIVIERE
François HOLLANDE avait deux priorités lors de sa campagne en 2012 et lors de son arrivée à l'Elysée, le chômage - donc on en a parlé et la jeunesse, dont il avait aussi dit que c'était l'une de ses priorités absolues, on sait ce qu'il en est - pour l'instant en tout cas - de l'inversion de la courbe du chômage, quant à la jeunesse elle lui tourne très massivement le dos à cause du chômage sans doute et ponctuellement de la loi Travail. Qu'est-ce que vous avez envie de dire aux jeunes, puisque vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur, aux jeunes qui aujourd'hui s'inquiètent tellement pour leur avenir ?
THIERRY MANDON
A eux il faut d'abord mieux expliquer le premier quinquennat c'est sûr, je prends mon domaine de l'université, on a fait un effort d'un demi-milliard sur les bourses pour accompagner le mouvement de démocratisation à l'accès à l'enseignement supérieur - il y a de plus en plus de jeunes qui vont dans l'enseignement supérieur et qui n'en ont pas forcément les moyens financiers donc, voilà, un effort considérable, les universités elles-mêmes n'ont pas eu cette somme-là. Donc, il y a des choses à mieux expliquer ; Et puis, deuxièmement, il manque quelque chose qui donne à la jeunesse la certitude absolue que le combat que nous menions notamment pour l'emploi - c'est pour eux. Je me rappelle dans le précédent quinquennat une obligation de négocier avait été mise en place pour les retraités, enfin pour les préretraités ou les gens qui avaient 55 60 ans, la place des séniors dans l'entreprise, mais moi je crois que dans les années qui viennent on devra lancer une obligation de négocier sur la place des jeunes dans l'entreprise large, de l'apprentissage en passant par les fonds d'alternance jusqu'à l'emploi, mais au moment où des aides vont devenir structurelles aux entreprises et à l'industrie française il faudra accompagner ces aides-là par l'exigence d'une grande négociation, d'une grande obligation de négocier pour la jeunesse pour que vraiment les jeunes, la société, les entreprises, tout le monde sache que c'est la priorité nationale que d'aider ceux qui sont de plus en plus qualifiés à intégrer le monde du travail.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Il y a une grande peur de la précarité qui s'exprime, on ne veut pas être de la chair à patron par exemple, c'est l'un des mots d'ordre qu'on entend, ils ont raison de s'inquiéter de cette précarité où véritablement la sécurité dans les dispositifs qui sont envisagés aujourd'hui dans ce projet de loi sont prioritaires ?
THIERRY MANDON
Il y a deux choses ! Il y a dans ce projet de loi des renforcements d'un certain nombre de possibilités pur les salariés justement de collectivement mieux s'organiser dans les négociations avec le patronat et notamment dans les petites entreprises, le dialogue social au niveau de l'entreprise c'est la capacité donnée aux salariés de se regrouper pour décider plus concrètement de leurs conditions de travail, de leurs statuts dans l'entreprise, de leurs droits dans l'entreprise et donc, ça, c'est positif ; et il y a, en même temps, une évolution structurelle du marché du travail sur laquelle on ne réfléchit pas assez, il y a 24 millions de salariés dans le pays, il y a aujourd'hui, maintenant, 100 % de l'emploi non salarié 2,5 %, 2,5 millions - il y a à peu près le même montant de personnes qui cumulent des emplois et, si on prend ces chiffres-là il y a 10 ans, on se rend compte que c'est une progression fulgurante et, ça, tout le monde le sent pas seulement les jeunes tout le monde, tous les salariés sentent bien que l'emploi, le travail qu'on a connu et le travail de demain ce n'est pas les mêmes.
FRÉDÉRIC RIVIERE
C'est ce qu'on appelle l'ubérisation de la société, entre autres ?
THIERRY MANDON
C'est l'ubérisation, c'est le travail et certains parlent de travail en miettes, enfin c'est des choses qui doivent être réfléchies d'ailleurs nous allons faire une journée de travail avec les meilleurs penseurs français et internationaux le 12 mai prochain sur ce sujet-là - parce qu'il faut rendre non seulement lisible cette évolution mais en mesurer les conséquences sur la protection sociale et, avec une protection sociale aujourd'hui qui est construite pour le monde des salariés et un développement de nouvelles formes d'emploi qui va aller progressant. Vous savez qu'aux Etats-Unis c'est près de 40 % des salariés qui sont dans des formes non CDI d'emploi, c'est considérable, on n'en est qu'à 10 % aujourd'hui en France mais 40 % à l'étranger et donc cette inquiétude-là pour le coup bien sûr ce n'est pas l'objet du projet El Khomri mais il faut y répondre, donc il faut être sur deux registres : des droits nouveaux pour les salariés pour un modèle négocié de modernisation de l'économie et une réflexion plus générale sur l'évolution du travail dans les années qui viennent.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Une très vive polémique s'est développée depuis quelques jours à propos des grandes enseignes, des grands magasins, qui ont décidé de se lancer dans ce qu'on appelle la mode islamique, Laurence ROSSIGNOL - la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes a vivement critiqué cette initiative dans des termes qui ont choqué, la philosophe Elisabeth BADINTER appelle au boycott des magasins en question, où vous situez-vous dans le débat ?
THIERRY MANDON
Moi je pense que ceux qui font du business n'ont pas besoin de venir à l'aide de ceux qui trop souvent font pression sur les femmes pour qu'elles mettent les burqas ou des vêtements à connotation religieuse marquée, donc je pense qu'ils n'ont pas besoin de ce soutien-là ceux qui font ce sale boulot-là, laissons les femmes libres de faire comme elles le souhaitent.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Donc, vous êtes plutôt sur la ligne Rossignol Badinter ?
THIERRY MANDON
Eh bien oui total En tout cas oui, Laurence ROSSIGNOL a eu le petit l'écart de langage qui lui a été reprochée mais sur le fond elle a absolument raison, c'est un combat qu'elle a raison de mener.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Il y a quelques jours l'UNEF a protesté contre un professeur de l'université Paris II Panthéon-Assas parce qu'il a demandé à une étudiante de retirer le voile qu'elle portrait, le voile à l'université aujourdhui c'est une question ou pas du tout ?
THIERRY MANDON
Il y a des voiles à l'université, puisqu'on reçoit des étudiants du monde entier il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de voile à l'université, ce n'est pas un problème, c'est autorisé, ce n'est pas problème et on ne note pas aujourd'hui de cas inquiétants de tentative de radicalisation de jeunes qui vont à l'université.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Un mot de cette affaire de ce qu'on appelle « les Panama papers-là », ces sociétés offshore, il reste on le voit du travail sur l'évasion fiscale. Vous vous attendez à ce que dans les prochains jours cette affaire puisse avoir un retentissement important en France, puisqu'on dit que des personnalités françaises sont impliquées dans cette affaire ?
THIERRY MANDON
Écoutez moi j'ai vu comme vous la bande annonce, donc elle nous annonce un film à épisodes avec des séries tous les jours, donc en tout cas que ceux qui ont fauté soient sanctionnés très durement et même, et même ceux qui ont fauté et qui ont des mandats publics, doivent disparaître de la vie publique, je pense que les sanctions ne sont pas suffisantes aujourd'hui, on doit être non seulement condamnés mais on ne doit pas pouvoir se représenter, quand on a un mandat public on n'est pas là pour utiliser les paradis fiscaux.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Merci Thierry MANDON, bonne journée.
INTERVENANT
Thierry MANDON, secrétaire d'Etat en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, invité de Frédéric RIVIERE. Cet entretien, vous le retrouvez sur rfi.fr en audio et vidéo.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 avril 2016