Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la lutte face à la radicalisation, les exclusions et la précarité, Montpellier le 31 mars 2016.

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Quelle société voulons-nous ? C'est autour de cette question que vous vous réunissez.
Une question fondamentale, la question politique par excellence.
Votre congrès est fondamental en cette période, car nous avons besoin de l'énergie et de la créativité de tous.
Ce n'est pas une flatterie, ce n'est pas une formule convenue, c'est une conviction ancrée dans une vision de ce que doit être notre démocratie.
Nous vivons dans un monde complexe car les grandes idéologies qui le structuraient jusque dans les années 80 se sont délitées.
Dans un monde complexe car il est ouvert et que nos économies sont imbriquées.
Dans un monde complexe car la technologie a conduit à son accélération à bien des égards.
A cette complexité, nous devons répondre par la pluralité.
C'est par l'addition des expériences et des intelligences que nous pourrons dominer cette complexité et ainsi gagner en souveraineté.
Car nous voulons une société démocratique, une société dans laquelle nous avons du pouvoir sur nos existences, une société dans laquelle nous pouvons choisir comment orienter nos vies.
Alors, à cette vaste question – quelle société voulons-nous ? –, je réponds simplement : je veux une société de l'engagement.
Le plus grand péril à mon sens, c'est l'indifférence, la résignation, le repli.
Face à la radicalisation des esprits, il faut s'engager.
Je reprends cette phrase du regretté Charb : « j'ai moins peur des intégristes religieux que des laïcs qui se taisent. »
Avec leurs imperfections et leurs manquements, nos démocraties ont construit des sociétés tolérantes, laïques, où les femmes sont les égales des hommes ; où être chrétien, musulman ou juif n'entraine ni la peur ni la stigmatisation ; où l'homosexualité est considérée comme une sexualité normale ; où la culture et la liberté d'expression, et avec elles la vie, sont célébrées.
Face à nous, une idéologie totalitaire, obscurantiste, s'oppose frontalement à tous ces principes fondamentaux.
Nous devons être partout présents, auprès de notre jeunesse notamment, pour que celle-ci ne soit jamais la proie des prêcheurs de haine, de forces violemment réactionnaires.
Il faut être là, le soir, le week-end, dans les territoires relégués et sur internet.
Le rétablissement des crédits aux associations – 50 millions au dernier semestre 2015, plus de 100 millions en 2016 – doit aussi servir à cela.
Face à la précarité, il faut s'engager.
Nous avons une dette à l'égard de ceux dont la condition est indigne, ceux qui vivent dans la misère, ceux qui souffrent de trop de privations.
Nous avons une dette à l'égard de ceux à qui la République a fait une promesse d'égalité qu'elle n'a pas tenue.
La pauvreté n'est pas un choix personnel ; elle est la conséquence d'un dérèglement collectif.
La pauvreté a le visage de ces femmes qui vivent seules avec leur enfant.
Elle a pris le visage de ces enfants dont le destin semble scellé : la pauvreté s'hérite de génération en génération.
La pauvreté a pris le visage de ces jeunes qui sont sortis trop tôt de l'école et qui galèrent pour trouver un emploi.
Moi qui ai fait de la justice sociale le coeur de mon engagement depuis 40 ans, qui ai notamment présidé plusieurs années l'Union nationale des centres communaux d'action sociale, aucun de ces visages ne me laisse insensible
Face à la relégation sociale, territoriale, symbolique, il faut s'engager.
Que des territoires concentrent de tels niveaux de pauvreté, de chômage, d'habitats dégradés, de violence, c'est insupportable.
Avec nos politiques de solidarité avec les territoires les plus en difficulté, la ville mais aussi le monde rural, nous intervenons massivement, et malheureusement sans doute encore insuffisamment… Mais tout de même :
- Sur le plan social : 250 000 emplois d'avenir, 50 000 garanties jeunes en 2015, qui seront 100 000 en 2016 et 200 000 en 2017, 15 000 emplois starters. Le plan « 500 000 apprentis » profitera aussi aux jeunes des quartiers prioritaires, c'est certain.
- Sur le plan économique : création de l'Agence France entrepreneurs pour soutenir les créateurs de issus des territoires, soutien de la Caisse des dépôts à hauteur de 400 millions d'euros, création de la Grande école du numérique pour donner de nouvelles opportunités de réussite à la jeunesse.
- Sur le terrain de la sécurité : création de 80 zones de sécurité prioritaires.
- Sur le terrain de l'éducation : création de 60 000 postes affectés là où il y en a le plus besoin, renforcement du réseau d'éducation prioritaire, rétablissement des 100 millions d'euros aux associations supprimés entre 2009 et 2012 – je l'ai déjà évoqué –, recrutement de 400 éducateurs sportifs.
- Sur le plan démocratique : création systématique d'un conseil citoyen dans les quartiers de la politique de la ville, pour que les habitants eux-mêmes soient parties prenantes des projets.
Face à l'invisibilité sociale qui frappe les personnes handicapées, il faut s'engager.
Face au défi climatique et énergétique, il faut s'engager.
Face à tous les désordres, il faut s'engager.
L'engagement, c'est la condition pour relever les défis collectifs que je viens d'évoquer ; c'est aussi une manière de conduire sa vie, de lui donner de la valeur.
Nous voulons dès le plus jeune âge susciter ce goût pour l'action généreuse, ce souci fondamental de l'autre.
Cela passe à l'école par les 400 heures d'enseignement moral et civique.
Cela passe par la journée défense citoyenneté qui a vocation à évoluer et à s'enrichir.
Cela passe par le développement exponentiel du service civique. Il concernera une demi-génération, 350 000 jeunes chaque année, à partir de 2018.
Cela passe par la création d'une réserve citoyenne pour ceux qui veulent intervenir auprès de la puissance publique.
Et cela passe évidemment par la vitalité associative que nous soutenons, dans un contexte budgétaire que malgré tout vous connaissez.
Un partenariat que nous avons voulu renouvelé avec la signature de la charte des engagements réciproques en février 2014.
Des financements que nous avons voulu sécuriser par la définition légale de la subvention, la diffusion de la circulaire du Premier Ministre en septembre dernier et désormais la publication d'un guide d'usage de la subvention.
Que nous essayons de libérer, avec la dématérialisation des principales démarches.
C'est sous le signe de l'engagement que je porterai prochainement un projet de loi pour l'égalité et la citoyenneté. De nouvelles mesures de soutien à cet écosystème de l'engagement seront prises.
Sans dévoiler plus qu'il ne convient ce projet, la reconnaissance de l'engagement sera effective, dans le domaine universitaire comme dans le domaine professionnel. L'engagement sera enfin considéré dans tout ce qu'il apporte à la personne en termes d'épanouissement et d'enrichissement.
Ce projet de loi instaurera un congé pour engagement de 6 jours fractionnables pour tous ceux qui assument des responsabilités au sein du monde associatif. Une mesure qui vient compléter le Compte engagement citoyen, prévu dans le projet de loi Travail et qui permettra notamment aux bénévoles des instances dirigeantes, via le compte personnel d'activité, d'acquérir des heures de formation.
Le projet de loi Egalité et Citoyenneté étendra encore les opportunités de volontariats en service civique.
Et d'autres mesures encore, qui sont dans le texte du gouvernement ou qui auront vocation à le compléter dans le débat parlementaire.
Mesdames, Messieurs,
Se passionner pour les autres ; faire de l'altruisme, de la générosité, les moteurs de sa vie, je trouve ça admirable.
Pour ma part, ce sont les valeurs de la République et du socialisme qui m'animent depuis que je suis adolescent.
De manière moins partisane, je parlerais des valeurs de justice, de solidarité et de fraternité.
On peut trouver cela un peu naïf, mais j'ai la conviction qu'elles font la grandeur de notre nation, et tout simplement la grandeur d'un être humain.
Je crois les avoir en partage avec vous, et cela suffit à me réjouir.
Source http://www.associations.gouv.fr, le 6 avril 2016