Texte intégral
Mon colonel,
Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, marsouins et soldats de la force Sangaris,
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui, de retrouver - pour la huitième fois - la République centrafricaine, à l'occasion de la cérémonie d'investiture du Président Touadéra. Je serai d'ailleurs rejoint tout à l'heure par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.
C'est un jour heureux pour la Centrafrique. Bien sûr, tout n'est pas résolu. Mais nous voyons enfin le pays sortir d'une longue période de troubles et d'incertitudes.
C'est aussi un jour de grande fierté pour vous, « les Sangaris », comme vous êtes appelés ici. Car l'élection du nouveau président est aussi l'aboutissement de votre engagement. C'est la reconnaissance des efforts patients et efficaces que vous et vos prédécesseurs avez menés depuis un peu plus de deux ans maintenant. Je veux, au nom de la France, mais aussi en me faisant l'écho du peuple centrafricain, vous en féliciter chaleureusement.
J'ai rencontré le président Touadéra au début du mois, à Paris, peu après son élection. Il sait le rôle que la France a joué ; il sait ce qu'il vous doit. Tout à l'heure, pendant la cérémonie d'investiture, j'éprouverai une grande fierté à représenter notre pays, à représenter l'armée française et les milliers de soldats des différents contingents de Sangaris qui se sont succédés ici.
Sangaris restera dans les mémoires comme un remarquable exemple de l'efficacité et du succès de nos armées en opérations extérieures.
Lorsque le Président de la République annonçait, le 5 décembre 2013, l'envoi de troupes françaises ici en Centrafrique, la mission était particulièrement périlleuse. Ce pays était alors en pleine guerre civile, déchiré par des tensions religieuses, en proie au chaos, au bord de situations pré-génocidaires. La France a d'abord été seule sur le terrain. Mais en l'espace de deux ans, la force Sangaris a réussi à ramener le calme, à sécuriser les zones vitales du pays et à empêcher l'inacceptable de survenir.
Avec des effectifs restreints, vous avez permis le déploiement de la mission de l'ONU, la MINUSCA, et celui de la mission européenne EUMAM RCA, je sais d'ailleurs que certains d'entre vous sont insérés dans cette mission. Vous avez rendu possible la tenue des élections, à la fin 2015 et au début de cette année, dans des conditions de sécurité et de transparence remarquables. Enfin, par un modèle d'efficacité, de pragmatisme et, disons-le aussi, de dévouement, vous avez su vous mettre en retrait lorsque c'est devenu nécessaire, et laisser faire l'ONU. Ainsi, depuis l'été 2015, vous êtes des garants discrets mais toujours présents, du processus de transition du pays, en soutien des forces internationales. Et je suis pour ma part convaincu que le calme et la sécurité des élections tiennent pour une grande part à l'efficacité dissuasive des soldats français.
Je suis donc fier du travail accompli par Sangaris mais je ne suis pas pour autant surpris. L'efficacité et le dévouement dont vous et vos prédécesseurs avez fait preuve, je les ai retrouvés à chacune de mes nombreuses visites sur les théâtres d'opération où l'armée française est engagée. Au Levant, où nos avions frappent sans relâche les terroristes de Daech ; au Sahel, où vos camarades de Barkhane pourchassent Al-Qaida au Magreb Islamique, AQMI ; en Méditerranée, où nos navires uvrent contre les filières d'immigration clandestine ; partout les armées françaises font la preuve d'une excellence professionnelle, d'une détermination qui sont dignes d'admiration. Je vous le dis comme je le pense, ce que nous avons accompli ici, en Centrafrique, et ce que nous avons fait au Sahel, peu d'armées au monde savent le faire.
Je suis conscient que de tels succès ne se font pas sans sacrifices. Je ne peux pas évoquer, ici, le bilan et le succès de Sangaris, sans avoir une pensée émue pour ceux à qui nous devons cette réussite et qui ne sont plus parmi nous aujourd'hui. A vos quatre camarades qui sont tombés dans l'accomplissement de leur mission ici, en Centrafrique, mais aussi à tous nos blessés, à leurs proches, nos pensées se portent de manière fraternelle.
Les sacrifices, ce sont aussi au quotidien la rusticité, les efforts, la fatigue, les conditions de vie spartiates. Les théâtres africains sont difficiles, que ce soit ici ou au Sahel, pour les hommes comme pour le matériel. Je le mesure et veux en cette occasion vous dire une fois de plus mon admiration pour votre endurance, votre résistance, tout en vous assurant de ma mobilisation pour améliorer à chaque fois que c'est possible les conditions d'engagement de nos armées.
L'année 2015 aura été difficile pour la France, avec des attentats d'une extrême gravité sur notre propre sol. Elle aura vu une mobilisation exceptionnelle de nos armées, avec 10 000 hommes déployés dans l'opération Sentinelle. Tout comme les OPEX, Sentinelle aura mis à l'épreuve la réactivité et le dévouement des armées françaises.
Cette mobilisation doit se poursuivre, alors que de nouveaux attentats viennent de frapper l'Europe en son cur et que la menace terroriste s'établit à des niveaux toujours particulièrement préoccupants. Je sais le prix de cette mobilisation, pour les unités, pour nos militaires, pour leur vie de famille.
Devant vous, je veux rappeler que ces sacrifices sont au cur de la vocation militaire. Ils font votre spécificité. Pouvoir compter dans les moments difficiles sur ses armées, voilà ce qui fait la force de la France, l'honneur de ses soldats. Dans ces heures dont j'ai souligné la gravité, nos armées sont bien le premier rempart, le rempart immédiat, de la Nation contre ceux qui la menacent.
Ce dévouement, je veux aussi le dire, doit être récompensé et accompagné. C'est la raison pour laquelle un effort important a été fait pour l'hébergement des unités de Sentinelle. Une prime leur a aussi été octroyée et une décoration spécifiquement créée. Ce sont là des signes de reconnaissance de la Nation pour votre valeur, en France comme à l'étranger.
Plus largement, c'est l'ensemble de l'Etat qui se mobilise pour accompagner les armées dans l'accomplissement de ces missions difficiles mais vitales. C'est le sens des décisions prises par le Président de la République d'annuler toutes les suppressions d'effectifs qui étaient encore prévues dans la défense, d'augmenter notre budget et de prendre des mesures d'amélioration de la condition militaire.
Je suis donc venu aujourd'hui avec un message de reconnaissance et de soutien de la Nation. En l'espace de deux années, avec une force réduite, mais parfaitement adaptée, l'armée française a réussi à remplir l'ensemble des objectifs qui lui avaient été assignés. Elle s'apprête à transmettre à la MINUSCA ainsi qu'à la future mission européenne EUTM RCA une situation stabilisée, avec en particulier une transition politique réussie. C'est une évidence : il faut avoir la réactivité d'ouvrir une opération extérieure, il faut aussi savoir fermer une opération extérieure.
C'est donc avec la satisfaction du devoir accompli que je peux vous confirmer la fin de l'opération Sangaris dans le courant de l'année 2016.
Tout n'est pas terminé en Centrafrique pour l'armée française. D'abord parce que Sangaris devra, comme je l'ai dit, transmettre effectivement le flambeau à la MINUSCA et à la mission européenne. Le retrait de nos forces ne sera donc pas immédiat, il se fera progressivement et il se fera en coordination avec les évolutions de ces deux missions, de la remontée en puissance de l'armée centrafricaine et tout cela évidemment en lien avec le Président Touadéra.
Ensuite parce qu'il restera des militaires français dans ce pays, mais sous une forme nouvelle que nous sommes en train d'élaborer. Pour les armées, cela se concrétisera par une implication accrue dans la MINUSCA, pour garantir sa robustesse, mais aussi une participation à la mission de l'Union Européenne EUTM RCA, qui prendra le relais de l'actuelle EUMAM RCA. Cela signifiera aussi la poursuite de la coopération bilatérale avec les forces centrafricaines.
Le soutien militaire de la France aux nouvelles autorités passera également par notre dispositif pré-positionné et notre Echelon National d'Urgence, en métropole, ainsi que par l'emploi en cas d'urgence de moyens déployés à proximité dans le cadre de l'opération Barkhane. A terme, l'armée française sera donc moins visible en Centrafrique, mais elle restera présente, active et vigilante.
Comme vous le voyez, la France continuera à soutenir les autorités démocratiques et légitimes de Centrafrique, mais sous une autre forme. Sangaris a depuis longtemps préparé cette transition, en soutenant la montée en puissance de la MINUSCA. Vous-mêmes avez su nouer des contacts réguliers, d'une grande qualité, avec nos partenaires sur le terrain, et je vous en félicite. Il vous reviendra, dans la suite de votre mandat, de mener à bien cette transition.
Enfin, tout n'est pas terminé parce qu'il savoir gérer le désengagement. Les chefs le savent, c'est une phase délicate, qui peut être critique, de la manuvre. Mais je sais que vous avez déjà commencé à planifier cette opération logistique avec le même professionnalisme qui vous aura distingué dans tout votre mandat.
Ce mandat est donc loin d'être achevé. Il vous reste encore beaucoup de travail à accomplir, et ce n'est pas nécessairement la partie la plus simple. Mais, de même que vous avez bien commencé votre mission, je vous fais pleine confiance pour la mener à son terme, car je connais votre excellence professionnelle et votre valeur collective et personnelle.
Ministre de la Défense, je suis impressionné par tous les militaires français que je rencontre, qu'il s'agisse des soldats de Sentinelle à Paris que j'ai vus la semaine dernière, ceux de Barkhane et de Chammal, ou encore ceux du mandat « Black Stork », ici, à Sangaris. Tous, vous apportez au quotidien la preuve d'un engagement magnifique. Bravo à vous, je suis fier de ce que vous avez fait, et je veux vous assurer, une nouvelle fois, de mon engagement personnel à vos côtés pour la réussite de vos missions.
Je vous souhaite, à tous et à toutes, une excellente fin de mission.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 avril 2016